Conseil de sécurité: face au manque de progrès, la fréquence des séances consacrées aux armes chimiques en Syrie est de plus en plus remise en cause
Moins de deux semaines après sa dernière réunion en date sur le dossier des armes chimiques en Syrie, le Conseil de sécurité était de nouveau réuni, ce matin, pour discuter de la question, malgré une totale absence de nouveaux éléments. Cet état de fait a provoqué la réaction de plusieurs membres du Conseil sur l’opportunité de la séance et, au-delà sur le bien-fondé de la fréquence actuellement mensuelle de ces réunions, mettant en lumière des divergences entre partisans d’une réduction du nombre des séances consacrées à l’aspect « armes chimiques » de la situation en Syrie, et tenants d’un rythme permettant de faire pression sur la Syrie et de dénoncer le non-respect de ses engagements.
En effet, a confirmé la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, tous les efforts déployés par le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour organiser le vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’Autorité nationale syrienne continuent d’être vains. La Syrie n’a par ailleurs toujours pas fourni suffisamment d’explications techniques relatives à la détection, en novembre 2018, d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations de Barzé, tout comme elle n’a pas transmis les informations demandées liées à l’incident chimique survenu à Douma le 7 avril 2018.
Le dernier rapport du Secrétaire général, dont le Conseil de sécurité a été saisi le 25 octobre dernier, est quasiment identique au précédent, a abondé avec elle la délégation de la Fédération de Russie, s’étonnant avec d’autres, de la tenue de la réunion d’aujourd’hui. Aucun autre sujet n’est examiné avec une telle fréquence, pas même la Libye, où la situation est tout aussi stagnante, a relevé le représentant, se demandant pourquoi la Syrie, qui fait déjà l’objet de sanctions sans précédent est autant ciblée.
La majorité des membres du Conseil ont exprimé les mêmes interrogations face au rythme « particulièrement rapproché » des séances. Après la Fédération de Russie, Chine, Brésil, Émirats arabes unis, Inde et A3 ont tout à tour jugé la séance du jour « inutile », « non opportune », y voyant une « perte de temps » et un « gaspillage » de ressources des Nations Unies et du Conseil de sécurité. Pour ces pays, la fréquence de ces séances qui n’apportent rien met en jeu non seulement la crédibilité du Conseil de sécurité, mais aussi celle de la Convention sur les armes chimiques. Ils se sont clairement prononcés en faveur d’un réexamen de la fréquence des réunions sur le dossier chimique syrien et ont demandé à ce que le Conseil réoriente ses ressources vers les questions dynamiques relatives aux défis auquel fait face le peuple syrien.
La Syrie a logiquement approuvé ce point de vue, de même que l’Iran. Il aurait été plus « fructueux » de tenir une séance sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien par les États-Unis et l’Union européenne, a même proposé le représentant syrien.
Un autre groupe de pays constitué des États-Unis, de l’Albanie, de l’Irlande, membres, et de la Türkiye, invitée aussi à la réunion, ont de leur côté jugé « important et nécessaire » que le Conseil continue de se réunir mensuellement sur ce dossier, qui a un lien avec le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, mais aussi pour montrer à la Syrie que son manque de coopération ne restera pas sans réponse et qu’il ne peut y avoir d’impunité pour ceux qui utiliseraient ces armes illégales et odieuses. Pour ces pays, l’absence de progrès, les incohérences de la déclaration initiale de la Syrie, l’impasse et le refus de coopération avec l’OIAC justifient au contraire le nombre élevé de ces réunions. Si la Syrie et ses alliés en veulent moins, ils pourraient commencer par répondre à la liste des 20 questions posées par le Secrétariat technique de l’OIAC, ont dit l’Albanie et les États-Unis pour qui, en attendant, la réunion mensuelle « restera d’actualité ».
Sans prendre clairement position, la Norvège et le Mexique ont jugé « regrettable » que le Conseil se réunisse à nouveau sans nouvelle évolution positive dans le dossier syrien. Les réunions comme celle-ci se succèdent sans que nous puissions assurer les victimes et leurs familles que bientôt justice sera rendue, a-t-il été dit.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a reconnu que tous les efforts déployés par le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour organiser le vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’Autorité nationale syrienne continuent d’être vains. Elle a ajouté que, comme cela a été souligné mensuellement depuis maintenant de nombreuses années, la pleine coopération de la Syrie avec les équipes du Secrétariat technique de l’OIAC est essentielle pour régler toutes les questions en suspens. Le Secrétariat technique de l’OIAC, a-t-elle dit, reste déterminé à assurer la mise en œuvre complète par la Syrie de toutes ses exigences en matière de déclaration et à l’aider à s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention, des décisions des organes directeurs de l’OIAC et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité. Mme Nakamitsu a en outre réaffirmé son « soutien à l’intégrité, au professionnalisme, à l’impartialité, à l’objectivité et à l’indépendance du travail de l’OIAC ».
La Haute-Représentante a dit avoir le regret d’informer le Conseil que la Syrie n’a pas encore fourni suffisamment d’informations ou d’explications techniques qui permettraient au Secrétariat technique de l’OIAC de clore la question liée à la détection d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations de Barzé du Centre d’études et de recherches scientifiques en novembre 2018. Mme Nakamitsu a constaté en outre que les autorités syriennes n’ont pas non plus transmis les informations demandées, liées à l’incident chimique survenu à Douma le 7 avril 2018. La République arabe syrienne doit répondre de toute urgence à toutes les demandes du Secrétariat technique de l’OIAC, a-t-elle insisté.
Mme Nakamitsu a ensuite indiqué que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC continue d’étudier toutes les informations disponibles, relatives aux allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Elle a ensuite réitéré les appels du Secrétaire général de l’ONU à ce que ce que ce pays coopère pleinement avec le Secrétariat technique de l’Organisation à cet égard, ainsi que le message de M. Guterres selon lequel « l’utilisation d’armes chimiques est intolérable ». Il demeure impératif d’identifier et de tenir responsables tous ceux qui ont utilisé des armes chimiques en Syrie, ne pas le faire signifiant non seulement un manquement à rendre justice aux victimes de ces armes inhumaines, mais également une érosion constante des normes internationales interdisant l’utilisation d’armes chimiques, a également déclaré Mme Nakamitsu. Pour elle, ce n’est qu’en tenant les auteurs d’attaques chimiques responsables de leurs crimes que le tabou contre ces armes pourra être entièrement rétabli.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a fait observer que la présente séance intervient après celle du 25 octobre, soulignant qu’aucun autre sujet n’est examiné avec une telle fréquence, ce qui est absurde. Le dernier rapport du Secrétaire général est quasiment identique au précédent avec seulement 2 propositions supplémentaires, a fait remarquer le représentant, qui s’est interrogé sur le maintien d’une telle fréquence, qui compromet la crédibilité du Conseil, lequel devrait plutôt discuter de sujets plus dynamiques. Il a remercié le Ghana pour avoir envoyé à M. Fernando Arias une invitation afin de s’exprimer publiquement devant le Conseil, avant de constater que ce dernier l’avait déclinée, l’accusant d’être incapable de parler de quoi que ce soit de concret. M. Polyanskiy a prévenu que la perte de la crédibilité du Conseil pourrait devenir irréversible, avant de signaler que son pays n’avait toujours pas reçu de réponse à ses propres questions, dénonçant l’approche erronée de M. Arias.
Le représentant a aussi rappelé le rapport de la Mission d’établissement des faits sur l’incident de Douma, dont la version définitive avait été considérablement modifiée, ce qui met à nouveau en question la crédibilité des inspecteurs, qui, d’ailleurs, ont fait l’objet de poursuites. Concernant la Convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC), il s’est demandé pour quelle raison la Syrie était tellement visée, à l’inverse de certains autres pays comme la Libye, d’autant qu’il n’y a aucune avancée positive. La Syrie est aussi l’objet de sanctions sans précédent, a poursuivi M. Polyanskiy, qui a reproché au Secrétariat de l’OIAC ses méthodes hautement suspectes. L’ancien attaché de presse de l’OIAC avait indiqué que celle-ci n’analyserait jamais des échantillons qui ne sont pas prélevés sur le terrain, a-t-il encore souligné, dénonçant une pratique sélective du Secrétariat, qui, à propos de la Syrie, prend toutes les informations qui lui viennent, y compris des « Casques blancs ». Le Groupe sur l’identification et l’enquête, quant à lui, est tout à fait illégitime car mis sur pied par des pays occidentaux. Il a cité en exemple le rapport sur l’attaque à l’arme chimique, le 29 avril 2013, à Saraqeb, province d’Edleb, qui fournit des détails farfelus, comme des hélicoptères qui survolent à basse altitude, ou d’un cylindre usé par la rouille alors que personne ne s’est rendu pour le vérifier sur place. On nous annonce de nouveau produits qui seraient prochainement fournis par ce même groupe, a-t-il ajouté. Il a estimé que M. Arias devrait se présenter devant le Conseil pour étayer sa position. Son refus contraste avec le comportement du Chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont le Directeur général, M. Grossi, s’est déplacé pour vérifier les preuves in situ, a-t-il enfin pointé.
M. RICHARD MILLS (États-Unis) a regretté l’absence d’avancée sur le dossier, pressant la communauté internationale de continuer d’œuvrer pour traduire en justice le régime d’Assad pour avoir utilisé les armes chimiques contre son propre peuple. Pour le Représentant, tant qu’il y aura des incohérences dans les déclarations de la Syrie, la réunion mensuelle « restera d’actualité ».
Le représentant a en outre rappelé l’adoption en Première Commission de l’Assemblée générale d’une résolution sur la mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, qui condamne sans équivoque l’utilisation de ces armes en toute circonstance. Dès lors, pour les États-Unis, le message des Nations Unies est clair: aucune impunité n’est possible pour les auteurs de ces attaques.
Le représentant a indiqué que les États-Unis avaient imposé des restrictions de visa à trois officiers militaires de la Syrie pour leur implication dans les recours à l’arme chimique, précisant en outre que c’est du gaz sarin qui a été utilisé, entraînant la mort de 1 400 personnes, dont des femmes et des enfants. L’OIAC et les Nations Unies, ensemble et séparément, ont confirmé « en toute indépendance » l’utilisation par le régime syrien d’armes chimiques à huit reprises, a rappelé le représentant, qui s’est dit convaincu que les prochains rapports de l’OIAC viendraient confirmer ces faits, et d’autres. D’après nos analyses, le régime Assad a utilisé au moins 50 fois des armes chimiques depuis sa ratification de la Convention sur ces armes en 2013, a affirmé le représentant, pour qui les attaques menées dans la Ghouta et ailleurs devront faire l’objet d’enquêtes judiciaires.
Pour les États-Unis, le régime d’Assad continue d’entraver le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie et, là encore, il contrevient aux résolutions du Conseil de sécurité. C’est pourquoi, ils appellent la Syrie à autoriser, sans condition, les équipes de l’OAIC sur son territoire, de façon à vérifier que le programme d’armes chimiques a bien été totalement détruit.
Malheureusement, a poursuivi le représentant, avec l’aide de la Russie, le régime continue à défier la communauté internationale et l’OAIC. Le fait de ne pas avoir déclaré et détruit son arsenal chimique constitue une menace pour le peuple syrien et toute la région. D’où l’appel des États-Unis au régime Assad pour qu’il cesse son intransigeance et honore les obligations qui lui incombent. Ce serait un « pas en avant » pour plus de sécurité dans le monde et pour que « plus jamais ne se reproduisent les scènes terribles » dont le monde a été témoin en Syrie depuis maintenant neuf ans, a conclu le représentant.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a rappelé que le Conseil s’est réuni sur ce même sujet, il y a quelques jours à peine, avant d’estimer que les discussions sur les armes chimiques en Syrie devraient refléter les progrès sur le terrain, qui restent malheureusement au point mort depuis plusieurs mois. Pour autant, la représentante a dit apprécier la récente communication entre les points focaux de la Syrie et le Secrétariat technique concernant une éventuelle réunion à venir. Dans le même temps, elle a dit continuer de croire que des progrès sur d’autres voies contribueraient également à faciliter le processus de paix politique global en Syrie, comme le préconise la résolution 2254 (2015).
M. XING JISHENG (Chine) a estimé que les discussions sur l’arsenal chimique syrien se tiennent à un rythme particulièrement rapproché. Selon lui, le dialogue et les consultations sont la seule manière de trouver des solutions efficaces, la Syrie et le Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques devant poursuivre leurs communications sur un pied d’égalité pour que puisse avoir lieu une réunion entre l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères. En outre, le représentant a appelé à la levée des obstacles techniques à l’organisation du vingt-cinquième cycle de consultations.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a remarqué que la Syrie a eu neuf ans pour se conformer à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et que huit attaques à l’arme chimique contre son peuple ont été identifiées. Ce pays n’a pas respecté les demandes de la Convention, tout comme il ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité. La Russie contribue à faciliter le comportement de la Syrie en s’attaquant à l’OIAC, qui est pourtant une organisation d’experts hautement spécialisés. Le Royaume-Uni appelle à ne pas laisser la Russie saper l’OIAC par la désinformation.
Mme YOUSUF (Émirats arabes unis) a estimé qu’aucun élément nouveau ne justifiait la tenue de cette réunion, soulignant l’importance d’utiliser le temps et les ressources de ce Conseil de manière judicieuse, notamment à la lumière des développements mondiaux actuels.
C’est pourquoi, la représentante a suggéré de reconsidérer le nombre de réunions que le Conseil tient sur le volet des armes chimiques en Syrie.
Réitérant par ailleurs, la position inébranlable de son pays sur ce dossier, la déléguée a souligné la nécessité de veiller à ce que ces armes ne tombent pas entre les mains de groupes terroristes, qui n’hésiteront pas à les utiliser à des fins néfastes.
Enfin, les Émirats arabes unis pays soulignent l’importance d’un dialogue constructif et continu entre l’OIAC et la Syrie afin de résoudre tous les problèmes non résolus. Pour la représentante, les consultations ne peuvent être remplacées par une correspondance écrite, qui ne permettra pas d’atteindre les résultats souhaités.
M. CHRISTIAN TONATIUH GONZÁLEZ JIMÉNEZ (Mexique), rappelant que le 30 novembre marque la Journée internationale de commémoration de toutes les victimes de la guerre chimique, s’est dit alarmé par le fait que les preuves recueillies par la Commission d’enquête montrent que, sur un total de 38 attaques meurtrières confirmées, « 25 se sont produites après 2016 ». Or, c’est à partir de cette date que des avancées sur la destruction d’armes chimiques en Syrie ont été constatées, a-t-il ajouté. Le représentant a également noté que si la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité exprime la nécessité de traduire en justice les responsables de l’utilisation d’armes chimiques dans ce pays, les progrès dans ce domaine laissent encore beaucoup à désirer. Les réunions du Conseil comme celle-ci se succèdent sans que nous puissions assurer les victimes et leurs familles que bientôt justice sera rendue, a-t-il conclu.
Mme MEENA ASIYA SYED (Norvège) a jugé regrettable que le Conseil se réunisse à nouveau sans nouvelle évolution positive dans le dossier syrien. Il ne peut rester silencieux au milieu d’un tel statu quo aussi prolongé, a dit la représentante, appelant la Syrie à remplir ses obligations conformément à la Convention sur les armes chimiques et à la résolution 2118 (2013) du Conseil. Pour ce faire, elle a exhorté la Syrie à fournir suffisamment d’informations techniques ou d’explications pour concilier les lacunes, les incohérences et les divergences identifiées dans sa déclaration initiale. De même, la Syrie doit achever les mesures nécessaires pour lever la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques. Enfin, la représentante a apporté son soutien à tous les préparatifs visant à faciliter une rencontre entre le Directeur général de l’OIAC, M. Oscar Arias, et le Ministre syrien des affaires étrangères, M. Faisal Mekdad dans les meilleurs délais.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé qu’en 2013, le régime syrien a assassiné plusieurs milliers de civils dans la banlieue de Damas avec des armes proscrites par le droit international. La réalité de cette attaque odieuse n’a été contestée par personne, alors que ce Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 2118, a déploré le représentant.
De fait, mois après mois, le Conseil ne peut que déplorer l’absence de progrès, a ensuite constaté le représentant. Après avoir essuyé six refus de la part du régime, le Secrétariat technique a dû renoncer à déployer sur le terrain l’Équipe d’évaluation des déclarations initiale syrienne, a encore rappelé M. de Rivière, qui a enjoint à la Syrie à faire la lumière sur l’intégralité de ses stocks. Elle doit se mettre en conformité avec ses obligations internationales si elle veut rétablir ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la CIAC, a-t-il insisté. C’est pourquoi le représentant a exhorté la Syrie à répondre par écrit aux questions adressées par le Secrétariat technique sur sa déclaration initiale, afin que puisse se tenir la réunion à Beyrouth entre les deux parties. En attendant, la France sera très attentive aux conclusions des prochains rapports de l’Équipe d’enquête et d’identification sur les attaques de Douma et Marea.
Enfin, le représentant a salué de nouveau le Secrétariat de l’OIAC pour la ténacité avec laquelle il poursuit son travail d’enquête, son indépendance et professionnalisme, et jugé « inadmissibles » les campagnes de discrédit menées à son encontre.
M. TAINÃ LEITE NOVAES (Brésil) a rappelé qu’il y a moins de deux semaines le Conseil s’était réuni pour discuter de cette même question qu’il n’y avait eu depuis lors aucune nouvelle information. Il a estimé une telle réunion non opportune en l’absence de nouveaux éléments, ajoutant que les armes chimiques ne devraient pas avoir de place dans le monde contemporain, et que tout incident devrait faire l’objet d’enquête conforme à la Convention sur les armes chimiques.
M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) a regretté la situation d « d’absurde stagnation » qui « parle plus fort que nos déclarations » du refus de la Syrie de coopérer de bonne foi avec la communauté internationale pour vérifier la réalité de la destruction de ses armes chimiques. Si la Syrie et ses alliés veulent moins de réunions sur le programme d’armes chimiques, ils pourraient commencer par répondre à la liste des 20 questions posées par le Secrétariat technique de l’OIAC auxquelles la Syrie n’a toujours pas répondu, a fait observer le représentant.
Accusant le régime syrien de se « moquer » de la communauté internationale, le représentant a jugé « regrettable » que certains États au sein de ce Conseil tentent de minimiser les conséquences de l’utilisation d’armes chimiques ou, pire encore, de prétendre qu’elles n’ont jamais été utilisées, dans le but de blanchir les responsables pour leurs intérêts politiques étroits. Malgré toutes ces tentatives, l’Albanie ne se lassera jamais de condamner dans les termes les plus forts toute utilisation d’armes chimiques par des acteurs étatiques ou non étatiques, ni de réclamer des comptes et la justice pour les victimes, a conclu le délégué.
Mme CAÍT MORAN (Irlande) a déclaré qu’alors que le Conseil de sécurité demande à la Syrie de répondre à la question de savoir si elle continue ou non d’utiliser, de fabriquer ou de conserver des armes chimiques, sa seule réponse est de réduire sa coopération avec l’OIAC et de conditionner sa coopération avec l’Équipe d’évaluation, au mépris de la résolution 2118 (2013). Dans le même temps, la Syrie, avec la Fédération de Russie, cherche activement à saper l’autorité et l’indépendance de l’OIAC et à masquer sa culpabilité.
Dans ce contexte, a poursuivi la représentante, le Conseil doit maintenir ses décisions énoncées dans la résolution 2118 (2013) et la Syrie doit s’engager, de toute urgence, de manière sérieuse et significative avec le Secrétariat technique pour répondre aux 20 questions en suspens relatives à sa déclaration initiale. Le Conseil ne peut pas simplement hausser les épaules: des discussions régulières sont nécessaires pour montrer à la Syrie que son manque de coopération ne restera pas sans réponse et qu’il ne peut y avoir d’impunité pour ceux qui utiliseraient ces armes illégales et odieuses, a conclu la représentante.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya) s’est dit préoccupé par le fait qu’il n’y a pas eu de progrès tangibles de la part des parties prenantes dans leurs tentatives de régler pleinement la question des armes chimiques en Syrie. Pour les A3, ce fait remet en question la pertinence de la fréquence à laquelle le Conseil se réunit sur un dossier qui enregistre peu, ou pas, de progrès. C’est pourquoi les A3 s’associent à d’autres membres du Conseil pour demander un réexamen de cette fréquence et réorienter les ressources du Conseil vers le traitement de questions urgentes relatives aux défis auquel fait face le peuple syrien.
Après avoir souligné que l’incapacité de la communauté internationale à détruire complètement et de manière vérifiable toutes les armes chimiques de la République arabe syrienne créerait un mauvais précédent en ce qui concerne la production et l’utilisation de ces armes, M. Agyeman a rappelé que seule la coopération entre l’Autorité nationale syrienne et le Secrétariat technique de l’OIAC pourrait faciliter le règlement définitif des questions en suspens, notamment l’organisation du vingt-cinquième cycle de consultations avec l’Équipe d’évaluation des déclaration.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a dit n’être nullement étonné qu’encore une fois en moins de quinze jours, le Conseil se réunisse même s’il n’y a aucune nouvelle information. Il a dénoncé cette approche de gaspillage de temps et de ressources et s’est interrogé sur les raisons qui font que certains pays s’obstinent à ignorer les appels de la majorité des membres du Conseil en vue de la rationalisation de son temps et de ses ressources. Le représentant a estimé qu’il aurait été plus fructueux de tenir une séance sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien par les États-Unis et l’Union européenne aux fins de démontrer leurs conséquences inhumaines catastrophiques affectant leurs existences et l’accès aux services de base.
M. Sabbagh a jugé par ailleurs que les mêmes accusations, fallacieuses du reste, sont irresponsables, inacceptables et incompatibles avec les obligations au titre de la Charte des Nations Unies visant au maintien de la paix et la sécurité internationales. Il a estimé que cette obstination, depuis 2011, ne vise qu’à s’ingérer dans les affaires du pays et vise notamment ses ressources naturelles.
Le représentant a ainsi considéré comme illégal l’établissement d’une équipe d’enquête et de vérification, illégitime et aux méthodes non professionnelles. Il a encore une fois prévenu que ses conclusions seraient nulles et non avenues pour la Syrie qui, elle, a coopéré avec la plus grande transparence avec l’OIAC pour démanteler ses installations. Chaque mois, elle a fourni un rapport -le dernier étant l’édition 107- avec des informations détaillées, a affirmé le représentant, qui a aussi rappelé la dernière extension de l’Accord tripartite qui arrivera à échéance à la fin de l’année en cours. Ces neuf dernières années, les autorités ont octroyé plus de 500 visas techniques au personnel de l’OIAC et ont facilité 24 consultations pour l’Équipe d’évaluation des déclarations, a-t-il rappelé, avant de saluer la prochaine tenue du vingt-cinquième cycle de consultations. Il a rappelé sa réserve quant à la participation d’un seul expert au sein de l’équipe, lequel, a-t-il affirmé, ne jouit pas des qualifications techniques nécessaires.
Le représentant a aussi indiqué que les autorités syriennes ont organisé deux cycles de haut niveau avec le Directeur général de l’OIAC et en préparent un autre. Il a espéré que ces consultations pourront avoir lieu au plus vite. Il a déploré que le Secrétariat technique de l’OIAC continue de considérer certaines questions comme non concluantes, tout en indiquant que les discussions et la coopération se poursuivent car la Syrie honore ses obligations et n’a absolument rien à cacher. Il a critiqué, avant de les condamner, les agissements cyniques de certains pays. Les États-Unis et leurs alliés occidentaux considèrent qu’en martelant les mêmes mensonges sur la Syrie, on finira par les croire, a-t-il accusé.
M. ÖNCÜ KEÇELI (Türkiye) a estimé, en tant que pays limitrophe de la Syrie, qu’il était « important et nécessaire » que Conseil de sécurité se réunisse chaque mois sur ce dossier, qui a un lien direct avec le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. À ceux qui avancent que le dossier n’a pas avancé, le représentant a répondu que le fait de se trouver dans une impasse justifie peut-être la multiplication de ces réunions.
Revenant sur le dernier rapport de l’OIAC, le représentant a fait valoir que les questions en suspens ayant trait aux déclarations initiales et suivantes de la Syrie restent d’actualité, eu égard aux incohérences constatées et qui demeurent. De plus, l’absence de délivrance de visa par ce pays est, à ses yeux, une entrave aux travaux de l’OAIC. Par ailleurs, le Secrétariat technique de l’OIAC continue d’attendre une réponse aux requêtes envoyées concernant en particulier les cylindres de chlore qui auraient été utilisés à Douma en 2018. Pour la Türkiye, la Mission d’établissement des faits ainsi que les équipes d’enquêtes et d’identification ont déployés des activités qui seront essentielles à l’établissement de la vérité. « Nous accompagnons ces enquêtes et attendons avec impatience le prochain rapport qui sera consacrée à l’attaque de 2018 à Douma », a insisté le représentant.
Pour finir, le représentant a rappelé l’importance de veiller à traduire en justice les auteurs des attaques chimiques car faire cesser l’impunité est aussi une façon de rendre hommage et justice à la centaine de morts, victimes de ces attaques.
M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (République islamique d’Iran) a rappelé que la dernière réunion du Conseil de sécurité sur le dossier des armes chimiques syriennes a eu lieu le 25 octobre dernier, c’est-à-dire il y a moins de deux semaines. À ce jour, aucun nouveau développement ne s’est produit. Par conséquent, il est clair pour l’Iran qu’il n’y a rien de nouveau pour la réunion d’aujourd’hui, sinon la répétition des revendications à l’encontre de la République arabe syrienne.
Pour le représentant, la tenue de réunions mensuelles sur ce sujet est inutile et coûteuse, non seulement en termes de ressources de l’ONU, mais aussi en termes de temps de travail pour le Conseil de sécurité. De plus, alors que la République arabe syrienne a satisfait aux exigences de la Convention et continue de coopérer de manière constructive avec l’OIAC, traiter de ce dossier de manière politique et politicienne ne fera que détourner les discussions de leur caractère technique, a-t-il mis en garde.
L’Iran soutient un examen de la question sous son angle technique au sein de l’OIAC, afin de favoriser un dialogue positif entre la Syrie et l’OIAC et de résoudre les questions en suspens. À cet égard, la réunion de haut niveau entre le Ministre syrien des affaires étrangères et le Directeur général de l’OIAC, qui pourrait avoir lieu à Beyrouth, a la capacité d’ouvrir la voie aux parties pour résoudre les questions en suspens, a conclu le représentant.
Reprenant la parole, le Brésil a prié l’Albanie d’éviter de parler « d’alliés » de la Syrie à propos des pays qui remettent en cause la fréquence des séances sur les armes chimiques dans ce pays, ce que la majorité des membres du Conseil ont d’ailleurs fait.
L’Albanie a indiqué que le Brésil avait mal interprété ses propos car il s’agissait de rappeler que rien ne progresse sur ce dossier et qu’en règle générale, faute de progrès, le Conseil ne se réunit pas. Cela n’a rien à voir avec les déclarations du Brésil.