Conseil de sécurité: L’accès humanitaire transfrontière, le choléra et le blocage autour de la Commission constitutionnelle au cœur de l’examen de la situation en Syrie
Les membres du Conseil de sécurité n’ont pu que constater, ce matin, à l’instar de l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pedersen, l’impasse qui paralyse les travaux de la Commission constitutionnelle et l’ampleur des besoins humanitaires à l’approche de l’hiver dans un contexte marqué par la propagation du choléra et la recrudescence des activités de groupes terroristes.
S’agissant de la reprise potentielle des travaux de la Commission constitutionnelle, l’Envoyé spécial pour la Syrie a rappelé que les représentants du Gouvernement syrien avait décidé de ne pas se rendre à Genève en attendant une solution relative aux questions soulevées par la Fédération de Russie au sujet du lieu des discussions.
La délégation russe a en effet estimé que l’adhésion de la Suisse aux sanctions antirusses et antisyriennes n’en fait plus une « plateforme neutre », demandant qu’un site alternatif soit choisi ou que la Suisse fournisse des garanties appropriées aux délégués qui prendraient part aux négociations.
C’est précisément l’intransigeance de la Russie et du « régime syrien » qui entrave le processus étape par étape de l’Envoyé spécial, a répliqué le Royaume-Uni, qui, comme d’autres membres du Conseil, a exhorté à une dépolitisation de la Commission constitutionnelle. Pour la France, qui a demandé à la Russie de cesser de prendre ce processus en otage, les travaux de la Commission constitutionnelle doivent reprendre à Genève, comme agréé par les parties syriennes dans les termes de référence.
M. Geir Pedersen a cependant prévenu que même si les sessions de la Commission constitutionnelle devaient reprendre à Genève, cela ne suffirait pas à rétablir la crédibilité de la Commission aux yeux de la plupart des Syriens et des acteurs internationaux. Aussi cherche-t-il donc à travailler avec les parties et les coprésidents afin que la reprise des réunions soit marquée par la volonté politique de s’engager dans un esprit de compromis. Il a aussi insisté sur la nécessité de parvenir à un règlement politique négocié, qui permettrait au peuple syrien de prendre les rênes de son destin aboutissant à la tenue d’élections libres et justes.
Dans le cadre des mesures de rétablissement de la confiance, la question des personnes portées disparues ou détenues arbitrairement a été soulevée à plusieurs reprises ce matin, la Norvège appelant notamment à l’application de l’amnistie par les autorités syriennes. L’Envoyé spécial a cependant indiqué que des cas de détention arbitraires continuent d’être signalés et qu’aucune évolution n’a été constaté six mois après le décret présidentiel d’amnistie, déplorant l’absence d’information officielle et de suivi indépendant ainsi que le manque de transparence.
Il a également exhorté toutes les parties prenantes à appuyer les mesures de renforcement de la confiance étape par étape pour progresser dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015). Cette confiance doit faire fond sur des mesures concrètes qui répondent aux préoccupations du peuple syrien. Pour atteindre cet objectif, les mesures initiales doivent être précises, réciproques, vérifiables et mises en œuvre en parallèle, a-t-il détaillé.
De son côté, la Directrice de la Division des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a insisté sur l’importance de maintenir l’accès humanitaire transfrontière et d’augmenter l’accès par-delà les lignes de front. Faute de renouvellement de l’accès transfrontière, en plein hiver et en pleine riposte contre le choléra, des millions de personnes risquent d’être coupées de l’accès dans le nord-ouest de la Syrie lorsqu’elles en ont le plus besoin, a averti Mme Reena Ghelani qui a indiqué que le nombre de personnes nécessitant une aide en matière d’hivérisation a augmenté de 30% en un an.
Alors que la pandémie de choléra se propage dans le pays, elle a également jugé le moment venu pour les donateurs de convertir leurs promesses de dons en déboursements de fonds, attirant l’attention sur les répercussions des problèmes d’approvisionnement en eau. Les récoltes étant au plus bas, et l’insécurité alimentaire, incontrôlable, les Syriens ne peuvent se permettre d’acheter que 15% de la nourriture qu’ils pouvaient se procurer il y a trois ans, a-t-elle signalé.
Le mécanisme d’aide transfrontalière reste une bouée de sauvetage, a affirmé l’Irlande qui, au nom de la Norvège, les deux pays étant porte-plume du dossier humanitaire syrien, a également salué l’achèvement de la huitième livraison par-delà les lignes de front. Dans le même esprit, le Mexique a mis l’accent sur l’urgence d’un renouvellement de l’autorisation de l’aide transfrontière dans le nord-ouest de la Syrie via le point de passage de Bab el-Haoua. Une position également partagée par l’Albanie, le Gabon au nom des A3, ainsi que le Brésil qui a toutefois souligné que sans un cessez-le-feu, la durabilité des projets de relèvement rapide restera insaisissable.
La pénurie d’eau potable a vivement interpellé les Émirats arabes unis, inquiets de la situation à cet égard dans les camps surpeuplés de personnes déplacées. De son côté, la République arabe syrienne a alerté que si la communauté internationale ne condamne pas et n’arrête pas le détournement des sources hydriques, la population en pâtira, affirmant que l’eau est utilisée comme arme contre les civils. Elle a également dénoncé les dommages résultant des « sanctions inhumaines » imposées par les États-Unis et la Türkiye.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2022/775)
Déclarations
M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, évoquant le vingt-deuxième anniversaire de la résolution 1325 (2000), a déclaré que pendant près de 12 ans maintenant, « il n’y a aucune indignité » que les femmes et filles syriennes n’ont pas subie: pauvreté et malnutrition; détention; disparition et enlèvement; agressions sexuelles et viols; mariages forcés et précoces; violences en tout genre en portant des enfants et déni d’éducation et de moyens de subsistance, a-t-il débité. Les militantes de la société civile sont trop souvent les cibles de violences lorsqu’elles s’engagent dans la vie publique, a dénoncé M. Pedersen, ajoutant que les dirigeantes pour les droits civils et politiques luttent quant à elles pour obtenir leur siège à la table des négociations. Il a ensuite informé que lui et son adjointe, Mme Rochdi, continuaient à mettre sur pied des plateformes comme le Conseil consultatif des femmes syriennes et l’Espace d’appui à la société civile aux fins de garantir l’accès politique des femmes. Ils continuent également de plaider en faveur d’un quota de 30% au moins au sein des organes politiques syriens.
Hélas, le processus politique n’a pas donné les résultats escomptés et, alors que le conflit se poursuit, les civils continuent de payer un lourd tribut du fait de la violence, a poursuivi l’Envoyé spécial. Il a rappelé qu’après les affrontements entre les groupes d’opposition armés ces dernières semaines, le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham a déployé des combattants à Afrin et jusqu’aux abords d’Azaz. Ailleurs, le groupe terroriste Daech demeure une menace sérieuse, une des principales caches d’armes depuis la chute du califat ayant été récemment découverte dans le nord-est de la Syrie, ce qui démontre sa capacité de mener des attaques. D’autre part, des frappes aériennes progouvernementales ont été alléguées dans le nord-ouest de la Syrie, notamment à Edleb et dans les environs d’Azaz. Dans le nord-est, les violences se poursuivent, avec des allégations fréquentes d’attaques de drones, de tirs d’obus et des confrontations entre les Forces démocratiques syriennes, d’une part, et la Türkiye et les groupes armés de l’opposition, de l’autre. Des frappes ont également été signalées à proximité des forces américaines à Deïr el-Zor, tandis que le sud-ouest est le théâtre d’une série d’incidents, en particulier des embuscades, assassinats et attaques avec des engins explosifs improvisés. L’Envoyé spécial a aussi fait état de frappes aériennes imputées à Israël, ayant touché, une fois de plus, les aéroports internationaux de Damas et d’Alep. M. Pedersen a appelé toutes les parties à protéger les civils et les infrastructures civiles et à œuvrer pour une réconciliation nationale. Les parties sont aussi appelées à trouver des moyens de coopérer pour contrer les groupes terroristes figurant sur la liste du Conseil de sécurité d’une manière qui respecte le droit international humanitaire et préserve la stabilité, la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il ajouté.
Abordant le volet économique, l’Envoyé spécial a indiqué que la livre syrienne a perdu encore de sa valeur au cours des dernières semaines et que le prix des denrées alimentaires et du carburant a augmenté, ce qui laisse présager une crise économique et alimentaire cet hiver. Il a appelé à un accès humanitaire transfrontière et par-delà les lignes de front, insistant en outre sur l’importance de trouver une solution au problème de l’approvisionnement en eau. M. Pedersen a ensuite indiqué que des cas de détention arbitraires continuent d’être signalés et qu’aucune évolution n’a été constaté six mois après le décret présidentiel d’amnistie, déplorant l’absence d’information officielle et de suivi indépendant ainsi que le manque de transparence. Il a exhorté toutes les parties prenantes à appuyer des mesures de renforcement de la confiance étape par étape pour progresser dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015). Cette confiance doit faire fond sur des mesures concrètes qui répondent aux préoccupations du peuple syrien. Pour atteindre cet objectif, les mesures initiales doivent être précises, réciproques, vérifiables et mises en œuvre en parallèle, a-t-il détaillé.
S’agissant de la reprise potentielle des travaux de la Commission constitutionnelle, il a rappelé que les représentants du Gouvernement syrien avaient décidé de ne pas se rendre à Genève en attendant une solution relative aux questions soulevées par la Russie au sujet du lieu des discussions. Il a cependant prévenu que même si les sessions devaient reprendre à Genève, cela ne suffirait pas à rétablir la crédibilité de la Commission aux yeux de la plupart des Syriens et des acteurs internationaux. Il a expliqué qu’il cherche donc à travailler avec les parties et les coprésidents afin que la reprise des réunions soit marquée par la volonté politique de s’engager dans un esprit de compromis. Il a aussi évoqué la nécessité d’un règlement politique négocié, qui permettrait au peuple syrien de prendre les rênes de son destin aboutissant à la tenue d’élections libres et justes, en demandant au Conseil de soutenir ses efforts avec les parties.
Mme REENA GHELANI, Directrice de la Division des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), qui s’exprimait au nom du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaire et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré qu’en Syrie, les communautés sont prises dans l’étau des crises vertigineuses économiques, de santé publique et de la sécurité tandis que le conflit fait encore des morts et des blessés parmi les civils, sur les lignes de front plus particulièrement. Ainsi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 92 civils au moins ont été tués et 80 autres blessés en août et septembre. Parmi eux, 27 ont été tués par des restes d’engins explosifs de guerre; a-t-elle précisé, ajoutant que la Syrie affiche le nombre le plus élevé au monde de victimes d’engins explosifs, et que deux sur trois sont des enfants. Par ailleurs, des opérations sécuritaires ont endommagés les refuges dans le camp de Hol et restreint temporairement l’accès aux services et à l’assistance humanitaire. Beaucoup d’enfants ont été détenus et les partenaires humanitaires n’ont toujours pas accès à ces mineurs, s’est-elle inquiétée.
Mme Ghelani a signalé, d’autre part, que l’épidémie du choléra se propageait rapidement dans toute la Syrie, une situation aggravée par la pénurie en eau. Ainsi, plus de 20 000 cas suspectés de choléra ont été rapportés dans les 14 provinces et 75 personnes sont mortes des suites de la maladie. « C’est une tragédie mais pas une surprise », a commenté Mme Ghelani, notant que des millions de Syriens n’ont pas accès à une eau saine et à suffisance, et que le système sanitaire a été dévasté par plus de 10 années de conflit, situation à laquelle s’ajoute une faible pluviosité. À titre d’exemple, elle a expliqué qu’entre le 11 août et le 20 octobre, la station d’eau d’Alouk n’a pas pu approvisionner près d’un million de personnes dans la ville de Hassaké et les camps avoisinants; et qu’il en était de même à Bab où quelque 185 000 personnes sont en proie à des graves pénuries d’eau. Depuis un an déjà, les Nations Unies et leurs partenaires n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme sur cette crise dans le nord de la Syrie, a rappelé l’oratrice qui a prévenu que cette crise risque d’empirer, les prévisions faisant état de précipitations en deçà de la normale.
Elle a ensuite indiqué que le plan de trois mois de riposte au choléra, coordonné par l’ONU, requiert 34,4 millions de dollars pour permettre à 162 000 personnes d’accéder aux services de santé et fournir des services d’assainissement, de l’eau et une assistance hygiénique à cinq millions de personnes. Le moment est venu, a-t-elle dit, pour que les donateurs convertissent leurs promesses pour la réponse au choléra par des avances de déboursements de fonds. Mme Ghelani a également fait savoir que les récoltes sont au plus bas, et que l’insécurité alimentaire devient incontrôlable, les Syriens ne pouvant se permettre d’acheter que 15% de la nourriture qu’ils pouvaient se procurer il y a trois ans. Par ailleurs, le nombre personnes nécessitant une aide en matière d’hivérisation a augmenté de 30% en un an. Elle a exhorté à maintenir l’accès humanitaire transfrontière et à augmenter l’accès par-delà les lignes de front. Faute de renouvellement de l’accès transfrontière, en plein hiver et en pleine riposte contre le choléra, des millions de personnes risquent d’être coupées de l’accès dans le nord-ouest de la Syrie lorsque qu’elles en ont le plus besoin, a-t-elle averti. .
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a indiqué que les réunions de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle sont suspendues car Genève a perdu son statut de plateforme « véritablement neutre » depuis l’adhésion de la Suisse aux sanctions antirusses et antisyriennes. Nous espérons que ce problème sera surmonté soit en choisissant un site alternatif, soit lorsque la Suisse aura fourni des garanties appropriées aux délégués qui arrivent pour ces négociations, a-t-il déclaré.
Le représentant a ensuite qualifié la situation en Syrie de préoccupante, notamment en raison de l’effet déstabilisateur de la situation dans le nord du pays. Le « patronage » des pays occidentaux envers les terroristes de Hay’at Tahrir el-Cham fait qu’ils ont récemment tenté d’étendre leur zone de contrôle au-delà d’Edleb. Par ailleurs, les encouragements de Washington pour un séparatisme kurde, tout comme la poursuite de sa présence illégale dans les zones de l’Euphrate et de Tanf restent de vrais problèmes, a-t-il constaté.
Un autre facteur de déstabilisation en Syrie sont les attaques aériennes israéliennes et les violations systématiques de son espace aérien, a poursuivi le représentant qui a signalé que les Syriens ont, à plusieurs reprises, interpellé le Secrétaire général et le Conseil de sécurité sur ces nombreuses violations de la Charte et des normes du droit international humanitaire. Il est inacceptable que ces lettres restent sans réponses appropriées, d’autant que sur d’autres sujets, le Secrétaire général exprime ses appréciations beaucoup plus activement, parfois sans même attendre la position des pays membres de l’ONU, a tancé le représentant.
Abordant la question humanitaire, le représentant a salué l’envoi d’un autre convoi humanitaire à Sarmada à travers les lignes de front. Mais, soyons francs, a-t-il dit: ce n’est que le huitième convoi, et nous ne voyons pas beaucoup de zèle pour augmenter l’approvisionnement humanitaire. Cette situation semble particulièrement cynique compte tenu du fait que Damas délivre régulièrement les permis nécessaires et que ceux qui prétendent que les conditions de sécurité sont insuffisantes dans la région recherchent activement et ostensiblement un accès transfrontalier alors que l’intensité des hostilités rend de telles opérations beaucoup plus risquées, a constaté le délégué.
Il s’est aussi inquiété de la dégradation de la situation socioéconomique et humanitaire en Syrie, principalement dans les territoires gouvernementaux, où vit 67% de la population. La raison principale n’est en aucun cas les actions des autorités syriennes, mais les conséquences des sanctions américaines et européennes, combinées à de nouveaux défis, notamment la pandémie, la crise alimentaire et un nombre croissant de cas de choléra. Alors que le plan humanitaire n’est financé qu’à 25%, les donateurs occidentaux, États-Unis en tête, ne font que déclarer leurs généreuses contributions, mais en réalité ils sont occupés à piller les ressources naturelles syriennes, a-t-il accusé. Citant les estimations du Ministère du pétrole et des ressources naturelles de la Syrie, le représentant russe a affirmé que les pertes du secteur énergétique du pays se sont élevées à plus de 107 milliards de dollars en raison des activités de la société américaine Delta Crescent Energy et des répercussions de la loi César.
Après avoir cité les nombreuses opérations humanitaires de terrain menées par la Fédération de Russie en coopération avec la Syrie, le délégué a dit attacher une grande importance à l’examen régulier des activités humanitaires internationales en Syrie dans le cadre d’un dialogue interactif informel visant à mettre en œuvre de la résolution 2642 (2022). Cela est important, non seulement pour prendre une décision consciente et éclairée de prolonger le point de passage de Bab el-Haoua en janvier 2023, mais aussi pour créer les conditions de base nécessaires pour le retour des réfugiés syriens. Or, les « partenaires occidentaux » ne sont pas intéressés par une solution fondamentale au problème, tout comme ils n’offrent aucune alternative pour ramener les gens à une vie normale, a-t-il déploré.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a déclaré que l’épidémie de choléra en Syrie montre que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader. Il a indiqué que son gouvernement appuie la réhabilitation des systèmes hydriques afin de juguler l’épidémie, soulignant ensuite que le mécanisme d’aide transfrontière est le seul moyen d’acheminer une aide aux populations. La décision de la Russie de bloquer cette opération a des conséquences sur le terrain, a-t-il déploré. Il a exhorté à accorder la priorité aux besoins du peuple syrien et non aux calculs politiques, plaidant en outre pour le nouvellement du mécanisme en janvier prochain.
En plus des efforts humanitaires, il faut œuvrer à une solution politique, a poursuivi le délégué. Il a appelé le régime Assad à fournir des informations sur le sort des 130 000 Syriens disparus ou emprisonnés et a engagé les belligérants à libérer tous ceux qui sont injustement détenus. Il a recommandé la création d’une entité humanitaire spéciale pour la question des disparus en Syrie, notant que de nombreux acteurs œuvrent déjà en ce sens, mais qu’aucun d’eux n’a de mandat précis sur la question. Il faut faire le nécessaire pour répondre aux attentes des familles et des victimes, a-t-il insisté.
Réagissant au discours de la Fédération de Russie, le représentant a indiqué que les États-Unis sont présents sur le terrain avec l’objectif de vaincre Daech et Al-Qaida. Le pays travaille à ce but avec l’aide des Forces démocratiques syriennes et d’autres forces locales. Les États-Unis ne possèdent et ne gèrent aucune ressource pétrolière en Syrie et n’entendent pas le faire, a-t-il souligné.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande), s’exprimant au nom de la Norvège et de son pays, en tant que co-porte-plume du dossier humanitaire syrien, a salué les efforts de l’ONU et de ses partenaires pour répondre à l’épidémie de choléra qui se propage et qui fait ressortir les difficultés posées par les graves pénuries d’eau dans toute la Syrie. Il a reconnu que les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi élevés, alors que l’hiver se rapproche et que six millions de personnes, soit 30% de plus que l’année dernière, ont besoin d’une assistance. Dans ce contexte, il a appuyé l’utilisation de toutes les modalités pour atteindre les nombreux Syriens dans le besoin à travers le pays. Il a salué l’achèvement de la huitième livraison par-delà les lignes de front tout en soulignant que l’opération transfrontalière reste une bouée de sauvetage absolument essentielle, à laquelle il n’existe actuellement aucun substitut.
S’exprimant en sa capacité nationale, le représentant irlandais a déclaré que seule une solution politique peut apporter la stabilité et la sécurité nécessaires au peuple syrien. Il a dit appuyer les efforts de l’Envoyé spécial pour résoudre les problèmes qui empêchent la tenue d’une neuvième session de la Commission constitutionnelle à Genève. Il a appelé à un engagement total et significatif de Damas et souligné que ladite commission devrait se réunir à Genève.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a souligné l’importance de sortir de l’impasse qui paralyse les travaux de la Commission constitutionnelle, seule plateforme au sein de laquelle les Syriens peuvent s’engager de manière constructive dans un dialogue national dirigé et contrôlé par les Syriens, sans ingérence étrangère. Elle a conseillé d’établir un calendrier clair et un plan convenu pour les prochaines étapes, avant de réitérer son rejet des interventions étrangères dans les affaires syriennes.
Préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire, la représentante s’est inquiétée de la situation dans les camps surpeuplés de personnes déplacées, qui souffrent particulièrement du manque d’eau potable. Elle a souligné l’importance de fournir les conditions de sécurité appropriées pour permettre le passage des convois humanitaires vers leurs destinations prévues et s’est félicitée du passage récent des septième et huitième convois dans le nord-ouest de la Syrie.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a appelé les parties à observer un cessez-le-feu national pour mettre fin aux souffrances de la population civile et créer un espace pour la reprise du processus politique. Il a dit espérer que la neuvième réunion de la Commission constitutionnelle pourra se tenir avant la fin de l’année. Il a exhorté les autorités syriennes à prendre des mesures concrètes pour appuyer la réconciliation nationale, notamment en clarifiant le sort des personnes disparues et en assurant l’accès sans entrave des agences humanitaires dans les centres de détention. Il a déploré le fait que l’insécurité dans le camp de Hol a contraint certaines organisations humanitaires à suspendre temporairement les services d’éducation et de santé. De même, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est nécessaire pour lutter contre des épidémies comme celle du choléra en cours en ce moment. Il a enfin souligné l’urgence de renouveler l’autorisation de l’aide transfrontière dans le nord-ouest de la Syrie, notamment via le point de passage de Bab el-Haoua.
Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé urgent de mettre en œuvre des mesures de rétablissement de la confiance pour faire avancer le processus politique, citant notamment la question des personnes portées disparues ou détenues arbitrairement. Elle a noté que des progrès ont été réalisés depuis l’annonce d’une amnistie par les autorités syriennes, et a appelé à renforcer les efforts pour assurer sa mise en œuvre. S’agissant de la Commission constitutionnelle, elle a exhorté les parties à revenir à la table des négociations. La représentante s’est ensuite inquiétée du regain de violence dans le nord de la Syrie et a appelé à établir un cessez-le-feu national. Elle a également salué les contributions du Conseil consultatif des femmes au processus politique.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est inquiété du fait que plus de la moitié de la population syrienne a besoin d’une assistance vitale et qu’aucune solution politique ne se profile à l’horizon. Aussi s’est-il félicité de l’augmentation des activités de relèvement rapide et que 151 des 350 projets ont contribué à la fourniture d’électricité pour soutenir les services de base et l’approvisionnement domestique. Mais sans cessez-le-feu, la durabilité des projets de relèvement rapide restera insaisissable, a-t-il constaté.
Le représentant a souligné que les opérations transfrontalières restent le pilier de l’aide humanitaire en cours en Syrie et a estimé que le prochain dialogue informel d’avoir des discussions plus transparentes sur les défis, y compris l’impact humanitaire des sanctions. Il a ensuite appelé à la levée des sanctions susceptibles d’entraver l’accès aux fournitures médicales et alimentaires essentielles à la population syrienne.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a accusé le régime et ses alliés de jouer la carte cynique du pourrissement. Elle a réitéré l’appel de la France à un cessez-le-feu national. Les travaux de la Commission constitutionnelle doivent reprendre à Genève, comme agréé par les parties syriennes dans les termes de référence, a-t-elle dit, appelant la Fédération de Russie à cesser de prendre ce processus en otage. C’est un leurre de croire que la force peut être un plan de paix. Seules les conditions définies par la résolution 2254 (2015), adoptée à l’unanimité, permettront d’ouvrir la voie à une paix durable fondée sur un processus politique tangible, a-t-elle souligné.
La représentante a jugé essentiel que le mécanisme transfrontalier puisse être renouvelé pour au moins 12 mois, arguant que l’incertitude qui pèse sur les acteurs humanitaires entrave leurs actions pour sauver des vies. Elle a relevé que, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), seul 1,7% des réfugiés de la région souhaitent rentrer en Syrie, faute de protection suffisante de leurs droits et de leur intégrité et ce en dépit des difficultés socioéconomiques qu’ils rencontrent dans leur pays d’accueil. En maintenant les obstacles au retour, a-t-elle expliqué, le régime procède au tri de ses ressortissants, poursuivant ainsi sa politique d’ingénierie démographique soigneusement mise à l’œuvre depuis le début du conflit. Enfin, en l’absence de tout progrès sur le processus politique en Syrie, les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeureront inchangées, a indiqué la déléguée.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté que peu de choses ont changé depuis la dernière réunion du Conseil, en imputant cette brutalité et la déshumanisation des Syriens à un seul responsable. Il ne reste pas grand-chose à fêter en Syrie a-t-il ajouté après avoir mentionné le vingt-deuxième anniversaire de la résolution 1325 (2000) du Conseil. Saluant le courage des femmes, il a décrit leur rôle incontournable durant ce conflit et les souffrances indicibles subies, s’inquiétant ensuite que le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham étend ses attaques. Il a jugé que le mécanisme transfrontière est absolument indispensable. Cette question est d’ordre purement humanitaire et ne doit pas être objet de chantage, a-t-il souligné. L’orateur a ensuite exprimé son scepticisme quant à la libération des détenus. Il a par ailleurs attribué l’absence de reprise du processus politique au seul Gouvernement syrien, qui a recours à maints prétextes et fait montre de mauvaise foi. Il a insisté sur la nécessité de sortir de cette impasse.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déploré que l’intransigeance de la Russie et du régime syrien entrave le processus étape par étape de l’Envoyé spécial et les a exhortés à dépolitiser la Commission constitutionnelle. Il a dit être consterné par la situation des droits humains en Syrie, évoquant notamment la prison Sednaya où des détenus sont torturés et tués au quotidien, et a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015). Le représentant s’est par ailleurs inquiété de la propagation du choléra dans un contexte humanitaire « horrifiant » et exigé une réponse soutenue de la part de la communauté humanitaire.
M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que le processus politique doit être mené et dirigé par les Syriens. Il a aussi appelé à lutter contre le terrorisme qui s’étend dans le nord-ouest de la Syrie, avant de demander des efforts sur le plan humanitaire. Il a de ce fait exhorté l’ONU et la communauté internationale à accélérer la mise en œuvre des projets de relèvement rapide. Le représentant a également souligné que l’assistance transfrontière a toujours eu une vocation provisoire et devrait être remplacée progressivement.
Le délégué a ensuite plaidé pour le soutien du système de santé de la Syrie en ces temps de propagation du choléra, constatant en outre que les sanctions ont provoqué une nette détérioration de la situation humanitaire en Syrie. Il a aussi estimé que l’ingérence étrangère en Syrie est la principale cause d’insécurité. Il a noté qu’au fil des ans, certains pays ont mené des opérations militaires en Syrie sans l’aval du Gouvernement, évoquant le cas de la Türkiye qui a mené quatre opérations militaires en Syrie et entend le faire de nouveau. Il a appelé à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) s’est préoccupé de la persistance de l’impasse politique en Syrie, trois ans après la création de la Commission constitutionnelle. Il a estimé que les voisins arabes de la Syrie ont un rôle important à jouer pour progresser sur la voie politique, évoquant la tenue prochaine, à Alger, de la réunion de la Ligue des États arabes. Il a également souligné que la lutte contre le terrorisme ne doit pas être compromise par des intérêts politiques étroits, appelant ensuite à l’établissement d’un cessez-le-feu national. Le représentant a aussi appelé à ne pas faire de l’aide humanitaire une question d’opportunisme politique. Associer l’aide humanitaire et le développement aux progrès du processus politique ne fera qu’exacerber les souffrances humanitaires, a-t-il averti, appelant à mettre l’accent sur les projets de relèvement précoce et les opérations par-delà les lignes de front.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a demandé aux parties de créer un environnement sûr et d’accorder un accès humanitaire sans entrave, notant que le coût humain du conflit en Syrie est stupéfiant et que le pays reste l’une des urgences humanitaires les plus complexes au monde avec plus de la moitié de la population ayant besoin d’une aide vitale. À cet égard, il a estimé que l’opération transfrontalière massive soutenue par les Nations Unies reste un élément indispensable pour atteindre de nombreuses personnes dans le besoin et qu’il n’existe actuellement aucun substitut en termes d’ampleur. Il a donc dit être favorable à la prolongation du mandat du mécanisme transfrontalier qui doit expirer en janvier 2023.
Le représentant s’est aussi félicité des récentes livraisons d’aide alimentaire par-delà les lignes de front. Il a cependant dit être particulièrement préoccupé par les faibles niveaux de financement de la réponse humanitaire en Syrie, en particulier à l’approche de la saison hivernale où les besoins ont tendance à augmenter. Il a appelé à une plus grande solidarité de la part de la communauté internationale et à un financement humanitaire accru, y compris pour les programmes de relèvement rapide et de moyens de subsistance.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a appelé au respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de son pays. Il a rejeté l’annonce, le 12 octobre par la Maison Blanche, du renouvellement de ce qu’elle a qualifié d’état d’urgence nationale concernant la situation en Syrie, de même que la déclaration de la Türkiye du 13 octobre. Il a jugé ces déclarations inacceptables, surtout de la part d’États présents illégalement sur son territoire.
Il a évoqué la tenue, le 18 septembre dernier, des élections municipales et locales, avec quelque 59 000 candidats briguant 1 886 sièges et marquées par un large taux de participation. Il a également cité toute une série de décrets présidentiels visant à appuyer la réconciliation nationale et la stabilité sociale, ce qui a abouti, entre autres, au retour de nombreux syriens qui ont pu reprendre une vie normale. La Syrie a aussi répondu à tous les efforts en vue d’une solution politique, la dernière en date ayant été le Sommet de Téhéran, a-t-il ajouté. Il a ensuite appelé au retrait des troupes étrangères du nord-est et nord-ouest de la Syrie, notamment celles des États-Unis et de la Türkiye, avant de faire savoir que le Gouvernement syrien a poursuivi ses contacts avec l’Envoyé spécial, y compris à l’occasion de sa visite récente dans le pays.
Sur le plan humanitaire, le représentant a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2642 (2022), dénonçant le recours, par les pays occidentaux, aux mesures coercitives unilatérales, ainsi que l’imposition de formats, et usent de manœuvres inacceptables pour faire pression sur le Gouvernement syrien. Il a évoqué les dommages résultant des « sanctions inhumaines » imposées par les États-Unis et la Türkiye, dénonçant ensuite la mainmise des États-Unis sur le pétrole et les céréales syriennes, notant que les principales bases américaines se trouvent dans le chantier pétrolier Omar. Il a également alerté que si la communauté internationale ne condamne pas et n’arrête pas les pratiques relatives au détournement des sources hydriques, la population en pâtira puisque l’eau est utilisée comme arme contre les civils. Le délégué a ensuite indiqué que le Gouvernement syrien fait d’immenses efforts pour endiguer la propagation du choléra en dispensant une formation sur les moyens de le détecter et de le prévenir. Il coopère également avec les institutions spécialisées de l’ONU et facilite leur visite sur le terrain. Cependant, tous les efforts ont échoué en raison d’obstacles posés par les pays occidentaux, a-t-il déploré.
M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (Iran) a appelé à la fin de l’agression étrangère et de l’occupation de la Syrie, et la levée des sanctions cruelles et illégales imposées au peuple syrien. Il a mis l’accent sur le déploiement de projets de relèvement rapide essentiels pour les populations, notamment dans les secteurs de l’électricité, de l’eau, de l’assainissement, de la santé, de l’éducation et du logement. Le délégué a également appelé à cesser de politiser les efforts humanitaires et de développement et à s’abstenir d’imposer unilatéralement des mesures coercitives à l’encontre du pays. Il a de même mis en garde contre toute politisation du dialogue interactif sur la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022). Seule une solution politique permettra d’améliorer la situation en Syrie, et cela passe par un processus politique mené et dirigé par les Syriens et facilité par l’ONU, a-t-il déclaré. À cette fin, il a dit appuyer la convocation de la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle.
Le délégué a ensuite relevé que la libre circulation des groupes terroristes sur le territoire syrien où des forces étrangères sont illégalement présentes met en danger la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, ainsi que la paix et la sécurité régionales. La lutte contre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte pour violer la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il souligné. Il a noté que l’agression du régime israélien contre la Syrie se poursuit sans relâche, évoquant le « ciblage intentionnel » de civils et d’infrastructures vitales en Syrie. Le Conseil de sécurité doit cesser d’utiliser les politiques de deux poids, deux mesures et condamner l’agression israélienne sans équivoque, a-t-il clamé.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour régler la crise politique en Syrie, au risque de le voir perdurer. Les négociations politiques intersyriennes doivent reprendre au plus vite, a-t-il insisté. Les partis politiques d’opposition ont fait montre de leur esprit d’ouverture à l’inverse du Gouvernement, qui ne montre que son intransigeance, a-t-il affirmé.
Le représentant a ensuite rappelé que son Gouvernement considère le Parti des travailleurs du Kurdistan comme une organisation terroriste. Il a affirmé que l’accord passé en octobre 2019 entre les États-Unis, la Türkiye et la Fédération de Russie n’a pas été respecté, à tel point que ces combattants n’ont pas été évacués de la zone située à 30 kilomètres des frontières turques. De plus, cette organisation continue de mener des activités terroristes et s’en vante sur les réseaux sociaux. La Türkiye entend donc continuer de lutter contre cette organisation, au nom de son droit à la légitime défense, a prévenu le représentant.
S’exprimant sur la situation humanitaire en Syrie, le délégué a constaté que les projets humanitaires de l’ONU n’ont pas toujours été mis en œuvre à cause des entraves du Gouvernement syrien. Il a relevé que la fourniture d’eau dans le nord de la Syrie dépend aussi de la fourniture en électricité. Or le Parti des travailleurs du Kurdistan contrôle une station électrique, empêchant la fourniture d’eau potable dans les zones où les populations en ont besoin. C’est une des sources de la propagation du choléra, a encore affirmé le représentant. Il a ensuite appelé à préserver le mécanisme transfrontière au-delà de janvier 2023, tel que prévu par la résolution 2246 (2022).