Inquiétudes au Conseil de sécurité face aux tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda et à la rhétorique hostile à la MONUSCO
À l’occasion de l’examen du dernier rapport en date du Secrétaire général sur la situation en République démocratique du Congo, les membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés ce matin à la fois de la poursuite des violences dans l’est du pays, des tensions qu’elles génèrent entre le Rwanda et la RDC et de l’escalade de la rhétorique hostile à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), dont le représentant congolais a jugé « nécessaire » de revoir le calendrier de retrait.
Les groupes armés continuent de représenter une menace importante et de commettre des actes de violence contre les civils, a témoigné la Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la MONUSCO, Mme Bintou Keita. Celle-ci a attribué la majorité des exactions à plusieurs groupes armés, parmi lesquels le Mouvement du 23 mars (M23), qui avait été déjà largement évoqué lors de la précédente réunion du Conseil sur la RDC, le 29 juin. Les membres du Conseil se sont inquiétés de l’activité croissante des groupes armés, qui exacerbent une situation humanitaire déjà désastreuse. Mme Keita a ainsi rappelé que 27 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et que beaucoup d’entre elles avaient en plus besoin d’une protection.
Les membres du Conseil ont donc appelé au retour de la paix, en se félicitant notamment des rencontres entre le Président congolais Felix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame, ainsi que des médiations des Présidents kényan, angolais et français. Les attaques, celles du M23 en particulier, ont en effet tendu les relations entre les deux pays, la RDC accusant le Rwanda d’être derrière la récente résurgence de ce groupe armé. Le représentant de la RDC a aujourd’hui encore affirmé que la localité de Bunagana était en fait « occupée par le Rwanda, sous couvert du M23 ». Jugeant inacceptable cette « énième agression », il a demandé au Conseil de « ne pas continuer à fermer les yeux » et de rejoindre « clairement et sans ambiguïté » la RDC et son Président pour demander « haut et fort aux forces d’agression et d’occupation » de quitter immédiatement la localité.
Le représentant du Rwanda a quant à lui accusé les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et ses dissidents –qualifiées de « forces négatives »- de continuer leurs attaques contre son pays et d’être présentes dans l’est de la RDC aux côtés des Forces armées de ce pays. Reprenant les propos du Président Kagame devant l’Assemblée générale de Nations Unies, il a jugé « urgent de trouver la volonté politique afin de faire face à l’instabilité dans l’est de la RDC; s’accuser l’un l’autre ne permet pas de surmonter les problèmes, qui ne sont pas insurmontables, on peut trouver des solutions ».
Plusieurs membres du Conseil ont donc insisté sur la mise en œuvre des différents documents visant à améliorer les relations entre le Rwanda et la RDC, que ce soit la Feuille de route de Luanda, adoptée en juillet, ou le Processus de Nairobi. Le représentant de la RDC a assuré que le Processus de Nairobi allait être relancé dans les prochains jours après « une pause technique », et expliqué que les groupes rebelles qui y adhéreront seront pris en charge par le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS). Mais il a ajouté qu’en ce qui concerne les « groupes armés étrangers, il n’y aura pas de discussion possible », et qu’ils devraient « déposer sans conditions les armes et rentrer chez eux ».
Les membres du Conseil se sont également préoccupés du devenir de la MONUSCO. Mme Keita a déclaré que la « crise de confiance » que connaissaient déjà la Mission et la population congolaise dans l’est du pays s’était aggravée, offrant un terrain fertile aux manipulations et stigmatisations contre la MONUSCO et menant à de nouvelles manifestations violentes, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de manifestants et de quatre personnels de la Mission. À cet égard, « la redevabilité est nécessaire pour tous les acteurs », a déclaré l’Irlande, qui a dit attendre les conclusions de l’enquête conjointe sur l’incident au poste frontière de Kasindi, à la frontière ougandaise, le 31 juillet. La Norvège, comme d’autres, a dit sa préoccupation devant la « rhétorique hostile et anti-MONUSCO ».
Le représentant de la RDC a affirmé que la MONUSCO était un partenaire « important » pour la paix et la stabilité dans l’est de la RDC. Il a d’ailleurs réitéré la demande de son pays au Conseil d’allouer à la Mission des moyens suffisants, d’actualiser son armement et de relever le niveau des équipements. En ce sens, les États-Unis ont exhorté le Secrétariat de l’ONU à combler le vide laissé par le départ de l’unité aérienne ukrainienne qui avait servi pendant 10 ans au sein de la Mission. Sans un soutien aérien, celle-ci ne pourrait mener à bien son mandat et lutter contre les groupes armés qui s’en prennent à la population, a-t-il ajouté.
Mais le représentant de la RDC a aussi parlé de la « nécessité » de réévaluer le plan de transition et de retrait progressif de la MONUSCO, qui s’est déjà retirée progressivement depuis deux ans des régions qui n’étaient plus au cœur de son mandat de protection des civils.
Cette remise en question du plan de transition conjoint et du calendrier du retrait a inquiété plusieurs membres du Conseil, dont la Norvège, pour qui la protection des civils doit être une condition préalable à la transition. « Le retrait progressif et responsable de la Mission dépendra de l’atteinte des jalons fixés dans le plan de transition », a estimé la France. La Fédération de Russie a souligné la nécessité de prendre en compte l’évolution sur le terrain et de privilégier une approche graduelle et responsable. Les A3 ont rappelé qu’une transition efficace devrait inclure des critères garantissant le succès du transfert au Gouvernement de la RDC des tâches clefs liées à la sécurité. Ils se sont inquiétés de ce que certains des critères prioritaires décrits ne prévoient pas le retrait et la sortie réussis et durables de la Mission. La Chine a estimé que la MONUSCO devait s’adapter à la situation et aux attentes du Gouvernement congolais et de la population congolaise. « Nous sommes pleinement disposés à travailler étroitement avec le Gouvernement » sur cette réévaluation, a affirmé la Chef de la MONUSCO.
LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO S/2022/709
Déclarations
Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo (RDC) et Chef de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a indiqué que, depuis le dernier rapport du Secrétaire général, des avancées significatives sont à noter dans les préparatifs des élections générales, qui doivent se tenir d’ici à décembre 2023. La promulgation de la loi électorale révisée le 29 juin, le développement de ses mesures d’application par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la mise en place de cadres de concertation thématiques avec les femmes, les jeunes, les partis politiques et la société civile, et les préparatifs pour le lancement de l’enregistrement des électeurs en décembre prochain, constituent des étapes importantes. Pourtant, a-t-elle nuancé, des défis importants restent à relever, notamment pour parvenir à un large consensus sur les différents aspects du processus électoral.
Mme Keita a souligné que le projet de budget était en augmentation d’environ 32% par rapport à 2022 et y a vu le résultat de bonnes performances macroéconomiques et de collectes fiscales record, qui témoignent de progrès significatifs en matière de gouvernance financière, soutenus par des efforts en matière de redevabilité, y compris avec l’opérationnalisation de la Cour des comptes. L’adoption de ce budget devrait permettre d’accélérer la mise en œuvre du programme de développement des 145 territoires et de doter la CENI des moyens nécessaires pour le processus électoral, a-t-elle relevé.
Mme Keita a souligné le caractère stratégique de la loi de programmation militaire 2022-2025, estimée à 1 milliard de dollars par an, que le Parlement doit examiner. Cet instrument est essentiel pour permettre la montée en puissance des Forces armées de la RDC (FARDC) et mener à bien les reformes du secteur de la sécurité, deux éléments fondamentaux pour répondre aux défis sécuritaires du pays.
La Représentante spéciale a expliqué que son appel à autonomiser les FARDC découle des problèmes de sécurité persistants dans l’est de la RDC. Les groupes armés continuent d’y représenter une menace importante et de commettre des actes de violence contre les civils. La plupart des abus sont perpétrés par la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), les Forces démocratiques alliées (ADF) et le Mouvement du 23 mars (M23) en Ituri et au Nord-Kivu, tandis que les groupes Maï-Maï et d’autres milices ont intensifié leurs attaques contre les civils au Sud-Kivu, a-t-elle expliqué.
Cette insécurité alimente les violations des droits de l’homme et a exacerbé une situation humanitaire déjà désastreuse, a déploré Mme Keita, qui a estimé à 27 millions le nombre de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire dans le pays, dont beaucoup ont aussi besoin de protection. Elle a vu un indicateur clair de la détérioration de la situation dans l’augmentation des déplacements internes depuis janvier 2022, qui a porté le nombre total de personnes déplacées à 5,5 millions - le plus grand nombre de cas en Afrique. Dans ce contexte, Mme Keita a condamné fermement les attaques contre les travailleurs humanitaires, qui ont atteint leur plus haut niveau depuis le début de l’année au cours du mois de juillet, avec 34 incidents sécuritaires enregistrés. Jusqu’à présent, le Plan de réponse humanitaire 2022 pour la RDC a reçu 37% du 1,88 milliard de dollars requis, a-t-elle ajouté, avant d’appeler les donateurs à poursuivre leur soutien, tout en les remerciant pour les contributions salvatrices déjà fournies.
La MONUSCO travaille avec les FARDC pour mener des opérations offensives conjointes dans les zones affectées par les ADF et la CODECO, conformément à la politique de diligence raisonnable des Nations Unies en matière de droits de l’homme, a déclaré la Représentante spéciale. Des initiatives régionales sont également en cours pour soutenir la stabilisation de l’est de la RDC et l’apaisement des tensions régionales alimentées par la résurgence du M23. Ces initiatives régionales nécessitent un soutien international constant, a plaidé Mme Keita. Elle a rappelé que, le 22 juillet, les chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est ont nommé le Président du Kenya de l’époque, Uhuru Kenyatta, Facilitateur du processus de Nairobi et ont ordonné la création d’un fonds spécial pour les opérations militaires. Le 8 septembre, le Gouvernement de la RDC et le Secrétariat de la Communauté d’Afrique de l’Est ont signé l’accord sur le statut des forces pour leur force régionale qui sera déployée dans l’est de la RDC pour une période initiale de 6 mois. Au moment où je vous parle, un contingent des forces armées burundaises s’est déjà déployé au Sud-Kivu, a-t-elle témoigné. Elle a souligné l’importance vitale d’une coordination efficace entre toutes les forces déployées sur le territoire congolais et la MONUSCO pour permettre à la mission de remplir pleinement son mandat de protection des civils.
Mme Keita a en outre salué l’adoption, le 6 juillet, de la « feuille de route de Luanda » par les Présidents Tshisekedi de la RDC et Kagame du Rwanda, sous la médiation du Président João Lourenço de l’Angola, actuel Président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), mandaté par l’Union africaine pour désamorcer les tensions entre les deux pays. Les discussions tenues en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies entre le Président Tshisekedi et le Président Kagame, à l’appui des processus de Nairobi et de Luanda, facilitées par le Président français Macron, constituent un autre pas positif dans la bonne direction, a-t-elle relevé. Le 31 août, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a décidé de créer une cellule d’appui stratégique pour soutenir la force régionale de la CAE. Le Conseil a également décidé d’explorer et de mobiliser des financements pour assurer une mise en œuvre efficace du processus de paix en RDC, y compris l’utilisation éventuelle du Fonds pour la paix de l’UA. Ces initiatives régionales et le déploiement de contingents des pays de la CAE doivent aller de pair avec des mesures non militaires, sans lesquelles aucune paix durable n’est possible, a averti Mme Keita. Selon elle, le processus de Nairobi est indissociable du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation. Il faut donc mobiliser les moyens opérationnels et les ressources nécessaires pour doter les autorités provinciales des capacités requises pour sa mise en œuvre.
Mme Keita a encouragé la RDC à poursuivre ses efforts et à fortifier son arsenal juridique pour lutter contre les dérives, notamment à travers l’adoption du projet de loi déposé au Parlement contre le tribalisme, le racisme et la xénophobie. Elle a affirmé qu’au cours des derniers mois, dans le sillage de la résurgence du M23, la crise de confiance que connaissaient déjà la Mission et la population congolaise dans l’est du pays s’était aggravée. Cette situation a offert un terrain fertile aux manipulations et stigmatisations contre la MONUSCO, menant à de nouvelles manifestations violentes et à de graves incidents causant la mort de plusieurs dizaines de manifestants et de quatre membres de la Mission. À la suite de ces incidents, le Président Tshisekedi a instruit son gouvernement à réévaluer le plan de transition afin d’accélérer le départ de la MONUSCO. Nous sommes pleinement disposés à travailler étroitement avec le Gouvernement à cet effet, a-t-elle conclu.
M. MICHEL XAVIER BIANG, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) concernant la République démocratique du Congo, a souligné que, depuis l’exposé de son prédécesseur, le Comité a tenu cinq réunions en présentiel et s’est réuni par visioconférence à quatre reprises en 2022. Il a également indiqué que le Comité continue d’appuyer le mécanisme de suivi de la République démocratique du Congo, « qui prête son concours au Gouvernement de la RDC dans le cadre de ses enquêtes sur le meurtre de deux anciens membres du Groupe d’experts, Zaida Catalán et Michael Sharp, commis en mars 2017 ». Le Comité a publié trois communiqués de presse contenant un bref résumé des consultations informelles tenues le 13 mai, le 15 juillet et le 27 septembre, a ajouté le Président du Comité, qui a en outre annoncé au Conseil son intention d’accompagner une délégation de membres du Comité lors d’une visite en RDC, au Rwanda et en Ouganda pendant la période allant du 7 au 18 novembre 2022. Cette visite aura pour objet de recueillir des témoignages de première main sur l’application effective des sanctions imposées par la résolution 2360 (2017) du Conseil de sécurité, telles que réaffirmées par la résolution 2641 (2022), a-t-il précisé, ajoutant que cette visite sera également l’occasion de tenir des consultations avec les gouvernements de ces trois pays ainsi qu’avec la MONUSCO et des représentants de la société civile et des milieux d’affaires, travaillant sur des questions relevant du mandat du Comité. En conclusion, il a rappelé que l’obligation de notification concernant la livraison aux forces congolaises de toutes armes et de tout matériel connexe, excepté pour les cinq catégories d’armes énoncées dans l’annexe A à la résolution 2641, avait été supprimée par l’adoption de cette résolution le 30 juin 2022. « Au cours de ma prochaine visite en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda, j’attends avec intérêt d’entendre les vues des responsables du Gouvernement et d’autres interlocuteurs, concernant la possible désignation à des fins de sanctions par le Comité d’un nombre supplémentaire de personnes et d’entités, au regard des actes commis », a-t-il dit.
M. EMERY MUDINGA (Angaza Institute) a rappelé que la République démocratique du Congo possède la plus grande forêt tropicale du bassin du Congo. Toutefois, a-t-il ajouté, sa superficie diminue d’un million d’hectares chaque année, si bien qu’en un siècle, elle pourrait être détruite, avec des conséquences importantes sur l’économie globale, l’agriculture et l’alimentation. Les forêts congolaises ont été transformées en cachettes pour plus de 120 groupes armés, qui s’y sont installés et sont impliqués dans des activités de braconnage et de destruction de la biodiversité, a-t-il expliqué. Cette situation est aussi à la base du recul du tourisme et du manque à gagner qui en résulte. De plus, la transformation de plusieurs forêts en sites d’extraction illicites de minerais est à la base d’une déforestation massive. Les pratiques d’accaparement des terres par les multinationales et les élites congolaises sont un véritable problème, a-t-il dénoncé, en stigmatisant le comportement de certaines autorités congolaises, qui délivrent des permis de coupe de bois.
À la suite de cet état des lieux, M. Mudinga a formulé des recommandations. Il a estimé qu’il fallait permettre à la RDC de se procurer un armement susceptible de neutraliser les groupes armés et de prendre des sanctions à l’endroit des États Membres dont l’appui à ces groupes a été documenté. En outre, il faudrait financer des projets d’infrastructures routières pour permettre de contrôler les activités illicites et prendre les sanctions pour mettre un terme à la vente de bois et d’animaux protégés par les groupes armés rebelles. Le directeur d’Angaza Institute a préconisé d’appuyer financièrement et techniquement la politique forestière de la RDC et de définir une politique de pacification des zones forestières. Enfin, il a suggéré, en cas de renouvèlement de la MONUSCO, d’inclure dans son mandat l’intégration de mesures relatives aux conflits liés au réchauffement climatique.
M. MARTIN KIMANI (Kenya), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a, sur le plan politique, salué l’engagement du Président Tshisekedi à renforcer la confiance entre la RDC et les pays voisins et à organiser des élections en 2023, conformément à la Constitution.
Sur la situation sécuritaire, il s’est dit gravement préoccupé par le fait que les groupes armés et les groupes terroristes affiliés continuent d’opérer en toute impunité, en particulier dans l’est du pays, et que les civils, notamment les femmes et les enfants, sont touchés de manière disproportionnée. Les A3 condamnent fermement les activités terroristes de ces groupes armés et réitèrent la nécessité d’un effort concerté pour y mettre fin. Ils somment tous les groupes armés de rendre leurs armes sans condition et de s’engager avec le Gouvernement dans le cadre du processus de dialogue de paix intercongolais.
Les relations tendues entre la MONUSCO et les populations locales constituent un autre sujet de préoccupation pour les A3, a poursuivi le représentant. Jugeant regrettable que les forces de la MONUSCO aient été confrontées à l’hostilité de personnes censées attendre d’elles une protection, M. Kimani a appelé à rétablir la confiance entre la Mission et les communautés hôtes. Concernant l’avancement des critères prioritaires pour le retrait effectif et la sortie de la Mission, les A3 rappellent qu’une transition efficace devrait inclure des critères garantissant le succès du transfert au Gouvernement de la RDC des tâches clefs liées à la sécurité. Or, a fait observer M. Kimani, certains des critères prioritaires décrits ne prévoient pas le retrait et la sortie réussis et durables de la Mission.
M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) s’est dit grandement préoccupé par la persistance de l’insécurité dans l’est de la République démocratique du Congo et les récentes manifestations contre la MONUSCO. Il a jugé alarmantes les activités du Mouvement du 23 mars (M23) et leur sophistication grandissante, ainsi que la multiplication des attaques menées par les Forces démocratiques alliées (ADF), la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et d’autres groupes armés, ce qui contribue à la crise humanitaire complexe. De telles activités sapent, en effet, la capacité d’assistance des organisations humanitaires à 27 millions de personnes dans le besoin, a poursuivi le représentant, qui a prévenu que les conséquences de l’incapacité de résoudre ce conflit « seraient catastrophiques ».
M. Mythen a, en outre, relevé les taux élevés d’abus et de violations des droits de l’homme, de violence sexuelle liée au conflit et de violences sexistes perpétrés tant par les groupes armés que par les acteurs étatiques. Condamnant ces actes, le représentant a incité à mettre fin à l’impunité et à rendre redevables les auteurs de tous les actes de violence, d’abus et de violations des droits de l’homme. « La redevabilité est nécessaire pour tous les acteurs », a-t-il insisté, en ajoutant qu’il attendait les conclusions de l’enquête conjointe sur l’incident au poste frontière de Kasindi. Il a assuré, par ailleurs, de l’appui continu de l’Irlande au rôle de la MONUSCO dans la protection des civils et reconnu les défis qu’elle doit relever, estimant à cet égard que la Mission devait s’acquitter de ce rôle par une communication accrue avec les communautés et les partenaires.
Le représentant s’est ensuite alarmé des tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, tout en se félicitant des rencontres entre les Présidents Tshisekedi et Kagame, y compris celles organisées par les Présidents Macron, Lourenço et Kenyatta. Il a dit espérer que ces discussions déboucheront sur une désescalade et sur une action concertée pour faire face aux activités des groupes armés. Il a réitéré l’importance de la coopération régionale et salué les efforts des États de la région, de l’Union africaine, de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Communauté de développement de l’Afrique australe pour leurs efforts visant à réduire les tensions et à établir la confiance. Il a notamment exhorté toutes les parties à s’engager de manière constructive dans le processus de Nairobi, avant de réitérer que le déploiement de la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est devait progresser de pair avec l’aspect politique. Ce déploiement devrait avoir des objectifs clairs et être effectué en étroite coopération et coordination avec la MONUSCO et avec d’autres acteurs, a-t-il tenu à préciser, soulignant également que la force régionale doit respecter pleinement les normes relatives aux droits de l’homme.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est dite « profondément préoccupée » par la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC et ses implications régionales et en particulier les attaques récurrentes des groupes armés, dont le M23 et les Forces démocratiques alliées (ADF). Son pays note également avec préoccupation la montée des tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda et appelle dans ce contexte les deux pays à faire preuve de retenue et à rechercher une solution diplomatique. La Norvège salue à cet égard, les efforts régionalement déployés par le Président angolais M. Lourenço et l’ancien Président du Kenya, M. Kenyatta. Elle encourage en outre l’inclusion de toutes les parties prenantes concernées, y compris la société civile, les femmes et les jeunes, dans ces processus.
Mme Heimerback a également dit sa préoccupation devant la « rhétorique hostile et anti-MONUSCO » et par la remise en question dans toute la RDC, du plan de transition conjoint et du calendrier du retrait. De l’avis de la Norvège, il est important que la transition ait lieu, sur la base de la situation sur le terrain, de manière progressive, responsable et durable et conformément au plan de retrait. La Norvège réaffirme aussi que tous les civils doivent être protégés et que cette responsabilité première incombe au Gouvernement. La protection des civils doit être une condition préalable à la transition, a estimé Mme Heimerback.
La représentante a également estimé que les prochaines élections de décembre seront une étape « importante ». Par l’intermédiaire du Programme des Nations Unies pour le développement, la Norvège apporte un appui financier aux préparatifs menés par la Commission électorale nationale indépendante. Elle exhorte donc le Gouvernement, ainsi que les autres parties prenantes, à faire tout leur possible pour garantir des élections pacifiques, inclusives et transparentes. La Norvège est prête à travailler avec toutes les parties prenantes pour un recalibrage durable et responsable de la MONUSCO et pour la paix en RDC, a conclu sa représentante.
M. RICHARD M. MILLS JR. (États-Unis) a salué le travail de l’unité aérienne ukrainienne qui a servi pendant 10 ans au sein de la MONUSCO, avant de quitter le pays récemment. Il a exhorté le Secrétariat de l’ONU à combler ce vide, car sans un soutien aérien, la Mission ne pourra mener à bien son mandat et lutter contre les groupes armés qui s’en prennent à la population. Il a appelé ces groupes armés à cesser les attaques contre les populations, se disant notamment préoccupé par la poursuite des attaques du M23 par le soutien que ce dernier reçoit d’acteurs extérieurs, y compris des forces de défense rwandaises. Il a appelé les États Membres à geler les avoirs de ces groupes armés.
Le représentant a ensuite rappelé que tous les pays doivent informer le Conseil de sécurité à l’avance quand ils engagent une coopération militaire avec la RDC, y compris quand ils y déploient des contingents. Il a, de ce fait, invité les pays de la région à ne pas oublier cette exigence, y compris la nécessité de respecter les droits de l’homme, quand la force de l’Afrique de l’Est sera déployée en soutien aux Forces armées de la RDC.
M. Mills a appelé à combattre les discours anti-ONU et les fausses informations, qui sapent le travail des soldats de la paix et ont contribué récemment à la mort de certains parmi eux, ainsi que de civils. Il a aussi plaidé pour la reddition des comptes pour les soldats de la paix, y compris au sujet des incidents qui ont eu lieu à la frontière avec la Tanzanie. Pour M. Mills, personne n’affirmerait que la MONUSCO doit rester indéfiniment en RDC, avant de rappeler que la Mission travaillait avec le Gouvernement de la RDC sur un plan de retrait graduel. Il a conclu en affirmant qu’aujourd’hui, les activités de la Mission restent essentielles.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a constaté que le redéploiement des forces de sécurité de l’État avait entraîné une réduction des ressources pour lutter contre les M23 et créé un vide sécuritaire dont les groupes armés ont profité. Il a appelé à l’accélération de l’application de la stratégie nationale du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) pour stabiliser l’est du pays, cela avec l’aide et l’appui cohérent de la MONUSCO. Il a condamné les attaques visant cette dernière, soulignant combien prendre pour cible l’ONU en RDC entrave ses capacités à protéger les civils. Il a en outre indiqué que seul un processus politique crédible et légitime permettra d’établir un socle propice à l’atteinte d’une solution durable dans la région, étant entendu que les réponses militaires ne suffiront pas, « y compris pour mettre fin aux violences dans l’est de la RDC ». Par ailleurs, le représentant, qui a fait remarquer que son pays apporte une aide humanitaire à 2,5 millions de personnes en RDC, a souligné qu’il importe que tous les acteurs de la région s’organisent pour faire face « ensemble » aux conséquences humanitaires des violences. Les initiatives nationales, régionales et internationales doivent se compléter et ne doivent pas être en opposition, a-t-il insisté, avant de réaffirmer l’appui du Royaume-Uni à la stratégie de retrait et de transition de la Mission.
M. JUAN MANUEL GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a réitéré sa préoccupation face à la détérioration continue de la situation sécuritaire dans les provinces orientales de la RDC. Il a insisté sur le fait que les flux illicites d’armes et le trafic de ressources naturelles doivent être combattus afin de priver les groupes armés de leur capacité à déstabiliser le pays. Il a déploré les attaques contre les civils et les infrastructures civiles, ainsi que le recrutement d’enfants. La violence de ces groupes augmente le nombre de personnes déplacées dans un pays qui en compte déjà plus de 5,5 millions, a-t-il déploré. Il a demandé instamment à tous les acteurs du conflit de veiller à ce que les organisations humanitaires opèrent sans entrave et aient accès à la population.
Par ailleurs, le Mexique s’est dit vivement préoccupé par les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda en raison des effets qu’elles peuvent avoir sur toute la région. Il a exhorté les parties à recourir au dialogue pour résoudre leurs différends et a salué les efforts du Président de la France ainsi que ceux déployés par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs pour parvenir à l’adoption de la feuille de route de Luanda. Le représentant a réitéré son soutien à la MONUSCO et a condamné les campagnes de désinformation orchestrées contre la Mission qui ont conduit à des manifestations violentes à son encontre et ont fait des morts parmi les Casques bleus et les civils. Il a encouragé l’exercice de révision du mandat de la MONUSCO mais a demandé de réaliser cet exercice avec prudence, compte tenu des événements récents.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a expliqué que l’Inde, un des principaux pays contributeurs de troupes à la MONUSCO, était profondément préoccupée par la tournure récente des événements. Les activités croissantes des groupes armés, en particulier le M23 parmi d’autres groupes armés tels que les ADF, le CODECO, les FDLR et les Maï-Maï, remettent en question l’approche globale de la résolution du conflit en RDC, a-t-il estimé. L’ensemble complexe de facteurs qui contribuent à la situation dans l’est de la RDC exige, selon le délégué, une solution politique globale, et non une solution militaire. Il a réitéré sa ferme condamnation des attaques contre les Casques bleus et espéré que le Gouvernement de la RDC traduise les auteurs en justice et que la direction de la Mission donne la priorité au règlement des problèmes politiques l’empêchant de remplir efficacement son mandat. Dans ce contexte, le déploiement de la force régionale mixte de la Communauté d’Afrique de l’Est est un « développement positif », a estimé le représentant, selon qui, des initiatives régionales proactives et ciblées privilégiant le développement, la démobilisation des groupes armés dans l’est de la RDC et les efforts de médiation pour la cessation des hostilités sont à privilégier.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a déclaré que pour parvenir à la sécurité en RDC, il fallait ouvrir l’espace de dialogue au niveau régional. Des initiatives telles que la Feuille de route de Luanda ou le Processus de Nairobi doivent être encouragées, y compris par le Conseil de sécurité, dans le but de renforcer la confiance mutuelle. La représentante s’est également dite en faveur du rôle des Nations Unies dans le pays. Afin de préserver les acquis de ces dernières années, toutes les parties doivent remplir leurs obligations, y compris pour parvenir au retrait de la mission dans les délais prévus, a-t-elle plaidé.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué les progrès des préparatifs en vue de la tenue d’élections en 2023 et exhorté toutes les parties à œuvrer de concert et en toute bonne foi aux fins de créer les conditions nécessaires en vue d’un scrutin inclusif, libre, et transparent, « acceptable pour toutes les parties ». L’Albanie est encouragée, par ailleurs, par l’engagement public, exprimé par les acteurs nationaux et régionaux, visant à réduire les tensions. Elle reste toutefois fortement inquiète face à la situation sécuritaire sur le terrain, a déclaré Mme Dautllari, qui a ensuite pris note de l’initiative de création d’un mécanisme de coordination entre la Feuille de route de Luanda et le Processus de Nairobi.
Face à la complexité de la situation dans le pays, la représentante a jugé très important de veiller à une mise en œuvre harmonieuse et efficace de ces initiatives. Ainsi, les obligations et responsabilités de la Force régionale de l’Afrique de l’Est devraient être mises en œuvre en pleine coordination et coopération avec la MONUSCO de sorte à garantir la protection des civils et le maintien de l’accès humanitaire. Mme Dautllari a estimé que le débat général de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale avait insufflé un élan supplémentaire à cet effort, saluant à cet égard la rencontre entre les Présidents de la République démocratique du Congo et du Rwanda, de même que leur engagement à travailler, ensemble, pour obtenir le retrait du M23 de tous les territoires et le retour des personnes déplacées par la guerre, avec l’appui de l’ONU, de l’Union africaine et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (ICGLR).
La représentante a également attiré l’attention sur les souffrances des civils, en particulier dans l’Ituri et le Nord-Kivu, sur le nombre alarmant de victimes d’assassinats sommaires et extrajudiciaires, les graves violations et le recrutement d’enfants, ou encore sur les cas de violences sexuelles liées au conflit. Elle a aussi noté que la RDC restait un des pays les plus dangereux pour les travailleurs humanitaires, ce qui affecte la capacité de livrer l’assistance, voire parfois à retarder, suspendre ou modifier la base de leurs opérations. Mme Dautllari a donc exhorté à faciliter un climat sécurisé pour les partenaires humanitaires, dont la présence est essentielle pour les 27 millions de personnes ayant besoin d’une assistance et d’une protection. Elle a ensuite appelé les groupes armés à rendre les armes sans conditions et encouragé les autorités congolaises à fournir davantage d’efforts dans la promotion de la réconciliation nationale. Dans ce contexte, elle a mis l’accent sur le programme de démobilisation, de désarmement et de réinsertion, ainsi que sur la démobilisation des groupes armés étrangers qui « doivent retourner dans leur pays d’origine ».
Mme Dautllari s’est par ailleurs félicitée des mesures prises par le Gouvernement congolais tendant à rejeter les discours de haine, « inacceptables » en RDC, et a appelé à la mise en place d’un cadre juridique élargi dans ce contexte. S’agissant de l’appel de ce même Gouvernement relatif à la révision du plan de retrait de la MONUSCO, la représentante a invité à garantir des conditions de sécurité minimales pour le personnel de la Mission, et plaidé pour que le retrait des provinces qui sont au cœur de ses opérations se fasse sous conditions. Elle a rappelé, en conclusion, qu’il revient au premier Chef aux autorités congolaises de garantir la protection des avoirs et du personnel de la MONUSCO, appelant à faire rendre des comptes aux personnes impliquées dans les dernières manifestations violentes à l’encontre de la Mission.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a rappelé qu’après deux décennies de présence de la MONUSCO et de la Mission précédente, la MONUC, la réalité sécuritaire et humanitaire catastrophique en RDC est devenue par trop familière. Les derniers mois ont été marqués par une augmentation des activités militaires des groupes armés et des déplacements de population à grande échelle, a-t-il relevé en constatant que, si le rapport du Secrétaire général signale quelques améliorations, la situation générale en matière de sécurité et de droits humains reste désastreuse. Il a de plus déploré que l’aide humanitaire ne se soit vue allouée qu’une petite partie de la somme totale. Le représentant a vu comme des étapes importantes la nouvelle loi électorale révisée et l’annonce de la période d’inscription des électeurs par la Commission électorale nationale indépendante. Il s’est félicité de l’engagement du Gouvernement de tenir des élections en 2023, ainsi que du lancement du processus de Nairobi qui a abouti à l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et au déploiement de la force régionale de la CAE dans l’est de la RDC.
Toutefois, le représentant s’est dit consterné par les manifestations contre la MONUSCO, fin juillet, qui ont dégénérées en émeutes, avec la mort de trois Casques bleus et de dizaines de ressortissants congolais. Il a condamné dans les termes les plus forts les actes de violence et d’intimidation contre le personnel de l’ONU. Il a noté avec inquiétude que certaines autorités congolaises auraient encouragé les protestations contre la MONUSCO, avant de souligner que le nombre croissant de campagnes de désinformation dirigées contre la Mission menace la sûreté et la sécurité des Casques bleus. Par conséquent, le représentant a souligné la nécessité de continuer à renforcer les capacités de communication stratégique de la MONUSCO. Les transitions sont un moment délicat dans toute opération de paix, particulièrement dans un conflit aussi long et complexe que celui de l’est de la RDC, a-t-il rappelé
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué une « légère accalmie » dans les combats opposant le M23 et les forces gouvernementales, même si « d’autres groupes continuent de terroriser les populations locales et de profiter de l’insécurité qu’ils créent pour financer leurs activités illégales et se réarmer ». La représentante a condamné les différends entre les manifestants et les Casques bleus et Bérets bleus, appelant à une enquête approfondie sur les incidents ayant fait des victimes afin que soient prises les mesures nécessaires. Elle a ensuite préconisé l’intensification de « la coordination et des échanges d’informations entre la MONUSCO et les autorités officielles de la RDC ». S’agissant du retrait et de la transition de la Mission, la représentante a souligné la nécessité de prendre en compte l’évolution sur le terrain et de privilégier une approche graduelle et responsable. Selon elle, les moyens politiques pour stabiliser le pays doivent être déployés à partir d’un cessez-le-feu global, la clef pour un retour à la normal en RDC passant par une coopération constructive entre acteurs régionaux des Grands Lacs. À cet égard, elle a jugé indispensable de revitaliser l’Accord-cadre de 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération en République démocratique du Congo et dans la région. Enfin, la représentante russe a espéré que l’amélioration de la situation humanitaire permettra une préparation efficace des élections devant se tenir en 2023. « Alors les Congolais seront en mesure de décider eux-mêmes du destin de leur beau pays ».
M. DAI BING (Chine) a condamné l’escalade de la violence dans l’est de la RDC et a mis l’accent sur le retour de la stabilité, une priorité absolue selon lui. La Chine exprime son appui au Gouvernement congolais et exhorte les groupes armés à immédiatement déposer les armes, à respecter les appels à la paix et à suivre le processus de Nairobi. Le maintien de la stabilité politique étant la pierre angulaire du développement de la RDC, le représentant a aussi appelé à créer une ambiance politique favorable à la bonne tenue des prochaines élections.
La communauté internationale doit continuer ses efforts visant à ce que les « problèmes africains » soient réglés « entre Africains », et à ce que les différends soient réglés par le dialogue et les consultations, a déclaré le représentant.
Rendant hommage aux « sacrifices immenses » des Casques bleus pour le maintien de la paix en RDC, M. Dai a estimé que la MONUSCO devait s’adapter à la situation et aux attentes du Gouvernement congolais et à la population congolaise. Le représentant a appelé à « rationnaliser » ses tâches et à « simplifier » son mandat. La MONUSCO doit aussi continuer à communiquer avec tous les secteurs de la société congolaise par divers canaux, a plaidé le représentant. Concernant les violences perpétrées contre les Casques bleus, il a souhaité une enquête rapide. Enfin, il a estimé que le Conseil devait répondre de manière positive à la demande du Président de la RDC de lever l’embargo sur les armes.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a axé son intervention sur trois points. Il a d’abord estimé qu’il était impératif de restaurer la sécurité à l’Est, où les populations civiles et les forces de sécurité continuent d’être la cible des groupes armés. Une réponse coordonnée des États de la région est urgente, a-t-il souligné, en saluant les efforts de la Communauté des États d’Afrique de l’Est et de l’Angola. Les processus de Nairobi et de Luanda doivent permettre de démobiliser les groupes armés et restaurer la confiance dans la région. Dès lors, l’appui des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs sera indispensable, a-t-il commenté. Le représentant a également rappelé qu’à l’initiative du Président de la République française, les chefs d’États de la RDC et du Rwanda se sont entretenus la semaine dernière à New York et sont convenus d’agir ensemble pour obtenir au plus vite le retrait du M23 des localités occupées. Des engagements ont été pris pour mettre un terme à l’action de tous les groupes armés dans la région.
M. de Rivière a ensuite déclaré que la MONUSCO devait retrouver « sa liberté d’action » pour protéger les civils, ajoutant qu’il « appartient au premier chef » aux autorités congolaises d’assurer la sécurité des Nations Unies et de lutter contre la désinformation. D’autre part, l’Accord sur le statut des forces doit être respecté et la liberté de mouvement de la Mission restaurée. Toute la lumière doit être faite sur l’incident grave survenu à Kasindi, a-t-il souligné, ajoutant, d’un autre côté, que la France prenait note des demandes de révision du plan de transition, déjà engagé, de la MONUSCO, exprimées par les autorités congolaises. Il a rappelé que la Mission avait quitté le Tanganyika, où l’Équipe de pays doit se renforcer pour préserver les acquis. À terme, le retrait progressif et responsable de la Mission dépendra de l’atteinte des jalons fixés dans le plan de transition. D’ici là, la MONUSCO doit continuer à mettre en œuvre son mandat robuste de protection des civils. L’objectif de protection des civils devra également guider la force régionale annoncée à Nairobi, a encore affirmé le représentant, soulignant que cette force devra se coordonner étroitement avec la MONUSCO.
M. de Rivière a par ailleurs jugé que les efforts visant à construire la stabilité ne devaient pas faiblir à l’approche des élections. Il a reconnu que des mesures ont été prises par les autorités congolaises en vue du scrutin de 2023. Il a signalé qu’en cas de sollicitation des autorités nationales, l’Union européenne dispose des moyens pour aider le pays à préparer un processus électoral libre, équitable, transparent et inclusif. En attendant, a-t-il conclu, les efforts doivent se poursuivre pour consolider la stabilité et le développement, en particulier, l’urgence humanitaire, à la protection des droits de l’homme et la lutte contre les discours de haine. Il a enfin estimé que l’exploitation durable des ressources naturelles et la lutte contre leur trafic illicite seront des facteurs supplémentaires de paix.
M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a déclaré que pendant que se tient cette réunion, la localité de Bunagana, située dans l’est de la RDC, est toujours « occupée par le Rwanda, sous couvert du M23 ». Cette énième agression est « inacceptable » et le Conseil, qui est très bien informé par son propre groupe d’experts, « ne doit pas continuer à fermer les yeux », a lancé le représentant, qui a « demandé solennellement » au Conseil de sécurité de rejoindre « clairement et sans ambiguïté » la RDC et son Président pour demander « haut et fort aux forces d’agression et d’occupation » de quitter immédiatement Bunagana, sans conditions ni subterfuges.
Le représentant a ensuite assuré que le Processus de Nairobi, qui a connu une « pause technique », allait être relancé dans les prochains jours. Son volet politique est toujours d’actualité, a-t-il assuré. Les groupes rebelles qui y adhéreront seront pris en charge par le programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), a-t-il ajouté, faisant observer que l’opérationnalisation complète de ce « programme crucial », allait exiger des financements. Quant au volet militaire, lui aussi en cours de mise en œuvre, quelques « groupes négatifs » lui demeurent réfractaires, notamment le groupe terroriste M23 « soutenu par le Rwanda », les Forces démocratiques alliées (ADF), ainsi que des groupes armés Zaïre et Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) dans l’Ituri, et enfin les Maï-Maï dans le Sud-Kivu.
En ce qui concerne, les groupes armés étrangers, il n’y aura pas de discussions possibles, a affirmé le représentant: le Gouvernement de la RDC leur demande de « déposer sans conditions les armes et de rentrer chez eux ». Il demande aussi aux pays d’origine de ces « groupes négatifs » de prouver leur bonne foi en mettant en place des processus et des conditions adéquates pour « absorber » ces combattants. Par ailleurs, les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) vont s’harmoniser et collaborer avec la MONUSCO, notamment pour éviter les « tirs amis », a-t-il assuré.
M. Nzongola-Ntalaja a assuré que, pour son pays, la MONUSCO est un partenaire « important » pour la paix et la stabilité dans l’est de la RDC. Mais, a-t-il ajouté, la réévaluation du plan de transition et du retrait progressif de la mission est une « nécessité ». Le Gouvernement estime toutefois que la MONUSCO doit mettre en œuvre son « mandat principal » de protection des civils, et ce, de manière « robuste ». La RDC réitère donc sa demande au Conseil d’allouer à la Mission des moyens suffisants, d’actualiser l’armement et de relever le niveau des équipements.
La RDC demande également au Conseil d’exiger un retrait « immédiat et sans conditions » des troupes rwandaises et du M23 de la cité de Bunagana, a insisté le représentant. Elle lui demande aussi d’appuyer le Processus de Nairobi et d’exiger de tous les groupes armés, « sans exception », de déposer les armes pour rejoindre le P-DDRCS. La RDC demande par ailleurs le renforcement des sanctions contre les réseaux maffieux internes et externes qui exploitent illégalement les ressources naturelles de la RDC, depuis des lieux de production, de transit et de destinations. Elle demande enfin la levée totale du dispositif de la clause de notification préalable exigée par le Comité des sanctions du Conseil de sécurité relatif à la RDC, a conclu le représentant.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) a estimé que le Rapport du Secrétaire général donnait une couverture très complète des effets provoqués par des groupes armés étrangers dans l’est de la RDC. Il a estimé que le Processus de Nairobi et la Feuille de route de Luanda se complètent. Il s’est dit certain qu’une solution durable pourra être mise en œuvre.
Le représentant a ensuite cité les propos du Président Paul Kagame du Rwanda, selon qui, il « est urgent de trouver la volonté politique afin de faire face à l’instabilité dans l’est de la RDC, s’accuser l’un l’autre ne permet pas de surmonter les problèmes, qui ne sont pas insurmontables, on peut trouver des solutions ». Les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et ses dissidents continuent de déstabiliser le Rwanda, a-t-il déploré, affirmant que ces groupes étaient toujours présents aux côtés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Ces « traîtres » continuent d’être des « forces négatives » et mènent des opérations transfrontières sur le territoire rwandais, a accusé le représentant, pour qui la menace qu’ils représentent ne doit pas être sous-estimée. Il a notamment affirmé que les FDLR fondaient leur idéologie sur le génocide, pillaient, tuaient et continuaient à saper la sécurité du Rwanda. « Ces groupes dissidents sont une menace crédible pour la sécurité du Rwanda », a-t-il insisté.
Le représentant a en outre dénoncé une tendance de certains dirigeants congolais à faire du Rwanda un bouc émissaire, « ce qui ne fait qu’aggraver le sentiment anti-rwandais et approfondit la haine contre les communautés rwandaises ». Le Rwanda considère qu’on peut faire face à tout cela si la volonté politique existe. La RDC doit accepter sa responsabilité au titre des accords régionaux et doit mettre en œuvre les accords de paix existants. Le problème, ce n’est pas le mécanisme, c’est l’absence de mise en œuvre des accords existants, a-t-il déclaré.
M. ZEPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) s’est réjoui du fait que les excellentes relations diplomatiques, commerciales et socioéconomiques que le Burundi entretient avec la République démocratique du Congo se matérialisent, notamment en mettant en application plusieurs accords dans le domaine commercial, dans la libre circulation des personnes et des marchandises et tant d’autres. Il a rappelé que le Burundi a accueilli des milliers de réfugiés en provenance de la partie est de la RDC « où pullulent plusieurs groupes armés et terroristes locaux et étrangers ». Il a ajouté que le Burundi s’est joint aux efforts de la communauté Est africaine visant à stabiliser l’est de la RDC dans le cadre du processus de Nairobi. C’est dans cet esprit qu’a été déployé en RDC un contingent de la Force de défense nationale du Burundi, a-t-il signalé, expliquant vouloir ainsi contribuer au rétablissement de la paix et de la sécurité dans la province du Sud-Kivu. Au vu des problématiques sécuritaires à caractère répétitif, le délégué a dit que le Burundi soutient profondément les approches régionales et, plus spécifiquement, le processus de Nairobi entrepris par la Communauté de l’Afrique de l’Est. Au regard de la situation au Sud-Kivu, il a jugé nécessaire non seulement de neutraliser les forces négatives et terroristes qui sèment la désolation dans la sous-région, mais aussi de développer une approche visant la réconciliation entre les communautés locales pour parvenir à instaurer une culture de la paix dans les esprits des communautés appelées à coexister pacifiquement.