Syrie: Le Conseil de sécurité proroge de six mois le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière
Après de difficiles négociations marquées par le rejet de deux précédents projets vendredi, le Conseil de sécurité a finalement adopté ce matin, par 12 voix pour et 3 abstentions (France, Royaume-Uni et États-Unis), une résolution prorogeant de six mois, jusqu’au 10 janvier 2023, le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en Syrie au point de passage de Bab el-Haoua, assortie d’une prorogation supplémentaire de six mois mais « qui nécessitera l’adoption d’une résolution distincte ». Le Conseil prie en outre le Secrétaire général de lui présenter, au plus tard le 10 décembre 2022, un rapport spécial sur les besoins humanitaires en Syrie.
Vendredi, les membres du Conseil de sécurité avaient rejeté tour à tour deux projets de résolution concurrents sur la question. La Fédération de Russie avait d’abord opposé son veto à un texte présenté par l’Irlande et la Norvège, qui prévoyait un renouvellement de 12 mois du mécanisme, tandis que la Chine s’abstenait et que les 13 autres membres du Conseil l’approuvaient. Le projet concurrent de la Fédération de Russie, appuyé par la Chine, qui limitait la prorogation de six mois avec « à l’esprit » une extension future de six mois supplémentaires, n’avait obtenu le soutien que de la Chine, tandis que les 10 membres élus du Conseil s’abstenaient et que la France, les États-Unis et le Royaume-Uni votaient contre.
La résolution 2642 (2022) adoptée aujourd’hui et présentée à nouveau par l’Irlande et la Norvège, prévoit une nouvelle prorogation à l’issue des six mois, « à savoir jusqu’au 10 juillet 2023 », mais précise que celle-ci « nécessitera l’adoption d’une résolution distincte ». Outre le rapport spécial sur les besoins humanitaires en République arabe syrienne qu’il devra remettre au Conseil au plus tard le 10 décembre 2022, le Secrétaire général devra continuer de présenter un rapport de situation mensuel et un rapport bimestriel sur l’application des résolutions relatives à la Syrie.
En outre, le Conseil demande instamment aux États Membres d’adopter des mesures concrètes pour satisfaire les besoins urgents du peuple syrien et d’intensifier les mesures visant à étendre les activités humanitaires en Syrie, de concert avec les organisations humanitaires. À cette fin, il préconise la tenue bimestrielle de dialogues interactifs informels réunissant les donateurs, les parties prenantes régionales et les organisations humanitaires internationales opérant dans le pays afin d’examiner l’application de la présente résolution.
Les négociations sur le renouvellement du mécanisme ont été « difficiles », a reconnu l’Irlande, pour qui la résolution se veut le fruit d’un « équilibre délicat » entre les membres du Conseil, qui doit maintenant assumer ses responsabilités.
La France, les États-Unis et le Royaume-Uni se sont abstenus, estimant que le Conseil avait, selon les mots des États-Unis, abaissé son ambition. C’est la première fois qu’une résolution adoptée sur le mécanisme transfrontalier l’est avec l’abstention des trois membres permanents occidentaux du Conseil, qui ont jugé la mesure insuffisante. La France a en outre fait observer que l’autorisation de passage transfrontière allait de nouveau expirer dans six mois, en plein hiver et sans garantie ferme de reconduction.
Alors que 4,1 millions personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, dont 2,4 millions qui dépendent exclusivement du mécanisme transfrontière, un renouvellement de 12 mois était nécessaire sur le plan opérationnel, a martelé le Royaume-Uni, surtout pendant l’hiver. Une position partagée par les États-Unis, qui ont estimé que le Conseil de sécurité, en adoptant cette résolution, prenait le peuple syrien « en otage » en refusant d’accorder la priorité aux besoins humanitaires. Or, a-t-il noté, la Fédération de Russie est le seul membre du Conseil qui s’est opposé au renouvellement de 12 mois du mécanisme, ce qui illustre une nouvelle fois son isolement alors que la Chine s’est abstenue, vendredi, lors du vote sur son projet de résolution.
« Le monde ne se limite pas aux intérêts des pays occidentaux comme l’ont imaginé certains à Londres, Paris ou Washington », a rétorqué le représentant russe, en invitant les pays occidentaux à « respecter les intérêts d’autres pays » dans le cadre de leurs travaux au Conseil de sécurité. Il a toutefois regretté que la résolution ne permette pas le passage de l’aide humanitaire au travers des lignes de front dans toutes les régions de la Syrie. Cette dernière a par ailleurs réfuté les « allégations erronées de certains États hostiles » pour justifier l'extension du « prétendu mécanisme transfrontalier », imposée par des circonstances exceptionnelles qui n'existent plus. Elle a dénoncé les contradictions des États occidentaux qui se sont abstenus, qui servent selon elle à justifier le « siège immoral, inhumain et illégal imposé au peuple syrien », notamment au moyen des sanctions.
Pour la Chine, cependant, l’aide humanitaire transfrontalière ne peut pas être renouvelée indéfiniment. De même, les sanctions « unilatérales » restreignent l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie et doivent être levées complètement dans les plus brefs délais.
« Nous ne financerons pas la reconstruction et nous ne lèverons pas les sanctions contre la Syrie tant qu’un processus politique crédible et inclusif ne sera pas fermement engagé », conformément à la résolution 2254, a toutefois prévenu la France.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Texte du projet de résolution (S/2022/546)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions 2042 (2012), 2043 (2012), 2118 (2013), 2139 (2014), 2165 (2014), 2175 (2014), 2191 (2014), 2209 (2015), 2235 (2015), 2254 (2015), 2258 (2015), 2268 (2016), 2286 (2016), 2332 (2016), 2336 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018), 2449 (2018), 2504 (2020) 2533 (2020), 2585 (2021) et les déclarations de sa présidence des 3 août 2011 (S/PRST/2011/16), 21 mars 2012 (S/PRST/2012/6), 5 avril 2012 (S/PRST/2012/10), 2 octobre 2013 (S/PRST/2013/15), 24 avril 2015 (S/PRST/2015/10), 17 août 2015 (S/PRST/2015/15) et 8 octobre 2019 (S/PRST/2019/12),
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne, ainsi qu’aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,
Encourageant l’action menée pour améliorer l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les lignes de front et engageant toutes les parties concernées à promouvoir davantage, en fonction de l’évaluation par l’Organisation des Nations Unies des besoins, l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire,
Considérant que la situation humanitaire catastrophique qui règne en République arabe syrienne continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité dans la région,
Rappelant que toutes les parties doivent respecter les dispositions applicables du droit international humanitaire et les principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence,
Se déclarant à cet égard gravement inquiet de l’impact de la pandémie de COVID-19, constatant qu’elle met à mal le système de santé et la situation humanitaire en République arabe syrienne, et rappelant qu’il importe que le personnel humanitaire et médical, ainsi que son matériel, son transport et ses fournitures, bénéficie sans délai d’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, afin de faciliter la fourniture de l’aide humanitaire et la vaccination contre la COVID‑19 dans toutes les régions de la République arabe syrienne sans discrimination, comme énoncé dans la résolution 2565 (2021) et dans l’appel lancé par le Secrétaire général,
Constatant que les activités humanitaires ne se limitent pas à satisfaire les besoins immédiats de la population touchée et doivent comprendre une aide à des services essentiels au moyen de projets de relèvement rapide relatifs à l’eau, l’assainissement, la santé, l’éducation, l’électricité, là où c’est essentiel pour rétablir l’accès aux services de base, et aux abris,
Soulignant que l’Article 25 de la Charte des Nations Unies fait obligation aux États Membres d’accepter et d’appliquer ses décisions,
1. Exige que l’ensemble des dispositions de ses résolutions sur la question, notamment les résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018), 2449 (2018), 2504 (2020), 2533 (2020) et 2585 (2021), soient appliquées sans délai;
2. Décide de reconduire les mesures visées aux paragraphes 2 et 3 de sa résolution 2165 (2014) pour une période de six mois, à savoir jusqu’au 10 janvier 2023, concernant uniquement le point de passage de Bab el-Haoua, avec une prorogation de six mois supplémentaires, à savoir jusqu’au 10 juillet 2023, ce qui nécessitera une résolution distincte confirmant la présente reconduction, et prie le Secrétaire général de présenter un rapport spécial sur les besoins humanitaires en République arabe syrienne, au plus tard le 10 décembre 2022;
3. Demande instamment aux États Membres d’adopter des mesures concrètes pour satisfaire les besoins urgents du peuple syrien, compte tenu du profond impact socioéconomique et humanitaire de la pandémie de COVID-19 sur la République arabe syrienne, pays en situation d’urgence humanitaire complexe;
4. Se félicite des efforts en cours et demande d’intensifier davantage les initiatives visant à étendre les activités humanitaires en République arabe syrienne, dont les projets de relèvement rapide relatifs à l’eau, l’assainissement, la santé, l’éducation, l’électricité, là où c’est essentiel pour rétablir l’accès aux services de base, et aux abris, menés par les organisations humanitaires, et demande aux autres organismes humanitaires internationaux et aux parties concernées de les appuyer;
5. Prie le Secrétaire général de lui faire le point de la situation chaque mois et de lui soumettre régulièrement, et au moins tous les 60 jours, un rapport sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018), 2449 (2018), 2504 (2020), 2533 (2020), 2585 (2021) et de la présente résolution ainsi que sur le respect de leurs dispositions par toutes les parties concernées en République arabe syrienne, et le prie également de continuer de lui faire part, dans ses rapports, de l’évolution d’ensemble concernant les opérations à travers les lignes de front menées sans entrave et en toute sécurité, en particulier des progrès de ces opérations dans toutes les régions de la République arabe syrienne, les projets de relèvement rapide, ainsi que des informations détaillées sur l’aide humanitaire acheminée dans le cadre des opérations humanitaires transfrontières des Nations Unies, notamment leur transparence, le mécanisme de distribution, le nombre de bénéficiaires, de partenaires pour la mise en œuvre, les lieux de livraison de l’aide au niveau des districts et le volume et la nature des articles livrés;
6. Préconise de réunir un dialogue interactif informel tous les deux mois avec la participation des donateurs, des parties régionales intéressées et des représentants des organismes humanitaires internationaux opérant en République arabe syrienne, qui sera chargé d’examiner et de suivre régulièrement l’application de la présente résolution, notamment les progrès dans les projets de relèvement rapide;
7. Décide de rester activement saisi de la question.
Déclarations avant le vote
Mme GERALDINE BYRNE MASON (Irlande), qui s’exprimait au nom des deux pays porte-plumes, l’Irlande et la Norvège, a reconnu que les négociations sur le renouvellement du mécanisme ont été difficiles. Au cours des discussions, seuls les besoins humanitaires du peuple syrien ont guidé notre action, alors que l’autorisation du mécanisme transfrontière est venue à expiration dimanche, a-t-elle affirmé. Le projet de résolution prévoit une prorogation du mécanisme de six mois, à laquelle s’ajoute une prorogation supplémentaire de six mois, qui nécessitera une nouvelle résolution. Si, de l’avis des porte-plumes humanitaires, une prorogation de 12 mois était nécessaire, le Conseil de sécurité, par cette résolution, garde la frontière ouverte et permet l’acheminement de l’aide humanitaire. Il s’agit d’un équilibre délicat entre les membres du Conseil, qui doit maintenant assumer ses responsabilités, a conclu la représentante.
M. MARTIN KIMANI (Kenya), qui s’exprimait au nom des 10 membres élus du Conseil de sécurité (les E10), a salué les efforts consentis pour parvenir à un texte de compromis permettant d’assurer la continuité de l’aide humanitaire critique, fournie par le biais du mécanisme transfrontière afin de répondre aux besoins humanitaires urgents du peuple syrien. Il a rappelé que, la semaine dernière, les E10 avaient soutenu un renouvellement de 12 mois afin de donner plus de certitude aux opérations, mais a ajouté qu’en définitive, l’objectif était de pouvoir répondre aux besoins du peuple syrien.
Déclarations après le vote
Mme MONA JUUL (Norvège), qui s’exprimait également au nom de l’Irlande, a salué l’adoption de la résolution et rappelé qu’elle avait pour objectif principal l’acheminement de l’aide à ceux qui en ont besoin en Syrie. En rédigeant ce projet, les deux porte-paroles humanitaires ont écouté les agences humanitaires sur place, a affirmé la représentante. Elles disent que le mécanisme doit être renouvelé par une prorogation de 12 mois pour une bonne mise en œuvre et planification de l’aide. La représentante a regretté le veto russe à cet égard. Le projet de résolution adopté aujourd’hui, qui permet la réouverture du mécanisme, est une assurance pour les agences humanitaires et une bouée de sauvetage pour les Syriens. Le Conseil de sécurité a placé en premier l’intérêt des Syriens. Il incombe à chacun de faire preuve d’unité pour acheminer l’aide. L’effort de relèvement est aussi une préoccupation de la Norvège, a ajouté la représentante, qui a exhorté les parties au dialogue avec l’Envoyé spécial sur cette question.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a salué l’adoption d’une résolution permettant de reconduire pour une période de six mois, à savoir jusqu’au 10 janvier 2023, une aide humanitaire transfrontalière concernant uniquement le point de passage de Bab el-Haoua, qui permettra à 4 millions de personnes, dont 2,7 millions de personnes déplacées, de bénéficier d’une aide humanitaire dans le nord-est de la Syrie. Après avoir rappelé que 14 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire sous une forme ou une autre, le représentant a dit l’urgence de faciliter un processus politique pris en main par les Syriens et facilité par les Nations Unies conformément à la résolution 2254. Estimant que les opérations humanitaires transfrontalières ne pouvaient être maintenues indéfiniment, le représentant a dit la nécessité de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les lignes de front.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est dit soulagé par le renouvellement du mécanisme transfrontière mais insatisfait que celui-ci ne soit que pour une période de six mois, expirant en plein hiver et sans garantie ferme de reconduction. Les recommandations du Secrétaire général et des organisations humanitaires à ce sujet étaient pourtant claires, et c’est la raison pour laquelle la France s’est abstenue lors du vote. Elle continuera toutefois à assumer pleinement ses obligations humanitaires en Syrie et entend demeurer vigilante, lors du renouvellement du mécanisme, dans six mois, afin de répondre aux besoins urgents de la population. « Nous ne financerons pas la reconstruction et nous ne lèverons pas les sanctions contre la Syrie tant qu’un processus politique crédible et inclusif ne sera pas fermement engagé », conformément à la résolution 2254, a également prévenu le représentant.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé que ce renouvellement, comme depuis la première adoption, repose sur les besoins humanitaires et uniquement humanitaires. En Syrie, 4,1 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire dans le nord-ouest du pays, dont 2,4 millions qui dépendent exclusivement du mécanisme transfrontière de l’ONU chaque mois. Les représentants des Nations Unies et les ONG l’ont affirmé à plusieurs reprises: un renouvellement de 12 mois est nécessaire pour leur donner suffisamment de certitudes sur le plan opérationnel, surtout pendant les longs et froids mois d’hiver. Or, vendredi dernier, la Russie a empêché ce renouvellement. Le vote d’aujourd’hui ne va pas alléger les souffrances du peuple syrien, car sans une reconduction de 12 mois, les agences humanitaires se retrouveront dans des cycles d’action d’urgence.
Il est clair aujourd’hui, bien que ce renouvellement soit uniquement de 6 mois, l’intention du Conseil est d’assurer une reconduction de 6 mois supplémentaires, grâce à l’adoption d’une nouvelle résolution, a conclu la représentante.
M. DAI BING (Chine) a salué l’adoption du projet de résolution car, en dépit des divergences entre les membres du Conseil qui sont normales, la persévérance et le dialogue ont prévalu. Le Conseil doit quand même assumer son mandat. Le respect de la souveraineté de la Syrie doit être le canal par lequel l’aide doit être acheminée. L’aide transfrontalière ne peut pas être renouvelée indéfiniment. Le projet adopté aujourd’hui ouvre aussi la voie au relèvement de la Syrie. L’aide doit respecter la neutralité et la transparence. Par ailleurs, les sanctions unilatérales restreignent l’aide des humanitaires en Syrie, a affirmé le représentant, qui a exhorté la levée complète des sanctions contre la Syrie.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit avoir voté en faveur de cette résolution afin que les Syriens puissent compter sur une solution salvatrice et que les enfants, les filles et les habitants de Syrie voient que le Conseil de sécurité est de leur côté. Il a regretté que vendredi dernier ait été marqué par un échec en raison du recours au veto par la Fédération de Russie. « En adoptant ce texte, nous jouons notre rôle sans cynisme parce que nous continuons de croire que le mécanisme transfrontalier est crucial pour répondre aux besoins des populations dans les zones le plus reculées », a insisté M. Hoxha.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) s’est félicitée de l’adoption de ce compromis qui reflète la volonté des membres du Conseil de répondre aux besoins humanitaires en Syrie par tous les moyens possibles. Elle a souligné l’inclusion dans la résolution du financement des projets de relèvement rapide, notamment en ce qui concerne l’électricité, besoin humanitaire fondamental dont dépendent les services essentiels. Il est crucial de continuer d’accorder la priorité au dossier syrien sous tous ses volets pour parvenir à la paix en Syrie et dans le monde arabe, a-t-elle conclu.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie), qui a voté en faveur du texte, a noté que l’adoption permettra au mécanisme transfrontière de fonctionner jusqu’au mois de janvier 2023. Certains sont déçus de constater que leur approche n’a pas été retenue, mais « le monde ne se limite pas aux intérêts des pays occidentaux comme l’ont imaginé certains à Londres, Paris ou Washington », a-t-il ajouté. Il faut s’habituer à respecter les intérêts d’autres pays et surtout ceux que concernent directement les décisions adoptées au Conseil de sécurité, a-t-il mis en garde.
En choisissant cette forme de renouvellement, nous avons répondu aux exigences de la situation pour les six prochains mois, a poursuivi le représentant. Dans le cadre de dialogues officieux au sein du Conseil, nous allons faire le point sur les progrès réalisés dans l’adoption de cette résolution afin de déterminer la marche à suivre, a-t-il ajouté, se disant convaincu que c’est grâce à un dialogue sur le fond et honnête concernant les problèmes rencontrés sur le dossier militaire syrien, en associant toutes les parties intéressées que « nous pourrons trouver une solution équilibrée ». Malheureusement, a poursuivi M. Polyanskiy, la pratique des rapports spéciaux du Secrétaire général ne suffisait pas à atteindre cet objectif. Nous aurions préféré que l’aide humanitaire passe par les lignes de contact dans toutes les régions de Syrie, a-t-il ajouté, précisant que c’est la formulation qu’il aurait aimé voir dans la résolution et qui, a-t-il regretté, n’a pas été retenue.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis), après avoir salué l’adoption du projet de résolution sur lequel il s’est abstenu, a estimé qu’en agissant ainsi, les membres du Conseil ont pris en otage la vie des Syriens. Les agences humanitaires et les ONG sur le terrain ont toutes dit qu’une prorogation de 12 mois du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière était le minimum nécessaire mais un membre du Conseil n’a pas voulu donner la priorité aux besoins humanitaires du peuple syrien. Le Conseil de sécurité a abaissé son ambition, blessant davantage le peuple syrien, a ajouté le représentant. Pour lui, il s’agissait de faire le minimum. Comme l’année dernière, 11 pays étaient prêts à agir mais la Russie a décidé autrement, a-t-il accusé.
Pour les États-Unis, le projet qui vient d’être adopté va compliquer le travail des humanitaires. Ce mécanisme existe parce que le « régime Assad » est connu pour sa corruption et pour détourner l’aide, et certains des besoins immédiats du peuple syrien sont les conséquences directes de la guerre en Ukraine mais la Russie ne s’en soucie pas, a poursuivi le représentant. La prorogation ira jusqu’en janvier, quand les besoins sont les plus forts. La gravité de cette décision ne peut pas être cachée. C’est parce que nous avons écouté les agences humanitaires et les besoins sur le terrain que nous n’avons pas voté contre le projet, a encore affirmé le représentant. La Russie est le seul membre du Conseil qui s’est opposé au renouvellement de 12 mois du mécanisme, a-t-il insisté, avant de conclure en estimant que, si nous avançons aujourd’hui, c’est parce que le Conseil est solidaire avec le peuple syrien et que nous n’allons pas tourner le dos à ses besoins.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a dit la détermination de son gouvernement pour assurer que l’aide humanitaire parvienne à tous les Syriens dans tout le pays, sans discrimination ni exclusion. Estimant que le Gouvernement syrien est parvenu, dans les moments les plus difficiles, à gérer l’acheminement de nombreux convois des Nations Unies, du Comité international de la Croix-Rouge et des partenaires humanitaires, dans les différentes régions syriennes, le représentant a réfuté les « allégations erronées de certains États hostiles » à la Syrie pour justifier l’extension du prétendu « mécanisme transfrontalier », imposé par des circonstances exceptionnelles qui n’existent plus.
Faisant référence aux préoccupations exprimées par sa délégation il y a quelques jours, le représentant a fait observer que ce qui a été réalisé aujourd’hui aurait pu l’être vendredi, si l’égoïsme politique de trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité n’avaient pas pris le dessus. Il a dénoncé l’attitude de ces trois pays, qui, a-t-il affirmé, ont essayé de tromper l’opinion publique afin d’insulter les Gouvernements syrien et russe. Il a dénoncé les contradictions des mêmes pays, qui justifient « le siège immoral, inhumain et illégal imposé au peuple syrien ». Il a rappelé que son gouvernement avait seulement souhaité des améliorations du texte du projet de résolution initial pour garantir une bonne réponse aux besoins humanitaires de façon équilibrée, transparente et mesurable, dans le but d’améliorer la situation humanitaire et la vie des Syriens, et d’alléger leurs souffrances, notamment en promouvant des projets de relèvement rapide, notamment dans le secteur de l’électricité, qui figuraient dans le texte de la résolution.
Le représentant a exhorté le Secrétaire général à inclure dans son rapport les informations sollicitées par la résolution s’agissant d’une évaluation méticuleuse sur les quantités et qualités d’aide humanitaire nécessaires aux Syriens, sans oublier la répartition géographique desdits besoins. Il a salué la souplesse dont a fait preuve la Fédération de Russie pour permettre l’adoption de cette résolution, avant d’exiger une mise en œuvre sans sélectivité ni discrimination ou politisation du texte adopté. Enfin, il s’est réjoui des séances de dialogue interactif qui doivent être mises en place pour suivre et surveiller la mise en œuvre de la résolution.