Conseil de sécurité: M. Carmel Agius dresse le bilan de sa présidence du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux
Pour sa dernière intervention devant le Conseil de sécurité, le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, M. Carmel Agius, a dressé le bilan de sa présidence, en soulignant les « progrès remarquables accomplis » malgré d’importants défis, dont la pandémie de COVID-19. Les délégations lui ont décerné un satisfecit, même si certaines notes dissonantes sont venues de la Fédération de Russie et de la Serbie.
Le Président Agius a rappelé qu’il ne reste plus que trois affaires principales en instance, ce qui représente une réduction importante de la charge de travail par rapport au début de l’année 2019. « Il n’en restera plus que deux très prochainement, à la suite du prononcé de l’arrêt, le 29 juin 2022, dans l’affaire Fatuma et consorts. » Dans l’autre affaire en appel, l’affaire Stanišić et Simatović, la procédure est en bonne voie et devrait s’achever dans les délais prévus, à savoir en juin 2023, a-t-il dit.
L’une des priorités de sa présidence a été l’achèvement rapide et efficace des procédures judiciaires dont était saisi le Mécanisme, dans le respect des droits fondamentaux. M. Agius a fait état d’avancées majeures dans la recherche des fugitifs du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), sachant qu’il n’en reste plus que quatre, tous devant être jugés au Rwanda. Le Président n’a pas fait mystère des « revers » essuyés par le Mécanisme, en indiquant notamment que la question du devenir des personnes acquittées ou libérées n’a pas été résolue.
Il a aussi parlé des difficultés rencontrées dans l’affaire d’outrage mettant en cause Petar Jojić et Vjerica Radeta en pointant le manquement persistant de la Serbie à l’égard de ses obligations. Enfin, à l’instar du Procureur, M. Serge Brammertz, qui s’est également exprimé, le Président a déclaré qu’après 10 ans d’activités, le Mécanisme est sur le point de concrétiser la vision du Conseil de sécurité voulant qu’il soit « une petite institution à vocation temporaire ».
Les délégations ont été nombreuses à saluer les efforts et les succès du Mécanisme sous la présidence de M. Agius, à l’instar du Kenya qui a souligné des « progrès notables » et de l’Inde qui a apprécié cette présidence « tout entière tournée vers l’obtention de résultats ». De « francs succès dans la lutte contre l’impunité », a renchéri le délégué des États-Unis. Rappelant que le Mécanisme va revoir ses fonctions à la baisse, ce dernier a exhorté les juridictions nationales à accroître leurs efforts en ce qui concerne l’établissement des responsabilités.
Un appel repris par de nombreux membres du Conseil, à la suite du Procureur du Mécanisme qui a jugé prioritaire l’assistance aux juridictions nationales chargées de poursuivre les auteurs de crimes internationaux commis dans les deux pays concernés. Le Gabon, en sa qualité de Président du Groupe de travail informel sur le Mécanisme international résiduel, n’a pas dit autre chose en appelant à renforcer les capacités des systèmes judicaires nationaux.
La Fédération de Russie s’est en revanche livrée à un véritable réquisitoire contre le Mécanisme, en l’accusant de n’avoir « absolument pas avancé dans la conclusion de ses travaux ». Regrettant que ni le niveau de personnel ni le budget n’aient baissé depuis 2017, le délégué russe a accusé le Mécanisme de faire du « surplace » et de « l’enfumage autocratique » alors qu’il n’y a que trois affaires à gérer. Enfin, la Ministre de la justice de la Serbie a dénoncé les allégations sur la non-coopération présumée de son pays dans l’affaire Jojić et Radeta et jugé inacceptable le transfert de cette affaire au Mécanisme. Quant à la Croatie, elle a souhaité que l’affaire Stanišić et Simatović soit examinée en appel en cohérence avec le jugement du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX
Déclarations
M. CARMEL AGIUS, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a précisé qu’il prend la parole devant le Conseil une dernière fois avant de quitter ses fonctions. Il a souligné les progrès remarquables accomplis tout au long de sa présidence, malgré d’importants défis, et notamment la pandémie de COVID-19. Il ne nous reste plus que trois affaires principales, ce qui représente une réduction importante de la charge de travail par rapport au début de l’année 2019, a dit le Président. « Il n’en restera plus que deux très prochainement, à la suite du prononcé de l’arrêt, le 29 juin 2022, dans l’affaire Fatuma et consorts, dont je préside la procédure en appel. » Dans l’autre affaire en appel, l’affaire Stanišić et Simatović, la procédure est en bonne voie et devrait s’achever dans les délais prévus, à savoir en juin 2023, et une autre conférence de mise en état se tiendra la semaine prochaine, a indiqué le Président.
Dans l’affaire Kabuga, il a précisé que la Chambre de première instance a, hier, rendu sa décision: la Chambre a conclu que la défense n’avait pas établi que Félicien Kabuga était actuellement inapte à être jugé. La Chambre de première instance a en outre ordonné, entre autres, que l’accusé reste détenu à la division du Mécanisme à La Haye et que son procès commence sur place, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement. Il a rappelé que l’une des priorités de sa présidence a été l’achèvement rapide et efficace des procédures judiciaires en cours au Mécanisme, dans le respect des garanties de procédure et des droits fondamentaux. Des avancées majeures dans la recherche des fugitifs du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont également eu des conséquences décisives sur les opérations du Mécanisme et ses perspectives, a-t-il fait valoir en signalant qu’il ne reste plus que quatre fugitifs du TPIR, tous devant être jugés au Rwanda.
Le Président a précisé que les responsabilités du Mécanisme en ce qui concerne le suivi des affaires renvoyées aux juridictions nationales ont été considérablement réduites. « Lorsque j’ai pris mes fonctions de Président, le Mécanisme était chargé de suivre sept affaires, il n’en reste désormais plus que deux. » Parallèlement à ces résultats, nous avons essuyé quelques revers, a dit le Président. À « son grand regret », M. Agius a déclaré que la situation des personnes acquittées ou libérées n’a pas été résolue. L’accord contraignant signé par l’ONU et le Niger en vue de la réinstallation de ces personnes sur le territoire nigérien n’a pas été respecté, a-t-il regretté. « Par ailleurs, l’affaire d’outrage mettant en cause Petar Jojić et Vjerica Radeta illustre bien les cas où la capacité du Mécanisme à rendre la justice a été mise à mal, dans ce cas précis, du fait du manquement persistant de la Serbie aux obligations internationales imposées à tous les États par ce Conseil dans la résolution 1966 (2010) », a regretté le Président.
Après 10 ans d’activités, le Mécanisme est sur le point de concrétiser la vision du Conseil de sécurité voulant qu’il soit une petite institution à vocation temporaire, un effort qui ne devrait pas être sous-estimé, a déclaré le Président. Il a tenu à souligner que bon nombre de ses activités —dont un certain nombre de fonctions judiciaires— se poursuivront dans un futur prévisible, et ce, bien après l’achèvement des affaires principales, à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement. « Il appartiendra au Conseil de sécurité, qui a lui-même fixé la portée du mandat du Mécanisme, de décider si et quand certaines de nos responsabilités devraient, de manière plus appropriée, être prises en charge par d’autres. »
M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, s’est dit heureux d’informer le Conseil que, durant ces deux dernières années, son Bureau a retrouvé la moitié des fugitifs qui étaient recherchés depuis la fermeture du TPIR. Il s’agit notamment des trois principaux fugitifs, à savoir Félicien Kabuga, Augustin Bizimina et Protais Mpiranya, ex-commandant de la Garde présidentielle. Mais, a-t-il relevé, pour les victimes du génocide perpétré en 1994 contre les Tutsis, il est intolérable que l’on ne sache toujours pas où se trouvent ceux qui sont accusés de crimes atroces. Si rien ne peut effacer la douleur des victimes, nous espérons cependant qu’elles seront satisfaites de savoir que la chasse aux fugitifs se poursuit, a-t-il confié, ajoutant qu’une étape supplémentaire a été franchie par le Mécanisme dans l’accomplissement de ce mandat puisque, pour l’heure, seuls quatre fugitifs sont encore recherchés, dont Fulgence Kayishema. À ce sujet, il a indiqué qu’avec l’appui du Président sud-africain et de son cabinet, une équipe spéciale opérationnelle a été récemment créée pour aider son Bureau à arrêter et traduire en justice ce fugitif. Notre but est de retrouver les quatre derniers fugitifs avant que le Conseil de sécurité n’entame son prochain examen des travaux du Mécanisme, a-t-il dit.
Le Procureur a d’autre part précisé que son Bureau poursuit ses efforts visant à clore les dernières procédures en première instance et en appel, pour que justice soit rendue aux victimes au Rwanda et en ex-Yougoslavie. Il a qualifié de prioritaire l’assistance aux juridictions nationales chargées de poursuivre les auteurs de crimes internationaux commis dans ces deux pays, rappelant au passage que des milliers d’affaires demeurent pendantes devant les juridictions nationales. Ainsi, le Procureur général du Rwanda entend toujours poursuivre plus d’un millier de fugitifs accusés d’avoir perpétré le génocide. En Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie, plus de 3 000 auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide doivent encore faire l’objet d’enquêtes et de poursuites, a-t-il ajouté, soulignant l’importance de l’aide apportée à cette fin par son Bureau. Les éléments de preuve qu’il a recueillis représentent plus de 11 millions de pages de témoignages, rapports et comptes rendus nécessaires au travail des parquets nationaux. De plus, nos employés ont une excellente connaissance des crimes commis et de leurs auteurs, ce qui se reflète dans le nombre de demandes d’assistance que le Bureau reçoit chaque année.
Pourtant, malgré cet appui, les parquets nationaux continuent de rencontrer des difficultés, a déploré M. Brammertz. En ex-Yougoslavie, a-t-il expliqué, l’enjeu le plus important demeure la coopération judiciaire dans la région. Si le Bureau a été à l’origine de nombreuses avancées entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, notamment dans la lutte contre l’impunité, ces deux pays peinent à obtenir la coopération de la Croatie, a regretté le Procureur du Mécanisme. Aujourd’hui, nombreux sont ceux à avoir l’impression qu’il existe en Croatie la volonté de rendre justice aux victimes croates mais pas à celles d’autres groupes ethniques, a-t-il alerté, invitant ce pays à envoyer toutes les demandes d’assistance pendantes, actuellement bloquées par le Ministère de la justice, aux autorités judiciaires compétentes et à encourager ces dernières à traiter ces demandes en urgence. Il a par ailleurs demandé aux pays de l’ex-Yougoslavie de mettre de côté leurs clivages politiques et de renforcer sensiblement leur coopération pour retrouver les personnes disparues. C’est un impératif humanitaire, a-t-il affirmé.
En ce qui concerne le Rwanda, M. Brammertz a réitéré son appel à redoubler d’efforts pour traduire en justice les génocidaires qui ont fui vers d’autres pays, notamment en Europe et en Afrique. S’il est compréhensible que les gouvernements donnent l’ordre à la police et aux procureurs de se concentrer sur les crimes commis aujourd’hui, cela ne saurait servir de prétexte pour ne pas enquêter sur les crimes de génocide perpétrés au Rwanda il y a 20 ans, a-t-il martelé, appelant à une détermination « universelle » pour établir les responsabilités pour les crimes internationaux. S’agissant par ailleurs du processus d’examen en cours concernant le Mécanisme résiduel, il a réaffirmé l’engagement de son Bureau à concrétiser la vision du Conseil voulant que le Mécanisme soit une « petite entité efficace à vocation temporaire ». Pendant la période considérée, et en dépit de la réduction de ses effectifs et du redéploiement de ses ressources, il est parvenu à des déclarations de culpabilité dans trois affaires importantes, s’est-il félicité, citant les procès en première instance dans les affaires Stanišić et Simatović, et Nzabonimpa et consorts, et la procédure d’appel dans l’affaire Mladić. Ce sont là des résultats concrets qui contribuent à rendre justice aux victimes et, dans le même temps, marquent la fin prochaine des fonctions résiduelles du Mécanisme, a-t-il conclu, non sans rendre hommage aux accomplissements du Président Agius durant son mandat.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), en sa qualité de Président du Groupe de travail informel sur le Mécanisme international résiduel, a indiqué que l’arrestation de Félicien Kabuga, la traque des fugitifs, la confirmation récente, après de longues investigations, du décès de Protais Mpirania et Phénéas Munyarugarama, qui s’ajoutent aux condamnations de Ratko Mladić, Jovica Stanišić, Franco Simatović ou encore Nzabonipa et consorts, sont autant de faits qui reflètent clairement une mobilisation de la justice pénale contre l’impunité. Il a jugé cruciale la coopération des États avec les Tribunaux pénaux afin d’optimiser la collecte des éléments de preuve. Ces preuves sont indispensables pour ouvrir des enquêtes judiciaires en vue de l’établissement des faits pour les crimes présumés, notamment au Rwanda. À cet égard, il a estimé important de renforcer les capacités des systèmes judicaires nationaux. Le délégué a estimé que le Mécanisme international résiduel doit aller au bout de son mandat, parce que de nombreux défis demeurent. Il a ainsi évoqué les chantiers de la recherche active des fugitifs, de la clôture des procédures en instance et en appel, de la réinstallation des personnes acquittées ou condamnées ayant purgé leur peine, de la sensibilisation à la lutte contre la glorification des auteurs d’atrocités et les velléités de négation des crimes graves.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé que le Mécanisme n’a absolument pas avancé dans la conclusion de ses travaux avant de regretter que ni le niveau de personnel ni le budget n’aient baissé depuis 2017. Il a accusé le Mécanisme de faire du « surplace » et de « l’enfumage autocratique » alors qu’il n’y a que trois affaires à gérer. « Nous ne comprenons pas pourquoi il ait conservé autant de personnel dans ces conditions. » L’utilisation efficace des ressources n’a jamais été le point fort des Tribunaux pénaux internationaux, a estimé le représentant en rappelant que le Mécanisme avait mis entre 15 et 20 ans pour découvrir que deux fugitifs étaient morts. Cela témoigne selon lui de l’inefficacité du Mécanisme.
S’inquiétant de la détérioration de l’état de santé de M. Ratko Mladić, le représentant russe a demandé une assistance médicale la plus qualifiée conformément à la résolution 2529 (2020). Le Mécanisme a suivi la regrettable tendance à la partialité du TPIY en matière de politisation, selon lui, pour donner le sentiment que seul le peuple serbe est coupable des évènements des années 90. Il a cité un rapport du 7 janvier 2011 du Conseil parlementaire du Conseil de l’Europe sur les abus des forces albanaises du Kosovo, dont la mise en place d’un trafic d’organes. Le représentant russe a regretté que le Mécanisme n’ait eu aucune question à poser aux auteurs du rapport européen faisant état de monstruosités dont se sont rendus coupables les responsables albanais du Kosovo. Il a demandé des explications quant à la décision d’abandonner les poursuites relatives à des crimes commis par des Albanais.
Mme KAJAL BHAT (Inde) a salué la présidence de M. Agius, tout entière tournée vers l’obtention de résultats. Les efforts visant à assurer la continuité de la justice sont d’autant plus louables que le Mécanisme a dû faire face à des circonstances extraordinaires, a-t-elle relevé. La déléguée a souligné l’importance que le Mécanisme s’acquitte de son mandat dans le respect des principes de justice, d’impartialité et d’équité. Elle a salué les efforts en vue de régler la situation des personnes acquittées ou libérées. Le Mécanisme devrait continuer de progresser en ce qui concerne la protection des témoins, l’appréhension des derniers fugitifs et l’aide aux juridictions nationales, a conclu la déléguée de l’Inde.
Mme DIARRA DIME-LABILLE (France) a salué les accomplissements du Mécanisme dans ses activités judiciaires avant de prédire une année majeure pour la justice pénale internationale avec les trois procès en appel ainsi que le jugement de M. Kabuga. Elle a dès lors plaidé pour que le Mécanisme dispose des ressources financières nécessaires à l’acquittement de son mandat et pour qu’il bénéficie de la pleine coopération des États. L’arrestation, en France, de M. Kabuga a été possible grâce à la stratégie de recherche des fugitifs du Bureau du Procureur et le soutien de la France et de ses services judiciaires spécialisés, s’est-elle enorgueillie. Elle a donc exhorté les États à participer à l’arrestation des quatre derniers fugitifs pour que justice soit rendue aux victimes. S’agissant des affaires renvoyées devant les juridictions nationales, la déléguée a rappelé que le procès de Laurent Bucyibaruta s’est ouvert le 9 mai 2022 à Paris. Le Mécanisme joue un rôle indispensable de suivi et de conseil aux autorités judiciaires nationales, a-t-elle estimé. Rappelant que le mandat du Mécanisme est d’être une « petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront en diminuant », elle s’est félicitée que le rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) confirme les efforts constants du Mécanisme pour se conformer à sa nature temporaire. Enfin, elle a pris acte « avec regret » de la décision du Président Agius de ne pas reconduire son mandat à la tête du Mécanisme mais s’est réjouie de savoir qu’il pourra apporter ses compétences et son expérience en tant que juge du Mécanisme.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a abordé la question de la relocalisation des personnes acquittées ou libérées par le Mécanisme, en encourageant ce dernier à poursuivre ses efforts diplomatiques pour trouver une solution à l’amiable avec les États d’accueil. Il a affirmé le soutien du Ghana à tous les efforts du Mécanisme pour arrêter les fugitifs. Il a en outre salué la collaboration entre le Bureau du Procureur et les entités chargées des enquêtes nationales, avant de se féliciter de la coopération entre le Mécanisme et le Bureau des services de contrôle interne (BSCI). Il a conclu en saluant les efforts déployés par le Président et le Procureur du Mécanisme et leur personnel, malgré les contraintes de la COVID-19.
M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume Uni) s’est inquiété de la persistance de la glorification de criminels de guerre et de négations de génocides qui ont eu lieu au Rwanda ou en ex-Yougoslavie. S’agissant de l’avenir du Mécanisme, il a rappelé que quatre fugitifs sont encore recherchés. Il a dit attendre avec intérêt le procès de Félicien Kabuga en rappelant qu’au-delà des procès il y a des peines à appliquer, des témoins à protéger et des archives à entretenir. Il a dénoncé le non-respect par la Serbie de ses obligations en matière de coopération avec le Mécanisme avant d’appeler tous les pays de la région à lever tous les obstacles à cette coopération.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a salué le travail abattu par le Mécanisme, dans des circonstances difficiles. Il a fait état d’avancées significatives, notamment en ce qui concerne l’affaire Félicien Kabuga. Il a exhorté la Serbie à transférer au Mécanisme les personnes inculpées, avant de souhaiter la fin de la procédure d’appel dans les affaires Fatuma et consorts et Stanišić et Simatović. Il a rappelé que son pays a proposé une récompense de 5 millions de dollars pour l’appréhension des fugitifs recherchés par l’ex-TPIR. Rappelant que le Mécanisme va progressivement revoir ses fonctions à la baisse, il a exhorté les juridictions nationales à accroître leurs efforts en ce qui concerne l’établissement des responsabilités. Le Mécanisme a engrangé de francs succès dans la lutte contre l’impunité, a salué le délégué avant de rappeler que « les pays sont forts quand ils sont honnêtes avec leur passé ». Les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda n’étaient pas des accidents mais bien le fruit d’une volonté politique, a encore rappelé le délégué.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a félicité le Président Agius pour son mandat à la tête du Mécanisme depuis 2019, au cours duquel ce dernier a apporté d’importantes contributions à la justice internationale, malgré des défis importants. Il a exhorté le Mécanisme à poursuivre la réduction de ses fonctions dans les prochains cycles d’examen. Prenant note des activités du Mécanisme, notamment de la décision rendue dans l’affaire Kabuga, il a cependant constaté que les affaires Stanišić et Simatović et Fatuma et consorts restent pendantes. Concernant les fugitifs, il a pris acte des conclusions du Bureau du Procureur faisant état de la mort de deux d’entre eux, avant d’appeler les États impliqués à intensifier leur coopération avec le Mécanisme pour parvenir à la localisation et l’arrestation des quatre fugitifs. Il a par ailleurs regretté que l’accord de relocalisation conclu avec le Niger pour accueillir des personnes ayant purgé leur peine ou ayant été déclarées non coupables ait été annulé. Cela démontre la nécessité de trouver des solutions à long terme pour ceux qui se trouvent dans cette situation, ainsi que pour éviter ces situations à l’avenir, a-t-il commenté, avant de réitérer son soutien aux efforts du Mécanisme pour conclure les affaires en attente.
M. SUOOD RASHED ALI ALWALI ALMAZROUEI (Émirats arabes unis) a exprimé son inquiétude face à la situation non résolue des huit personnes acquittées et libérées, exhortant le Mécanisme à continuer de travailler avec toutes les parties concernées pour trouver une solution appropriée. Il a salué le travail du Mécanisme pour mettre en œuvre les recommandations du Bureau des services de contrôle interne (BSCI). Il a dit que les Émirats arabes unis soutiennent l’extension du mandat du Mécanisme pour une nouvelle période de deux ans. Parce que la justice est une entreprise collective, il a appelé tous les États Membres à remplir leurs obligations à coopérer avec le Mécanisme afin de tourner la page de ces sombres chapitres.
M. DAI BING (Chine) a exhorté le Mécanisme à s’acquitter de ses missions conformément au mandat que lui a confié le Conseil de sécurité et aux recommandations du Groupe de travail informel du Conseil de sécurité sur les tribunaux internationaux. Il a pris note avec satisfaction de la date prévue, en septembre, pour le démarrage du procès de M. Félicien Kabuga en exhortant le Mécanisme à se concentrer sur la réalisation des activités judiciaires. Après avoir mis l’accent sur l’importance primordiale de la coopération entre les États Membres et le Mécanisme, le représentant de la Chine a regretté l’insuffisance de communication autour de la situation des personnes jugées ou acquittées. C’est pourquoi il a invité le Mécanisme à améliorer la communication et la coopération en tirant les enseignements des succès des Tribunaux pénaux.
Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) a souligné la nécessité de préserver la prééminence des autorités nationales en ce qui concerne la prévention des conflits et l’établissement des responsabilités. Les capacités judiciaires des États doivent être renforcées, a-t-elle dès lors plaidé. Elle a salué les progrès notables du Mécanisme en vue de l’achèvement de son travail, en rappelant l’importance dudit achèvement pour la réconciliation. Elle a rappelé la vision du Conseil de sécurité voulant que le Mécanisme soit une petite institution à vocation temporaire. En conclusion, la déléguée a demandé l’achèvement des affaires pendantes, y compris celle relative à Félicien Kabuga, et appelé tous les États à coopérer avec le Mécanisme pour appréhender les derniers fugitifs.
Mme TRINE HEIMERBACK (Norvège) a rappelé que tous les États ont l’obligation de se conformer pleinement aux décisions du Conseil de sécurité. Elle a regretté l’absence de progrès dans l’affaire Jojić et Radeta, avant de demander à la Serbie de coopérer pleinement avec le Mécanisme. Elle a également regretté qu’en dépit d’un accord antérieur, le Mécanisme soit toujours confronté à des problèmes pour la relocalisation des huit personnes acquittées ou libérées. À cet effet, elle a exhorté le Niger à adhérer pleinement à l’accord à ce sujet avec l’ONU. Avec quatre fugitifs toujours en liberté dans la question du génocide rwandais, elle a prié tous les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme et à interpeller et remettre à la justice tous les fugitifs restants. De même, le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités en examinant toutes les mesures possibles pour faciliter l’arrestation des personnes recherchées par le Mécanisme, a-t-elle plaidé.
M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a salué le succès des travaux du Mécanisme pendant ces deux dernières années, mais rappelé que la coopération est essentielle pour garantir qu’il puisse remplir ses fonctions. Il a souligné l’obligation des États de coopérer avec les enquêtes et poursuites. Regrettant l’échec persistant de la Serbie à prendre des mesures en relation avec l’affaire Jojić et Radeta, le représentant a exhorté tous les États à respecter leurs obligations et coopérer pleinement avec le Mécanisme pour l’arrestation des quatre derniers fugitifs. Il s’est dit par ailleurs préoccupé par les difficultés relatives aux huit personnes acquittées ou libérées qui ont été déplacées d’Arusha à Niamey en décembre 2021. Enfin, après avoir mis l’accent sur les liens entre justice, réconciliation et consolidation de la paix, le représentant a alerté sur les tendances inquiétantes à la glorification des criminels de guerre.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a estimé que le Mécanisme résiduel est un exemple remarquable de la façon dont la communauté internationale peut travailler ensemble au nom de la justice. Bien qu’il ne puisse exister indéfiniment, il est primordial de juger tous les crimes qui ont été à l’origine de sa création et de l’établissement des anciens Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, a-t-il souligné, jugeant en outre qu’il ne serait pas responsable de croire que les victimes et les témoins peuvent, seuls, rester en sécurité après les procès. Pour le représentant, le Mécanisme résiduel remplit toujours ses fonctions vitales et doit donc pouvoir poursuivre son action aussi longtemps que nécessaire. Partisan du renouvellement de son mandat ainsi que celui de ses juges, procureur et greffier, le Brésil est prêt, en tant que membre du Conseil de sécurité, à collaborer aux efforts visant à adopter une résolution à cette fin avant le 30 juin, a-t-il indiqué, avant de saluer le travail de coordination réalisé par le Gabon dans le cadre du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué le travail abattu par le Mécanisme, malgré les difficultés. La justice panse les plaies du passé, a-t-il souligné, avant de se féliciter des progrès dans l’affaire Kabuga. Il est crucial, a-t-il insisté, d’exécuter les mandats d’arrêt car la coopération avec le Mécanisme n’est pas optionnelle. Il a qualifié d’inacceptable le révisionnisme historique qui a cours dans certaines parties des Balkans occidentaux. « Ne succombons pas à l’amnésie collective », a-t-il dit, avant de dénoncer la déclaration de la Fédération de Russie en ce qui concerne le rôle de l’Albanie. Ces allégations sont tout simplement infondées, a-t-il conclu.
Mme MAJA POPOVIĆ, Ministre de la justice de la Serbie, a dénoncé les allégations sur la non-coopération présumée de son pays dans l’affaire Jojić et Radeta. Nous avons expliqué dans le détail, a-t-elle dit, les raisons pour lesquelles nous jugeons inacceptable de transférer l’affaire au Mécanisme. La Cour d’appel de Belgrade a dûment confirmé que les conditions préalables à l’extradition de Mme Radeta et M. Jojić ne sont pas respectées. La Ministre a en revanche réitéré la demande de la Serbie d’exécuter sur son propre sol les peines de prison prononcées contre les ressortissants serbes, et ce, sous la supervision du Mécanisme. Elle a aussi reproché à ce dernier de rester sourd aux demandes de libération anticipée des citoyens serbes. Le Gouvernement de la Serbie se tient prêt à donner des garanties sur le plein respect des conditions de la libération anticipée.
Se disant surprise de l’insuffisance des progrès dans la restitution des archives, la Ministre a également marqué son étonnement face à l’intensification des activités du Procureur du Mécanisme sur les questions d’outrage. Le Mécanisme, a-t-elle rappelé, a été créé pour poursuivre les responsables de crimes graves, au regard du droit international et pas pour traiter des violations de la procédure. La Ministre a par ailleurs relevé que le rapport dont est saisi le Conseil de sécurité tait le fait que son pays a répondu à 5 des 12 demandes soumises par le Bureau du Procureur du Mécanisme. La Serbie a aussi notifié la convocation pour audition de huit personnes. De plus, un groupe de travail composé de représentants du Mécanisme et du Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre de la Serbie a été créé afin d’améliorer la coopération dans des cas spécifiques.
Dans le rapport, le Bureau du Procureur déclare en outre que la coopération entre la Serbie et le soi-disant Kosovo sur les crimes de guerre ne s’est pas améliorée. Mais, a répondu la Ministre, l’impunité pour les crimes horribles commis contre la population serbe était au centre des travaux du TPIY. La Serbie, a-t-elle ensuite affirmé, reste ouverte aux négociations avec la Croatie qui continue d’insister sur l’abolition de la compétence universelle dans le système judiciaire serbe. La Ministre s’en est étonnée puisque le système croate prévoit la même compétence. La Serbie, a-t-elle ajouté, a réalisé d’importants efforts pour améliorer la coopération régionale, en particulier avec les parquets de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Chaque crime de guerre doit être puni, quel qu’en soit le responsable. Il est donc nécessaire que les pays de la région adoptent les mêmes mesures, car « la Serbie est la seule à donner sincèrement un coup de pouce au processus de réconciliation », a-t-elle argué.
M. SVEN ALKALAJ (Bosnie-Herzégovine) a indiqué que les autorités judiciaires de son pays restent engagées dans la mise en œuvre de la stratégie révisée pour le traitement des crimes de guerre, dont l’un des principaux objectifs est de conclure toutes les affaires de crimes de guerre non résolues d’ici à 2023. Il s’agit, a-t-il dit, d’envoyer le message fort que l’impunité ne sera pas autorisée, quelles que soient la nationalité et l’ethnie des victimes ou de l’agresseur. C’est important pour la réconciliation en Bosnie-Herzégovine et dans tous les Balkans occidentaux, mais aussi pour notre adhésion à l’Union européenne, a insisté le représentant. Dans ce cadre, la coopération de la Bosnie-Herzégovine avec le Mécanisme résiduel a été stable, a-t-il poursuivi, avant de saluer les récentes visites de M. Brammertz à Sarajevo. Il a également exprimé sa reconnaissance au Bureau du Procureur du Mécanisme pour son assistance aux autorités judiciaires de Bosnie-Herzégovine.
Réaffirmant la volonté de son pays de poursuivre et punir toutes les personnes responsables de crimes de guerre, tout en protégeant les témoins, il a noté que la coopération avec les pays voisins est essentielle pour l’échange d’informations, alors que des efforts sont menés pour rechercher et identifier environ 7 400 personnes toujours portées disparues en Bosnie-Herzégovine. À cet égard, tout en se félicitant des discussions fructueuses entre le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine et le Bureau du Procureur de la Serbie pour les crimes de guerre, il a regretté l’absence de progrès concernant Novak Dukić et Milomir Savčić, qui se sont enfuis en Serbie alors qu’ils étaient jugés en Bosnie-Herzégovine. De même, il a estimé que la coopération avec les autorités judiciaires de la Croatie pourrait être améliorée si ces dernières répondaient aux demandes d’entraide judiciaire de la Bosnie-Herzégovine. Le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine a terminé plusieurs enquêtes, mais il n’est pas possible de déposer les actes d’accusation sans interroger les suspects en Croatie, a-t-il expliqué. Enfin, il s’est félicité de la signature d’un protocole de coopération pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide entre le parquet du Monténégro et le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) a regretté le manque de coopération en temps opportun et efficace de certains États Membres pour localiser les inculpés fugitifs. Il a précisé à cet égard que le Rwanda a envoyé plus de 1 000 actes d’accusation dans 34 pays du monde, mais que seuls quelques pays se sont conformés à leur obligation de coopération. Il s’est ensuite félicité que Felicien Kabuga ait été déclaré apte à être jugé, en rappelant qu’il a été l’un des cerveaux du génocide contre les Tutsis au Rwanda. « Il était temps qu’il soit jugé plus de deux ans après son arrestation. » Après avoir pris note de la situation des personnes transférées au Niger, il a cité le cas du major Bernard Ntuyahaga qui a purgé sa peine de 20 ans de prison en Belgique et a été renvoyé au Rwanda où il vit maintenant paisiblement.
Par ailleurs, M. Gatete s’est inquiété de la résurgence des discours de haine ciblant les Tutsis et les rwandaphobes en République démocratique du Congo (RDC), dans les cercles publics et officiels, le grand public et les médias sociaux. Pour lui, ces discours sont un signe précoce d’intentions de perpétrer un génocide. Rappelant que le Secrétaire général de l’ONU a lancé, le 18 juin 2019, la Stratégie des Nations Unies contre les discours de haine, il a appelé le Conseil de sécurité à prendre une action urgente pour y faire face. Enfin, il a fortement recommandé au Conseil de fournir au Mécanisme les ressources financières nécessaires pour remplir son mandat.
M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a remercié M. Agius pour ses efforts sans relâche et a dit vouloir appuyer le Mécanisme jusqu’au bout de son mandat. Il s’est ensuite dit surpris que dans l’affaire Stanišić et Simatović, la Chambre de première instance a établi l’existence d’une entreprise criminelle conjointe de dirigeants serbes avec à sa tête M. Milošević, mais n’a pas inclus ces deux accusés, ce qui va à l’encontre des conclusions du TPIY dans une affaire sur des crimes perpétrés en Croatie. Il a espéré que la Chambre d’appel reconnaîtra la nécessité d’être cohérent avec le TPIY et condamnera les accusés pour tous les crimes commis en Bosnie-Herzégovine, comme le Procureur l’a demandé. S’agissant des fugitifs, il a souhaité qu’ils soient appréhendés et jugés, regrettant le refus de transfert par la Serbie de deux personnes. L’intimidation de témoins est un crime très grave, a-t-il rappelé, avant de souligner que la glorification des criminels de guerre l’est aussi. Le déni de génocide à Srebrenica est également préoccupant, a-t-il ajouté.
La Croatie, a poursuivi le délégué, est bien décidée à coopérer avec tous les pays concernés dans le domaine judiciaire. Il a souligné que la coopération ne doit pas être à sens unique, disant attendre d’autres États qu’ils contribuent à améliorer cette coopération. La Croatie attend la réponse de la Serbie pour finaliser un accord bilatéral sur le traitement des crimes de guerre, a-t-il rappelé. Il a regretté qu’au lieu de cela, la Serbie ait lancé des poursuites pénales politisées contre des ressortissantes croates. S’agissant de la coopération bilatérale entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, le représentant a estimé que les deux pays doivent s’efforcer de mettre en œuvre l’accord de coopération bilatérale pour juger les auteurs de crimes de guerre. Enfin, le représentant a demandé au Mécanisme de redoubler d’efforts pour retrouver les personnes portées disparues, citant les 1 839 ressortissants croates dont on ignore le sort.