Le Conseil de sécurité rejette une résolution condamnant les tirs de missiles balistiques de la RPDC et renforçant le régime des sanctions
Le Conseil de sécurité a rejeté aujourd’hui par 13 voix pour mais l’opposition de deux membres permanents, la Chine et la Fédération de Russie, un projet de résolution qui aurait condamné « dans les termes les plus énergiques » le tir de missile balistique effectué le 24 mars 2022 par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ainsi que les autres tirs auxquels elle a procédé récemment, tous en violation et au mépris flagrant de ses résolutions.
Le texte aurait aussi élargi la portée du gel des avoirs, de l’interdiction de voyage et de l’embargo sur les armes classiques et sur les articles, matières, matériel, marchandises et technologies susceptibles de contribuer au programme nucléaire, de missiles balistiques et autres armes de destruction massive de la RPDC. Il aurait renforcé le blocus commercial mais accordé une dérogation à une liste d’articles humanitaires, comprenant, le cas échéant, des produits liés à la pandémie de COVID-19 et à ses répercussions sur la population civile.
Auteur du projet de texte, les États-Unis avaient prévenu: nous ne pouvons pas laisser les provocations de la RPDC devenir la norme. Ils se sont étonnés de la préférence de la Chine et de la Fédération de Russie pour une déclaration présidentielle alors que c’est précisément l’inaction du Conseil de sécurité qui a permis cette escalade inacceptable. Seule une nouvelle résolution peut obtenir l’application du régime de non-prolifération sur la péninsule coréenne. Le texte présenté aujourd’hui, ont-ils argué, aurait pu contribuer à réduire la capacité de la RPDC de poursuivre son programme d’armes de destruction massive et de missiles balistiques, tout en prévoyant des moyens pour juguler les impacts de la pandémie de COVID-19.
Le projet de résolution n’avait qu’un seul objectif, élargir les sanctions contre la RPDC, a tranché la Chine qui a dit avoir beaucoup réfléchi aux conséquences possibles. Compte tenu des tensions sur la péninsule coréenne, nous préférons appeler les parties au calme et à la retenue, le dialogue et la négociation restant les seuls moyens de régler le problème. Les sanctions, a-t-elle souligné, sont un outil et pas une fin en soi, et elles ne vont certainement pas dans le sens d’un règlement politique du problème. La Chine a, dans ce cadre, conseillé aux États-Unis de revoir leur stratégie qui consiste à favoriser une coopération indo-pacifique, y compris dans le domaine nucléaire.
Les Occidentaux, a dénoncé la Fédération de Russie, rejettent la faute sur la RPDC, en oubliant un peu vite les nombreux appels que ce pays a lancés pour que les Américains cessent leurs provocations. Les signes positifs qu’elle a émis en 2018 et 2019 n’ont jamais été pris en compte et aujourd’hui, nous payons le prix de la myopie de l’Occident. Après avoir insisté sur les conséquences extrêmement négatives des sanctions sur la situation humanitaire en RPDC, la Fédération de Russie a prévenu qu’elle s’opposera toujours à toute activité qui mettrait en péril la sécurité de la péninsule coréenne. Avec d’autres, la France a regretté un vote qui marque la division du Conseil de sécurité et qui revient à donner carte blanche à la RPDC, comme l’a dit la République de Corée.
NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
Déclaration avant le vote
S’exprimant avant le vote, les États-Unis ont rappelé que la RPDC a procédé au lancement de trois missiles balistiques le 25 mai dernier, sur les 23 qu’elle a lancés depuis le début de l’année, dont un missile balistique intercontinental. C’est une menace à la paix et à la sécurité, ont-ils tranché, en accusant la RPDC de vouloir prouver à la face du monde qu’elle poursuit son programme d’armes de destruction massive, en dépit des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Nous ne pouvons pas laisser ces provocations devenir la norme, ont martelé les États-Unis. Lors des négociations sur le projet de résolution, ont-ils révélé, nous avons tout fait pour maintenir le dialogue. Mais certains membres du Conseil de sécurité ont porté leur choix sur une déclaration présidentielle alors que c’est précisément l’inaction du Conseil qui a permis cette escalade inacceptable. Seule une nouvelle résolution peut donner véritablement suite à la résolution 2397 et obtenir l’application du régime de non-prolifération sur la péninsule coréenne. La résolution présentée aujourd’hui peut contribuer à réduire la capacité de la RPDC de poursuivre son programme d’armes de destruction massive et de missiles balistiques mais elle prévoit aussi des moyens pour juguler les impacts de la pandémie de COVID-19, ont fait observer les États-Unis.
Explications de vote
Ayant exercé son droit de veto, la Chine a vu dans le projet de résolution, l’objectif unique d’élargir les sanctions contre la RPDC. Nous avons, a-t-elle confié, beaucoup réfléchi aux conséquences possibles du texte, en tant que voisin proche de la RPDC. Compte tenu des tensions sur la péninsule coréenne, nous préférons appeler les parties au calme et à la retenue. Le dialogue et la négociation restent les seuls moyens de régler le problème. La Chine a attribué ces tensions au fait que les États-Unis n’aient pas répondu au processus de dénucléarisation engagé par la RPDC. Les sanctions, a-t-elle souligné, sont un outil et pas une fin en soi, et elles ne vont certainement pas dans le sens d’un règlement du problème.
Ce qu’il faut, c’est une solution politique et tel est le but, a expliqué la Chine, du projet de résolution qu’elle a proposé avec la Fédération de Russie pour améliorer la situation humanitaire et imprimer un nouvel élan au règlement politique de la crise dans la péninsule coréenne. De nouvelles sanctions, s’est-elle défendue, n’auraient fait qu’aggraver les souffrances du peuple de la RPDC, ce qui n’est pas juste. Avec nous, beaucoup de membres du Conseil ont appelé en vain à une déclaration présidentielle, a-t-elle rappelé, avant de demander audit Conseil de faciliter l’assistance humanitaire en RPDC plutôt que de favoriser une coopération indo-pacifique, y compris dans le domaine nucléaire. Elle a conclu en appelant les États-Unis à réfléchir à leur stratégie dans la péninsule coréenne.
La Fédération de Russie a regretté que les États-Unis aient préféré une résolution à une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité. L’élargissement des sanctions, a-t-elle estimé, ne peut que mener à une nouvelle impasse. Illustrant son propos, elle a expliqué que les nombreuses résolutions adoptés depuis 2006 n’ont produit aucun résultat. Bien au contraire, nous assistons à une aggravation de la situation sur la péninsule coréenne. Les Occidentaux, a dénoncé la Fédération de Russie, rejettent la faute sur la RPDC, en oubliant un peu vite les nombreux appels que ce pays a lancés pour que les Américains cessent leurs provocations. Les signes positifs qu’elle a émis en 2018 et 2019 n’ont jamais été pris en compte et aujourd’hui, nous payons le prix de la politique myope de l’Occident. Après avoir insisté sur les conséquences extrêmement négatives des sanctions sur la situation humanitaire en RPDC, la Fédération de Russie a prévenu qu’elle s’opposera toujours à toute activité qui mettrait en péril la sécurité de la péninsule coréenne.
Les tirs de missiles de la RPDC sapent la stabilité de péninsule coréenne, s’est inquiété le Kenya qui s’est dit préoccupé, compte tenu de la situation humanitaire dans le pays, que la flambée des prix des produits alimentaires due au conflit en Ukraine n’y aggrave la crise. Il a dénoncé les conséquences des sanctions pour la population et voulu que l’on explore toutes les voies d’un compromis. Ce qu’il faut, a-t-il dit, c’est restaurer la confiance et réexaminer les sanctions qui ont des effets délétères.
Ayant voté pour la résolution, le Mexique a souligné que l’intention de la RPDC de renforcer son arsenal est « un affront » et une violation des décisions du Conseil. Il a espéré une réunion de l’Assemblée pour débattre des deux vetos. Il est temps que les négociations reprennent, a-t-il tout de même estimé.
À son tour, l’Albanie a dénoncé l’exercice du droit de veto qui équivaut à un soutien à la RPDC alors qu’il est temps qu’elle cesse ses tirs de missiles et œuvre à la stabilité de la péninsule coréenne.
L’Irlande, qui a voté pour le texte, a estimé que les agissements de la RPDC menacent la paix et la sécurité de la région et sapent les cadres de désarmement et de non-prolifération. Le Conseil de sécurité doit être clair et déterminé face à de tels agissements, a-t-elle estimé, avant de regretter que le projet de texte ait été bloqué alors même qu’il est question d’une violation flagrante du droit international et d’un affront au régime de non-prolifération. Il est temps de réformer le Conseil de sécurité, a martelé l’Irlande.
Pour le Ghana, le « oui » de 13 membres du Conseil de sécurité est un message limpide envoyé à la RPDC pour lui dire que ses tirs de missiles sont inadmissibles aux yeux de la communauté internationale. La RPDC doit comprendre que son intention d’accélérer son programme nucléaire et de missiles balistiques est contraire à ses engagements internationaux. Nous lui demandons, a dit le Ghana, de donner suite à l’offre de dialogue des États-Unis pour réduire les tensions sur la péninsule coréenne. Compte tenu de la situation sanitaire alarmante en RPDC, le Ghana a espéré qu’il sera possible de lui faire reprendre confiance dans la communauté internationale et d’obtenir d’elle qu’elle accepte l’aide des Nations Unies.
La Norvège a condamné les tirs de missiles balistiques, dont un missile intercontinental, effectués par la RPDC et s’est déclarée alarmée par les discours sur la mise au point du programme nucléaire. Elle a dit avoir voté pour le projet de résolution à la lumière de la menace que fait planer la RPDC sur la paix et la sécurité régionales et internationales. Selon elle, le projet de texte aurait permis une dérogation humanitaire importante compte tenu des besoins accrus liés à l’apparition de la COVID-19. Elle a donc regretté l’exercice du droit de veto qui a empêché le Conseil de s’acquitter de son mandat face à une situation qui s’aggrave sur les plans sécuritaire et humanitaire. L’Assemblée générale va désormais se saisir de cette question, dans le droit fil de ses responsabilités en matière de paix et de sécurité, et le Conseil lui fera rapport, a-t-elle conclu, estimant que le droit de veto ne peut réduire les Nations Unies au silence.
Ayant également voté pour le texte, le Brésil a estimé que l’unité du Conseil aurait permis d’envoyer un message limpide, à savoir que l’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales ne tolérera pas que l’on viole ses résolutions et que l’on méprise la Charte des Nations Unies. Si le projet de résolution avait été adopté, il aurait permis de dissuader d’autres acteurs de la prolifération d’armes. Ce texte, a affirmé le Brésil, présentait des éléments novateurs, notamment des mesures contre les activités cybernétiques et malveillantes et l’établissement d’une liste d’articles humanitaires, compte tenu de l’apparition de la COVID-19 en RPDC. Le Brésil a conseillé au Conseil de réagir fermement face aux violations de ses décisions, au risque de perdre sa crédibilité.
Le Royaume-Uni a prévenu que les deux vetos vont enhardir la RPDC. Ce vote, a-t-il dit, est une occasion ratée d’améliorer l’assistance humanitaire à la population de la RPDC, y compris dans le contexte de la lutte contre la COVID-19. Il a engagé la RPDC a accepté la proposition de négocier faite par les États-Unis, arguant également que ces derniers avaient respecté les vues des différents membres du Conseil, pendant les négociations sur le projet de résolution.
Le Gabon s’est insurgé contre la banalisation de l’arme nucléaire, ce qui conduit à une menace grave à la paix et la sécurité internationales. Il a prévenu que le statu quo n’est pas une option envisageable, plaidant pour le droit des pays de la région à vivre à l’abri d’une menace permanente. Le Conseil de sécurité ne peut se résoudre à rester les bras croisés et se limiter au décompte des tirs de missiles, s’est impatienté le Gabon qui a soutenu le projet de résolution parce que le « langage » des tirs de missiles est difficilement compréhensible. Il a appelé les parties à s’engager dans les négociations diplomatiques dans le sillage de celles initiées en 2017.
La France a déclaré que le rythme et la gravité des provocations de la RPDC depuis 2022 sont sans précédent. Face à cette évolution, elle s’est dite convaincue qu’il faut renforcer le régime de sanctions et le mettre à jour dans plusieurs domaines. Elle a donc regretté un vote qui marque la division du Conseil de sécurité et qui revient à permettre au régime de la RPDC de proliférer davantage. La France a promis de poursuivre ses efforts afin que le Conseil de sécurité soit en mesure de prévenir la prolifération des armes de destruction massive en RPDC, conformément à la résolution 1718. Elle a jugé que relancer parallèlement un véritable processus politique est plus urgent que jamais.
Reprenant la parole, les États-Unis se sont dits surpris des résultats du vote puisque les pays qui ont opposé leur veto ont refusé de négocier le projet de résolution depuis neuf semaines. C’est parce que le monde est confronté à un danger imminent que 13 membres du Conseil de sécurité ont appuyé le texte, ont insisté les États-Unis avant de rappeler qu’il est dans l’intérêt de tous de promouvoir des règles qui limitent la prolifération des armes de destruction massive. Les deux membres permanents qui ont exercé leur droit de veto devront s’expliquer devant l’Assemblée générale, ont prévenu les États-Unis, arguant que les pays occidentaux ne sont en rien responsables de la situation humanitaire de la RPDC qui a choisi de donner la priorité aux dépenses militaires plutôt qu’aux dépenses humanitaires.
Le Japon a dit douter des raisons avancées pour expliquer l’exercice du droit de veto aujourd’hui, un acte qui mine la crédibilité du Conseil et permet à la RPDC de continuer à violer les résolutions pertinentes. À quoi sert le droit de veto? À quoi sert le Conseil de sécurité? s’est demandé le Japon, en estimant que les provocations répétées de la RPDC justifient une nouvelle résolution et de nouvelles sanctions. Il a donc remercié les États-Unis et les autres membres du Conseil pour un « projet de texte équilibré » et souligné la validité des résolutions antérieures. Le Conseil, a-t-il dit, doit rester saisi de cette menace croissante qui plane sur la péninsule coréenne et le meilleur moyen de l’éliminer est d’adopter une nouvelle résolution forte.
La République de Corée a souligné que les appels répétés au dialogue n’ont jamais rien donné puisque la RPDC procède à de nouveaux tirs de missiles balistiques, menaçant la paix et la sécurité de la péninsule coréenne, de la région et du monde. Il est choquant que la RPDC ne ralentisse en rien son pas sur cette trajectoire, d’autant plus que la pandémie de COVID-19 commence tout juste à y faire rage. Au lieu de s’engager dans la lutte contre la pandémie, s’est impatientée la République de Corée, la RPDC continue à utiliser ses maigres ressources pour fabriquer des missiles et aujourd’hui, le rejet du projet de résolution pourrait lui envoyer un mauvais message: le don d’une carte blanche.
Reprenant la parole, la Chine a catégoriquement rejeté les accusations des États-Unis. Nous sommes, s’est-elle défendue, un membre responsable de ce Conseil et nous travaillons d’arrache-pied pour que ce dernier puisse s’acquitter de son mandat. Nous faisons toujours preuve de responsabilité et de prudence quand il s’agit de se prononcer sur un texte, s’est encore défendue la Chine, jalouse de ses prérogatives de membre permanent. D’ailleurs, a-t-elle ironisé, le Règlement intérieur du Conseil ne prévoit pas notre alignement sur les États-Unis et nous ne pouvons en aucun cas adopter un texte qui plonge des pays dans une situation catastrophique. Tirons les leçons de la Libye, a encouragé la Chine, en disant aux États-Unis que s’ils avaient accepté ses amendements, le Conseil n’en serait pas là. Il semble que certains voulaient cet échec, en a-t-elle conclu, promettant pour sa part de continuer à travailler à la stabilité de la péninsule coréenne.
Nous n’avons jamais demandé à la Chine de s’aligner sur notre position, ont rétorqué les États-Unis, en reprenant une nouvelle fois la parole. Nous lui avons simplement demandé de soutenir un projet de résolution auquel elle avait donné son aval. Les agissements de la RPDC constituent une menace pour notre sécurité collective, y compris pour la Chine et la Fédération Russie, ont-ils fait valoir. C’est pourquoi il aurait fallu adopter le projet car en fin de compte, les vetos protègent la RPDC et ses violations flagrantes des résolutions du Conseil.
Si l’on regarde le passé, a répondu la Chine, on voit la manière dont les États-Unis abordent la situation de la péninsule coréenne. Ils viennent encore de le prouver tout récemment lors d’une visite de hauts responsables américains dans le nord-est de l’Asie. C’est cette attitude, a estimé la Chine, qui est à l’origine de la situation actuelle et ce n’est certainement pas en adoptant ou en rejetant une résolution que l’on réglera cette question. Certains veulent-ils utiliser cette situation comme une carte de leur stratégie indo-pacifique? Est-ce le cœur du problème? s’est demandé la Chine. Elle a rappelé qu’elle n’a jamais cessé de plaider en faveur d’une solution politique et d’œuvrer pour la dénucléarisation de la péninsule. Notre position n’a pas changé et nous pourrions tous œuvrer dans ce sens. Mais si certains pays ont d’autres ambitions et si leur objectif est d’attiser les « flammes de la guerre », alors nous n’aurons d’autres choix que de riposter fermement, car c’est ce que nous devrons faire pour nous acquitter des responsabilités qui nous incombent, a prévenu la Chine.