9035e séance – matin
CS/14893

Conseil de sécurité: la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique regrette la décision du Mali de se retirer du G5 Sahel

La Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, a regretté, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, la décision des autorités de transition du Mali de se retirer du G5 Sahel et de sa Force conjointe, alors que le contexte sécuritaire dans la région ne cesse de se dégrader.  Mme Martha Ama Akyaa Pobee a prévenu qu’il s’agit très certainement d’un recul pour le Sahel, un avis partagé par la plupart des délégations, à l’exception de la Fédération de Russie qui a qualifié cette décision de « logique ». 

Dans son propos, Mme Pobee a rappelé que cette Force a été créée en 2017 par les Chefs d’Etat du G5 Sahel sur la foi d’une vision commune et de la volonté de prendre leur destin en mains face au terrorisme dans le Sahel.  La décision du Mali est « inopportune et regrettable », a-t-elle dit, tout en notant que les conséquences de cette décision ne peuvent pas encore être appréciées.  

La haute fonctionnaire a également prévenu que les résultats incertains des transitions au Mali et au Burkina Faso ont d’ores et déjà affecté l’opérationnalisation de la Force conjointe, qui s’est considérablement ralentie, relevant en outre que le G5 Sahel ne s’est pas réuni à un haut niveau politique depuis novembre 2021. 

« Il est temps de revoir nos approches et de changer la manière dont nous travaillons », a préconisé Mme Pobee qui a rappelé que le manque de consensus ces cinq dernières années autour d’un mécanisme efficace d’appui à la réponse sécuritaire collective au Sahel a été l’un des obstacles auxquels s’est heurtée la Force.  « Il est urgent d’agir », a-t-elle insisté, en mentionnant l’évaluation stratégique menée par l’ONU et l’Union africaine en vue de renforcer le G5 Sahel. « Nous attendons avec impatience les résultats de cette évaluation. »   

Le Secrétaire exécutif du Groupe des cinq pays du Sahel (G5 Sahel), M.  Eric Tiaré, a, lui aussi, regretté le retrait du Mali, en rappelant qu’aucun pays ne peut combattre le terrorisme seul.  La situation actuelle sans précédent avec le retrait du Mali pose un défi aux membres restants du G5  Sahel, a averti le Secrétaire exécutif, appelant l’ONU à continuer de soutenir le G5  Sahel dans ses efforts de lutte antiterroriste et de développement.  Il a également précisé que la Force conjointe a mené 26 opérations depuis 2019 et que « ses procédures opérationnelles sont conformes au droit international. » 

Le Conseil a aussi entendu une intervention de la Présidente de l’ONG Rights and Resources Initiative/Group, centrée sur les liens entre les changements climatiques et les conflits dans les pays du G5.  Soulignant qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice climatique », Mme Solange Bandiaky-Badji a appelé à renforcer le dialogue et la coopération entre les pays du G5 en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques pour s’assurer que les concurrences entre ressources ne soient plus facteurs de conflits. 

Mais c’est bien la décision des autorités maliennes qui a été au cœur des interventions, la France, la Norvège, le Ghana, au nom des A3, ou bien encore le Brésil la regrettant.  Le délégué de la France a néanmoins appelé à ne pas tirer de conclusions hâtives sur l’avenir du G5 Sahel, notant qu’il appartient aux seuls membres de l’organisation d’en décider. I l a également regretté que le Conseil de sécurité ne soit pas parvenu à un accord pour la création d’un bureau de soutien à la Force conjointe, financé sur contributions obligatoires.  « Cela aurait permis d’éviter les difficultés que nous constatons aujourd’hui », a-t-il affirmé  

Même son de cloche du côté du Ghana, au nom des A3, qui a estimé que la proposition de création d’un tel bureau d’appui mérite d’être examinée.  « Le retrait du Mali de la Force, aujourd’hui plus que jamais, exige que ce Conseil et d’autres partenaires parlent d’une seule voix sur le mécanisme de soutien approprié pour d’autres initiatives dirigées par la région afin de combler les lacunes sécuritaires ».  Le délégué s’est aussi prononcé en faveur d’une formation continue qui permette de répondre à l’évolution de la situation et d’améliorer l’efficacité opérationnelle. 

« La décision des autorités maliennes est logique », a rétorqué la déléguée de la Fédération de Russie.  Elle a rappelé que le Mali est frappé par des sanctions occidentales, tout en faisant face à une menace terroriste aigue, estimant en outre que l’armée malienne engrange des succès face aux terroristes « grâce à des partenaires plus efficaces ».  Elle a également répondu aux délégations de la France, des États-Unis ou bien encore du Royaume-Uni qui se sont inquiétées des violations des droits humains commises par le groupe Wagner en accusant les pays occidentaux de déployer des mercenaires et piller les ressources naturelles en Afrique. 

En début de séance, le Conseil de sécurité a observé une minute de silence à la mémoire du Président des Émirats arabes unis, le Cheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyan, décédé la semaine dernière.  La déléguée émirienne a rendu hommage à un homme « tolérant », « bienveillant », véritable force de changement pour son pays. 

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE (S/2022/382)

Déclarations

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de consolidation de la paix, et des opérations de paix, a déclaré que la situation sécuritaire dans la région du Sahel s’est encore aggravée.  Le terrorisme et l’insécurité continuent de se propager, dévastant la vie de millions de personnes, a-t-elle dit.  L’insécurité alimentaire, les fermetures d’écoles, la désintégration de communautés entières sont les conséquences directes de cette instabilité prolongée et ont un impact durable notamment pour les jeunes, qui se retrouvent sans opportunités et sans perspectives, a-t-elle poursuivi.  À cette aune, elle a qualifié la décision du 15 mai des autorités de transition du Mali de se retirer du G5 Sahel et de sa Force conjointe d’« inopportune et de regrettable ».  Elle a rappelé que cette Force a été créée en 2017 par les Chefs d’État du G5 sur la foi d’une vision commune et de la volonté de prendre leur destin en mains face au terrorisme dans le Sahel.  Cependant, les dynamiques politiques et sécuritaires difficiles au Sahel et les résultats incertains des transitions au Mali et au Burkina Faso ont d’ores et déjà affecté l’opérationnalisation de la Force conjointe, qui s’est considérablement ralentie.  Elle a indiqué que le G5 Sahel ne s’est pas réuni à un haut niveau politique depuis novembre 2021, tout en saluant les efforts du Commandant de la Force, le Général Bikimo, de continuer de planifier et de conduire des opérations conjointes sans la participation des contingents maliens. 

La Sous-Secrétaire générale a indiqué que les conséquences de la décision du Mali ne peuvent pas encore être appréciées, mais qu’il s’agit très certainement d’un recul pour le Sahel.  La MINUSMA continuera d’appuyer la Force aussi longtemps que le Conseil le décidera.  Elle a souligné la nécessité, dans ce contexte de crises sécuritaires et prolongées, de protéger les plus vulnérables, en notant avec préoccupation les sérieuses violations commises contre les civils par les groupes armés mais aussi par les forces de sécurité dans la région.  Plus que jamais, les pays de la région doivent accroître leurs efforts pour protéger les droits humains, a-t-elle souligné.  Elle a reconnu la difficulté d’éradiquer des groupes terroristes qui sont profondément enracinés au sein des communautés, les opérations antiterroristes étant « immensément difficiles ».  Mais si les civils deviennent les victimes de telles opérations, alors les efforts antiterroristes perdent toute pertinence, car celles-ci causent des souffrances humaines incommensurables, sapent gravement la confiance en l’État et alimentent dès lors le cycle vicieux de la radicalisation. 

Mme Pobee a donc plaidé pour une approche holistique visant à remédier aux causes profondes de la pauvreté et de l’exclusion.  À cette fin, l’État doit être au plus près des populations et fournir sécurité et autres services de base.  Elle a aussi indiqué qu’il sera crucial dans les prochains mois que les acteurs clefs parviennent à un consensus sur les moyens de conclure rapidement les transitions au Mali et au Burkina Faso, d’une manière qui réponde aux doléances des populations de ces pays.  

Au-delà de notre appui aux efforts de stabilisation au Sahel, il est peut-être temps de revoir nos approches et de changer la manière dont nous travaillons, a-t-elle dit, en plaidant pour des approches innovantes.  Elle a rappelé que le manque de consensus ces cinq dernières années autour d’un mécanisme efficace d’appui à la réponse sécuritaire collective au Sahel a été l’un des obstacles auxquels l’opérationnalisation de la Force s’est heurtée.  Elle a déploré la persistance de ce manque de consensus malgré le fait que tous reconnaissent la menace lente et mortelle pour la paix que constituent ces attaques terroristes.  Il est urgent d’agir, a-t-elle déclaré, en rappelant l’évaluation stratégique menée par l’ONU et l’Union africaine en vue de renforcer le G5 Sahel et les autres initiatives dans la région.  Elle a précisé que cette évaluation sera conduite en étroite coopération avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et sera supervisée par un groupe de haut niveau, présidé par l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou.  « Nous attendons avec impatience les résultats de cette évaluation et restons convaincus que travailler ensemble est crucial pour relever les défis au Sahel », a-t-elle affirmé. 

M.  ERIC TIARÉ, Secrétaire exécutif du Groupe des cinq pays du Sahel (G5 Sahel), a qualifié de « regrettable » le retrait du Mail de tous les organes du G5 Sahel, rappelant que ce cadre de coopération sous-régional avait été créé avec deux objectifs principaux: améliorer la sécurité et faire progresser le développement.  Le G5 Sahel a été créé sur la base de la compréhension commune qu’aucun pays ne peut combattre le terrorisme seul, a-t-il rappelé, soulignant la nécessité de rassembler toutes les ressources à disposition.  Il a poursuivi en soulignant certains défis, notamment l’impact de la pandémie de COVID-19, à laquelle est confrontée la Force conjointe du G5 Sahel, qui, a-t-il rappelé, a été créée sous la présidence du Mali avec 55 000 soldats.  

Exprimant sa reconnaissance au Secrétaire général pour son soutien au G5  Sahel et à sa Force conjointe, il a déclaré que les membres africains du Conseil de sécurité ont toujours demandé un tel soutien pour relever les défis.  Après avoir rappelé que les membres du Conseil se sont rendus au Niger en 2021, M. Tiaré a noté qu’une évaluation complète de la sécurité sera réalisée avec la participation du G5 Sahel.  Il a indiqué que la Force conjointe avait pu mener 26 opérations depuis 2019, dans le respect de procédures opérationnelles conformes au droit international humanitaire et aux droits humains.  Alors que les sanctions créent des défis et soulèvent des tensions supplémentaires, la situation actuelle sans précédent avec le retrait du Mali pose un défi aux membres restants du G5 Sahel, a averti le Secrétaire exécutif, appelant l’ONU à continuer de soutenir le G5 Sahel dans ses efforts de lutte antiterroriste et de développement. 

La couverture de cette intervention, réalisée par visioconférence, a été compromise par une mauvaise qualité du son. 

Mettant l’accent sur les liens entre les changements climatiques et les conflits dans les pays du G5, Mme SOLANGE BANDIAKY-BADJI, Présidente de l’ONG Rights and Resources Initiative/Group, a prévenu qu’il n’y aurait pas de paix durable sans justice climatique.  Elle a précisé que les pays du G5 faisaient partie des 20% des pays les plus vulnérables du monde aux risques climatiques dont la sècheresse, l’élévation de la température, et l’appauvrissement des ressources naturelles.  Elle a aussi évoqué des pluies torrentielles et des inondations qui ont causé le déplacement de millions de personnes ces dernières années dans les pays du G5. 

Elle a prévenu que toute analyse de la situation économique, sociale et humanitaire de ces pays serait incomplète sans une étude de l’impact des changements climatiques, car ces derniers ont une incidence sur la distribution des ressources naturelles qui peut renforcer les conflits autour de ces ressources.  Il faut comprendre les systèmes fonciers pour la gestion des terres et des ressources naturelles, car cette gestion foncière peut exercer une influence directe sur les conflits, a prévenu Mme Bandiaky-Badji.  Elle a également relevé que l’institutionnalisation incomplète des règles communément admises en matière de régime foncier rurale et de gestion des ressources naturelles a favorisé la poursuite de nombreux conflits.  De même, la hausse de la concurrence entre éleveurs et agriculteurs en raison du manque d’accès à l’eau et aux pâturages est l’un des principaux moteurs de l’augmentation des conflits violents. 

L’intervenante a signalé que les femmes sont particulièrement vulnérables aux impacts des changements climatiques, tandis que le manque de ressources et l’insécurité alimentaire favorise le recrutement des jeunes par des groupes terroristes, de même que leur migration vers l’Europe.  Elle a aussi fait état, dans les cinq pays de la région, d’une attention trop marquée envers le terrorisme au détriment des enjeux climatiques, déplorant notamment le manque de financement climatique et la mauvaise coordination. 

Face à toutes ses réalités, Mme Bandiaky-Badji a appelé à renforcer le dialogue et la coopération entre les pays du G5 en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques pour s’assurer que les concurrences entre ressources ne soient plus facteurs de conflits.  Enfin, elle a dit la nécessité de reconnaitre les droits fonciers locaux en améliorant les droits fonciers des femmes et en permettant aux bergers d’avoir accès aux pâturages. 

M.  NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que la situation au Sahel continue d’être très préoccupante.  Il a regretté la décision des autorités maliennes de transition de quitter cette organisation au sein de laquelle, a-t-il rappelé, le Mali avait joué un rôle moteur depuis sa création en 2014.  Tout en reconnaissant que ce retrait vient fragiliser l’architecture régionale de sécurité, il a appelé à de ne pas tirer de conclusions hâtives sur l’avenir du G5 Sahel.  Il appartient aux seuls membres de l’organisation d’en décider, a-t-il souligné, notant par ailleurs que malgré les difficultés politiques, la force conjointe du G5 Sahel a conduit des opérations au cours des six derniers mois. 

Le représentant a rappelé que la MINUSMA met en œuvre un soutien aux bataillons de la force conjointe du G5 Sahel à travers le mécanisme tripartite financé par l’Union européenne.  Il est clair, a-t-il ajouté, que le retrait du Mali du G5 Sahel ne peut qu’entrainer la suspension de ce soutien aux bataillons maliens, puisqu’ils ne participent plus aux opérations de la force.  Il a regretté que le Conseil ne soit pas parvenu à un accord pour la création d’un bureau de soutien à la force conjointe, financé sur contributions obligatoires.  « Cela aurait permis d’éviter les difficultés que nous constatons aujourd’hui », a-t-il constaté.  Nous restons convaincus qu’un soutien accru de ce Conseil et des États membres à des opérations africaines robustes est vital, a poursuivi le délégué, en pointant le risque de voir davantage de pays se tourner vers des solutions hasardeuses, comme le recours à des mercenaires.  À ce titre, il s’est préoccupé des graves allégations de violations des droits de l’homme par les forces armées maliennes et les mercenaires russes de Wagner. 

Préoccupé par les graves allégations de violations des droits de l’homme par les forces armées maliennes et les mercenaires russes de Wagner, le délégué a souhaité que la MINUSMA puisse conduire ses propres enquêtes et en communiquer les résultats, et s’est étonné que le dernier rapport trimestriel de la division des droits de l’homme de la MINUSMA ne soit toujours pas publié.  Enfin, tout en rappelant que la force Barkhane poursuit son retrait du Mali, il a précisé que la France continuera à appuyer les pays du Sahel qui le souhaitent et renforcer son soutien à ceux du Golfe de Guinée face à l’expansion du terrorisme venu du Sahel.  Nous discutons avec nos partenaires, en particulier européens, des réponses à apporter, qui pourront inclure de l’aide en matière de formation et d’entraînement, de la fourniture d’équipement, voire un appui à des opérations contre le terrorisme, a-t-il précisé. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a noté avec regret le retrait du Mali du G5 Sahel, y voyant un pas de plus des autorités maliennes vers l’isolement, y compris vis-à-vis de ses voisins.  Elle s’est dit extrêmement préoccupée par la menace extrémiste et terroriste croissante, en particulier l’expansion des groupes djihadistes, mais aussi par la transition non démocratique du pouvoir dans toute l’Afrique de l’Ouest, en particulier au Mali et au Burkina Faso, avec un impact négatif sur l’efficacité et la capacité d’opérationnalisation de la Force conjointe. Le déploiement des forces de Wagner au Mali présente un grand risque pour les civils, a mis en garde la représentante qui a relevé que de plus en plus de preuves d’exactions commises lors d’opérations menées en coopération avec les Forces armées maliennes font surface. Elle s’est dit également préoccupée par les informations faisant état de violences sexuelles et sexistes de la part du personnel de la Force conjointe.  La déléguée a ensuite regretté que le sommet annuel des chefs d’État ait été reporté sine die et que le Comité de défense et de sécurité ne se soit pas réuni. Pourtant, une approche exclusivement militaire est inadéquate pour relever les défis de la pauvreté et de l’exclusion. 

M.  JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a fustigé la lenteur de la transition politique au Mali qui a entravé les activités de la Force conjointe avant de préciser que la récente décision du Mali de se retirer du G5 Sahel vient encore compliquer la situation.  Il a dit attendre les réactions des autres pays du G5  Sahel s’agissant de cette annonce de retrait, avant de saluer la valeur ajoutée du G5 Sahel pour apporter des solutions africaines aux problèmes africains.  Face aux incertitudes politiques dans la région du Sahel, le représentant a souligné l’importance d’un soutien total de la communauté internationale.  Il a félicité le Secrétaire général pour toutes ses initiatives visant à traiter cette situation en coopération avec le Président de la Commission de l’Union africaine et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  Il a félicité le G5 Sahel pour sa capacité à mener ses opérations malgré les menaces des groupes armés illégaux et des groupes terroristes.  Il a souligné les circonstances difficiles dans lesquelles travaille la MINUSMA, notamment en raison de la gravité de la situation humanitaire.  Il a exhorté la force conjointe à accorder une attention particulière aux droits des enfants conformément au cadre des droits humains qui a été adopté. 

M.  JUN ZHANG (Chine) s’est dit alarmé par la situation dans le Sahel.  Il a plaidé pour un renforcement de la coopération régionale pour relever les nombreux défis qui se posent.  La tâche urgente est de mettre en place des mesures pragmatiques et rationnelles, a dit le délégué, en appelant à lever les obstacles qui entravent ladite coopération.  Il a souhaité l’achèvement le plus rapidement possible des transitions au Mali et au Burkina Faso.  Il a noté la persistance des activités terroristes et estimé que le G5 Sahel demeure un acteur important dans la lutte antiterroriste.  Il a souhaité une augmentation de l’appui fourni par l’Union européenne et par l’ONU aux efforts antiterroristes dans la région.  « Il faut éviter tout vide sécuritaire. »  Le délégué a également appelé à lutter contre la famine et à œuvrer au développement de la région.  Toutes les agences onusiennes doivent y contribuer, a dit le délégué, avant de détailler les efforts déployés par son pays pour une paix pérenne dans la région. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) s’est alarmé que les forces terroristes profitent de l’instabilité de la situation politique et sécuritaire dans la région du Sahel, notamment au Mali et au Burkina Faso. Il a condamné fermement l’attaque terroriste « barbare et lâche » de la semaine dernière contre un avant-poste militaire au Togo, pays qui est resté jusqu’à présent exempt de violence terroriste. A ses yeux, cet incident rappelle une fois de plus à la communauté internationale que vaincre le terrorisme exige une approche décisive de tolérance zéro à tous les niveaux – national, régional et international – et conjointement par tous les acteurs concernés. 

Après avoir noté que, ces derniers mois, le mécanisme de sécurité du G5-Sahel a été sérieusement affecté par le manque de direction politique et de coordination sur le terrain, le représentant a considéré que le retrait du Mali de tous les organes et entités du G5 Sahel change la dynamique des efforts régionaux en jeu.  Cette évolution, associée à l’incertitude politique concernant les délais de transition au Mali et au Burkina Faso, aura un impact négatif sur les opérations de la Force conjointe, a-t-il prévenu, relevant que les opérations dans la zone tri-frontalière du Liptako Gourma, partagée par le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui a été le « point chaud » du terrorisme dans la région, ont déjà été affectées.  Par ailleurs, l’absence de consensus entre les partenaires et les donateurs sur le mécanisme de soutien de la Force conjointe du G5 Sahel s’est avérée être un obstacle important à son fonctionnement efficace. Il est donc temps pour le Conseil de « rompre son indécision » et d’examiner sérieusement les options proposées par le Secrétaire général pour fournir un soutien à la Force. 

M. JUAN RAMON DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a salué l'évaluation stratégique sur la sécurité au Sahel annoncée par le Secrétaire général lors de sa récente visite au Niger, avant d’espérer que cet exercice permettra d'identifier des pistes d'action qui répondent aux intérêts de tous les participants et profitent aux institutions existantes, comme le G5 Sahel.  Face à la multiplication de nouveaux acteurs au Sahel avec des objectifs et stratégies divers, le représentant du Mexique a appelé la MINUSMA, la CEDEAO et le Coordonnateur spécial pour le développement du Sahel à mobiliser leurs bons offices pour donner une cohérence à la coopération régionale dans ses différents aspects, en accordant une attention particulière aux causes socio-économiques qui sous-tendent les conflits, au respect pour les droits humains et au droit international humanitaire. 

Le délégué a jugé fondamental le rôle de la MINUSMA dans l’évolution du contexte régional de même que le soutien qu’elle apporte à la Force conjointe du G5 Sahel.  Il s’est dit préoccupé par le fait que la détérioration de la situation sécuritaire régionale coïncide avec la rupture de l’ordre constitutionnel dans trois des pays membres du G5 Sahel.  C’est pourquoi, il a exhorté les gouvernements de transition du Mali, du Tchad et du Burkina Faso à rétablir l'ordre juridique en coopération avec les organisations régionales. Ce n’est qu'à travers une gouvernance solide, un leadership légitimé par les urnes et l’inclusion de tous les secteurs de la société, en particulier les femmes et les jeunes, que les conditions politiques d'un Sahel stable et prospère seront créées, a-t-il souligné. 

Mme  ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est dite alarmée par la situation dans le Sahel tout en notant que la lutte antiterroriste est une priorité commune.  Elle a affirmé qu’en raison des pressions, notamment françaises, le G5  Sahel s’est éloigné des défis pour lesquels il avait été créé.  La décision des autorités maliennes de transition de quitter cette organisation est logique, a-t-elle estimé, rappelant que le Mali est frappé par des sanctions occidentales, tout en faisant face à une menace terroriste aiguë.  Grâce à des partenaires plus efficaces, l’armée malienne engrange des succès face aux terroristes, s’est félicitée la déléguée, en mentionnant la libération des régions du Nord et de l’Ouest.  Au lieu de mettre des bâtons dans les roues du Mali, il conviendrait de l’aider, a continué la représentante, en invitant le G5 Sahel à adopter une approche constructive sur ce dossier.  Elle a rappelé que la coopération de la Russie avec le Mali a pour but d’aider les autorités nationales à vaincre le terrorisme et à renforcer la sécurité.  Aux pays occidentaux qui dénoncent la présence de mercenaires, elle a répondu que ce sont ces pays qui ont déployé des mercenaires et pillent les ressources naturelles.  Enfin, elle a rappelé les nombreuses interventions de ces pays en Afrique et dénoncé « ce néocolonialisme qui vise à dresser les pays les uns contre les autres ». 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que son pays travaillait avec ses partenaires au Sahel pour favoriser la stabilité à long terme en s’attaquant aux facteurs de conflit, notamment les changements climatiques.  Dans ce contexte, le gouvernement britannique s’efforce de protéger les populations les plus vulnérables du Sahel contre les effets de la crise alimentaire mondiale provoquée par l’agression « illégale et injustifiée » de la Russie contre l’Ukraine.  Au-delà de l’accord de financement sans précédent conclu avec la Banque mondiale pour protéger les pays vulnérables des impacts économiques de cette invasion, le Royaume-Uni fournira 72 millions de dollars pour financer l’assistance alimentaire et la réponse humanitaire à travers le Sahel au cours des trois prochaines années, a assuré la représentante. 

La déléguée s’est ensuite déclarée extrêmement préoccupée par les allégations de violations des droits humains depuis le déploiement des forces du groupe Wagner au Mali en décembre 2021.  Wagner a également des antécédents d’exploitation des ressources naturelles et de diffusion de désinformations déstabilisantes , a souligné la représentante, en exhortant les autorités maliennes à mettre fin à leur coopération avec cette organisation.  Les autorités maliennes doivent également permettre à la MINUSMA d’accéder librement à Moura afin d’y mener une enquête transparente et efficace sur les allégations selon lesquelles les troupes maliennes, aux côtés des mercenaires de Wagner, ont massacré des civils en mars. 

M.  CAÍT MORAN (Irlande) s’est inquiété de l’ampleur extraordinaire de la crise multidimensionnelle qui frappe la région qui a cumulé 35% des décès dus au terrorisme dans le monde en 2021, alors que l’insécurité alimentaire s’aggrave et que les droits humains continuent d’être violés.  Il a regretté la décision des autorités maliennes de transition de se retirer du G5  Sahel avant d’exhorter les gouvernements de la région à travailler avec l’ONU, la CEDEAO et l’Union africaine pour assurer des transitions opportunes et pacifiques vers des gouvernements démocratiquement élus.  Le représentant a prévenu qu’il est impossible de lutter efficacement contre le terrorisme si les principes fondamentaux des droits humains et du droit international humanitaire sont ignorés.  Il a estimé que les initiatives régionales élaborées par les pays de la région, et soutenues par un financement prévisible et durable, sont essentielles pour assurer la paix et la stabilité à long terme au Sahel. 

Mme  MONA JUUL (Norvège) a souligné l’urgence d’un appui humanitaire au Sahel, en rappelant que son pays a alloué 25 millions de dollars en 2022 pour le Sahel et la région du Lac Tchad.  Elle a demandé des enquêtes indépendantes sur les violations des droits humains commises au Mali, avant de se dire préoccupée par les allégations de violations commises par le groupe Wagner.  Elle a regretté la décision des autorités maliennes de transition de quitter le G5 Sahel.  Elle a plaidé pour une approche holistique au Sahel et une appropriation nationale de ladite approche.  Les discussions ne doivent pas éviter les questions les plus épineuses telles que le financement et les mandats pour des opérations robustes emmenées au niveau régional, a dit la déléguée.  L’évaluation précitée doit aboutir à des évaluations suffisamment audacieuses pour améliorer les choses tout en demeurant applicables, a souligné la représentante qui a par ailleurs plaidé pour une consolidation du mandat de la MINUSMA. 

M.  HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana, au nom des A3 Gabon, Ghana et Kenya), a regretté l’annonce par les autorités de transition maliennes du retrait du pays de la Force du G5 Sahel, avant d’exhorter les autres États membres qui en font partie à résoudre rapidement les problèmes de coordination en réglant la crise politique et de leadership actuelle.  Il a également espéré que la réunion retardée des Ministres de la défense de la Force conjointe du G5 Sahel, qui aurait dû avoir lieu depuis novembre 2021, et le sommet annuel des chefs d’État qui se tient en février de chaque année, auront lieu dès que possible et sans autre retard indu, et en tenant compte des nouveaux développements au sein des pays contributeurs de la Force conjointe. 

À la lumière de la situation politique complexe au Sahel, ainsi que des risques sécuritaires supplémentaires posés à la Force conjointe à la suite du retrait du Mali, le représentant a appelé les autorités maliennes et les autres États membres de la Force conjointe à renouer les fils du dialogue.  En outre, la dissipation des incertitudes politiques au Sahel reste essentielle pour une résolution durable des défis.  À cet égard, la meilleure façon de progresser est d’amener les pays de la région soumis à des régimes militaires, y compris le Mali, à respecter le calendrier de transition approuvé par la CEDEAO pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, a préconisé le délégué. 

Pour le représentant, le retrait du Mali de la Force conjointe, aujourd’hui plus que jamais, exige que le Conseil et d’autres partenaires parlent d’une seule voix sur le mécanisme de soutien approprié pour d’autres initiatives dirigées par la région afin de combler les lacunes sécuritaires.  Il a gardé l’espoir que la Force conjointe du G5 Sahel puisse encore s’avérer être un organe utile pour contrer les menaces terroristes dans la région.  À cet égard, il a recommandé de soutenir le renforcement des capacités pour relever les défis liés à la circulation de l’information, ainsi qu’une formation continue qui permette de répondre à l’évolution de la situation et d’améliorer leur efficacité opérationnelle.  Enfin, tout en saluant le soutien bilatéral des partenaires de la Force conjointe, il a estimé que la Force conjointe bénéficierait d’un financement prévisible provenant des contributions obligatoires de l’ONU, comme le propose le Secrétaire général, afin de garantir son efficacité.  La proposition de création d’un bureau d’appui des Nations Unies pour la Force conjointe mérite donc d’être examinée, a ajouté le représentant. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a constaté que l'instabilité politique compromet la capacité de la région à répondre efficacement aux défis actuels.  Ces défis, a-t-elle ajouté, exigent un dialogue politique approfondi aux niveaux national et régional pour parvenir à des réformes nécessaires et renforcer les capacités des institutions politiques, notamment au Mali. Elle a exhorté la communauté internationale à accorder la priorité aux besoins, aux aspirations et à la sécurité des populations de la région, tout en veillant à ce que ces efforts tiennent compte des voix des communautés locales, en particulier des femmes et des jeunes.  Elle a salué le rôle de la MINUSMA pour soutenir la réalisation de ces objectifs, avant d’appeler au renouvellement de son mandat. 

Face à la détérioration de la situation sécuritaire dans la région du Sahel, et la nécessité de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale, elle a appelé à privilégier une approche globale qui tienne compte du contexte spécifique de chaque pays, y compris l'augmentation des activités terroristes ainsi que diverses crises internes en cours. Elle a salué l'initiative du Secrétaire général, en collaboration avec la CEDEAO et les pays du G5 de lancer une évaluation stratégique conjointe pour renforcer leur soutien au Sahel. La représentante a aussi appelé à continuer de soutenir les efforts de développement durable dans la région, notamment en fournissant opportunités économiques, en promouvant l'autonomisation des femmes et la fourniture de services de base à la population. 

M.  RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a rappelé que trois pays du Sahel ont des dirigeants qui n’ont pas été démocratiquement élus ou ne sont pas des civils, tandis que le calendrier pour rétablir l’ordre constitutionnel avec des élections justes et libres est « au mieux peu clair ».  Il a appuyé l’appel du Secrétaire général pour que les autorités de ces pays restituent le pouvoir aux civils aussitôt que possible.  Le Gouvernement américain, a indiqué le représentant, a poursuivi son partenariat vigoureux avec le G5 Sahel pour résoudre les problèmes sécuritaires, avec plus de 650 millions de dollars dépensés depuis 2017 en équipements et en formations, deux milliards de dollars pour des projets de développement et 2,2 milliards pour l’aide humanitaire.  Bien entendu, le véritable travail doit être accompli par les gouvernements du Sahel qui détiennent les clefs des solutions de développement et de bonne gouvernance. 

Le délégué a ensuite demandé aux autorités de transition du Mali d’honorer leur engagement vis-à-vis de la population et d’organiser des élections d’après un calendrier raisonnable, regrettant que ce pays se soit retiré du G5 Sahel.  Il a vu dans la présence du groupe Wagner soutenu par la Russie une nouvelle variable de l’instabilité régionale dans toute l’Afrique, accusant cette organisation de perpétrer des violations effrayantes, souvent contre des groupes marginalisés, et d’exploiter des griefs anciens.  Pour le représentant, la région ne peut pas aller de l’avant tant que la justice n’est pas la priorité des pays du G5 Sahel, qui doivent établir les responsabilités. 

Réagissant aux déclarations des États-Unis et du Royaume-Uni sur l’augmentation du coût des denrées alimentaires et les difficultés d’approvisionnement, la représentante de la Fédération de Russie a jugé hypocrite de prétendre que son pays s’oppose à l’acheminement de l’aide.  Elle a accusé les pays occidentaux de bloquer les transferts de denrées alimentaires provenant de la Russie et d’empêcher les pays africains menacés par la faim d’importer des céréales russes.  Face à ce constat, elle a prévenu les pays dans le besoin que l’aide des pays occidentaux n’est pas désintéressée. 

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