Conseil de sécurité : en Ukraine, des allégations d’abus et d’exploitation des réfugiés et déplacés surgissent sur fond de détérioration de la crise humanitaire
Le Conseil de sécurité a, cet après-midi, tenu sa quatorzième séance sur la situation en Ukraine depuis le 24 février, et la sixième sur les questions humanitaires relatives à la guerre qui l’oppose à la Fédération de Russie. Dans un contexte d’intensification du conflit dans le centre et l’est, théâtres d’un « cauchemar humanitaire », selon la Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies pour les réfugiés, la plupart des intervenants se sont alarmés d’informations faisant état d’abus et d’exploitation de réfugiés et déplacés, dont 90% sont des femmes et des enfants.
Mme Kelly T. Clements, qui intervenait par visioconférence, a ainsi estimé à 5 millions le nombre d’Ukrainiens contraints de quitter leur pays, en plus des 7 millions de personnes déplacées. L’ONU estime également que 13 millions de plus se trouvent dans les zones les plus durement touchées par les combats, dont beaucoup sont incapables de se déplacer. Pour le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), un déplacement de population aussi rapide et massif n’a plus été observé en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. M. Antonio Vitorino a rappelé que la traite des personnes est un phénomène documenté dans la région, où les déplacements de grande ampleur, les séparations familiales et la perturbation de la protection civile et des réseaux communautaires exposent les populations vulnérables à la violence, à l’exploitation et aux abus, en particulier femmes et enfants.
Le Mexique qui, avec la France, avait demandé la tenue de cette séance, a constaté que la situation sur le terrain pose des défis complexes pour la collecte de données, notamment sur l’ampleur du phénomène de la traite humaine. La délégation mexicaine a appelé à prendre les mesures qui s’imposent, l’OIM précisant qu’elle a remis en état une installation médicale afin de fournir des services de santé essentiels, y compris des soins psychologiques à ces personnes vulnérables. En partenariat avec l’UNICEF, le Haut-Commissariat a créé des espaces sûrs appelés « points bleus », situés aux principaux points de passage frontaliers, afin de fournir des informations et une aide spécialisée aux mères, aux adolescentes, enfants et autres réfugiés vulnérables.
Au nom des pays nordiques, la Suède a insisté sur l’importance de tenir compte des besoins spécifiques de toutes les personnes vivant en situation de vulnérabilité, évoquant le cas des femmes ayant décidé de rester en Ukraine et qui sont exposées à des risques de violence sexiste et sexuelle, ou encore les personnes âgées dans l’incapacité de se déplacer.
Alors que la bataille du Donbass fait rage, les forces russes continuent de ne faire aucune distinction entre civils et militaires, a soutenu l’Ukraine en faisant cas de la situation à Marioupol, où des milliers de civils se sont réfugiés dans l’usine Azovstal assiégée par les forces russes. Il faut les évacuer de toute urgence et les Russes le savent, mais ils s’opposent à l’ouverture de couloirs d’évacuation et continuent de bombarder la ville, s’est indigné le délégué ukrainien. La Slovaquie a souhaité qu’à l’occasion de la Pâque orthodoxe, les parties puissent tomber d’accord sur l’ouverture de couloirs humanitaires.
Presque tous les orateurs ont en outre salué la solidarité des pays voisins de l’Ukraine, Mme Clements saisissant l’occasion pour appeler la communauté internationale à faire de même pour les réfugiés du monde. Cet appel à la solidarité a trouvé un écho auprès des États-Unis, qui ont déclaré que « les réfugiés sont des réfugiés », quel que soit leur parcours, leur race, leur âge, leur nationalité ou leur orientation sexuelle.
La route de l’exode est souvent plus difficile pour les Africains quittant l’Ukraine, s’est désolé le Gabon, avant que le Kenya ne dresse un parallèle avec ce que subissent chaque année les milliers de malheureux qui cherchent à traverser la Méditerranée vers l’Europe. L’Estonie a pour sa part rappelé que les pays baltes, au nom desquels elle s’exprimait, accueillent près de 110 000 réfugiés ukrainiens, pour un coût total estimé à 66 millions d’euros. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Pologne a demandé un appui international afin d’alléger les souffrances des pays d’accueil.
Revenant sur les terribles exactions commises à Boutcha, la France a annoncé avoir déployé une équipe technique chargée d’apporter son expertise en matière d’identification et de collecte de preuves. Par la voix de son Ministre des affaires étrangères et de la défense, M. Simon Coveney, l’Irlande a annoncé une contribution supplémentaire de trois millions d’euros en faveur de la Cour pénale internationale (CPI) dont plusieurs membres du Conseil considèrent qu’elle devrait enquêter: « L’Ukraine est maintenant une scène de crime », a renchéri le Royaume-Uni.
Ceux qui nous reprochent de violer les droits humains oublient les violations commises contre les droits des Ukrainiens russophones, « dont des mineurs », a retorqué le délégué russe. Il a accusé les pays occidentaux de qualifier l’« opération militaire spéciale » de « guerre » en oubliant leur propre aventurisme militaire en ex-Yougoslavie, en Libye ou bien encore en Syrie. Le représentant a expliqué que depuis les évènements de Maidan en 2014, 1,7 million d’Ukrainiens ont soit demandé le statut de réfugié à la Russie soit la nationalité russe, un flux qui a augmenté à hauteur de 800 000 nouvelles personnes depuis le 24 février dernier. Il a en outre accusé les forces ukrainiennes retranchées dans leur bastion de Marioupol de se servir des civils comme boucliers humains. Il a assuré que l’opération militaire spéciale atteindra ses objectifs en Ukraine, parmi lesquels figurent la dénazification du pays et la « libération » du Donbass.
L’Ukraine a évoqué, quant à elle, des enlèvements qui exigent une réaction de la part de la communauté internationale, évoquant des « camps de filtration et de torture », où seraient maintenus « au moins 20 000 Ukrainiens », dont des enfants, avant d’être envoyés dans des régions « déprimées » de la Russie, où des documents leur sont remis leur interdisant de quitter les lieux pendant deux ans. « Êtes-vous prêts à reléguer le rôle du Conseil de sécurité à celui de forum de débats? » a ajouté l’Ukraine, jugeant essentiel de « régler la question de la présence douteuse de la Fédération de Russie, qui empêche [cet organe] de s’acquitter de sa responsabilité première ».
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE
Déclarations
Intervenant par visioconférence, Mme KELLY T. CLEMENTS, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies pour les réfugiés, a dit intervenir depuis la Hongrie, « un pays vers lequel près d’un demi-million d’Ukrainiens ont fui », soit une fraction des presque 5 millions qui ont été contraints de quitter leur pays, en plus des 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine. L’ONU estime également que 13 millions de plus se trouvent dans les zones les plus durement touchées par le conflit, dont beaucoup sont incapables de se déplacer. Mme Clements a relevé avoir été en début de journée en République tchèque, et avant cela en Autriche. Elle a salué la compassion et la solidarité sans précédent dans ces pays comme dans d’autres. Elle a émis le vœu fervent que cela s’étendra également à d’autres réfugiés qui se retrouvent en Europe et qui sont dans l’impossibilité de rentrer et ont besoin de la même protection et solidarité internationales.
Chacun des millions de déplacés sont obligés de prendre des décisions difficiles et déchirantes et ont laissé derrière eux presque tout ce qui leur est cher, a poursuivi Mme Clements. Grâce à l’engagement des États concernés, les frontières ont été maintenues ouvertes, a-t-elle dit, avant d’appeler à ce que cela se poursuive sans discrimination pour tous les nécessiteux. Selon elle, cette réponse inspirante n’est surpassée que par la force et le sang-froid des réfugiés eux-mêmes, alors qu’ils sont séparés de leurs familles, craignant que la guerre ne les poursuive.
La Haute-Commissaire adjointe a indiqué que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) signe actuellement des accords avec trois ministères clefs en Ukraine pour faire avancer leur soutien au Gouvernement. L’agence onusienne continue à développer son aide vitale aux déplacés dans toute l’Ukraine, en particulier dans le centre et l’est où se déroule un cauchemar humanitaire. Cela exige non seulement des ressources, mais aussi un accès sûr et sans entrave aux personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent dans le pays, a-t-elle plaidé. Même si la couverture médiatique s’est déplacée vers d’autres aspects du conflit, les gens sont toujours en fuite dans le désespoir et la peur, a noté Mme Clements, précisant que c’est le cas non seulement en Ukraine, mais aussi dans d’autres pays dans le monde –Yémen, Myanmar, Éthiopie, Syrie, Venezuela, République démocratique du Congo- entre autres. Elle a donc demandé au Conseil de sécurité de continuer à tenir compte des besoins de tous les réfugié, partout dans le monde. Tous ceux qui sont déracinés de chez eux ont besoin de la même solidarité, la même compassion, et la même protection, a-t-elle dit.
Elle a relevé qu’en Ukraine, la grande majorité des personnes en déplacement sont des femmes et des enfants, et les risques de violence sexiste, de traite, d’exploitation et d’abus sexuels sont élevés. Les premiers cas de traite recensés confirment que ces risques se réalisent déjà, a-t-elle déploré. Le HCR œuvre à prévenir, atténuer et répondre ces risques de traites, y compris avec l’OIM. En plus des programmes renforcés contre la violence sexiste, le HCR a déployé des experts en prévention de l’exploitation et des abus sexuels pour soutenir les réponses des gouvernements. Il travaille également en partenariat avec l’UNICEF sur des espaces sûrs appelés « points bleus » aux principaux points de passage frontaliers. Il s’agit de centres de transit et d’accueil pour fournir des informations et une aide spécialisée aux mères, aux adolescentes, enfants et autres réfugiés vulnérables. C’est la première fois que nous le faisons si tôt dans une intervention d’urgence et nous nous attendons à ce qu’elle serve de meilleure pratique à l’avenir, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe.
Outre l’aide que l’agence onusienne promet de poursuivre, Mme Clements a argué qu’aucune pile de couvertures, aucune somme d’argent, aucune quantité de médicaments ne pourra arrêter les morts et les destructions. Ainsi, l’aide seule n’empêchera pas les personnes contraintes par la guerre de fuir, pas plus qu’elle ne leur donnera ce qu’elles veulent et ce dont elles ont vraiment besoin: la paix et la sécurité à la maison, une chance de revenir volontairement, durablement et sans entrave. Ainsi, même si nous poursuivons notre travail d’acheminement de l’aide, nous avons besoin que ce Conseil effectue également son travail, a-t-elle lancé. Elle lui a donc demandé de mettre de côté les différences et de trouver un moyen de mettre fin à cette guerre « horrible et insensée ».
M. ANTÓNIO VITORINO, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a tout d’abord indiqué que plus de 12 millions d’Ukrainiens et de ressortissants de pays tiers ont déjà ont été contraints de quitter leur foyer depuis le début de cette guerre, soit « plus d’un quart de la population totale en un peu plus de sept semaines ». Relevant qu’un déplacement de population aussi rapide et massif n’a plus été observé en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a précisé que, selon les chiffres du HCR, près de 5 millions de personnes ont fui le pays, la dernière évaluation de l’OIM sur le suivi des déplacements faisant d’autre part état de 7,1 millions de personnes supplémentaires déplacées à l’intérieur de l’Ukraine, ce qui représente une augmentation de 10% par rapport à la première évaluation menée deux semaines plus tôt. Dans ce contexte, il s’est dit profondément préoccupé par la détérioration continue de la situation humanitaire en Ukraine avant d’appeler les parties au conflit à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire pour protéger les personnes et les infrastructures civiles.
M. Vitorino a déclaré avoir vu, lors de ses visites en mars dans plusieurs des pays voisins de l’Ukraine, le prix que les civils paient pour ce conflit, en particulier les femmes et les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Sur la base des évaluations de l’OIM et du travail mené avec le HCR et d’autres partenaires, il a dit avoir identifié des risques spécifiques pour les personnes déplacées, les réfugiés et les ressortissants de pays tiers. Ainsi, a-t-il expliqué, on peut s’attendre à ce que jusqu’à 30% de la population connaisse des impacts psychologiques négatifs, ce qui est une réaction normale en situation de détresse. Cependant, a ajouté le haut fonctionnaire, à mesure que la guerre se poursuit, les besoins psychosociaux vont sans aucun doute augmenter. Pour y faire face, des efforts sont déployés en Ukraine et dans les pays voisins pour former des travailleurs de première ligne au secourisme psychologique et renforcer la capacité des permanences téléphoniques afin de fournir un soutien psychosocial.
Le Directeur général de l’OIM a ensuite rappelé que la traite des personnes est un phénomène connu dans la région et que les déplacements de grande ampleur, les séparations familiales et la perturbation de la protection civile et des réseaux communautaires rendent les populations vulnérables à la violence, à l’exploitation et aux abus. À cet égard, il a dénoncé les cas de violence sexiste, y compris de violence sexuelle liée aux conflits, soulignant que ces risques sont particulièrement aigus pour les femmes et les enfants en déplacement. Pour leur venir en aide, l’OIM a remis en état en Ukraine une installation médicale pour fournir des services de santé essentiels, y compris des soins psychologiques. Alors que plus de la moitié des enfants ukrainiens ont été déplacés et que les enfants non accompagnés ou séparés courent un risque accru de violence, de maltraitance et d’exploitation, M. Vitorino a exhorté tous les pays voisins à assurer immédiatement leur identification et leur enregistrement. Il a par ailleurs félicité tous les pays voisins pour la solidarité dont ils ont fait preuve, mais s’est déclaré alarmé par les informations faisant état de discrimination, de violence et de xénophobie à l’encontre de ressortissants de pays tiers fuyant l’Ukraine. Il a donc appelé tous les États à veiller à ce que la protection et l’assistance immédiate soient fournies de manière non discriminatoire, assurant que l’OIM continuera de surveiller leur situation et de leur fournir un soutien via des lignes téléphoniques d’information et un mécanisme d’orientation pour faciliter le contact avec les consulats concernés.
Du fait de notre expérience et nos outils de collecte et d’analyse de données, a poursuivi M. Vitorino, nous savons que les déplacés ont tendance à se déplacer vers les zones urbaines à la recherche de travail et de services sociaux. Il est par conséquent urgent d’étendre les services pour répondre aux besoins croissants de ces populations, a-t-il affirmé, signalant qu’entre autres interventions à leur intention, l’OIM a commencé à fournir une aide en espèces en Ukraine et dans certains pays voisins. L’accord qui existait avec les services postaux ukrainiens avant la crise a permis un déploiement rapide, mais des mesures sont mises en œuvre pour intensifier cette assistance, en étroite coordination avec l’OCHA, le PAM et le HCR afin d’atteindre jusqu’à 500 000 personnes au cours des trois prochains mois.
L’OIM, a encore souligné son Directeur général, continuera, à travers ses équipes sur le terrain, à s’assurer que des actions ciblées soient prises pour améliorer le bien-être de tous ceux qui sont touchés par la guerre.
L’Organisation continue également à fournir une aide humanitaire vitale, tout en travaillant avec le Gouvernement et les autorités locales en Ukraine à l’identification de solutions pour les déplacés internes. Au-delà de l’aide d’urgence, a-t-il ajouté, il importe aussi d’investir dans des politiques d’intégration précoce et des interventions qui facilitent leur insertion sociale dans les pays d’accueil, ce qui rend crucial la planification des déplacements. À ce sujet, il a salué la décision prise par l’Union européenne d’offrir des protections à ceux qui fuient l’Ukraine, ajoutant que l’OIM se tient prête à aider ceux qui ne bénéficient pas toujours de cette directive européenne, notamment les ressortissants de pays tiers.
M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la défense de l’Irlande, a indiqué qu’il s’est rendu jeudi dernier à Kiev et que ce qu’il y a vu était « profondément choquant ». Boutcha, qui était il y a encore deux mois une ville plaisante et dynamique, est maintenant en ruines et remplie de l’odeur de bâtiments brûlés et de cadavres, a-t-il décrit. « Il n’y a rien de mis en scène dans tout ce que j’ai vu. » Le Ministre a dit s’être rendu dans une fosse commune, d’où 503 corps de civils et seulement 4 corps de combattants ont été exhumés. Ces 503 civils, qui n’étaient pas des combattants, a-t-il insisté, semblent avoir été tués délibérément de la plus brutale des façons, a accusé le Ministre, en dénonçant le mépris total des forces russes pour le droit international humanitaire et la protection des civils. « Il n’est pas possible de déguiser cette réalité. »
M. Coveney a relayé le souhait des Ukrainiens rencontrés lors de sa visite d’un établissement des responsabilités. Chaque fois que des crimes de guerre sont commis, des enquêtes crédibles doivent être diligentées dans les plus brefs délais, a exigé le Ministre, en insistant également sur la nécessité de soutenir les victimes. « C’est pourquoi l’Irlande a annoncé une contribution supplémentaire de trois millions d’euros en faveur de la Cour pénale internationale. » Le Ministre a assuré que l’Irlande ne restera pas silencieuse devant la poursuite de cette guerre insensée et dévastatrice, alors que l’est de l’Ukraine est le théâtre d’une nouvelle offensive. Aucun membre de ce Conseil ne doit non plus rester silencieux, a-t-il conclu. « Je veux m’adresser directement à la Russie: acceptez un cessez-le-feu humanitaire immédiat, retournez à la table des négociations et respectez la Charte. »
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) qui, avec la France, a demandé la tenue de cette réunion du Conseil de sécurité, a constaté l’ampleur des déplacements de personnes en Ukraine et les plus de cinq millions de réfugiés ukrainiens, dont 90% sont des femmes et des enfants qui sont exposés à tous types d’abus. La situation sur le terrain pose des défis complexes pour la collecte de données, a-t-il relevé, notamment sur l’ampleur du phénomène du trafic d’êtres humains. Dès lors, le représentant a appelé à prendre les mesures qui s’imposent, tout en saluant le travail du Haut-Commissariat pour les réfugiés (UNHCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), notamment pour l’appui psychosocial qu’ils apportent à ces personnes. Le représentant a salué la solidarité des pays voisins de l’Ukraine, avant de souligner l’importance de la collaboration de ces pays dans la lutte contre la traite de personnes. Il a déploré la discrimination frappant des personnes de pays tiers qui ont fui l’Ukraine et a exigé des enquêtes sur toute atteinte aux droits des réfugiés.
L’un des principaux défis humanitaires reste l’accès, a-t-il regretté en exhortant les parties à l’autoriser et à le faciliter. Les violations des droits humains ne sauraient restées impunies, s’est indigné le représentant en demandant là encore des enquêtes. La seule manière de mettre fin à cette grave crise humanitaire, c’est de mettre fin aux hostilités, a-t-il conclu en exigeant le respect des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a noté que plus d’un quart de la population ukrainienne a été contrainte de fuir, dont près de cinq millions de personnes ont dû se réfugier dans les pays voisins. L’activation de la directive européenne relative à la protection temporaire a permis d’apporter une aide rapide et efficace aux personnes fuyant la guerre, s’est-il cependant félicité. « L’armée russe tue depuis bientôt deux mois des civils, y compris des enfants, des personnels humanitaires et médicaux, comme des journalistes », a martelé le représentant avant de noter que 1,4 million de personnes n’ont plus accès à l’eau dans l’est de l’Ukraine. Il a prévenu que ces crimes ne resteront pas impunis et que la France est résolument engagée aux côtés des Ukrainiens et des juridictions internationales, notamment la Cour pénale internationale (CPI), à cette fin. À la suite des terribles exactions commises à Boutcha, M. De Rivière a indiqué que la France avait déployé une équipe technique chargée d’apporter son expertise en matière d’identification et de collecte de preuves, avant de préciser qu’elle soutient la Commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’Homme pour établir les faits. Il a aussi appelé la Russie à respecter l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice (CIJ) et à cesser sa « guerre d’agression » contre l’Ukraine. Le délégué a appuyé l’appel du Secrétaire général à une pause humanitaire de quatre jours débutant ce jeudi, avant de rappeler que le monde entier est affecté par cette guerre, qui risque de faire basculer jusqu’à 1,7 milliard de personnes, soit plus d’un cinquième de la population mondiale, dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a dit que la route de l’exode est souvent plus difficile pour les Africains quittant l’Ukraine. Il a rappelé que les pays frontaliers doivent apporter une assistance aux réfugiés africains de la même manière qu’ils le font pour les autres réfugiés. Le délégué a salué le travail des humanitaires et des pays d’accueil. Au sujet des informations sur les cas d’exploitation des personnes vulnérables, il a appelé à « tuer dans l’œuf » tous les réseaux de crime organisé qui essayent d’exploiter et d’abuser les réfugiés et déplacés vulnérables. Il a condamné toute atteinte contre ces personnes, les femmes et les enfants notamment, avant d’appeler à l’ouverture d’enquêtes indépendantes pour établir les faits et les responsabilités. Il est temps que les armes se taisent et que la diplomatie s’exprime, a-t-il conclu.
Mme MONA JUUL (Norvège) a accusé la Russie d’avoir intentionnellement créé une catastrophe humanitaire en Ukraine. Elle a signalé qu’alors que se poursuivent les bombardements russes, 12 millions d’Ukrainiens ont déjà fui leurs foyers, s’exposant à un risque accru de violence sexuelle et sexiste, de traite, d’abus, de traumatismes psychologiques et de séparation familiale. « La Russie est seule responsable de cette situation », a-t-elle martelé, avant de se faire l’écho de l’appel du Secrétaire général de l’ONU en faveur d’une pause humanitaire pour permettre le passage en toute sécurité des civils et l’acheminement d’une aide humanitaire vitale. Elle s’est félicitée, à cet égard, que l’ONU s’emploie à créer un groupe de contact humanitaire.
Selon la représentante, la brutalité et l’ampleur de cette crise à évolution rapide exigent des mesures de protection à des niveaux sans précédent. Tous les pays qui accueillent des personnes déplacées doivent s’assurer de leur identification et de leur enregistrement, a-t-elle plaidé, appelant également à des réponses sexospécifiques et sensibles à l’âge des personnes, sachant que les femmes et les enfants représentent 90% de tous ceux qui ont fui l’Ukraine. Après avoir rendu hommage à la résilience des Ukrainiens et salué tous ceux qui leur viennent en aide, la représentante a mis l’accent sur les conséquences dévastatrices de cette guerre au niveau mondial, notamment sur le coût des aliments de base, des engrais et de l’énergie, qui accentue la pauvreté, l’insécurité alimentaire et les besoins humanitaires. La Russie, a-t-elle conclu, peut choisir de mettre fin à son agression contre son voisin, c’est le seul moyen de mettre fin à la catastrophe humanitaire en Ukraine et au-delà.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a rappelé que la Russie se heurte aux conséquences de la détérioration de la situation ukrainienne depuis le mouvement du Maïdan de 2014. Depuis cette date, 1,7 million de personnes ont soit demandé le statut de réfugié à la Russie soit la nationalité russe. Ce flux a augmenté à hauteur de 800 000 nouvelles personnes depuis le début de l’opération militaire spéciale, a poursuivi le délégué, en notant la diminution constante de la population ukrainienne depuis 2014. Ceux qui nous reprochent de violer les droits humains oublient les violations commises contre les droits des Ukrainiens russophones, dont des mineurs, a poursuivi le délégué. Il a accusé les pays occidentaux de voir dans l’Ukraine un « agneau », en oubliant la guerre menée par ce pays depuis huit ans dans le Donbass. Il les a aussi accusés de qualifier ladite opération militaire spéciale de guerre en oubliant l’aventurisme militaire occidental en ex-Yougoslavie, en Libye ou bien encore en Syrie. Il a mentionné une lettre récemment transmise par la Syrie à ce Conseil sur la destruction de Raqqa par les « frappes inhumaines des Américains ». Vous réécrivez l’histoire dans un sens antirusse, promouvez les mensonges des pays d’Europe orientale et ignorez l’existence du néonazisme en Ukraine, a-t-il dit, en rappelant que la « dénazification de l’Ukraine » est précisément l’un des objectifs poursuivis par ladite opération spéciale.
Il a aussi estimé que les préoccupations des pays occidentaux vis-à-vis des Ukrainiens sont conjoncturelles et intéressées, ces derniers servant de chair à canon dans la guerre par procuration qu’ils livrent à la Russie. « Les fabricants d’armes occidentaux se frottent les mains. » Les pays d’Europe orientale sont ravis car ils peuvent se débarrasser en Ukraine de leur vieux matériel soviétique en le remplaçant par du matériel occidental, a-t-il ironisé. Le délégué a accusé les Américains de pousser les Européens à adopter des sanctions de plus en plus strictes contre la Russie. Ainsi, Washington, qui souffre le moins des sanctions, va pouvoir livrer son gaz aux Européens, alors qu’il est beaucoup plus cher que le gaz russe. Il a aussi déclaré que l’économie russe fait face aux sanctions avec succès en explorant de nouvelles pistes de développement.
Le seul pays qui est perdant, c’est bel et bien l’Ukraine, a estimé le délégué, en accusant les autorités de Kiev de faire semblant de ne pas le comprendre, à la différence des Ukrainiens. Les Ukrainiens savent qu’ils ne font pas face à la soi-disant terreur de l’armée russe mais bien à l’extraordinaire violence des néo-nazis et des extrémistes ukrainiens qui essayent de sauver leur peau à tout prix, a asséné le délégué: « Il est impossible de cacher la vérité. » Il a aussi affirmé que l’armée ukrainienne a fait usage d’armes à sous-munitions, en s’étonnant que ses collègues occidentaux n’aient pas condamné cette atrocité. Le délégué a en outre accusé les forces ukrainiennes dans leur bastion de Marioupol d’user de civils comme de boucliers humains. La mission de l’OSCE transmet par ailleurs des données militaires aux autorités ukrainiennes. L’Ukraine n’est qu’un pion sur l’échiquier de ce combat géopolitique, a-t-il déclaré, en fustigeant les méthodes utilisées par les Occidentaux pour instaurer un ordre international fondé sur des règles qui leur conviennent. Enfin, le délégué a assuré que l’opération militaire spéciale atteindra nécessairement ses objectifs en Ukraine, parmi lesquels la dénazification du pays et la libération du Donbass.
M. ZHANG JUN (Chine) a constaté la situation humanitaire aux graves conséquences qui prévaut en Ukraine, en appelant à tout faire pour réduire les dégâts causés aux civils par ce conflit. Pour cela, le représentant a exigé des parties qu’elles respectent le droit international humanitaire, qu’elles protègent les infrastructures civiles et qu’elles facilitent les évacuations, notamment en créant des couloirs humanitaires. La question des réfugiés doit être traitée comme il convient, a poursuivi le représentant en saluant la solidarité des pays voisins qui les accueillent et en appelant la communauté internationale à leur fournir plus d’appui dans un souci de « partage des responsabilités ». Le représentant a noté que, ces derniers jours, de nombreux réfugiés sont revenus en Ukraine. Il a appelé à traiter tous les réfugiés de la même manière et à prendre des mesures pour lutter contre le trafic de personnes dans le contexte de ce conflit.
Plaidant pour une voie diplomatique et la négociation en vue du règlement de ce conflit, le représentant a appelé à créer les conditions propices à un cessez-le-feu. Il a encouragé toutes les parties à s’engager dans cette voie, remarquant au passage que l’envoi d’armes en Ukraine ne s’inscrit pas dans cette logique. Revenant aussi sur l’impact de cette crise sur les économies du monde en développement, le représentant a appelé la communauté internationale à prendre des mesures pour stabiliser les prix des denrées alimentaires. Il a également dénoncé les tentatives de « militarisation de l’indépendance économique des pays », en demandant à ce qu’on y renonce sans tarder.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a dit soutenir les négociations en cours entre les parties parce que le dialogue reste le seul moyen de mettre fin durablement à ce conflit. Il salué la générosité des pays qui accueillent des réfugiés, dont la Pologne et la Roumanie qui ont accueilli 3,4 millions d’Ukrainiens, ainsi que la Moldavie, qui a accueilli plus de 400 000 réfugiés représentant 15% de sa population totale. Il a aussi félicité l’Union européenne pour son soutien aux États les plus durement touchés par la crise des réfugiés. Préoccupé par l’augmentation des signalements de traite des êtres humains, M. Abushahab a appelé à mieux contrôler les passages frontaliers pour détecter, prévenir et réprimer l’activité criminelle des trafiquants. Il a appelé à déployer une réponse humanitaire qui inclue la voix des femmes. Enfin, le représentant a appelé à s’attaquer d’urgence aux répercussions mondiales du conflit en Ukraine, en s’inquiétant de la forte hausse des prix des denrées alimentaires et des produits de base dans de nombreux pays dont la situation est inscrite à l’ordre du jour du Conseil.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a prévenu qu’il y aura beaucoup d’autres réfugiés si le conflit en Ukraine se poursuit. Il a noté que les toutes les parties ont pour obligation de protéger les civils et les infrastructures civiles. Il a appelé à l’ouverture de couloirs humanitaires locaux, mais, a—t-il précisé, seul un cessez-le-feu général permettra de combler les besoins d’assistance humanitaire dans le pays. Le représentant a ensuite relevé que les effets du conflit sur l’agriculture ukrainienne, ainsi que les conséquences des sanctions économiques unilatérales, contribueront à aggraver l’insécurité alimentaire à travers le monde, alors même que les pays en développement faisaient déjà face à une récession économique du fait de la pandémie de COVID-19. Il a déploré que les besoins humanitaires d’autres régions du monde soient désormais insuffisamment considérés, rappelant que 85% des réfugiés du monde se trouvent dans les pays en développement. Dans le même temps, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30% par rapport à la même période de l’an dernier, tandis que ceux des engrais ont pratiquement doublé. Les autorités brésiliennes ont ouvert le pays aux réfugiés ukrainiens, en droite ligne de ce qui a été auparavant fait en faveur des Haïtiens, des Vénézuéliens ou des Afghans.
Constatant que la situation humanitaire en Ukraine s’est encore détériorée, M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a déploré que femmes et enfants aient été touchés de manière disproportionnée et constituent la majeure partie des réfugiés et des personnes déplacées. Compte tenu de cette situation catastrophique, son pays a envoyé et continuera d’envoyer des fournitures humanitaires à l’Ukraine et à ses voisins, notamment des médicaments et d’autres matériels de secours essentiels, a-t-il dit. L’Inde a assuré le rapatriement en toute sécurité d’environ 22 500 Indiens d’Ukraine grâce à l’opération Ganga, qui compte 90 vols à ce jour: « Nous avons également aidé les ressortissants de 18 autres pays dans le cadre de ce processus », s’est enorgueilli le représentant. Il a pris note des conclusions de l’Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire, qui recommande d’exempter immédiatement les achats de denrées alimentaires par le Programme alimentaire mondial (PAM) des restrictions pesant sur les exportations alimentaires, a dit le délégué. Le délégué a, à nouveau, souligné l’importance des principes directeurs de l’aide humanitaire des Nations Unies, c’est-à-dire l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, qui ne doivent jamais être « politisés ».
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déploré une tragédie sans fin en Ukraine. « Les mots manquent. » Il a accusé la Russie d’avoir franchi délibérément des « lignes rouges morales » et de se montrer impitoyable vis-à-vis de l’Ukraine: « Le tableau est apocalyptique. » Le représentant a dénoncé la nouvelle offensive de la Russie dans l’est ukrainien, qui montre l’absence de sincérité de la Russie lors des négociations. Aucun cessez-le-feu n’est en vue, a déploré le délégué, en relayant l’appel d’une pause humanitaire lancé par le Secrétaire général. Le délégué a ensuite salué la récente visite du Procureur de la CPI en Ukraine pour établir la vérité sur les atrocités commises. Il a fustigé « l’obsession du Kremlin » selon laquelle l’Ukraine n’existe pas, ainsi que ses efforts visant à modeler la réalité en fonction de ses souhaits. On ne peut nier l’histoire, sous peine de courir à la catastrophe, a-t-il dit, en rappelant que la tentative de Joseph Staline d’envahir la Finlande s’est soldée par un échec. « L’Union soviétique a voulu soviétiser l’Europe et elle a échoué. » Aucun pays ne doit avoir le droit d’en dominer un autre, a conclu le délégué de l’Albanie.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a regretté le nombre élevé de réfugiés et de personnes déplacées du conflit ukrainien tout en saluant la volonté des pays voisins de leur ouvrir leurs frontières et de les accueillir. L’ONU et les parties prenantes doivent coopérer pour subvenir aux besoins de ces réfugiés, a estimé le représentant avant de dénoncer la discrimination que vivent les ressortissants de pays tiers cherchant à fuir l’Ukraine. Le représentant a exigé un traitement sur un pied d’égalité de tous les réfugiés. Il faut des mesures permettant une reddition des comptes, a-t-il martelé, notamment dans les pays de transit et les pays hôtes. Le représentant a également demandé des enquêtes sur les cas de traite de personnes avant d’appeler de ses vœux l’ouverture de couloirs humanitaires, un accès à l’aide humanitaire pour ceux qui ne peuvent pas quitter l’Ukraine et la protection du personnel humanitaire et médical opérant en Ukraine. La sortie de crise ukrainienne passe par le dialogue, a-t-il conclu.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a exhorté la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) à mobiliser des fonds pour protéger les pays les plus vulnérables du monde face aux conséquences de la crise en Ukraine, en suggérant notamment de mettre des engrais à la disposition des pays qui souffrent d’insécurité alimentaire chronique. Par ailleurs, le représentant a cité le calvaire que vivent des milliers d’Africains qui ont fait un voyage terrifiant pour fuir la guerre en Ukraine et trouver refuge en Europe, et qui ont subi des comportements racistes en cours de route. Il a fait le parallèle avec ce que subissent chaque année les milliers de personnes qui cherchent à traverser la Méditerranée depuis l’Afrique. Il a rappelé que le racisme et l’ethnocentrisme, surtout lorsqu’ils sont soutenus et claironnés par les politiques officielles, sont les premiers avertissements de guerre catastrophique et d’atrocités.
Le délégué a rappelé que l’ONU a été créée après que les politiques raciales des nazis aient tué des dizaines de millions d’Européens, d’Asiatiques et d’Africains. Il a aussi noté que l’esclavage transatlantique et d’autres formes de racisme violent ont coûté la vie à des dizaines de millions de personnes sur les continents américains et européens. « Pour empêcher une nouvelle ère de guerres destructrices et son corollaire de crises humanitaires, nous devons ancrer l’antiracisme dans les fondements mêmes de l’ordre multilatéral », a insisté le représentant du Kenya avant d’appeler à la réforme du Conseil de sécurité et à faire de l’antiracisme la plus grande action préventive des catastrophes humanitaires.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déploré la mort d’un humanitaire de l’organisation Caritas qui a été tué à Marioupol. Elle a salué le fait que les pays voisins aient ouvert leurs portes aux réfugiés venant d’Ukraine. Vous avez donné de l’espoir à l’humanité et démontré ce que c’est que d’être un bon voisin, a-t-elle dit. La représentante a aussi salué les autres pays européens accueillant des Ukrainiens, rappelant que les États-Unis se sont engagés à en recevoir 100 000. Selon elle, « les réfugiés sont des réfugiés », quel que soit leur parcours, leur race, leur âge, leur nationalité ou leur identité sexuelle. Et défendre les droits humains de ceux dans le besoin est une priorité du Gouvernement américain.
Elle a appelé à faire face à la menace du trafic humain qui pèse sur les réfugiés, d’autant plus que 90% de ces derniers sont des femmes et des enfants. C’est ainsi que la Pologne et la Roumanie ont mis en place des mesures pour lutter contre les trafics humains, et les États-Unis appuient ces efforts dans plusieurs pays de la région, a assuré la représentante. Elle dit avoir annoncé un don de 50 millions de dollars à Moldova au cours de son récent voyage dans la région. Chaque jour, on demande si le Conseil de sécurité est à la hauteur de cette crise, a—t-elle noté. Selon Mme Thomas-Greenfield, soutenir les réfugiés et les pays qui les accueillent est l’un des moyens les plus rapides auxquels l’ONU peut recourir pour démontrer son engagement.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que toute discussion sur la situation humanitaire doit être guidée par deux principes fondamentaux: la protection des civils innocents et la poursuite judiciaires pour les crimes de guerre. Nous avons tous la responsabilité de mettre fin aux souffrances en Ukraine, a ajouté la déléguée, en rappelant la contribution de près de 400 millions de livres sterling de son pays à la réponse humanitaire en Ukraine. Elle a aussi précisé que son pays a garanti le prêt d’un milliard de dollars de la Banque mondiale à l’Ukraine. Rappelant les centaines de milliers de civils pris au piège à Marioupol en raison du refus par Moscou de leur évacuation en toute sécurité, la déléguée a relayé l’appel du Secrétaire général pour une pause humanitaire dans les zones de conflit les plus touchées. Elle a dénoncé la brutalité de l’offensive de la Russie, ainsi que « l’obscénité » de l’occupation russe. La libération de Boutcha, d’Irpin, de Tchernihiv, de Borodyanka et de nombreuses autres villes des forces russes a révélé les atrocités innommables commises par ces dernières: « L’Ukraine est maintenant une scène de crime », a conclu la déléguée, en demandant que justice soit faite.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a commencé par relater le parcours d’un petit garçon de 3 ans, opéré hier à Lviv après avoir été victime avec sa famille des tirs de roquettes russes sur cette ville de l’ouest de l’Ukraine. Ils avaient quitté Kharkiv pour échapper aux pilonnages russes et seul le garçonnet a survécu aux bombardements qui ont fait sept morts à Lviv, a-t-il indiqué. « On pourrait se demander dans quelle mesure la tentative d’assassinat d’un enfant pourrait protéger les populations du Donbass des néo-nazis, mais on se heurterait aux mensonges russes visant à justifier l’injustifiable. » Le représentant a ensuite noté que le Président Putin a accordé hier à la 64e brigade d’infanterie motorisée de l’armée russe le titre honoraire de « brigade de garde », en hommage à son héroïsme, son courage et sa ténacité. Cette brigade, a-t-il rappelé, devait initialement saisir Kiev avant d’être déployée à Boutcha en mars, mois qui s’est transformé en « mois de la terreur » pour la population locale. Les soldats de cette brigade, dont plusieurs ont été identifiés, se sont rendus coupables d’atrocités, a accusé le délégué, avant de dénoncer le pillage systématique auquel ces hommes se sont aussi livrés lors de leur retrait, « y compris de toilettes », article dont « un quart des foyers russes ne disposent pas », notamment en zone rurale. Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, alors que la bataille du Donbass fait rage, les forces russes continuent de ne faire aucune distinction entre les civils et les militaires. Selon lui, la situation est encore plus grave à Marioupol, où des milliers de civils se sont réfugiés dans l’usine Azovstal assiégée par les forces russes. Il faut les évacuer de toute urgence et les Russes le savent, mais ils s’opposent à l’ouverture de couloirs d’évacuation et continuent de bombarder la ville, s’est indigné le représentant, non sans dénoncer des « méthodes abjectes ».
Après avoir appelé le Conseil de sécurité à tout faire pour sauver ces vies, « otages des intentions sanglantes et belliqueuses de Putin », le délégué s’est félicité des efforts déployés sur le terrain par l’ONU, notamment des actions conjointes menées par le PAM et le HCR pour qu’une assistance en espèces soit fournie aux personnes déplacées les plus démunies et aux retraités. Il a aussi salué l’aide apportée par les agences onusiennes pour délocaliser les productions ukrainiennes et remercié tous les États qui accueillent généreusement des réfugiés. Il a toutefois souhaité que, compte tenu de l’ampleur de la crise humanitaire, le volume de l’aide progresse plus rapidement pour répondre aux besoins croissants. Il a d’autre part signalé la présence, dans les territoires contrôlés par les Russes, de « camps de filtration et de torture », où seraient maintenus « au moins 20 000 Ukrainiens », dont des enfants, avant d’être envoyés dans des régions « déprimées » de la Russie, où des documents leur sont remis leur interdisant de quitter les lieux pendant une période de deux ans. Pour le représentant, de telles actions peuvent être qualifiées d’enlèvements et nécessitent une réaction de la communauté internationale. Alors que 12 millions d’Ukrainiens ont quitté leurs foyers et que beaucoup n’ont nulle part où aller, il importe, selon lui, que l’ONU garantisse, à terme, le retour sûr des personnes déplacées. Mais il faut, en premier lieu, que davantage soit fait pour mettre en place des couloirs humanitaires malgré l’obstruction russe, a-t-il réaffirmé, avant de regretter que les réunions à répétition du Conseil de sécurité n’aient aucune incidence, ni sur la ligne de front ni sur la situation humanitaire. « Êtes-vous prêts à reléguer le rôle du Conseil à celui de forum de débats? » a-t-il demandé, jugeant essentiel de « régler la question de la présence douteuse de la Russie, qui empêche le Conseil de s’acquitter de sa responsabilité première ». Il n’y aura pas d’évolution rapide de la situation sans réponse à cette question, a-t-il conclu, estimant que la Russie doit être arrêtée « pour la paix et pour les Ukrainiens de par le monde ».
Mme ANNA KARIN ENESTRÖM (Suède), qui s’exprimait aussi au nom des pays nordiques – Danemark, Norvège, Finlande et Islande, a commencé par saluer le travail « remarquable » du HCR et de l’OIM, en martelant que ceux qui ont pris la décision de mener cette guerre en Ukraine en portent la lourde responsabilité. Elle a plaidé pour un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, en particulier s’agissant des zones les plus touchées par le conflit et celles qui risquent d’être encerclées, en citant notamment Marioupol et Kharkiv, où cet accès se négocie toujours au cas par cas. Regrettant que le principal obstacle à l’acheminement de l’aide sont les frappes russes sur des zones civiles, la déléguée a appelé les deux parties à respecter leurs obligations pour autoriser et faciliter cet accès dans l’est du pays et dans d’autres parties difficiles à toucher, en soulignant à nouveau la responsabilité particulière de la partie qui « envahit ». Les pays nordiques appuient les efforts du Coordonnateur des secours d’urgence en vue d’un cessez-le-feu humanitaire, a dit Mme Eneström, qui a également insisté sur l’importance de tenir compte des besoins spécifiques de toutes les personnes vulnérables, en évoquant notamment le cas des femmes qui ont décidé de rester en Ukraine et sont exposées à des risques de violence sexiste et sexuelle. Les personnes âgées qui sont dans l’incapacité de quitter en font également partie, a-t-elle poursuivi. En dernier lieu, la représentante a exigé le respect du droit international humanitaire, en martelant qu’à aucun moment les civils ne sauraient être pris pour cible et que les infrastructures civiles doivent être protégées. Elle a également dénoncé la violence sexuelle qui « ne peut être tolérée ». La représentante a donc exigé l’établissement des responsabilités pour ces crimes graves, arguant que la désinformation et le déni ne permettront pas d’y échapper.
M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a dénoncé les crimes de guerre et violations flagrantes du droit international humanitaire (DIH) observés en Ukraine. Face à l’ampleur de la crise humanitaire marquée par sept millions de déplacés, le représentant a indiqué que son pays a consacré 20 millions de dollars à la Croix-Rouge (CICR) et à l’appel d’urgence des Nations Unies en faveur de l’Ukraine. Il a précisé que l’Italie accueille des réfugiés ukrainiens depuis 2014 et que 250 000 Ukrainiens y vivent aujourd’hui. Il a rappelé que la crise des réfugiés ukrainiens est avant tout une crise de femmes et enfants qui représentent 90% des effectifs fuyant l’Ukraine. « Les témoignages de violence et de viols par les troupes russes sont particulièrement dérangeants », a indiqué le représentant, avant de souligner que la lutte contre l’impunité doit être garantie. Il a jugé indispensable une cessation immédiate des combats et un retrait des forces russes de tout le territoire internationalement reconnu de l’Ukraine.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a souligné la gravité de la situation humanitaire en Ukraine depuis le début de l’invasion russe. Il a indiqué que les frontières de son pays sont ouvertes « à tous ceux fuyant les atrocités russes ». Près de trois millions de personnes, de toutes nationalités, se sont réfugiées en Pologne, a déclaré le délégué, en précisant qu’un tel accueil suppose des efforts conséquents. S’il a assuré de la solidarité de son pays envers les Ukrainiens, il a demandé un appui international afin d’alléger les souffrances. « Il faut coordonner nos efforts. » Il a demandé concrètement l’appui de l’ONU aux efforts de la Pologne pour venir en aide aux Ukrainiens. Le délégué a ensuite détaillé la lutte menée contre la traite des êtres humains afin de protéger les réfugiés. La communauté internationale doit en faire davantage pour répondre aux défis de la guerre russe en Ukraine, a-t-il conclu, en annonçant la tenue prochaine d’une conférence des donateurs.
Au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a constaté que la Fédération de Russie mène sa guerre d’agression dans une « indifférence cynique » à l’égard de ses conséquences humanitaires pour l’Ukraine et le reste du monde. Alors que les forces russes ciblent indistinctement les personnes et les infrastructures civiles, des milliers d’Ukrainiens, dont des centaines d’enfants, sont tués et blessés. Des civils sont également torturés, victimes de violences sexuelles et sommairement exécutés, s’est-il indigné, estimant que ces faits « font écho aux pires crimes du siècle dernier, que l’ONU est censée prévenir ». Saluant la solidarité des voisins immédiats de l’Ukraine à l’égard de ceux qui fuient, le délégué a indiqué que les trois pays baltes continuent d’aider les quelque 110 000 réfugiés qui ont atteint leur territoire, parmi lesquels une grande majorité de femmes et d’enfants. Cette aide combinée, fournie par les États mais aussi par d’innombrables individus, entreprises et organisations de la société civile, s’élève à 66 millions d’euros, a-t-il précisé, avant de rappeler que l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie contribuent à l’appel humanitaire éclair des Nations Unies et sur le plan régional de réponse pour les réfugiés, continuent de soutenir le travail du CICR et s’efforcent de remédier au risque de traite des êtres humains. Le délégué s’est ainsi dit préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants ukrainiens auraient été déplacés vers des « camps de filtration » puis vers la Russie, souvent sans leurs parents.
Appelant la Fédération de Russie à accorder immédiatement aux acteurs humanitaires un accès complet, sûr et sans entrave à Marioupol et aux autres villes assiégées, le représentant a également exigé qu’un passage sûr permette aux civils de quitter volontairement et en toute sécurité les zones touchées par le conflit vers la destination de leur choix. Il a par ailleurs exprimé le soutien des pays baltes aux travaux de la Commission d’enquête des Nations Unies sur l’Ukraine ainsi qu’à ceux menés dans le cadre du Mécanisme de Moscou de l’OSCE, tout en appuyant le Bureau du Procureur de la CPI dans son enquête concernant des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en Ukraine. Toutefois, a-t-il dit, nous ne pouvons pas oublier que, pendant que ces enquêtes sont en cours, de nombreux civils continuent d’être pris pour cible par la Russie en Ukraine chaque jour. L’attaque russe contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières convenues au niveau international doit cesser maintenant, a-t-il martelé en conclusion, affirmant défendre « l’humanité contre la brutalité ».
M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a rappelé les nombreuses séances du Conseil de sécurité tenues depuis le 24 février pour faire face à l’agression russe en Ukraine. Préoccupé par la dégradation de la situation humanitaire dans ce pays, il a notamment déploré le nombre de civils blessés et tués. En tant que pays voisin, la Slovaquie est particulièrement inquiète par la crise de réfugiés provoquée par l’agression russe, a dit le représentant en indiquant avoir accueilli 345 000 réfugiés depuis le début de la crise. Il a fait savoir que les enfants ukrainiens y sont même scolarisés. La Slovaquie reste solidaire de l’Ukraine, a-t-il affirmé en demandant à la Fédération de Russie de mettre immédiatement fin à cette agression. La Slovaquie appelle à un règlement pacifique de ce conflit, a précisé le représentant en encourageant la voie de la négociation. Avant de conclure, il a souhaité qu’à l’occasion de la Pâque orthodoxe les parties puissent tomber d’accord sur l’ouverture de couloirs humanitaires.