Conseil de sécurité : l’Envoyé spécial pour le Yémen mène des consultations bilatérales avec les parties sur fond d’aggravation de la crise humanitaire
La sortie du conflit qui déchire le Yémen depuis sept ans passera par des consultations bilatérales, a estimé l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Hans Grundberg, qui en a esquissé les contours ce matin devant le Conseil de sécurité, deux semaines après que le Conseil de sécurité a imposé pour la première fois un embargo sur les armes à l’ensemble des forces houthistes, qualifiées de « groupe terroriste».
Pour le haut fonctionnaire de l’ONU, ces consultations, organisées à Amman, en Jordanie, avec les dirigeants de différentes formations politiques yéménites –Congrès général du peuple, parti Islah, Parti socialiste yéménite, Organisation populaire unioniste nassérienne et Conseil de transition du Sud– rappellent qu’il est encore possible de « ramener un discours politique civil pour guider le règlement du conflit » et de « jeter les bases d’une paix durable ».
Le caractère inclusif de ces consultations, les femmes yéménites ayant pu se faire entendre à cette occasion, a été salué par de nombreux membres du Conseil dont le Mexique, qui a déploré le coût élevé du conflit infligé à ces dernières, citant leur accès limité à l’éducation et aux services de santé reproductive et la hausse des mariages précoces, entre autres dangers. Les efforts de l’Envoyé spécial ont été salués par tous les membres du Conseil ce matin, malgré le scepticisme affiché du Yémen et des Émirats arabes unis quant à la volonté politique des forces houthistes de s’engager dans un véritable dialogue.
Si les lignes de front évoluent au gré des victoires remportées par les parties au conflit, ce qui ne change pas en revanche, c’est que « toujours, nous voyons des civils payer un prix inacceptable pour des choix sur lesquels ils n’exercent aucune influence », a résumé l’Envoyé spécial. Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Martin Griffiths, a quant à lui estimé qu’après sept ans de guerre, le Yémen était entré dans un cycle d’« état d’urgence chronique » avec des risques évidents « d’inertie » et de « lassitude ».
Les plaies du peuple yéménite s’aggravent de manière exponentielle, plus vite que l’arrivée de l’aide humanitaire, avec 23,4 millions de nécessiteux, soit trois habitants sur quatre, « un chiffre effarant », a commenté le haut fonctionnaire. En tout, 4,3 millions de personnes ont été déplacées depuis 2015, a-t-il relevé.
Les Émirats arabes unis et le Yémen ont déclaré tenir les forces houthistes pour entièrement responsables de la poursuite de la guerre, appelant à exercer tous les moyens de pression à la disposition du Conseil pour les contraindre à la négociation en vertu de la résolution 2624 et de son embargo sur la livraison d’armes aux houthistes, que les États-Unis ont appelé à appliquer rigoureusement.
De son côté, le Yémen a qualifié l’Iran d’« État voyou » pour son soutien aux milices houthistes. La Fédération de Russie, comme la Chine et le Kenya, s’est dite préoccupée par les attaques contre des infrastructures civiles, au Yémen et dans les pays voisins : « un tel élargissement du conflit à l’étranger marquerait un point de non-retour », a-t-elle mis en garde.
La guerre a également précipité l’effondrement économique du pays, qui importe environ 90% de sa nourriture et la quasi-totalité de son carburant. Nombre de ces produits pourraient bientôt être encore plus difficiles à obtenir, puisqu’environ un tiers du blé yéménite provient de Russie et d’Ukraine, a souligné M. Griffiths. Or, le conflit en Ukraine pourrait restreindre l’approvisionnement et faire encore grimper les prix des denrées, qui ont déjà presque doublé depuis l’an dernier au Yémen.
Les importations de carburant ont également connu récemment une forte baisse, contribuant à la hausse du cours du pétrole au Yémen. Pour ces raisons, ce pays a un besoin urgent d’« injections de devises ». Le Secrétaire général adjoint et les membres du Conseil ont donc dit attendre beaucoup de la Conférence des donateurs sur la réponse humanitaire qui se tiendra demain à Genève, dans le but de lever plus de quatre milliards de dollars. Un montant plus que jamais indispensable pour surmonter l’abîme, selon M. Griffiths: « Si nous avons un message à adresser au monde aujourd’hui, c’est celui-ci: n’arrêtez pas maintenant », a-t-il imploré.
S’il faut mettre en œuvre l’embargo sur les armes imposé aux houthistes, a argué le Brésil, il est nécessaire aussi d’assouplir les restrictions en vigueur dans les ports yéménites de la mer Rouge et à l’aéroport de Sanaa, dans le cadre de la mise en œuvre du cadre économique de l’ONU pour le Yémen, les importations étant le moteur de l’économie nationale. Le Ghana a ainsi préconisé la levée des restrictions à l’importation pour stabiliser une économie en voie de délabrement rapide, conformément à l’Accord de Stockholm, afin de réduire la dépendance du Yémen à l’aide humanitaire.
Sur une note positive, M. Griffiths s’est réjoui de la signature la semaine dernière par les autorités houthistes de Sanaa d’« un protocole d’accord », concernant le pétrolier SAFER, sur lequel aucune opération de maintenance n’a été fournie depuis 2015. Ce protocole, qui confirme l’accord de principe annoncé le mois dernier rapproche le Yémen de la résolution d’un problème très dangereux, celui d’une catastrophe environnementale. Sur ce point également, les Émirats ont appelé à exercer toute la pression nécessaire sur les forces houthistes, afin qu’elles honorent leurs engagements et cessent « leur tactique de procrastination ».
LA SITUATION AU YÉMEN
Déclarations
M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a commencé par déclarer que, plus que jamais, les Yéménites se voient refuser la possibilité de vivre en paix et que des efforts concertés de leur part et de la communauté internationale sont nécessaires pour briser ce cycle de violence sans fin et jeter les bases d’une paix durable. Il a ensuite fait état des derniers développements sur le terrain depuis son intervention précédente le mois dernier. « À Taëz, les échanges de tirs d’artillerie ont à nouveau fait des victimes civiles et endommagé des bâtiments résidentiels. Des hostilités ont également été signalées dans les provinces de Saada et de Dali », a-t-il relaté. Par ailleurs, les frappes aériennes à l’intérieur du Yémen se poursuivent, ce mois-ci principalement sur les lignes de front à Hajjé et à Mareb, où Ansar Allah poursuit son offensive qui, depuis plus de deux ans, cause d’énormes atteintes aux civils, a déploré le haut fonctionnaire. Dans les districts du sud de Hodeïda, les hostilités se poursuivent, avec des rapports faisant état de victimes civiles, dont des femmes et des enfants. La mission des Nations Unies chargée de soutenir l’Accord sur Hodeïda s’efforce de rétablir la communication entre les parties, d’ouvrir des voies de désescalade et de renforcer la surveillance des ports par la mission, tout en étendant la portée de ses patrouilles.
Nous voyons le territoire changer de mains et les lignes de front se calmer dans une partie du pays, pour s’intensifier ailleurs. « Mais toujours, nous voyons des civils payer un prix inacceptable pour des choix sur lesquels ils n’exercent aucune influence », a tranché M. Grundberg. Une approche militaire ne produira pas de solution durable et des années de combats n’ont fait que détruire les institutions, l’économie, le tissu social et l’environnement du Yémen. Et alors que les combats se poursuivent, la crise économique continue de s’aggraver et risque d’empirer. À Aden et dans les provinces environnantes, le riyal yéménite a dévissé de 20% par rapport au dollar depuis janvier, ce qui fait craindre une nouvelle chute brutale de la monnaie, une inflation et une aggravation des divisions au sein de l’économie nationale. Des mesures tangibles sont nécessaires pour stabiliser la monnaie.
Dans tout le Yémen, l’accès au carburant est de plus en plus difficile, a poursuivi l’Envoyé spécial. Cette situation est particulièrement aiguë dans les zones contrôlées par Ansar Allah, où les pénuries de carburant se sont encore aggravées, en raison des obstacles posés aux livraisons terrestres dans les zones contrôlées par Ansar Allah. Parallèlement, la fermeture de l’aéroport de Sanaa empêche de nombreux Yéménites du nord de se rendre à l’étranger et les combats incessants, la prolifération des postes de contrôle et la fermeture des points d’accès, notamment à Taëz, entravent les déplacements des habitants à l’intérieur du pays.
M. Grundberg a expliqué qu’il œuvrait activement, avec les parties, à la recherche de mesures immédiates de désescalade qui pourraient réduire la violence, atténuer la crise du carburant et améliorer la liberté de mouvement. Cependant, toute mesure potentielle de désescalade ne tiendra que si elle est soutenue par un processus politique. Son bureau a donc lancé une série de consultations destinées à éclairer l’élaboration de son cadre destiné à progresser vers un tel règlement politique inclusif. « Jusqu’à présent, j’ai tenu des réunions bilatérales avec les dirigeants du parti du Congrès général du peuple et avec des délégations du parti Islah, du Parti socialiste yéménite, de l’Organisation populaire unioniste nassérienne et du Conseil de transition du Sud », a-t-il précisé. Il a souhaité que ces consultations marquent le début d’une conversation sérieuse et structurée entre les Yéménites pour mettre fin à la guerre.
Après toutes ces années de guerre, le Yémen a besoin d’un débat politique sérieux, constructif et orienté vers des solutions, a ajouté M. Grundberg. « Il faut ramener un discours politique civil pour guider le règlement du conflit. Les consultations qui se sont tenues à Amman sont un rappel encourageant que cela est possible. Ensemble, nous devons rechercher des solutions qui permettront non seulement de mettre fin à la guerre, mais aussi de jeter les bases d’une paix durable. Je continuerai à compter sur les membres de ce Conseil pour soutenir le processus à mesure qu’il avance », a-t-il dit en conclusion.
M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a estimé qu’après sept années de guerre, le Yémen était entré dans un cycle d’« état d’urgence chronique », entraînant des risques « d’inertie » et de « lassitude ».
Alors que le Secrétaire général, avec la Suisse et la Suède, tentera demain de lever 4,3 milliards de dollars pour le Yémen, M. Griffiths a prévenu que les plaies du peuple yéménite s’aggravaient de manière exponentielle, plus vite que l’arrivée de l’aide humanitaire. 23,4 millions de Yéménites, soit 3 citoyens sur 4, ont aujourd’hui besoin d’aide, « un chiffre effarant », a-t-il commenté. Parmi eux, 19 millions de personnes souffriront de la faim dans les mois à venir, soit une hausse de près de 20% par rapport à l’année dernière, et plus de 160 000 d’entre elles seront confrontées à des conditions proches de la famine. Malgré les appels au dialogue et à un cessez-le-feu, les hostilités persistent sur une cinquantaine de lignes de front, dont Mareb et Hajjé, où les affrontements se sont fortement intensifiés ces dernières semaines. Au total, 4,3 millions de personnes ont désormais été déplacées depuis 2015.
La guerre a également accéléré l’effondrement économique du Yémen. Les perspectives sont sombres, le pays important environ 90% de sa nourriture et la quasi-totalité de son carburant. Nombre de ces produits pourraient bientôt être beaucoup plus difficiles à obtenir puisqu’environ un tiers du blé yéménite provient de Russie et d’Ukraine, a rappelé M. Griffiths: le conflit en Ukraine pourrait restreindre l’approvisionnement et faire encore grimper les prix des denrées, qui ont déjà presque doublé au Yémen l’an dernier. Aucun doute, cela nuira à la vie des Yéménites, a prévenu le Secrétaire général adjoint. Les importations de carburant ont également connu récemment une forte baisse, aggravant les pénuries de carburant et la hausse des prix. Pour ces raisons, le Yémen a besoin du soutien des États Membres, notamment en « injections de devises ».
Saluant les 14 milliards de dollars déjà dépensés par les pays donateurs, ce qui a évité une famine, et au travail humanitaire, qui a contenu une hausse de la mortalité dans le pays, M. Griffiths a aussi exprimé son inquiétude face à l’insécurité grandissante du personnel onusien et des travailleurs humanitaires sur le terrain, évoquant une multiplication des kidnappings et le maintien en détention de deux employés de l’ONU depuis novembre 2021 par les forces houthistes. Il a aussi dénoncé les obstacles bureaucratiques entravant les efforts, surtout dans les zones contrôlées par les forces houthistes.
Sur une note positive, M. Griffiths a annoncé que les autorités houthistes de Sanaa ont signé la semaine dernière « un protocole d’accord » concernant le pétrolier SAFER, confirmant l’accord de principe annoncé le mois dernier. Selon lui, on s’approche de la résolution d’un problème très dangereux.
Cependant, ces progrès sont aujourd’hui en danger, les organismes d’aide étant confrontés à des pénuries de financement alarmantes. Deux tiers des principaux programmes des Nations unies ont déjà été réduits ou fermés. Des coupes franches ont été menées dans les services essentiels, tels que l’aide alimentaire, l’eau, les soins de santé et l’aide aux personnes fuyant la violence à Mareb et ailleurs.
« Si nous avons un message à adresser au monde aujourd’hui, c’est celui-ci: n’arrêtez pas maintenant », a conclu M. Griffiths.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué le lancement des consultations annoncées par l’Envoyé spécial, un processus qui s’appuie sur une approche inclusive en accueillant les points de vue d’un large éventail de Yéménites. Nous encourageons toutes les parties à s’engager de manière constructive dans vos consultations en cours, a-t-il lancé en direction de M. Grundberg, et ce conformément à leurs obligations en vertu de la résolution 2624. Revenant sur ce dernier texte, il a rappelé qu’il imposait, pour la première fois, un embargo sur les armes à l’ensemble des houthistes et dénonçait explicitement le « groupe terroriste houthiste ». Cela reste vital alors que nous assistons à des attaques transfrontalières continues contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, y compris l’attaque de jeudi dernier contre une raffinerie de pétrole saoudienne, a-t-il déclaré. Il a encore souligné que la résolution 2624 était également « claire dans son soutien au maintien continu de l’accès humanitaire et des importations commerciales de nourriture, de carburant et d’autres produits de première nécessité dans tous les ports du Yémen. Après avoir demandé instamment aux houthistes de libérer le ressortissant britannique Luke Symons, le représentant a appelé les donateurs à répondre, dès demain, à Genève, lors de la conférence pour les annonces de contributions, à l’appel au secours du peuple Yéménite « menacé de famine ».
M. AMARNATH ASOKAN (Inde) a notamment regretté que les appels au cessez-le-feu de la communauté ne soient toujours pas entendus, les récentes attaques transfrontalières ayant causé des victimes civiles, y compris des ressortissants indiens. Il a exhorté toutes les parties à passer du champ de bataille à la table de négociations, accueillant avec satisfaction l’initiative de l’Envoyé spécial qui « devrait aider à la concrétisation des aspirations légitimes de tous les Yéménites ». Notant que les consultations initiées par M. Grundberg prévoient un volet économique, il a rappelé que l’Inde souligne de longue date la nécessité de remédier au morcellement de l’économie du pays par une relance qui, de l’avis de tous, est essentielle afin de renforcer tant le volet politique, qu’humanitaire et sécuritaire.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège), très inquiète des niveaux d’insécurité alimentaire atteints au Yémen, a rappelé aux parties leurs obligations de respecter le droit international humanitaire et les droits humains. Elle a particulièrement insisté sur leurs obligations de protéger les vies et les infrastructures civiles, et réitéré l’importance d’assurer la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel humanitaire.
Mme Heimerback a appelé à une désescalade, à un cessez-le-feu à l’échelle nationale et à s’orienter vers une « solution politique », seuls moyens, selon elle, de mettre fin au cycle de la violence. La représentante norvégienne s’est félicitée des consultations de l’Envoyé spécial, et a rappelé à cet égard que -comme détaillé dans le récent rapport de l’ONU sur la réduction des risques de catastrophe- l’inclusion des femmes n’était pas seulement un point de discussion, mais, bien davantage, une approche intelligente pour construire la paix et renforcer la résilience des communautés.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a d’abord condamné les attaques ciblées contre les civils et les infrastructures civiles, au mépris flagrant des préceptes du droit international, et fermement soutenu l’appel à un cessez-le-feu. Alors qu’un terrain d’entente, dans une société très fragmentée s’est avéré difficile, elle a salué les consultations menées par l’Envoyé Spécial avec les parties.
Deuxièmement, elle nous a souligné le besoin urgent de financement pour soutenir les opérations humanitaires. « Pire que la situation humanitaire, déjà déchirante en soi, serait l’incapacité de la communauté internationale et des pays donateurs à relever le défi d’une catastrophe humanitaire imminente », a-t-elle estimé.
Troisièmement, la représentante ghanéenne a souligné la nécessité de mesures urgentes pour stabiliser une économie en voie de délabrement rapide, telle que la levée des restrictions à l’importation, conformément à l’Accord de Stockholm, afin de faciliter les importations commerciales et de réduire la dépendance du Yémen à l’aide humanitaire.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), a réitéré l’appel de son pays à inclure les femmes, les jeunes et les représentants de la société civile dans le processus de consultations mené par le Représentant spécial. S’il a salué un processus « encourageant », il a constaté que la situation humanitaire sur le terrain ne cesse de se détériorer, M. Griffiths l’ayant qualifiée de désespérée et la réponse qui lui est apportée, de « sous-financée ». Parce que nous ne pouvons pas attendre une solution politique pour résoudre ces problèmes, la communauté internationale peut et doit faire davantage, a-t-il affirmé. M. Filho a rappelé que son pays soutient activement la mise en œuvre du cadre économique de l’ONU pour le Yémen et réitère à cet effet son appel à l’assouplissement des restrictions sur les ports yéménites de la mer Rouge et l’aéroport de Sanaa: « les importations sont le moteur de l’économie yéménite et toute contrainte inutile devrait être évitée », a-t-il ainsi dit. Pour ce qui est des effets sur le Yémen du conflit en cours en Ukraine, il a jugé essentiel de soutenir l’économie du pays avant qu’il ne soit frappé trop durement par la hausse des prix du pétrole, du blé et d’autres matières premières. Soutenir l’économie et faire avancer le processus politique est aussi fondamental que de pérenniser la fourniture de la réponse humanitaire international, a conclu le représentant brésilien.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a salué à son tour l’approche inclusive des consultations menées par l’Envoyé spécial du Secrétaire général. Le Processus de paix doit refléter l’évolution de la situation sur le terrain, d’où montent les aspirations légitimes de tous les Yéménites, notamment les membres de la société civile, a-t-elle ajouté. Elle a en outre exhorté les houthistes à libérer immédiatement les employés américains ainsi que les membres du personnel de l’ONU toujours détenus, ajoutant qu’endiguer le flux d’armes de l’Iran vers les houthistes est vital pour mettre fin aux souffrances des Yéménites. Sur ce dernier point, elle a appelé les États Membres concernés à mettre strictement en œuvre l’embargo sur les armes et ainsi que les dispositions relatives aux volets humanitaires et économiques de la résolution 2624 du Conseil de sécurité. La représentante a également annoncé que, demain, à Genève, les États-Unis feront une contribution majeure lors de la conférence de promesses de dons. Financer l’appel humanitaire de plus de 4 milliards de dollars est un moyen sûr de contribuer à la restauration de la paix au Yémen, a-t-elle affirmé, se disant encouragée par la récente signature du mémorandum d’accord permettant l’entrée de carburant au Yémen.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est inquiété de l’absence d’avancées sur le plan politique au Yémen, soulignant que seul un dialogue inclusif impliquant tous les fragments de la population yéménite, y compris les femmes, mettra fin aux souffrances engendrées par ce conflit sur les populations civiles. Il a exhorté l’ensemble des parties et des acteurs à la cessation des hostilités et à la plus grande retenue, insistant également sur la restauration de la confiance et la disposition de tous à faire des compromis.
Le représentant a dénoncé l’utilisation aveugle de mines terrestres, en particulier sur la côte ouest, ainsi que la persistance des violences sexuelles et des répressions contre les femmes, en particulier des femmes actives tant sur le plan professionnel que politique. Préoccupé par les ravages « désastreux » du conflit sur le plan humanitaire, M. Biang a salué la tenue, demain, d’une réunion de haut niveau des bailleurs de fonds afin de venir en aide au Yémen. Cela étant, la survie des personnes ne pouvant durablement dépendre de la générosité des donateurs, la communauté internationale doit parallèlement s’attaquer aux facteurs sous-jacents de cette crise, a-t-il estimé. Il a appelé à la reddition des comptes pour tous les auteurs de violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire au Yémen « où l’impunité s’est érigée en règle, notamment à l’égard des femmes ». Le délégué a par ailleurs salué la signature d’un accord entre les Nations Unies et les houthistes visant à résoudre les menaces environnementale et humanitaire posées par le pétrolier FSO Safer.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que le Yémen ne doit pas être la guerre oubliée en raison de l’inertie et de la lassitude évoquées par M. Griffiths. Seul un processus inclusif permettra de rétablir la paix, a-t-il dit, toutes les parties devant selon lui suivre la voie tracée en ce sens par l’Envoyé spécial en participant de bonne foi à ses consultations. Le représentant a estimé que les acteurs régionaux jouent un rôle majeur dans la résolution du conflit, appelant à ce propos à répondre à l’offre de consultation faite pas plus tard que ce matin par le Conseil de coopération du Golfe. À son tour, il a souligné l’importance d’une pleine mise en œuvre de la résolution 2624 du Conseil de sécurité.
M. BING DAI (Chine) a évoqué les dommages irréversibles de la guerre sur la population yéménite et leur pays. « Aucune partie ne sortira vainqueur de cette guerre » : seul un processus de paix pourra y mettre fin, et le représentant s’est félicité à cet égard des consultations bilatérales engagées par l’Envoyé spécial. Les parties devraient coopérer à ces efforts de médiation et respecter les volets d’un règlement politique, a-t-il estimé, espérant que les pays pouvant exercer une influence sur les parties joueront un rôle positif.
La position chinoise demeure inchangée concernant les sanctions imposées par le Conseil sur le Yémen ; la Chine observera leur impact, et espère qu’elles entraveront les efforts militaires, a ajouté l’orateur. Condamnant toute attaque contre les civils ou les infrastructures civiles, il a dit soutenir les efforts des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite pour assurer leur sécurité.
Le représentant chinois a enfin appuyé les efforts du Gouvernement yéménite visant à stabiliser l’économie, appelant l’ONU à promouvoir des mesures économiques à moyen et long terme pour aller en ce sens.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), déclarant se méfier de la baisse d’intensité des affrontements sur le terrain, a réitéré son appel à un cessez-le-feu à l’échelle nationale. Elle a aussi condamné le maintien en captivité par les houthistes de 13 personnes travaillant ou ayant travaillé pour l’ambassade américaine au Yémen, ainsi que des tirs de missiles par des milices houthistes contre une raffinerie en Arabie saoudite.
La situation humanitaire au Yémen s’aggravant, la France continuera d’augmenter sa contribution à la réponse humanitaire. Condamnant fermement l’enlèvement de personnel humanitaire et les arrestations arbitraires de personnels onusiens, la représentante a appelé à leur libération immédiate, ainsi qu’au rétablissement complet de l’accès humanitaire à l’ensemble des nécessiteux et à la levée des obstacles bureaucratiques.
Mme Broadhurst Estival s’est enfin félicitée de l’attitude coopérative des parties ayant échangé cette semaine avec M. Grundberg. Saluant la participation de femmes yéménites à ces échanges, elle a appelé les forces houthistes à cesser leurs « tergiversations » et leur « marchandage », et à participer dans les semaines à venir.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a réitéré le soutien de son pays aux efforts inlassables de l’Envoyé spécial en faveur d’une issue politique à la crise. Pour lui, le préalable à une telle issue négociée est la cessation immédiate des hostilités. Déplorant que les situations économique et humanitaire soient toujours plus déplorables, il a exhorté les parties au conflit contrôlant l’infrastructure à mettre sans délai ni condition cette dernière à disposition des partenaires humanitaires internationaux. Le représentant a ajouté que le conflit en Ukraine va exacerber l’actuelle pénurie alimentaire. « C’est pourquoi, les organismes spécialisés de l’ONU doivent trouver des solutions innovantes pour pallier cette pénurie et remettre en route les plus de 20 programmes humanitaires des Nations Unies à l’arrêt pour cause de sous financement ». Il a ainsi appelé les États Membres à participer activement à la conférence des donateurs qui aura lieu demain à Genève, cela « pour éviter tout risque de famine en 2022 ».
M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) s’est inquiété de l’impact du manque de financement sur les programmes humanitaires. Il a salué la tenue, demain, de la manifestation de haut niveau pour les annonces de contributions, tout en soulignant que seule la fin du conflit permettra d’assurer la stabilité et la prospérité des Yéménites. Notant que les Yéménites dépendent des importations commerciales et humanitaires pour jusqu’à 90% de leur nourriture, médicament et carburant, il a appelé les parties à assurer l’acheminement de ces articles de base via les ports du pays.
Le représentant a également appelé les parties à s’engager de manière significative avec l’Envoyé spécial en vue d’établir un cadre inclusif, soulignant que seul un règlement politique négocié apportera la paix au Yémen. Les efforts déployés à cette fin doivent inclure la participation pleine, égale et significative des femmes et un engagement approfondi avec la société civile. Les jeunes devraient également être au centre de ces efforts, a-t-il estimé. Après avoir appelé à mettre fin à l’offensive houthiste sur Mareb, le délégué a réclamé la libération immédiate des Yéménites qui étaient ou sont des employés de l’ONU ou des États-Unis, et de l’équipage du navire Rawabi. Il a ensuite salué le mémorandum d’accord signé la semaine dernière au sujet du pétrolier SAFER.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par les attaques contre des infrastructures civiles, au Yémen et à l’étranger. Un tel élargissement du conflit à l’étranger marquerait un point de non-retour et aurait pour effet délétère de renforcer les positions des groupes terroristes. Il a par ailleurs appelé l’Envoyé spécial à renforcer ses efforts de médiation pour que les parties regagnent sans tarder la table des négociations. Selon lui, les différentes plateformes de négociations devraient aider, sous la houlette de l’ONU, à trouver une solution durable au conflit en tenant compte des aspirations des nombreux acteurs en présence. Le représentant russe a demandé aux États Membres de réponde aux besoins humanitaires des populations en apportant, dès demain, à Genève, leurs contributions financières à l’appel de dons de plus de quatre milliards de dollars. Enfin, il a estimé que le concept russe de sécurité collective gagnerait à être revitalisé dans le cadre d’une recherche de solutions internationales de paix globale au Yémen.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a salué la tenue des consultations, « qui vont dans le bon sens », et leur inclusivité permettant aux femmes yéménites de se faire entendre. Sur le plan humanitaire, il a appelé une fois de plus à un cessez-le-feu national et pointé les conséquences à venir du conflit en Ukraine, qui pourrait aggraver les pénuries céréalières. Tout porte à croire qu’elles iront croissant, ce qu’il a jugé « déplorable ». Il a aussi condamné les restrictions d’accès des travailleurs humanitaires et des médecins, cibles d’attaque et de harcèlement.
Concernant les questions relatives au genre, le représentant mexicain a déploré le coût élevé du conflit infligé aux femmes et aux filles, en énumérant leur accès limité à l’éducation, le manque de services de santé reproductive, l’augmentation des mariages précoces, le harcèlement ainsi que le placement en détention de défenseurs des droits humains et d’activistes.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a jugé les forces houthistes entièrement responsables de l’enlisement du conflit. Des forces houthistes qui, au contraire des Émirats, n’ont pas saisi les occasions de parvenir à une solution pacifique mais les ont au contraire « exploitées » pour « poursuivre leurs hostilités, saper la stabilité et étendre leur présence militaire sur le terrain ». En continuant à choisir la violence plutôt que la paix, en imposant leur contrôle à des millions de Yéménites par la force, les houthistes ont démontré à plusieurs reprises qu’ils ne souhaitent pas que cette guerre prenne fin, lançant même des « attaques terroristes » sur les pays voisins et menaçant la navigation maritime.
Face à cela, l’orateur s’est félicité de l’adoption de la résolution 2624 (2022) et appelé tous les membres du conseil à suivre son cadre, tout en rappelant que l’objectif final n’était pas d’imposer des sanctions en soi, mais de mettre fin à la crise par une solution politique. Pour cela, la communauté internationale doit utiliser tous les moyens de pression sur les houthistes afin qu’ils reviennent à la table des négociations. Si les cadres de négociation précédents, notamment l’initiative saoudienne, fournissent une base solide pour la reprise du processus politique, ce qui fait défaut, a estimé le représentant c’est la « volonté politique réelle » des houthistes.
Les attaques continues lancées par les houthistes - qu’il a qualifiés de « groupe terroriste », y compris la récente attaque de drone sur une raffinerie à Riyad et des tirs de missiles vers la mer Rouge, confirment une fois de plus selon lui la nécessité d’appliquer l’embargo sur les armes ciblées imposé par les résolutions 2216 (2015) et 2624. Concernant le pétrolier SAFER, l’orateur a salué les efforts de l’OCHA pour parvenir à un dernier accord, et espéré qu’il permettra d’éviter une catastrophe d’ampleur. Il a appelé à déployer tous les moyens de pression sur les houthistes afin qu’ils honorent leurs engagements et cessent « leur tactique de procrastination ».
M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a estimé que seule l’escalade militaire houthiste pouvait expliquer la poursuite de huit années de souffrances pour des millions de Yéménites. Soulignant l’importance de la Conférence des donateurs sur la réponse humanitaire en 2022 qui se tiendra demain à Genève, il a appelé les participants, États, organisations et partenaires du secteur privé à prendre et tenir des engagements généreux pour combler des besoins humanitaires « immenses ». La communauté internationale ne doit pas abandonner le Yémen, a-t-il martelé, ajoutant que la résolution 2624 du Conseil de sécurité décrit à juste titre comme terroristes les milices houthistes. Celles-ci, a-t-il accusé, ont choisi la voie de la violence et d’être sourdes aux initiatives de paix régionale et internationale, et la résolution a raison de chercher à mettre fin à l’appui iranien aux milices houthistes, appui qui sape tous les efforts de paix et humanitaires. Sur le plan économique, le représentant a demandé à la communauté internationale d’appuyer les mesures prises à ce niveau par le Gouvernement, pour l’aider notamment à varier ses sources de revenus. Le Yémen a encore besoin d’accompagnement économique, en particulier afin de retrouver les taux de croissance qui étaient ceux, positifs et propices au développement, qui prévalaient avant le putsch houthiste, a encore déclaré le représentant. Il a conclu en appelant le Conseil de sécurité à intensifier la pression contre « ces milices et leur parrain, l’État voyou iranien, qui ne croit qu’en la guerre pour atteindre leurs objectifs obscurantistes, en faisant fi du droit, de la justice et de l’aspiration des populations ». « Arrêtez l’effusion de sang et cette guerre à l’origine de la pire crise humanitaire du monde ! » a-t-il lancé en guise de conclusion.