Au Conseil de sécurité, les dernières conclusions de l’OIAC sur l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie au cœur d’une polémique
Eu égard aux lacunes, incohérences ou disparités qui n’ont pas été résolues, la déclaration présentée par la Syrie ne peut toujours pas être considérée comme exacte et complète, a indiqué la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement qui présentait aujourd’hui, au Conseil de sécurité, le centième rapport mensuel du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), sous l’œil dubitatif de la Syrie et de la Fédération de Russie.
Mme Izumi Nakamitsu a précisé que le Secrétariat technique de l’OIAC n’a toujours pas reçu de la Syrie les informations concernant tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou utilisés comme armes, dans une ancienne installation où étaient produites des armes chimiques. Le Secrétariat technique attend aussi de la Syrie des informations sur les dégâts causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 contre une base militaire et les précisions demandées sur le mouvement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors de l’incident de la Douma le 7 avril 2018 se font encore attendre, tout comme les détails sur la détection d’un produit chimique dans les installations de Barzé du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques (CERS) en novembre 2018.
« Compte tenu des lacunes, incohérences et divergences non résolues, le Secrétariat technique estime toujours qu’à ce stade, la déclaration de la Syrie ne peut être considérée comme exacte et complète », a expliqué la Haute-Représentante qui a fait savoir que fin janvier la mission d’établissement des faits de l’OIAC a conclu en outre qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le 1er septembre 2015 qu’une substance chimique a été utilisée à Marea et le 1er octobre 2016 à Kafr Zeïta.
À cela, il faut ajouter le fait que l’équipe d’évaluation des déclarations ne peut toujours pas se déployer, en raison du refus de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres. Faisant son droit souverain de décider de l’entrée d’un étranger sur son territoire, la Syrie s’est étonnée que l’absence potentielle d’un membre puisse causer le report du travail de toute une équipe.
Dénonçant des conclusions « incomplètes », la Syrie s’est dite occupée à préparer la rencontre entre son Ministre des affaires étrangères et le Directeur général de l’OIAC, en s’efforçant d’établir un ordre du jour qui permette de « remédier aux mauvaises pratiques » des équipes techniques. Elle a fustigé les « graves incohérences » de la mission d’établissement des faits de l’OIAC qui a conclu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le 1er septembre 2015 qu’une substance chimique a été utilisée à Marea et le 1er octobre 2016 à Kafr Zeïta. La Syrie a attribué ces « incohérences » à aux « manipulations » et « pressions » des pays occidentaux, en particulier les États-Unis dont les experts auraient été dépêchés à La Haye pour contraindre la Mission d’établissement des faits à « passer sous silence » certaines de ses conclusions.
En revanche, s’est-elle impatientée, nous attendons toujours des rapports sur cinq incidents pour lesquels Damas avait demandé une enquête en 2017 et les informations sur les armes chimiques aux mains des groupes terroristes, en particulier le Front el-Nosra, alors même qu’elle s’est précipitée pour enquêter sur des incidents rapportés par des groupes terroristes soucieux de déformer l’image du Gouvernement syrien. « Comment, dans ces conditions, peut-on parler d’objectivité? »
Aux yeux de la délégation syrienne, les rapports de l’OIAC seraient « montés de toute pièces », notamment celui sur le « prétendu incident » à Douma. Elle a en outre accusé « certains États occidentaux » d’exercer des pressions sur la mission, en particulier les États-Unis dont les experts auraient été dépêchés à La Haye pour contraindre la mission d’établissement des faits à « passer sous silence » certaines de ses conclusions.
Dans le même ordre d’idées, la Fédération de Russie s’est étonnée du désintérêt de l’OIAC pour le programme d’armes chimiques de Daech, dont l’existence a pourtant été confirmée par l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD). « Collusion », « parti pris contre le Gouvernement syrien », « deux poids, deux mesures », « exigences déraisonnables »: autant de critiques adressées non seulement à l’OIAC, mais aussi nommément à son Directeur général, M. Fernando Arias, dont la délégation russe a déploré l’absence au Conseil, ainsi que les « points de vue politisés » qu’il exprimerait en dehors de cette enceinte – des propos appuyés par la Chine.
Les États-Unis ont argué pour leur part que des dizaines de témoins avaient fourni des détails relatifs aux incidents qui ont été corroborés par des tests scientifiques, comme le révèlent les rapports des enquêteurs de l’OIAC, dont le « professionnalisme » et la « neutralité » ne sauraient être mis en doute par la Fédération de Russie. À la « stratégie » du « régime d’Assad », qui consiste à s’opposer systématiquement aux rapports de l’OIAC, le représentant a ajouté le refus de fournir des explications et de délivrer des visas aux enquêteurs, qu’il a pareillement condamné. Des propos repris à leur compte par plusieurs membres du Conseil, de la Norvège à la France, en passant par le Royaume-Uni.
Si la République islamique d’Iran a apporté son soutien à la Syrie, la Turquie, en revanche, a accusé « le régime syrien » d’avoir utilisé des armes chimiques contre son propre peuple à « au moins à huit reprises ».
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2022/76)
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a rappelé au Conseil de sécurité que la faculté du Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) de se déployer en Syrie reste limitée et soumise à l’évolution de la pandémie de COVID-19. Malgré le maintien des restrictions imposés aux voyages, le Secrétariat technique continue d’entreprendre les activités prévues par son mandat en ce qui concerne l’élimination du programme d’armes chimiques syrien, a-t-elle précisé. L’équipe d’évaluation des déclarations (DAT) de l’OIAC, a encore indiqué la haute fonctionnaire, poursuit ses efforts pour clarifier toutes les questions en suspens liées aux déclarations initiales et ultérieures de la Syrie, conformément à la Convention sur les armes chimiques.
Le Secrétariat de l’OIAC n’a toujours pas reçu de la Syrie la déclaration demandée concernant tous les types et quantités non déclarées d’agents neurotoxiques produits et/ou utilisés comme armes dans une ancienne installation où étaient produites des armes chimiques. L’installation en question n’a jamais servie à cela, avait déclaré Damas. Le Secrétariat technique de l’OIAC attend de la Syrie des informations et des documents supplémentaires concernant les dégâts causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 contre une base militaire qui abritait une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques déclarée.
La Secrétaire générale adjointe a dit avoir été informée que le Secrétariat technique de l’OIAC n’a pas encore reçu d’informations sur le mouvement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors de l’incident de la Douma le 7 avril 2018, où des armes chimiques ont été utilisées. J’exhorte la Syrie à répondre à ces demandes, dans les meilleurs délais, a-t-elle insisté. Elle a aussi regretté que le Secrétariat technique n’ait pas été en mesure de procéder au déploiement de la DAT à Damas, en raison du refus de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres. Compte tenu des lacunes, incohérences et divergences non résolues, le Secrétariat technique estime toujours qu’à ce stade, la déclaration de Syrie ne peut pas être considérée comme « exacte et complète ». Pareillement, en ce qui concerne la détection d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations de Barzé du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques (CERS) en novembre 2018, la Haute-Représentante a eu le regret d’annoncer que la Syrie n’a pas encore fourni d’informations ou d’explications techniques suffisantes qui permettraient au Secrétariat technique de l’OIAC de clore cette question.
De son côté, la mission d’établissement des faits de l’OIAC poursuit l’étude de toutes les informations disponibles relatives aux allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie et continue d’analyser les informations recueillies lors de ses activités récentes. Le 24 janvier 2022, le Secrétariat technique de l’OIAC a publié le rapport de la mission d’établissement des faits sur l’utilisation présumée d’armes chimiques à Marea les 1er et 3 septembre 2015. Le rapport conclut qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une substance chimique vésicante du tableau 1.A.04 de la Convention sur les armes chimiques a été utilisée, le 1er septembre. S’agissant de l’incident du 3 septembre, le rapport indique que les résultats de l’analyse de toutes les données disponibles obtenues n’ont pas permis à la mission d’établissement des faits d’établir si des armes chimiques ont été utilisés ou pas.
Mme Nakamitsu a aussi indiqué que le 31 janvier 2022, le Secrétariat technique de l’OIAC a publié le rapport de la FFM concernant l’incident du 1er octobre 2016, à Kafr Zeïta, qui concernait deux « barils » de gaz toxique utilisés près d’un hôpital de campagne. La FFM a obtenu l’un des cylindres de chlore industriel récupérés sur les lieux de l’incident et a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la bouteille de chlore a été utilisée comme arme.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a expliqué que des dizaines de témoins ont donné des détails sur les incidents qui ont été corroborés par des tests scientifiques, comme le révèlent les rapports des enquêteurs de l’OIAC. On ne peut donc pas douter du professionnalisme de ces enquêteurs. La neutralité de l’OIAC est mise à rude épreuve délibérément, y compris par la Fédération de Russie, alors que nous savons tous que « le régime d’Assad » a utilisé des armes contre son propre peuple. À cette « stratégie » qui consiste à s’opposer systématiquement aux rapports de l’OIAC, le représentant a ajouté le refus du « régime syrien » de fournir des explications sur l’utilisation d’armes chimiques à Douma et de délivrer des visas aux enquêteurs. Il a appelé le Conseil de sécurité à présenter un « front uni » contre l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie.
M. JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a soutenu le travail de l’OIAC et s’est félicité des efforts réalisés par la mission d’établissement des faits. L’utilisation d’armes chimiques en 2016 a été clairement prouvée mais l’engagement humanitaire et le respect des victimes nécessitent une enquête impartiale sur les épisodes similaires, a-t-il fait valoir. Le délégué a appelé la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC, ce qui passe par la délivrance de visas et des réponses aux demandes d’information. De plus, l’accès de l’OIAC au territoire syrien doit être garanti, de même que le renforcement des mesures de confiance de part et d’autre. À cet égard, le représentant a estimé que la rencontre envisagée entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères serait un pas dans la bonne direction. Dans ce contexte, il a réitéré qu’il n’existe pas de solution militaire au conflit syrien. Le succès du processus politique dépend de l’engagement constructif de la Syrie avec la communauté internationale, y compris le Secrétariat technique de l’OIAC.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a pris note des conclusions de la mission d’établissement des faits (FFM) et regretté que la DAT n’ait pu se déployer en Syrie. Cette situation est tout simplement intenable, a tranché la Norvège, qui a rappelé à Damas son obligation de coopérer, prévue par la résolution 2118 du Conseil de sécurité. Elle a souligné qu’il reste 20 questions en suspens sur la déclaration initiale et a demandé à la Syrie de fournir des informations et des explications techniques convaincantes. Nous exhortons aussi la Syrie à prendre les mesures nécessaires pour lever la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques, a conclu la représentante.
M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a commencé par rendre hommage au professionnalisme et à l’impartialité de l’OIAC dans son travail en Syrie, appelant le Conseil à lui apporter un soutien total et à rejeter les efforts visant à saper son action. Il a ensuite rappelé qu’en dépit de l’adoption de la résolution 2118 (2013) et l’adhésion de la Syrie à la Convention sur les armes chimiques, l’utilisation de telles armes par les autorités syriennes a été clairement prouvée dans de nombreux incidents, par l’ONU et l’OIAC. De même, a-t-il ajouté, il n’a pas été possible à l’OIAC de déterminer que la déclaration initiale de la Syrie est « exacte ou complète ». C’est à la Syrie d’apporter la clarté nécessaire, a souligné le représentant, selon lequel Damas devrait commencer par autoriser le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations, pour le vingt-cinquième cycle de consultations, suspendu depuis avril 2021.
Le règlement de ce dossier dépend entièrement de la Syrie, qui devrait s’engager dans une coopération sérieuse et significative avec l’OIAC. Cela nous donnerait à tous l’assurance que la totalité de ses stocks d’armes chimiques ont été détruits de manière vérifiable, a dit le représentant, avant de formuler le vœu que la réunion proposée entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères pourra enfin se tenir, ce qui suppose que la Syrie échange avec le Secrétariat technique sur ses modalités. La réunion, a-t-il estimé, devrait concentre sur des résultats concrets. L’engagement de la Syrie doit passer des paroles et des reports à des actes productifs.
M. XING JISHENG (Chine) a pris note du rapport mensuel du Directeur général de l’OIAC et des deux rapports de la mission d’établissement des faits. Il a estimé que les enquêtes doivent respecter les règles établies par l’OIAC et s’appuyer sur éléments « crédibles ». Des doutes existent en effet sur les sources d’information, les méthodes de travail et les éléments de preuves présentés. Tout ceci doit être clarifié, a martelé le représentant, jugeant également essentiel d’éviter toute politisation de ce travail. Notant que certains pays appellent au vote, il a souhaité que le Directeur général de l’OIAC continue de promouvoir le dialogue et les décisions consensuelles. L’OIAC ne peut être utilisée comme un outil au service de la géopolitique, a prévenu le délégué, avant de saluer l’attitude « constructive » de la Syrie dans ce dossier. Il a invité le Secrétariat technique de l’OIAC à faire preuve de souplesse et espéré que le vingt-cinquième cycle d’inspection pourra se tenir, de même que la rencontre prévue entre le Directeur général de l’OAIC et le Ministre syrien des affaires étrangères.
S’exprimant au nom du Groupe A+3 (Gabon, Kenya et Ghana), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a souligné que le continent africain peut être considéré comme un partenaire « fort » dans l’élimination des armes chimiques. Il s’est donc dit préoccupé par les incohérences signalées dans la déclaration initiale de la Syrie, qu’il a encouragée à œuvrer à répondre à toutes les questions en suspens. Il a salué le travail du Secrétariat technique de l’OIAC, en dépit des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19 et des obstacles à la libre circulation de la DAT, laquelle devrait pouvoir accéder sans entraves à tout le territoire syrien.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé l’OIAC et la Syrie à s’engager dans un dialogue constructif, lequel devrait se concentrer sur l’identification des domaines de coopération pour avancer. En tant que membre du Conseil exécutif de l’OIAC, les Émirats arabes unis, a-t-il dit, soulignent l’importance de veiller en permanence à ce que les rapports de la mission d’établissement des faits se fondent principalement des preuves matérielles. Il est tout aussi important, a poursuivi le représentant, de veiller à ce que les armes chimiques ne tombent pas entre les mains des groupes terroristes, comme Daech qui continue de lancer des attaques en Syrie. L’accès des terroristes à de telles armes constitue une grave menace pour la paix et la sécurité internationales, a-t-il mis en garde.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté le « refus accablant » de la Syrie de répondre aux questions en suspens sur son programme d’armes chimiques. À ce jour, rien ne permet de croire que ses stocks d’armes chimiques ont été détruits et le rapport du Directeur général de l’OIAC renforce la certitude que lesdites armes n’ont pas été placées sous contrôle international. Les derniers rapports confirment également les incohérences de la déclaration soumise par la Syrie 17 janvier 2022, qui ne peut être considérée comme complète, a ajouté le représentant, affirmant attendre avec impatience la tenue de la rencontre envisagée entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères. « S’il faut attendre des mois, que dire du reste », a-t-il commenté, avant d’appeler la Syrie à une pleine coopération avec le Secrétariat technique de l’OIAC. Dans ce contexte, a-t-il conclu, le Conseil de sécurité doit maintenir son message clair sur l’interdiction des armes chimiques et appuyer le peuple syrien dans sa quête d’un monde plus pacifique et meilleur.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a appuyé les mécanismes d’établissement des responsabilités, considérant, à cet égard, que les enquêtes de la mission d’établissement des faits demeurent « extrêmement » importantes et devraient être menées dans la plus grande transparence. Prenant note des deux rapports de la mission d’établissement des faits, il a promis que son pays continuera de travailler avec la communauté internationale pour que les responsables des attaques chimiques répondent de leurs actes. Il a donc déploré le manque de coopération de la Syrie et rejeté les fausses allégations de la Fédération de Russie selon lesquelles des attaques à l’arme chimique auraient été commises en Ukraine.
Nous insistons auprès des autorités syriennes pour qu’elles coopèrent de manière constructive avec l’équipe d’évaluation des déclarations, a martelé Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique). Selon elle, la rencontre prévue entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères sera une étape positive. Elle a réitéré sa confiance dans le professionnalisme des équipes de l’OIAC. Insistant sur l’établissement des responsabilités dans l’utilisation des armes chimiques, la représentante a estimé que, compte tenu de l’incapacité du Conseil à saisir la Cour pénale internationale (CPI), la coopération avec le Mécanisme international impartial et indépendant (IIIM) est plus essentielle que jamais. Elle s’est aussi attardée sur la résurgence de cellules terroristes en Syrie et le risque qu’elles mettent la main sur des substances et armes chimiques. Dans ce cadre, la représentante a souligné l’importance d’appliquer pleinement la résolution 1540 (2004) et les autres mécanismes prévus.
M. PRATIK MATHUR (Inde) a pris note du contenu des deux derniers rapports de la Direction générale de l’OIAC ainsi que des rapports de la mission d’enquête de l’OIAC sur l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie en 2015 et 2016. Il a également pris acte des dernières communications de la République arabe syrienne détaillant les mesures prises pour mettre en œuvre ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques. Le délégué a d’autre part salué la proposition du Secrétariat technique de l’OIAC d’organiser une nouvelle série d’inspections des installations du Centre d’études et de recherche scientifiques à Barzé et a Jamraya, souhaitant qu’elles puissent avoir lieu à une date rapprochée. Il a ensuite rappelé l’attachement de l’Inde à la mise en œuvre intégrale, efficace et non discriminatoire de la Convention sur les armes chimiques. Nous appuyons les efforts collectifs de toutes les parties visant à garantir que la crédibilité et l’intégrité de cette Convention soient pleinement préservées, a-t-il souligné.
L’Inde a toujours soutenu que toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques doit être impartiale, crédible et objective, a poursuivi le délégué, avant de rappeler que son pays a également mis en garde à plusieurs reprises contre la possibilité que des entités et des individus terroristes aient accès à des armes chimiques, y compris dans la région. À cet égard, a-t-il relevé, les rapports de l’ Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) ont fait état de déploiements répétés d’armes chimiques par des groupes terroristes proscrits par l’ONU et des entités affiliées à Daech contre les populations civiles entre 2014 et 2016. Observant que Daech reste actif en Syrie et en Iraq, où le groupe cherche à reconstruire ses capacités, il a appelé à traiter les allégations d’utilisation d’armes chimiques avec la plus grande attention.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a noté que la mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie a conclu « qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le cylindre de chlore a été utilisé comme arme sur le territoire syrien ». Le « régime » se doit donc de coopérer avec l’OIAC et de faire toute la lumière sur son arsenal chimique, a-t-elle exhorté, en lui reprochant d’empêcher la bonne mise en œuvre du mandat de ses équipes. La représentante a déclaré que le Conseil attend toujours que l’équipe d’évaluation de la déclaration initiale puisse être déployée: « Pour cela, la coopération la plus élémentaire est nécessaire, pour délivrer les visas notamment. Cette coopération n’existe pas. Il y a une volonté très claire de faire obstruction sur laquelle ce Conseil ne peut rester silencieux. » Tant que la Syrie ne le fera pas, ses droits et privilèges ne seront pas restaurés à l’OIAC, a mis en garde la France, qui a dit attendre du « régime » qu’il montre des signes de bonne volonté. « Il devra rendre des comptes de sa conduite, y compris devant les juridictions », a ajouté la déléguée.
Nous attendions, comme nous l’avions demandé, à voir le Directeur général de l’OIAC, a avoué M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie), surpris que lorsqu’il s’agit de se présenter dans d’autres endroits que le Conseil de sécurité, ledit Directeur trouve toujours le temps. Le 22 février, a insisté le représentant, il était à un séminaire de la « Washington Arms Control Association », où il s’est d’ailleurs permis, comme à son habitude, de donner ouvertement des points de vue politisés. Mais nos questions à nous restent sans réponse. Toujours le 22 février, le Directeur général a aussi trouvé le temps d’ouvrir la réunion du Groupe de travail sur le terrorisme chimique. Nous avons vu la note qui a circulé la veille sur la contribution de l’OIAC aux efforts antiterroristes mondiaux et nous nous étonnons de n’y avoir vu aucune mention du programme chimique de Daech, dont l’existence a pourtant été confirmée dans le septième rapport de l’Équipe d’enquête des Nations Unies chargée de promouvoir la responsabilité pour les crimes commis par Daech (UNITAD). Pourquoi l’OIAC se détourne-t-elle de cette question et pourquoi n’en alerte-t-elle pas les États?
Pas plus tard que le 26 février 2022, a poursuivi le représentant, le Ministère russe de la défense a signalé que des militants du Front el-Nosra ont livré des conteneurs de substance toxique, vraisemblablement du chlore, dans la province d’Edleb. En raison d’une mauvaise manipulation pendant le transport, l’un des conteneurs a été gravement endommagé, infligeant des brulures à des dizaines de terroristes. Face à ces nouvelles preuves que des groupes terroristes au Moyen-Orient ont accès à des agents de guerre chimique, le représentant a rappelé la proposition conjointe de la Fédération de Russie et de la Chine d’élaborer une convention internationale contre le terrorisme chimique et biologique. Il a accusé l’OIAC de collusion et de parti pris contre le Gouvernement syrien, comme on le voit dans ses rapports. Malgré les appels des États Membres de l’ONU et de la communauté internationale en général, la direction du Secrétariat technique n’a apparemment pas l’intention de corriger ses erreurs.
De même, le Groupe d’enquête et d’identification dont la création a été « poussée » au Conseil exécutif de l’OIAC, en violation du principe de compromis, mène des activités détachées de la réalité. Il est extrêmement difficile, a avoué le représentant, d’établir la « chaîne des événements » plusieurs années plus tard et il est pratiquement impossible de le faire à distance, compte tenu de la tendance à collecter des preuves auprès de « sources obscures ». Par conséquent, a-t-il martelé, nous rejetons les conclusions du Groupe d’enquête et d’identification et tous ses futurs rapports. La décision de priver la Syrie de son droit de vote à l’OIAC, sur la base des rapports du Groupe d’enquête, a été grossièrement « poussée » par les délégations occidentales, en violation du principe de consensus, a accusé le représentant.
Le Gouvernement syrien, a-t-il affirmé, ne refuse pas le dialogue avec l’OIAC. Mais il faut dire que les deux poids, deux mesures du Secrétariat technique se manifeste dans l’analyse de la déclaration initiale de la Syrie. Damas, qui a fidèlement rempli toutes ses obligations, dans des conditions extrêmement difficiles d’instabilité militaro-politique et de menaces terroristes « alimentées de l’extérieur », ne cesse de se heurter à des exigences déraisonnables. Pendant ce temps, le Directeur général de l’OIAC ne fournit toujours pas d’explications sur les éléments « litigieux » de ses rapports. Il choisit de ne pas se présenter au Conseil de sécurité, au risque de saper non seulement sa propre réputation, mais aussi l’autorité de l’OIAC elle-même, l’un des piliers les plus importants du régime de non-prolifération des armes de destruction massive, a conclu le représentant.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a commencé par rappeler qu’il y a deux jours, le Conseil de sécurité a réaffirmé son attachement à la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) qui vise à barrer l’accès des groupes non étatiques aux armes de destruction massive, y compris les armes chimiques. C’est un engagement qu’a pris la Syrie face au risque terroriste auquel elle est confrontée, a-t-il souligné, souhaitant que ce régime s’applique de manière plus efficace. À cet égard, il a indiqué que son pays n’a cessé de transmettre à l’OIAC des informations sur la possession d’armes chimiques par des groupes terroristes, en particulier le Front el-Nosra. Il a donc regretté que le Directeur général de l’OIAC continue de faire des déclarations « incomplètes » sur la coopération de la Syrie. Pour preuve de cette coopération, il a indiqué que la Syrie a présenté son quatre-vingt-dixième rapport mensuel sur la destruction de ses stocks et ses anciens sites de production. De plus, a-t-il fait valoir, la Syrie poursuit les préparatifs en vue d’une rencontre entre son Ministre des affaires étrangères et le Directeur général de l’OIAC, en s’efforçant d’établir un ordre du jour qui permette de « remédier aux mauvaises pratiques » des équipes techniques.
Le représentant a également rappelé que, par courrier, le Gouvernement syrien a invité le Secrétariat technique de l’OIAC à faire preuve de professionnalisme et à éviter d’utiliser des informations incomplètes ou collectées auprès des adversaires de la Syrie. Il s’est élevé contre la tentative de remettre en question le bien-fondé de la déclaration initiale syrienne. Il a également fait remarquer que le Comité national syrien a facilité le vingt-quatrième cycle d’inspection, lequel a permis de répondre à plusieurs des questions en suspens. Pour ce qui est du vingt-cinquième cycle, le Comité national syrien s’est félicité de la visite de l’équipe de l’OIAC, tout en émettant des réserves, conformément à son droit souverain de refuser l’entrée d’un de ses membres. Le représentant a jugé qu’il n’est pas logique que l’éventuelle absence de ce membre cause le report des travaux de toute l’équipe.
Prenant note, par ailleurs, de la publication de deux nouveaux rapports de la mission d’établissement des faits, le délégué a réitéré les griefs de son pays sur les « graves incohérences » qui caractérisent ce travail. La Mission, a-t-il dénoncé, ne respecte pas les règles de la Convention sur les armes chimiques, s’agissant notamment de la méthodologie pour la collecte des informations. De surcroît, a-t-il ajouté, les « deux poids, deux mesures » de la mission font qu’elle mène ses enquêtes sans consulter la partie syrienne. Des rapports sont ainsi « montés de toute pièces », notamment celui sur le « prétendu incident » à Douma. Se disant préoccupé par ces « manipulations », il a accusé « certains États occidentaux » d’exercer des pressions sur la mission, en particulier les États-Unis qui connaissent les conclusions « avant même la publication des rapports ». Les États-Unis ont même envoyé des experts à La Haye pour forcer la Mission à passer sous silence une partie de son dernier rapport. Des directives lui ont été données pour qu’elle supprime les propos de deux inspecteurs qui avaient évoqué un « scénario fabriqué » concernant l’incident de Douma.
De plus, a renchéri le délégué, la mission reporte la publication de ses rapports sur cinq incidents pour lesquels Damas avait demandé une enquête en 2017, alors même qu’elle s’est précipitée pour enquêter sur des incidents rapportés par des groupes terroristes soucieux de déformer l’image du Gouvernement syrien. « Comment, dans ces conditions, peut-on parler d’objectivité? » La Syrie, a-t-il martelé, a adhéré de son plein gré à la Convention et a détruit son stock d’armes chimiques en un temps record. Elle coopère aujourd’hui « de manière positive » avec l’OIAC, en dépit de « l’ambiance de suspicion » qui règne, compte tenu des « méthodes déséquilibrées » du Secrétariat technique. Dans ce contexte, il a appelé l’OIAC à « rectifier le tir » et à se concentrer sur la destruction rapide des arsenaux d’armes chimiques, à commencer par ceux des États-Unis, qui demeurent le seul État à n’avoir pas achevé ce processus. Il a également souhaité que l’OIAC cesse de remettre en question les engagements de ses États parties et déploie plutôt ses efforts pour obtenir que les États, qui n’ont pas encore adhéré à la Convention, le fassent dans les meilleurs délais. C’est le cas d’Israël qui possède des armes chimiques, a conclu le représentant.
En tant que « victime » des armes chimiques, la République islamique d’Iran s’est dit par la voix de sa représentante, Mme ZAHRA ERSHADI, résolument opposée à leur utilisation, appelant à la mise en œuvre intégrale et universelle de la Convention sur les armes chimiques. Elle a dénoncé la « politisation » de cet instrument juridique, de même que celle de l’OIAC, ces deux dernières années « par certaines puissances », estimant par ailleurs « satisfaisant » le degré de coopération démontré par les autorités syriennes. Considérant que les réunions du Conseil de sécurité sur la question à l’ordre du jour ne devraient pas servir à certains de ses membres d’occasion pour répéter des affirmations déjà entendues ou proférer des accusations, la délégation a proposé de ne plus tenir de séance mensuelle sur la question de l’utilisation des armes chimiques en Syrie. Avant de conclure, elle a estimé que le régime israélien devrait être contraint d’adhérer immédiatement à la Convention.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a dit attendre avec intérêt les conclusions des équipes d’enquête de l’OIAC, après que les incidents de Marea et Kafr Zeïta ont été confirmés. Il a accusé « le régime syrien » d’avoir utilisé des armes chimiques contre son propre peuple, « au moins à huit reprises ». Il a ensuite salué le professionnalisme de l’OIAC, dont la Turquie est « fière » d’être membre depuis 1997. Nous participerons, a-t-il promis, à tous les efforts visant la pleine mise en œuvre de la Convention. Il a conclu en rappelant au Conseil que le peuple syrien attend de lui le règlement de la crise.