Conseil de sécurité: les États-Unis et la Fédération de Russie se rejettent mutuellement la responsabilité des tensions actuelles autour de l’Ukraine
Pour le Secrétaire général de l’ONU, « il n’existe pas d’alternative à la diplomatie et au dialogue pour résoudre [les] questions et perceptions de menaces sécuritaires complexes et de longue date » qui se posent en Ukraine. C’est ainsi que la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, a, ce matin, résumé la position de l’Organisation sur cette crise, devant un Conseil de sécurité qui s’est réuni à la demande des États-Unis, alarmés par le déploiement de troupes russes près de la frontière avec l’Ukraine.
Opposée à cette initiative américaine, la Fédération de Russie a commencé par demander un vote de procédure, dont le résultat n’a pas permis de faire annuler la séance: l’ordre du jour provisoire du Conseil a été adopté par 10 voix pour, 2 contre (Chine et Fédération de Russie) et 3 abstentions (Gabon, Inde et Kenya). La Russie –qui assumera dès demain la présidence du Conseil pour le mois de février–, a assimilé la volonté des États-Unis d’examiner le déploiement de ses forces sur son propre territoire à de l’ingérence et à une « tromperie » de la communauté internationale sur la nature des tensions actuelles. Plus tard au cours de cette réunion, la Chine regrettera qu’une diplomatie « discrète » n’ait été préférée à celle « du micro », peu propice selon elle à désamorcer les tensions et à faciliter des progrès.
Mme DiCarlo a relevé que 100 000 soldats russes et des armements lourds seraient stationnés le long de la frontière avec l’Ukraine, alors qu’un nombre inconnu de troupes supplémentaires a été déployé par Moscou au Bélarus dans le cadre de manœuvres prévues le long de la frontière avec l’Ukraine, la Pologne et les États baltes. Parallèlement, a précisé la haute fonctionnaire, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a placé 8 500 soldats en état d’« alerte maximale » et envisage d’en déployer davantage chez ses États membres d’Europe orientale.
Les accusations et griefs soulevés par les différents acteurs concernés ont laissé accroire la possibilité imminente d’un affrontement militaire, a relaté la Secrétaire générale adjointe, qui a assuré que l’ONU suit les efforts diplomatiques en cours entre la Fédération de Russie, les États-Unis, l’Union européenne, l’OTAN et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur l’architecture de paix et de sécurité en Europe.
« Si vous aviez 100 000 soldats massés à votre frontière, ne seriez-vous pas mal à l’aise »? » a demandé la représentante des États-Unis aux membres du Conseil. Son homologue russe a exigé de sa délégation qu’elle fournisse des preuves pour étayer ses accusations, au sujet desquelles il a dressé un parallèle avec les allégations discréditées de l’ex-Secrétaire d’État américain, Colin Powell, qui avait tenté, en 2003, de convaincre ce même Conseil de la présence d’armes de destruction massive dans l’Iraq de Saddam Hussein.
Des mouvements de troupes similaires par le passé sur notre propre territoire n’ont jamais suscité pareille hystérie, a ironisé le délégué russe. « Nos collègues occidentaux veulent la désescalade, mais ce sont eux qui nourrissent les tensions avec leurs discours et provocations », s’est-il défendu, en arguant que la Fédération de Russie n’a « jamais » exprimé l’intention d’envahir son voisin.
Le délégué russe a ensuite accusé ses collègues occidentaux d’avoir semé le trouble entre Russes et Ukrainiens en appuyant le « coup d’État » de 2014, qui a permis d’installer à Kiev un « pouvoir russophobe, raciste et nazi ». Dénonçant le « lavage de cerveaux », le représentant a regretté que la langue russe, « qui est celle d’une grande partie, si ce n’est de la majorité des Ukrainiens », soit interdite, avant de résumer les exigences de sa capitale: pas d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ni de déploiement de troupes étrangères sur le sol ukrainien.
« Nous serons déterminés et unis et réagirons » en cas d’invasion par la Fédération de Russie, ont rétorqué les États-Unis. Si Moscou s’inquiète de sa sécurité, nous sommes prêts à en discuter, a nuancé la représentante américaine, avant d’avertir qu’en cas de refus, « le monde saura pertinemment qui est responsable ».
Pour le Royaume-Uni, ce déploiement de forces russes, loin d’être un « exercice de routine », constitue « la mobilisation militaire la plus importante en Europe depuis des décennies »: dans le meilleur des cas, il s’agit d’« une manœuvre profondément déstabilisatrice »; « dans le pire », des préparatifs d’une invasion d’un pays souverain. Le renforcement des capacités offensives des forces d’occupation russes dans le Donbass, région orientale frontalière de la Russie, qui comptent jusqu’à 35 000 combattants, est une autre tendance inquiétante, a confirmé de son côté l’Ukraine.
Si Kiev ne lancera pas d’offensive militaire ni dans le Donbass, ni en Crimée, ni ailleurs, le délégué ukrainien a revendiqué le droit souverain de son pays de choisir ses propres arrangements sécuritaires, y compris les traités d’alliance, lesquels ne peuvent être remis en question par la Russie. Les voies diplomatiques avec cet État voisin restent ouvertes, a cependant indiqué le représentant.
Prenant la parole au nom des États baltes, la Lituanie a rappelé leur appui infaillible à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, avant de dépeindre la Fédération de Russie en « agresseur », rappelant ses agissements en Ossétie du Sud, en Abkhazie, en Transnistrie et en Crimée.
Nombreux ont été les orateurs à plaider pour le dialogue, notamment la France, pour qui « les notions de sphères d’influence n’ont pas leur place au XXIe siècle ». Mais toute nouvelle atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Russie aura des « conséquences massives et un coût sévère », a averti la délégation. L’Irlande a rappelé que l’Acte final d’Helsinki, l’un des documents fondateurs de l’OSCE, confirme le droit de chaque État à l’égalité juridique, à la liberté et à l’indépendance politique. Pour la Pologne, l’OSCE, que ce pays préside actuellement, est le cadre idéal de pourparlers, en raison de son format régional élargi.
Alors que la majorité des situations de conflit dont est saisi le Conseil de sécurité se trouvent en Afrique, « nous ne voulons pas qu’elles servent de substituts à une nouvelle guerre froide », a averti le Kenya. Et s’il doit y avoir une série de nouvelles guerres froides, il est urgent que la structure et la culture du Conseil de sécurité changent significativement pour que celui-ci demeure adapté à son objectif, a tranché la délégation.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations avant le vote de procédure
Ayant demandé la parole avant l’adoption de l’ordre du jour, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est opposé à la tenue de la réunion en arguant qu’elle était motivée par le désir des États-Unis d’examiner le déploiement des forces russes sur le propre territoire de la Russie. Il y a vu « une ingérence dans les affaires intérieures russes » et « une tentative de tromper la communauté internationale » sur la nature des tensions internationales. Il a accusé les États-Unis de proférer des accusations infondées, précisant que son pays les a réfutées à maintes reprises. Au lieu d’organiser une réunion du Conseil, les États-Unis auraient dû utiliser la diplomatie, a-t-il dit. Il a accusé les États-Unis de vouloir créer « une hystérie » au sujet d’une potentielle invasion russe en plaçant les membres du Conseil de sécurité dans une situation inconfortable. Il n’y a pas besoin de paniquer, a lancé le représentant russe en faisant valoir que le Président Ukrainien et son Ministre de la défense avaient eux-mêmes estimé que leur pays ne faisait pas face à une telle menace. Soulignant que l’examen de la question ukrainienne est programmée pour la séance du 17 février, lors de la présidence russe du Conseil de sécurité, il a fait remarquer que cette séance pouvait permettre aux États-Unis de passer ses messages publics sur la question ukrainienne. M. Nebenzia a conclu en appelant les membres du Conseil à rejeter l’ordre du jour proposé pour la présente séance.
À la suite de son collègue russe, Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que sa délégation a demandé la tenue de cette réunion en raison de « ce dont nous avons été témoins ces derniers mois à la frontière avec l’Ukraine ». La Fédération de Russie nous a dit que ces événements se sont produits sur son territoire, alors que des mouvements ont aussi eu lieu sur le territoire ukrainien « en partie envahi », a-t-elle fait valoir, avant de préciser que ces faits ont donné lieu à plus d’une centaine de réunions avec des responsables russes, en présence de représentants européens et ukrainiens, pour la plupart à huis clos. Pour la déléguée américaine, « le moment est venu d’avoir une réunion publique » sur cette crise. Elle a ajouté que les États-Unis ont travaillé avec l’Ukraine à sa demande pour lui fournir une assistance et la préparer à une éventuelle agression. Quelque 200 millions de dollars ont ainsi été versés à l’Ukraine au titre de cette assistance ces dernières semaines, a-t-elle indiqué, ajoutant, en réponse à son homologue russe, que la situation actuelle a effectivement de quoi « mettre mal à l’aise ». « Si vous aviez 100 000 soldats massés à votre frontière, ne seriez-vous pas mal à l’aise? » a lancé Mme Thomas-Greenfield aux membres du Conseil. Ce qui est en jeu au sein de cet organe, a-t-elle ajouté, c’est d’honorer la Charte des Nations Unies qui nous oblige à garantir la paix et la sécurité internationales. Il ne s’agit pas, pour les États-Unis, de « faire de l’esbroufe ou de rhétorique », mais de protéger la paix et la sécurité dans le monde.
Déclarations
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a affirmé que l’ONU suit les efforts diplomatiques en cours entre les représentants russes, américains, de l’Union européenne, de l’OTAN et de l’OSCE sur l’architecture de paix et de sécurité en Europe. Des efforts que le Secrétaire général de l’ONU soutient, même sans y prendre part directement. Mme DiCarlo a relevé que 100 000 soldats russes et des armements lourds seraient stationnés le long de la frontière avec l’Ukraine, alors qu’un nombre inconnu de troupes a été déployé par Moscou au Bélarus dans le cadre de manœuvres prévues à la frontière avec l’Ukraine, la Pologne et les États baltes. De même, 8 500 soldats de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sont en état d’alerte maximale et l’OTAN envisage d’en déployer davantage chez ses États membres d’Europe orientale. Les accusations et griefs soulevés par les différents acteurs concernés ont laissé croire à la possibilité imminente d’un affrontement militaire, a constaté la haute fonctionnaire des Nations Unies, précisant que, pour le Secrétaire général, « il n’existe pas d’alternative à la diplomatie et au dialogue pour résoudre ces questions et perceptions de menaces sécuritaires complexes de longue date ». Toute intervention militaire d’un pays contre un autre serait contraire aux principes mêmes de la Charte des Nations Unies, a rappelé la Secrétaire générale adjointe, avant de saluer les mesures prises par tous les acteurs en vue de privilégier la voie du dialogue. Elle les a également exhortés à s’abstenir de toute déclaration incendiaire pour favoriser un arrangement acceptable par tous.
Selon Mme DiCarlo, l’ONU s’est engagée à soutenir la souveraineté, l’indépendance politique, l’unité et l’intégrité territoriales de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues par des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. Elle a salué la réunion des quatre conseillers du format Normandie à Paris, ainsi que l’annonce de leur réunion prochaine à Berlin. La Secrétaire générale adjointe a également salué la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine, avant de promettre que l’ONU continuerait d’apporter sa contribution à la paix dans ce pays, toujours dans le respect de son principe de neutralité. Elle a d’ailleurs appelé les États Membres à contribuer au plan de réponse humanitaire lancé en faveur de l’Ukraine. En outre, la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine continuera de comptabiliser le nombre des victimes civiles que le conflit a fait dans l’est de ce pays, a-t-elle assuré en conclusion.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a tout d’abord estimé que la situation actuelle à la frontière avec l’Ukraine est « dangereuse » et que l’enjeu est « des plus élevés ». En effet, a-t-elle souligné, l’action de la Fédération de Russie porte atteinte à la Charte de l’ONU et pose une « menace claire pour la sécurité mondiale ». La représentante a rappelé à ce sujet qu’en vertu de l’Article 39 de la Charte, il revient au Conseil de sécurité de déterminer toute menace à la paix et à la sécurité internationales. Notre objectif au sein de cet organe n’est pas seulement de traiter des conflits mais de les prévenir, a fait valoir Mme Thomas-Greenfield, soulignant l’importance à ce titre de la réunion convoquée ce jour. À ses yeux, l’agression potentielle de la Fédération de Russie menace non seulement l’Ukraine mais aussi l’Europe. Or, selon les principes sur lesquels est fondé le travail du Conseil de sécurité, aucun pays ne peut unilatéralement redessiner les frontières ou imposer sa volonté à un autre peuple. De fait, a insisté la déléguée, il est fondamental de traiter le risque de cette action déstabilisatrice de la Fédération de Russie « au niveau international ».
Constatant que la Fédération de Russie a massé plus de 100 000 soldats le long de la frontière avec l’Ukraine, Mme Thomas-Greenfield a précisé qu’il s’agit d’unités de combat prêtes à passer l’offensive. Pour ce qui constitue la « plus grande mobilisation de troupes depuis des décennies », la Fédération de Russie a déjà utilisé plus de 2 000 wagons pour acheminer hommes et équipements, a détaillé la représentante, faisant état de l’envoi sur place d’unités spéciales, de batteries antimissiles et de missiles sol-air, et ce, « à seulement deux heures de Kiev ». De surcroît, a-t-elle poursuivi, l’Ukraine a été la cible d’attaques cybernétiques russes ces dernières semaines. Les services de renseignement russes se servent de sites Internet pour diffuser leur désinformation et faire passer l’Ukraine comme l’agresseur, a accusé la déléguée, avant de dénoncer les discours belliqueux et la série d’exigences qui accompagnent ces actions. Selon elle, Moscou se comporte d’une façon qui a déjà été observée en 2014 en Crimée et en 2008 en Géorgie. Simultanément, les séparatistes russes du Donbass continuent d’ignorer les demandes de l’Ukraine dans un conflit qui a déjà coûté la vie à 14 000 Ukrainiens. Déjà préoccupante, la situation humanitaire en Ukraine pourrait encore s’aggraver « si une invasion avait lieu », a-t-elle encore averti.
Ces dernières années, a ajouté la représentante, la Fédération de Russie a nié à l’Ukraine son statut même de nation et remis en cause l’autodétermination du peuple ukrainien. Or l’Ukraine, qui vient de célébrer 30 ans d’indépendance, est un pays souverain qui a le droit de décider de son avenir. Il s’agit d’un droit consacré par la Charte, que la Fédération de Russie et tout autre État Membre se sont engagés à respecter. « Si les anciens empires avaient le droit de reprendre leurs anciens territoires par la force, cela nous engagerait sur une voie dangereuse », a prévenu la déléguée, selon laquelle il serait préférable pour la Fédération de Russie d’opter pour « la voie de la diplomatie ». Affirmant que son pays œuvre avec les Européens au règlement de cette crise de façon pacifique, Mme Thomas-Greenfield a assuré que son pays veut la paix et le dialogue, « pas l’affrontement ou le conflit ». « Mais nous serons déterminés et unis et nous réagirons si la Fédération de Russie envahit l’Ukraine », a-t-elle prévenu, se disant convaincue que la diplomatie ne pourra triompher en cas d’action militaire: « C’est pourquoi la réunion d’aujourd’hui est si importante ». Si la Fédération de Russie est « inquiète pour sa sécurité », nous sommes prêts à en discuter avec elle, a assuré l’Ambassadrice américaine, avant d’avertir qu’en cas de refus de Moscou, « le monde saura pertinemment qui est responsable ». En conclusion, elle a exhorté le Conseil à réfléchir à « ce que dit et fait la Russie » et à évaluer le risque que cela suppose « non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour nous tous ».
M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est dit profondément préoccupé par l’accumulation de troupes et d’armements russes le long de la frontière ukrainienne ces derniers mois ainsi que par le déploiement de 30 000 troupes russes au Bélarus. Il a rappelé qu’en 1994, l’Ukraine recevait des garanties de sécurité via le Mémorandum de Budapest, où la Fédération de Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni s’engageaient à respecter « l’indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l’Ukraine en échange de son renoncement à son arsenal nucléaire ». Les signataires s’étaient également engagés à solliciter le Conseil de sécurité si l’Ukraine était victime d’une agression, a-t-il rappelé avant d’exhorter la Fédération de Russie et le Conseil de sécurité à confirmer expressément le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et sa souveraineté.
La situation actuelle n’est pas une nouvelle crise entre la Russie et l’Occident, a poursuivi M. Hoxha, mais bien une menace pour l’ordre sécuritaire européen et pour l’architecture de la sécurité internationale. C’est un camouflet à l’Acte final d’Helsinki, s’est-il emporté. Évoquant les évènements qui se sont déroulés en Géorgie en 2008 et de « manière répétée » en Ukraine depuis 2014, le représentant a affirmé que la Russie a recours à la « violence militaire » pour réaliser ses objectifs politiques et géopolitiques, lui reprochant en outre d’utiliser des tactiques qui sont des relaps de la guerre froide.
Les pays sont et doivent être libres de devenir membres des organisations qu’ils souhaitent, que ce soit l’OTAN, l’UE ou l’OTSC, a martelé le représentant, soulignant que les États souverains prennent des décisions de leur plein gré et non sous la menace des armes. Il a ensuite appelé à résoudre cette crise à travers le dialogue. Des mesures concrètes permettant une désescalade doivent être prises afin de trouver une solution conforme aux Accords de Minsk, a fait valoir M. Hoxha qui a salué la reprise des discussions, la semaine dernière, dans le format Normandie.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a souligné la mobilisation par la Russie de 100 000 hommes à la frontière ukrainienne. « Ce n’est pas un exercice de routine, mais la mobilisation militaire la plus importante en Europe depuis des décennies », s’est alarmé le délégué, en estimant qu’elle constitue dans le meilleur des cas une manœuvre profondément déstabilisatrice et, « dans le pire », la préparation d’une invasion militaire d’un pays souverain. Il a rappelé l’invasion russe de la Géorgie en 2008, alors que Moscou avait argué auprès du Conseil qu’elle y avait envoyé des soldats de la paix. Moscou a aussi annexé la Crimée qui fait partie de l’Ukraine, a poursuivi le délégué, pour qui la réunion d’aujourd’hui fait partie des tractations diplomatiques intenses en vue d’une désescalade de la crise. « Nous sommes prêts à répondre aux préoccupations sécuritaires mutuelles sur la base des engagements et des structures de sécurité européenne existants », a assuré la délégation britannique. Notre Conseil doit appuyer ces efforts, a-t-il ajouté, en estimant que toute agression russe de l’Ukraine constituerait une violation grave du droit international et se solderait par un « bain de sang » : selon le Royaume-Uni, « il n’y a aura pas de vainqueurs, uniquement des victimes ». En conclusion, il a exhorté la Fédération de Russie à s’engager devant ce Conseil en faveur des principes de la Charte, à ne pas envahir l’Ukraine ni à saper davantage la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays.
Pour M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), l’accumulation de capacités militaires importantes à la frontière d’un État souverain voisin constitue un comportement menaçant et soulève des interrogations légitimes sur les intentions de la Russie. Ce pays, qui a déjà porté atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine par le passé, doit s’engager dans une désescalade rapide de la situation actuelle, respecter le droit international et participer de manière constructive au dialogue dans le cadre des mécanismes internationaux établis, a préconisé le représentant.
Cette réunion du Conseil de sécurité doit également s’inscrire dans cet objectif, a poursuivi M. de Rivière, en réitérant le soutien de sa délégation aux efforts en cours dans les différents formats existants. Dans celui dit de Normandie, qui rassemble l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine, ces efforts ont permis, lors de la réunion du 26 janvier à Paris, de s’accorder sur une déclaration de soutien au respect inconditionnel du cessez-le-feu et à la mise en œuvre des Accords de Minsk. Nous poursuivrons les efforts en ce sens lors de la prochaine réunion prévue à brève échéance à Berlin, a annoncé le délégué, pour qui le dialogue doit respecter les principes fondamentaux sur lesquels repose la sécurité européenne, tels qu’établis dans la Charte des Nations Unies et les documents fondateurs de l’OSCE, y compris l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris.
Ces principes comprennent notamment la liberté des États de choisir ou de modifier leurs propres dispositifs de sécurité, a rappelé M. de Rivière, en soulignant qu’ils ne sont ni négociables ni sujets à révision ou à réinterprétation. « Les notions de sphères d’influence n’ont pas leur place au XXIe siècle », a-t-il tranché, avertissant la Russie que si elle ne choisit pas la voie du dialogue et du respect du droit international, « la réponse sera forte et unie ». Toute nouvelle atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine de la part de la Russie aura des « conséquences massives et un coût sévère ». Les Européens travaillent à des « mesures restrictives coordonnées » et se tiennent prêts, conjointement avec leurs partenaires, à réagir, a encore prévenu le représentant. Si la voie du dialogue et de la coopération est choisie, l’Union est prête à s’engager à développer ses relations avec la Russie sur la base d’une « approche unie, à long terme et stratégique », selon les cinq principes directeurs de 2016. Il a réaffirmé la solidarité́ de la France avec le peuple et le Gouvernement ukrainiens. « Avec nos partenaires européens, nous continuerons à nous mobiliser en soutien à l’Ukraine, notamment par la voie du soutien aux réformes nécessaires au renforcement de la résilience extérieure et intérieure du pays », a conclu la délégation.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a appelé à la promotion d’un dialogue qui tienne compte des intérêts sécuritaires légitimes de chaque pays. Convaincu que la diplomatie demeure la seule solution à ce différend, le représentant a salué les progrès réalisés dans la mise en œuvre des Accords de Minsk et les négociations sous le format Normandie entre l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne. Il a insisté sur l’impératif de respecter le cessez-le-feu et de faire avancer la mise en œuvre des Accords de Minsk. Le délégué s’est ensuite félicité de la volonté affichée par les acteurs de se retrouver à Berlin dans deux semaines avant de les inviter à tout mettre en œuvre pour préserver la paix et la sécurité internationales.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a relevé que la mobilisation des troupes russes à la frontière avec l’Ukraine inquiète certaines délégations. Saluant les pourparlers engagés entre divers acteurs impliqués dans cette crise, le représentant a recommandé de promouvoir un retour à la normale pour la population ukrainienne. Selon lui, il faut respecter les principes de la Charte des Nations Unies et mettre l’accent sur un règlement pacifique de la crise.
Mme GERLADINE BYRNE NASON (Irlande) a souligné que son pays, en tant que membre de l’Union européenne, est un fervent partisan de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues. En cette période de montée des tensions aux frontières ukrainiennes, elle a appelé au calme, à la désescalade et à la poursuite de la diplomatie. Elle a également souhaité que des échanges constructifs aient lieu par toutes les voies de dialogue, dont le format Normandie et l’OSCE. Après avoir souligné l’attachement de l’Irlande aux principes consacrés dans la Charte des Nations Unies, la représentante a rappelé que la sécurité européenne repose sur une série d’engagements et d’obligations, en vertu desquels un État souverain et indépendant a le droit de tracer sa propre voie, de choisir sa propre politique étrangère et de prendre des dispositions pour sa sécurité et la défense de son territoire.
À cet égard, a ajouté Mme Byrne Nason, l’Acte final d’Helsinki, qui est l’un des documents fondateurs de l’OSCE, confirme le droit de chaque État à l’égalité juridique, à la liberté et à l’indépendance politique. Les accords ultérieurs, parmi lesquels la Charte de Paris et la Charte de sécurité européenne convenue à Istanbul en 1999, réaffirment les principes fondamentaux qui sous-tendent la sécurité collective européenne, a précisé la représentante. Notant à ce sujet que l’Irlande a célébré en janvier les 100 ans de son indépendance, elle a jugé qu’en tant que pays indépendant lui aussi, l’Ukraine a le droit souverain de choisir ses propres politiques. Enfin, après avoir évoqué les conséquences humanitaires de ce conflit violent, où la diplomatie et le dialogue ont échoué, la déléguée a appelé de ses vœux une solution diplomatique qui renforce la sécurité collective en Europe. « Nous avons les institutions et les mécanismes qui permettent cette solution, utilisons-les », a-t-elle conclu.
M. JUN ZHANG (Chine) a déclaré que son pays s’opposait à la tenue de cette séance publique, ne pouvant s’aligner sur le point de vue des États-Unis qui l’a convoquée. Il a reconnu des tensions liées au déploiement de troupes russes, cependant, l’affirmation américaine selon laquelle cela conduirait à la guerre est infondée, étant donné l’assurance donnée par la Fédération de Russie qu’elle n’a pas l’intention de lancer d’action militaire. Sans compter, a ajouté le représentant, la propre position de l’Ukraine selon laquelle elle « n’a pas besoin d’une guerre ». « Sur quoi se fondent certains pour dire qu’il y aura une guerre? » a demandé le représentant.
Toutes les parties doivent continuer à résoudre leurs différends par le dialogue, a-t-il dit, ajoutant que plusieurs membres du Conseil ont convenu que la situation appelait à « une diplomatie discrète, pas une diplomatie du micro ». Il a regretté que les États-Unis n’aient pas accepté une proposition aussi constructive, ajoutant que la tenue d’une séance publique n’est pas propice à désamorcer les tensions, ni à faciliter des progrès concrets sur la question. Il a appelé toutes les parties concernées à rester calmes, à ne pas aggraver ou « exagérer » la crise et à résoudre leurs différends pacifiquement. Réitérant sa position, la Chine a expliqué être en faveur de la mise en œuvre du nouvel accord de Minsk, entériné par le Conseil de sécurité dans la résolution 2202 (2015), « un document contraignant reconnu par toutes les parties ». Abordant ensuite l’expansion de l’OTAN, qui « incarne la politique de groupe » et prolonge une « mentalité de guerre froide », la délégation a appelé toutes les parties à trouver une approche équilibrée de la question par le biais de négociations, tout en tenant compte des préoccupations sécuritaires légitimes de la Fédération de Russie.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que la demande faite ce matin d’un vote de procédure a pu donner l’impression que la Russie craint de discuter de la situation en Ukraine. Nous ne comprenons simplement pas ce dont nous discutons et pourquoi nous nous retrouvons ici, alors qu’une séance était planifiée pour le 17 février pendant notre présidence du Conseil de sécurité, s’est-il justifié. « Nous nous heurtons à une situation sans précédent », a estimé le représentant. Nos forces sont déployées sur notre propre territoire et des mouvements de troupes similaires par le passé n’ont jamais suscité pareille hystérie, a-t-il fustigé. Le délégué a dénoncé ceux qui voient dans ces mouvements de troupes sur le territoire russe la confirmation d’une volonté d’agression et ce, sans la moindre preuve. « Nos collègues occidentaux veulent la désescalade, mais ce sont eux qui alimentent les tensions avec leurs discours et provocations », s’est-il défendu. Vous parlez de guerre comme si elle devait avoir lieu, alors que la Russie n’a jamais exprimé l’intention d’envahir l’Ukraine, a assuré M. Nebenzia, en réfutant catégoriquement ces accusations: « ceux qui prétendent le contraire veulent vous induire en erreur ».
Le délégué russe a ensuite accusé ses collègues occidentaux d’avoir appuyé le coup d’État en Ukraine en 2014 et installé un « pouvoir russophobe, raciste et nazi ». Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions pu vivre en bonne entente, a-t-il regretté. « Mais cela déplaisait à tous ceux qui veulent semer le trouble dans les relations entre Moscou et Kiev », a-t-il analysé. Il a accusé ces acteurs de « laver » les cerveaux des Ukrainiens, incités à se radicaliser, tandis que la langue russe, « qui est celle d’une grande partie si ce n’est de la majorité des Ukrainiens », est interdite. L’objectif est de brouiller l’entente entre ces deux nations sœurs pour affaiblir la Russie et créer une « sphère d’instabilité » à ses portes. Le représentant a accusé les États-Unis de vouloir donner l’impression que c’est la Russie qui est à l’origine des tensions, avant de rappeler les exigences de son pays: pas d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ni de déploiement de troupes étrangères sur le sol ukrainien.
M. Nebenzia a demandé aux États-Unis de fournir des preuves pour étayer leurs accusations selon lesquelles 100 000 soldats russes seraient massés à la frontière avec l’Ukraine. « D’où vient ce chiffre ? » a-t-il souhaité savoir. Il a rappelé les affirmations de Colin Powell au sujet de la présence d’armes de destruction massive en Iraq, « des armes qui n’ont jamais été trouvées et nous savons tous ce qui est arrivé à ce pays », a rappelé M. Nebenzia. Il a ensuite accusé Washington de vouloir sacrifier l’Ukraine à ses propres intérêts sans tenir compte des appels à ne pas céder à la panique lancés par Kiev. La délégation russe a aussi souligné l’hypocrisie de l’Ukraine, en rappelant que les États-Unis ont plus de 750 bases militaires et 175 000 soldats déployés à l’étranger. En conclusion, le délégué russe a souligné la volonté de son gouvernement de régler la crise en Ukraine, tout en indiquant qu’il s’agit d’une crise interne à ce pays. Il l’a invitée à mettre en œuvre les Accords de Minsk, ce qui passe par un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk, a précisé M. Nebenzia. Si ce n’est pas le cas, ce sera néfaste, non pas parce que l’Ukraine sera détruite, mais parce qu’elle se détruira elle-même, a-t-il ajouté en conclusion.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a dit avoir pris connaissance d’informations relatives à une importante mobilisation de la Russie aux frontières de l’Ukraine laissant présager l’imminence d’une action militaire. Il a également dit avoir observé une véritable effervescence des partenaires de l’Ukraine avec un déploiement de moyens financiers importants et d’équipements militaires. Il a noté l’escalade verbale et la tension qui en découlent ainsi que l’importante activité diplomatique qui se traduit par différentes initiatives dont le format de Normandie. Face à une tension particulièrement préoccupante, M. Biang a appelé les parties prenantes à la retenue et à privilégier les voies du dialogue et de la négociation en vue de préserver la stabilité et la paix dans la région.
C’est le moment pour la communauté internationale et ses membres d’activer les canaux de la diplomatie préventive, tels que prévu par le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies consacrée au règlement pacifique des différends, a rappelé le représentant pour qui l’efficacité de la diplomatie préventive est tributaire non seulement de la bonne foi des protagonistes mais surtout du tact, de la sérénité et du cadre de sa mise en œuvre. La « dualité rhétorique » sur l’imminence d’une action militaire en Ukraine, d’une part, et celle du démenti qui est juxtaposé, d’autre part, amplifient la fragmentation de ce Conseil au moment où les peuples du monde attendent de lui un consensus et une action résolue, à la mesure des dévastations causées par les guerres et crises qui ensanglantent plusieurs régions de la planète, a plaidé M. Biang. La force du Conseil réside dans son unité, et non dans la fragmentation, a clos le représentant en réitérant l’appel du Président ukrainien qui a exhorté à « garder le sens de la mesure et à ne pas amplifier la panique ».
Rappelant que la priorité du Conseil de sécurité est de prévenir la guerre. M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a exhorté toutes les parties à participer de manière constructive aux pourparlers visant à résoudre leurs différends. Il a rappelé que l’interdiction du recours à la force, le règlement pacifique des différends et les principes du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale et de la protection des droits de l’homme sont les piliers du système de sécurité collective. C’est pourquoi, il a encouragé les parties à poursuivre de véritables pourparlers sur la mise en œuvre des Accords de Minsk. Il a souligné que la résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité fournit des directives utiles pour faire face à la situation dans l’est de l’Ukraine, avant de saluer la reprise des pourparlers en format Normandie et l’engagement renouvelé en faveur du cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine. Concluant sur une note d’espoir, le représentant du Brésil s’est dit persuadé que tous les acteurs sont aujourd’hui conscients qu’il n’y a pas de solution militaire à la situation russo-ukrainienne.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a expliqué s’être abstenu lors du vote procédural sur la tenue cette réunion car il estime que l’impasse entre l’OTAN et la Fédération de Russie peut être résolue de manière imminente et que les démarches diplomatiques en cours sont déjà prometteuses. En cas de litiges territoriaux, la diplomatie est l’option à choisir, a souligné le représentant qui, appelant au compromis, a estimé que les États-Unis, l’OTAN et la Fédération de Russie ont l’occasion d’établir une relation diplomatique qui leur permettra de résoudre leurs différends. Le compromis n’est pas une capitulation, a-t-il ajouté.
M. Kimani a rappelé que le refus du compromis et la recherche de la victoire totale, qui ont conduit à la guerre froide, se sont fait ressentir en Afrique par une série de guerres chaudes et d’interventions qui ont profondément endommagé « nos rêves de paix, de développement et de gouvernement compétent et inclusif ». Nos divisions et nos fragilités internes ont été militarisées sur l’autel de la rivalité géopolitique , a-t-il déploré.
Étant donné que la majorité des situations de conflit dont traite le Conseil de sécurité est en Afrique, nous ne voulons pas qu’elles servent de substituts d’une nouvelle guerre froide, a averti le représentant. Et s’il doit avoir une série de nouvelles guerres froides, il est urgent que la structure et la culture du Conseil de sécurité changent substantiellement pour qu’il demeure adapté à son objectif. « Nous ne pouvons plus refuser aux autres le pouvoir d’être membre permanent du Conseil et le droit de veto si les cinq membres permanents actuels s’avèrent incapables de remplir le mandat du Conseil », a—t-il mis en garde, décriant en outre un système de porte-plume utilisé pour faire avancer les rivalités géopolitiques et non pas des solutions. M. Kimani s’est ensuite déclaré convaincu que les pourparlers menés dans le cadre du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral, ainsi que les négociations directes entre les États-Unis et la Fédération de Russie ont encore une chance d’aboutir.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a estimé que l’escalade des tensions en Ukraine représente une menace pour la paix et la sécurité internationales et est, par conséquent, de la compétence du Conseil de sécurité, conformément à l’Article 39 de la Charte de l’ONU. Il a toutefois jugé important d’éviter tout type d’action qui pourrait être considéré comme hostile. À l’instar du Secrétaire général, le représentant a fait valoir qu’il n’existe pas de solution militaire à cette situation. Au contraire, a-t-il dit, il convient de privilégier la diplomatie préventive et le dialogue comme moyens de désamorcer les tensions et il existe pour cela différents canaux, notamment les pourparlers de Genève, le Groupe de contact trilatéral et le format Normandie.
Le délégué a ensuite réitéré l’importance du respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans le respect du droit international, de la Charte de l’ONU et de la résolution 2625 de l’Assemblée générale. De même, a-t-il ajouté, il appartient au Conseil de sécurité de déterminer, le cas échéant, l’existence d’un acte d’agression, conformément à la résolution 3314 de l’Assemblée générale. Il a d’autre part rappelé que les États ont le devoir de résoudre leurs différends par des moyens pacifiques, avant d’assurer que le Mexique prône et continuera de prôner la diplomatie plutôt que la force. Soulignant enfin qu’il est de la responsabilité du Conseil d’être à la hauteur de ce que les circonstances exigent de lui, il a invité tous ses membres à « assumer pleinement notre mandat, c’est-à-dire sans excès ni omissions ».
Pour Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis), le différend en Europe exige que divers pays de la région s’engagent dans un dialogue sérieux fondé sur les valeurs de la stabilité, de la coexistence et de la paix. Soulignant l’importance de parvenir à une solution négociée par le biais des mécanismes disponibles et avec le soutien des organisations régionales, elle a fait référence aux pourparlers dans le format Normandie et à l’initiative du Président de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui vise à engager un dialogue de fond sur la sécurité européenne. Les Émirats arabes unis saluent en outre l’appel au calme du Président ukrainien, M. Volodymyr Zelensky, a dit la représentante. Elle a également dit que son pays se félicite de l’annonce faite lors de la réunion du format Normandie le 26 janvier, au cours de laquelle la Fédération de Russie et l’Ukraine ont confirmé leur intention de mettre en œuvre un cessez-le-feu inconditionnel dans l’est de l’Ukraine.
Mme Nusseibeh a dit compter sur les différentes initiatives en cours pour permettre le dialogue, y compris entre les États-Unis et la Fédération de Russie. Elle a appelé à soutenir ces efforts diplomatiques pour atteindre les résultats souhaités, avant de souligner également l’importance du maintien de la sécurité et de la stabilité ainsi que l’importance centrale de la mise en œuvre des Accords de Minsk. Elle a espéré que cela contribue à parvenir à un accord régional global qui préserve la sécurité et la stabilité des pays concernés et réponde à toutes leurs préoccupations légitimes. La déléguée a appelé toutes les parties concernées à la désescalade, en invoquant l’impact négatif potentiel sur les civils et la situation humanitaire déjà difficile. Mme Nusseibeh a conclu en mettant en avant le rôle du Conseil de sécurité, en tant qu’organe responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, pour fournir une plateforme diplomatique permettant aux États de présenter et de résoudre pacifiquement leurs différends.
Mme MONA JUUL (Norvège) s’est dite profondément préoccupée par les actions agressives et les menaces continues de la Russie à l’encontre de l’Ukraine. La mobilisation militaire massive de la Russie près de la frontière ukrainienne et en Crimée occupée ne répond à aucune provocation et est injustifiée, a-t-elle estimé. La déléguée a prévenu qu’une escalade aurait des conséquences humanitaires dévastatrices, avant de fustiger les « demandes irréalistes » de la Russie qui menacent toute l’architecture sécuritaire européenne. Cette crise représente clairement une menace pour la paix et la sécurité internationales, s’est alarmée Mme Juul.
Alors que la Russie accuse l’OTAN d’alimenter les tensions, la déléguée a souligné la nature défensive et la base volontaire de cette alliance. « Nous ne cherchons pas l’affrontement », a-t-elle assuré. Mais, simultanément, nous ne renoncerons pas aux principes sécuritaires sur lesquels s’appuie l’Europe, a poursuivi la déléguée. Nous sommes prêts à discuter des préoccupations sécuritaires, a poursuivi Mme Juul, tout en ajoutant que chaque pays a le droit de choisir ses propres alliances. Enfin, rappelant que la Russie invoque souvent devant ce Conseil les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, la représentante norvégienne l’a exhortée à respecter lesdits principes relativement à l’Ukraine.
Reprenant la parole, Mme THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a confié ne pas avoir été surprise par les propos de la Fédération de Russie. « En revanche, je suis quelque peu déçue et m’en voudrais de ne pas reprendre la parole », a-t-elle ajouté, assurant que les États-Unis ne veulent aucunement « affaiblir » la Fédération de Russie. Toutefois, force est de constater que son comportement n’est « pas responsable ». Pour la représentante américaine, la reconnaissance des faits sur le terrain n’est « pas une provocation », contrairement à l’accumulation de troupes à la frontière avec l’Ukraine. Dans ce contexte, nous sommes engagés au service de la diplomatie et espérons que la Fédération de Russie s’y engagera également, a-t-elle souhaité. « Ce sont vos actions qui parleront d’elles-mêmes », a conclu Mme Thomas-Greenfield, avant d’encourager la Russie à « prendre la bonne décision ».
M. Nebenzia (Fédération de Russie) a dit que la réunion n’était pas un dialogue entre son pays et les États-Unis. Je n’ai pas entendu les États-Unis faire une seule référence à l’accord de Minsk ou à la résolution du 2202 (2015), a-t-il ajouté. Voilà ce dont nous devons discuter s’agissant de la situation en Ukraine. Les États-Unis parlent de tout à fait autre chose.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a déclaré que le Conseil de sécurité doit être informé de ce qui se passe le long de la frontière de l’Ukraine avec la Fédération de Russie. Aujourd’hui, a lancé le représentant, environ 112 000 soldats russes ont été déployés autour des frontières de l’Ukraine et en Crimée. Avec les composantes maritimes et aéronautiques, leur nombre atteint environ 130 000. Les troupes russes sont également déployées au Bélarus pour les exercices conjoints « Union Resolve 2022 » qui se tiendront les 10 et 20 février. M. Kyslytsya a poursuivi que le 26 janvier, la flotte russe a commencé un autre exercice en mer Noire menaçant ainsi l’Ukraine et tous les États riverains et la région.
Le renforcement des capacités de combat des forces d’occupation russes dans le Donbass, qui comptent jusqu’à 35 000 combattants, est une autre tendance inquiétante, a poursuivi le représentant. Les passages frontaliers illégaux de trains de marchandises et de convois de camions, la livraison d’armes aux formations séparatistes dans le Donbass, sont une pratique courante, a-t-il accusé, en prenant à témoin les rapports de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE qui a fourni de nombreuses preuves de diverses activités illégales dans les zones frontalières. Les restrictions à la liberté de circulation de la Mission d’observation sont en hausse dans les zones non contrôlées par le Gouvernement près de la frontière entre l’Ukraine et la Russie.
Le 22 décembre 2021, a continué le représentant, si le Groupe de contact trilatéral était parvenu à un autre accord sur la reprise du cessez-le-feu, les bombardements, les tirs de snipers sur les positions ukrainiennes et l’utilisation systématique de drones d’attaque contre les troupes ukrainiennes n’ont pas cessé. Douze militaires ukrainiens ont été tués et 14 autres blessés. Le 25 janvier, a informé M. Kyslytsya, les forces russes ont de nouveau attaqué les positions ukrainiennes dans la région de Pyshchevyk, près de Donetsk, à l’aide d’un drone larguant des grenades à fragmentation VOG-17 provoquant de graves blessures à deux militaires ukrainiens.
Il a déploré l’impasse actuelle dans le processus de consultation dans le cadre du Groupe de contact trilatéral et la non-application des décisions des dirigeants du format Normandie lors de leur sommet de décembre 2019 à Paris. M. Kyslytsya a aussi protesté contre les efforts de la partie russe pour entraver les activités du Groupe de contact afin d’empêcher la finalisation des arrangements sécuritaires et humanitaires. Le représentant a également pointé du doigt le déni obstiné de la Russie d’être partie au conflit armé qui fait rage depuis huit ans dans le Donbass en Ukraine, et les tentatives d’imposer un soi-disant « dialogue direct » avec ses administrations d’occupation fantoches ainsi que le refus de s’engager dans une discussion de fond sur le règlement politique du conflit.
« Pourquoi toutes ces forces russes sont-elles là? » a demandé M. Kyslytsya, en assurant que l’Ukraine ne lancera pas d’offensive militaire ni dans le Donbass, ni en Crimée, ni ailleurs. Il n’y a pas d’alternative au règlement pacifique du conflit en cours et au rétablissement de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Il a en outre contesté les fausses accusations russes selon lesquelles l’Ukraine aurait planifié une attaque militaire. « Cela n’arrivera pas », a dit M. Kyslytsya dénonçant la réticence de la Russie à désamorcer la situation et à se préparer à justifier une éventuelle nouvelle agression. Nous ferons tout notre possible pour empêcher une autre provocation par la Russie. Le représentant a réitéré l’absence de toute intention agressive ainsi que le ferme engagement de l’Ukraine en faveur de la paix.
M. Kyslytsya a martelé le droit souverain de son gouvernement de choisir ses propres arrangements sécuritaires, y compris les traités d’alliance, qui ne peuvent être remis en question par la Russie. Ce droit est inscrit dans de nombreux instruments juridiques internationaux auxquels la Russie est également partie, a rappelé le représentant, pour qui l’Ukraine ne cédera pas aux menaces visant à l’affaiblir, à saper sa stabilité économique et financière et à inciter à la frustration du peuple. Cela n’arrivera pas et le Kremlin doit se rappeler que l’Ukraine est prête à se défendre, a clamé le représentant.
Les voies diplomatiques avec la Russie restent ouvertes, a indiqué M. Kyslytsya, en annonçant que le Président ukrainien a rencontré son homologue russe. Si la Russie a des questions à poser à l’Ukraine, il est préférable de se rencontrer et de parler, pas d’amener des troupes aux frontières ukrainiennes et d’intimider le peuple ukrainien. La priorité pour l’Ukraine est de parvenir à un cessez-le-feu durable et inconditionnel dans le Donbass. L’intensification du travail du format Normandie est une condition préalable importante pour les prochaines étapes vers une paix durable dans le Donbass, a indiqué M. Kyslytsya, qui a dit attendre avec impatience une véritable désescalade, le retrait des troupes russes de la frontière avec l’Ukraine et la normalisation de la situation actuelle.
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a rappelé sa position de principe qu’il est inacceptable de régler un conflit par la force. Il a dit que son pays a fait des efforts pour régler le conflit en Ukraine et qu’il est prêt à faire tout son possible pour restaurer le dialogue dans la région. Il a estimé qu’il n’y a pas d’alternative aux Accords de Minsk, qui ont joué un rôle clef dans le règlement pacifique de la crise. Pour faire avancer le processus de paix, il a misé sur des négociations dans le cadre du groupe de contact trilatéral et de la mise en œuvre pratique des accords dans la zone du conflit domestique ukrainien. Pour le délégué, la convocation de la séance de ce jour par la délégation des États-Unis est une nouvelle tentative d’escalade artificielle de la tension dans la région, comme instrument d’accusation politique.
Le représentant a ensuite indiqué que, malgré les inquiétudes exprimées fréquemment par les représentants du Bélarus sur des plateformes internationales de négociation et au cours des contacts bilatéraux, « le renforcement des puissances militaires sur les frontières ouest et sud de notre pays ne s’arrête pas ». « Cela devient même menaçant », a-t-il dénoncé en constatant de plus en plus de pression exercée sur son pays par « des pays individuel ». Il a regretté que les propositions de revenir aux négociations n’entendent aucune réponse du côté des partenaires occidentaux. Il a appelé à lire le Mémorandum de Budapest concernant le Bélarus, qui contient la promesse de ne pas exercer de mesure coercitive économique sur le pays, en évoquant « les mesures de sanctions individuelles imposées contre nous ».
Compte tenu de la situation difficile actuelle, a-t-il poursuivi, les autorités du Bélarus et de la Fédération de Russie ont décidé d’organiser conjointement des événements pour évaluer l’état de préparation des forces armées des deux États afin de garantir la sécurité militaire des pays alliés. Il a donc été décidé, en février, de conduire une inspection des forces de réaction de ces pays, notamment entre le 10 et le 20 du mois. Le représentant a précisé que ces exercices, qui sont régulièrement pratiqués, ont une nature exclusivement défensive et ne constituent pas une menace pour les partenaires européens ni pour les pays voisins. Le Bélarus respecte toutes ses obligations en vertu des traités internationaux et régionaux en matière de contrôle des armes, a assuré le représentant avant de signaler que toutes les informations sur les prochains exercices sont disponibles sur le site du Ministère de la défense du Bélarus.
Il a rappelé que le 28 janvier dernier, le Président du Bélarus, Alexander Loukashenko, a déclaré que « la guerre n’est possible que dans deux cas: si une attaque est menée contre le Bélarus ou contre son allié, la Fédération de Russie ». Enfin, le représentant a rappelé que le Bélarus est prêt à continuer à fournir tout l’appui nécessaire au règlement du conflit en Ukraine, y compris en créant les conditions nécessaires aux travaux du Groupe de contact trilatéral et des négociations dans tout autre format possible. Il a enfin rappelé qu’une initiative sur un dialogue élargi sur des questions de sécurité internationale avait été proposée par le Président Loukashenko il y a quelques années, sous le nom de Helsinki II, mais que cette idée n’a jamais été suivie.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) s’est alarmé du renforcement militaire continu de la Russie à la frontière avec l’Ukraine, y voyant une menace sérieuse à la paix et à la sécurité internationales. Il a pointé la responsabilité de Fédération de Russie, cet « acteur déstabilisateur » en Europe orientale depuis la guerre de Géorgie en 2008 et l’annexion illégale de la Crimée en 2014. Le représentant a déclaré que « les conflits gelés » dans l’est de l’Ukraine, dans les régions sécessionnistes géorgiennes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et dans la région transnistrienne de la République de Moldova compromettent la stabilité et la sécurité régionales. Pour lui, ce qui se joue sur place est une violation des principes fondamentaux inscrits dans la Charte des Nations Unies, dont le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, l’inviolabilité des frontières et le non-recours à la force ou la menace de l’exercer. C’est pourquoi la Pologne a appelé tous les États Membres à protéger les principes du droit international, à condamner fermement toute menace de recours à la force et à travailler ensemble au maintien de la paix. La délégation, qui a rappelé que son pays préside actuellement l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a souligné sa détermination à faciliter des pourparlers sur la sécurité européenne, avant d’estimer que l’OSCE est le cadre idéal à cette fin, en raison de son format régional élargi.
S’exprimant au nom des États baltes, M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a rappelé l’appui infaillible de son pays à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans le cadre de ses frontières internationalement reconnues. À cet égard, il a condamné les violations de ces principes à la suite de l’invasion par la Fédération de Russie d’une partie de l’Ukraine et de l’annexion illégale de la Crimée et de la ville de Sébastopol. Se disant préoccupé par la situation des droits humains dans la péninsule, il a salué le lancement de la Plateforme de Crimée, initiative ukrainienne destinée à coordonner les actions diplomatiques internationales contre l’occupation de ce territoire. Rappelant que le conflit en Ukraine a déjà fait près de 14 000 morts, entraîné le déplacement de millions de personnes et provoqué des souffrances indicibles, le délégué a réaffirmé son plein appui à la voie d’un règlement pacifique, par le biais du format Normandie, du Groupe de contact trilatéral et de l’OSCE.
Constatant toutefois que « l’approche constructive » de Kiev reste « lettre morte » de la part de la Fédération de Russie, le représentant a appelé cette dernière à promouvoir la désescalade, à mettre fin à son soutien des formations armées dans l’est de l’Ukraine et à retirer ses troupes de la frontière. Dénonçant le déploiement de troupes russes dans ce secteur ainsi qu’au Bélarus, il a accusé le Kremlin de « prétendre le contraire de la vérité » en disant se défendre contre une menace. « Or, c’est la Russie qui menace l’Ukraine et pas l’inverse », a-t-il tranché. À ses yeux, la Fédération de Russie n’est « pas une victime mais un agresseur », comme cela s’est déjà vérifié en Ossétie du Sud, en Abkhazie, en Transnistrie et en Crimée. Réaffirmant les principes de la Charte des Nations Unies, de l’Acte final d’Helsinki et de la Charte de Paris en faveur de la souveraineté des États, de l’inviolabilité des frontières et de l’absence de recours à la force, il a averti que la menace russe constitue une « menace pour la stabilité du continent » et que toute agression militaire contre l’Ukraine aura des « conséquences graves », avec notamment des mesures de restriction prises entre partenaires transatlantiques.