Soixante-dix-septième session,
25e séance plénière - après-midi
AG/J/3671

Sixième Commission: la Commission du droit international sous le feu des critiques des délégations

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a achevé, cet après-midi, son examen du premier groupe de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI), en entendant plusieurs délégations formuler de vives critiques à l’encontre du travail et des méthodes de cette dernière.  La Commission s’est penchée en particulier sur les chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et V (Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés). 

Particulièrement virulente, la France a regretté les « erreurs formelles » contenues dans la version française du rapport de la CDI.  Le délégué français a déploré que les observations produites par les États n’aient été que trop marginalement prises en compte par la Commission lors de l’adoption des textes y relatifs.  « Ce constat n’est pas de nature à améliorer la qualité des échanges entre la Sixième Commission et la CDI », a-t-il mis en garde.

Comme les jours précédents, les délégations ont concentré leurs critiques sur la liste non exhaustive des normes impératives du droit international contenue en annexe du projet de conclusions de la CDI.  La Bulgarie a ainsi jugé nécessaire de procéder à une analyse plus détaillée du caractère des normes, tandis que la Nouvelle-Zélande a pointé le risque que la liste empêche l’émergence ou l’évolution d’autres normes.  La Türkiye a jugé « prématuré » tout débat sur ces normes, en soulignant « l’absence de pratique étatique. »

Mais c’est encore la France qui a exprimé les réserves les plus tranchées en déclarant que cette liste introduit « d’importantes confusions ».  « Pourquoi l’interdiction de l’agression figure-t-elle sur la liste alors que l’interdiction du recours à la menace ou l’emploi de la force contraire à la Charte des Nations Unies, pourtant déjà qualifiée de jus cogens par la CDI, ne s’y trouve pas ? ».  Son délégué a dénoncé un calendrier « très contraint » qui n’a pas créé un climat propice au dialogue avec les États. 

Les méthodes de travail de la CDI ont également été critiquées par le Japon, qui s’est inquiété de la lourde charge de travail de la Commission.  Notant l’intégration de la question des accords internationaux juridiquement non contraignants dans le programme de travail à long terme de la CDI, le délégué japonais a invité cette dernière à se concentrer plutôt sur les sujets qui constituent des préoccupations pressantes pour la communauté internationale dans son ensemble. 

En écho aux propos de son homologue du Liban, le délégué japonais a jugé important que les États Membres disposent de suffisamment de temps pour examiner en profondeur les travaux de la Commission.  « Mais il faut aussi que les vues des États Membres soient reflétées. »  Le représentant de l’Argentine a, lui aussi, exprimé sa perplexité quant à l’inscription de ce point à l’ordre du jour de la CDI.

De son côté, le Nigéria a réitéré la nécessité de prendre en compte le droit coutumier africain.  Il a invité la CDI à formuler des sujets spécifiques sur lesquels les points de vue des gouvernements pourraient présenter un intérêt particulier, afin d’aider ceux-ci à fournir des réponses pertinentes dans les délais impartis. 

Le Liban a aussi appelé à une coopération plus soutenue entre la Sixième Commission et la CDI, afin de contribuer à une participation plus grande et plus constante des États Membres.  « Pour cela, on pourrait prévoir un résumé exécutif du rapport annuel de la CDI », a développé le délégué libanais.  Il a suggéré la possibilité que les rapporteurs spéciaux tiennent des séances d’information virtuelles à l’attention des délégués quelques mois avant la publication du rapport. 

Sur une note finale, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a noté que la prohibition des méthodes et moyens de combat qui causent des dommages significatifs, étendus et à long terme à l’environnement constituent, selon lui, une norme établie du droit international coutumier pour les conflits internationaux et, vraisemblablement, non internationaux. 

La Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 28 octobre, à 10 heures. 

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-TREIZIÈME SESSION - A/77/10

Suite et fin du débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Normes impératives du droit international général (jus cogens) et chapitre V (Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés)

M. MARVIN IKONDERE (Ouganda) a rappelé l’importance et le mandat de la Commission du droit international (CDI) établie en 1947.  Il a appelé la CDI à développer sa coopération avec les commissions régionales, notamment la Commission de l’Union africaine sur le droit international (CUADI).  Le délégué s’est félicité du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Les conflits armés nuisent de façon directe et indirecte à l’environnement, mettant en péril la santé et la qualité de vie au point de menacer « la survie de l’humanité », a-t-il averti.  La communauté internationale doit donc se doter d’un cadre de principes afin de renforcer les instruments existants sur la protection de l’environnement dans le contexte des conflits, pour offrir des réparations aux victimes et promouvoir les mesures nécessaires en matière de prévention, conservation et restauration.

Mme DRAMOVA (Bulgarie) a estimé que le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) offre un « guide structuré ».  Ledit projet fait une distinction claire entre le jus cogens en tant que doctrine acceptée en droit international, d’une part, et les règles du droit international coutumier ainsi que les obligations créées par des actes unilatéraux, d’autre part.  Il clarifie la question des traités en conflit avec le jus cogens, a ajouté la représentante.  Toutefois, elle a souhaité que le terme « autres acteurs » dans la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) et son commentaire fasse l’objet d’un examen plus approfondi.  Concernant la conclusion 9 (Moyens auxiliaires de détermination des normes du droit international général), la représentante a estimé que l’utilisation de la pratique des tribunaux nationaux devrait être définie avec précision.  Par ailleurs, sur la conclusion 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général), elle a exprimé certaines préoccupations quant aux implications possibles sur les futurs actes juridiquement contraignants des organisations internationales.  Quant à la liste non exhaustive, la représentante a jugé nécessaire de procéder à une analyse plus détaillée du caractère des normes. 

M. MAEDA (Japon), notant l’intégration de la question des accords internationaux juridiquement non contraignants dans le programme de travail à long terme de la CDI, s’est inquiété de la lourde charge de travail de la Commission.  Nous attendons qu’elle se concentre sur certains sujets qui constituent des préoccupations pressantes pour la communauté internationale dans son ensemble, a-t-il indiqué.  Le délégué a jugé important que les États Membres disposent de suffisamment de temps pour examiner en profondeur les travaux de la Commission.  « Mais il faut aussi que les vues des États Membres soient reflétées. » 

Abordant le sujet des normes impératives du droit international général (jus cogens), le délégué a salué les modifications apportées au projet de conclusions et aux commentaires.  Cependant, a-t-il souligné, il existe encore des préoccupations importantes qui n’ont pas été correctement reflétées dans le produit final de la CDI.  Il a donné en exemple le projet de conclusion 23 et l’annexe contenant une liste non exhaustive du jus cogens.  Il convient selon lui d’apporter le soin nécessaire à la préparation de cette liste et de la rédiger « sur la base de la raison et des preuves ». 

Le délégué a estimé que l’avancement des travaux sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés « ne saurait tomber à un moment plus opportun » puisque le monde est confronté à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Il a évoqué la saisie des installations nucléaires ukrainiennes ainsi que d’autres actions menées par les forces armées russes.  Il y a vu une « grave menace » pour la sûreté et la sécurité de ces installations, qui augmente considérablement le « risque d’accident ou d’incident nucléaire » et met en danger non seulement la population de l’Ukraine, les États voisins et la communauté internationale, mais aussi l’environnement.  Par ailleurs, le délégué a jugé préférable de se concentrer sur la protection de l’environnement pendant les conflits armés, « plutôt qu’avant ou après ».  En conclusion, il a appuyé la recommandation de la Commission d’encourager la diffusion la plus large possible du projet de principes sur la protection de l’environnement en relation avec les conflits armés

M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) s’est félicité du travail relatif au projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général.  Il a jugé le projet « juste et équilibré ».  Il a demandé une explication claire et exhaustive du statut de l’autodétermination comme norme impérative, en incluant notamment les opinions judiciaires pertinentes.  Il convient de préciser les obligations qu’il implique, notamment à l’égard des mesures empêchant l’exercice du droit à l’autodétermination, a-t-il ajouté.

Le représentant a souligné le peu d’instruments juridiques et le manque d’harmonie au niveau international sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Il a, à ce titre, apprécié le travail de la CDI.  Il a appuyé les principes portant sur l’occupation, qui permettent d’empêcher le détournement des ressources, y compris par les sociétés multinationales.  Il a considéré que ces principes permettent aux peuples sous occupation de se développer et de jouir du droit à l’autodétermination.  Il s’est, enfin, félicité de l’inclusion de nouveaux thèmes dans le programme de travail de la CDI.

M. MARTINSEN (Argentine) a salué le travail extraordinaire de la CDI, en particulier le projet de conclusions relatif aux normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a approuvé le libellé de la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble), avant de souhaiter que les normes de jus cogens fassent l’objet d’un examen minutieux.  La théorie de l’objecteur persistant ne saurait s’appliquer à de telles normes, a dit le délégué.  Il a loué les précisions apportées par les conclusions 7 et 8 (Preuve de l’acceptation et de la reconnaissance), avant de souligner le caractère évolutif de la liste non exhaustive de normes contenue en annexe dudit projet. 

Le délégué a ensuite salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, en rappelant que l’environnement ne bénéficie pas d’une protection particulière selon le droit international humanitaire.  Il a insisté sur l’obligation faite aux États de protéger l’environnement en temps de conflit armé, en définissant notamment des zones protégées.  « Il n’existe qu’un seul et unique environnement que nous sommes tous tenus de protéger », a tranché le délégué.  Notant l’intégration de la question des accords internationaux juridiquement non contraignants dans le programme de travail à long terme de la CDI, il a avoué sa perplexité en s’interrogeant sur la pertinence d’examiner de tels accords.  Nous décourageons l’étude de ce point, a-t-il conclu. 

M. VIDOVIĆ MESAREK (Croatie) a estimé que le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés donne un excellent aperçu des règles applicables de manière systématique.  En tant qu’État ayant connu les effets dévastateurs des conflits armés dans son histoire récente, la Croatie a suivi de près les travaux de la CDI sur cette question, a-t-il indiqué.  Malheureusement, a-t-il poursuivi, « cette année nous a montré une fois de plus combien ce sujet est important et contemporain ».  Ensuite, sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), le représentant a apprécié que la proposition du Rapporteur spécial d’inclure un projet de conclusion faisant référence à une liste non exhaustive de normes de jus cogens dans l’annexe ait été acceptée par la Commission. « Une telle liste serait un complément utile à ses travaux sur ce sujet », a-t-il conclu. 

M. TIJJANI MUHAMMAND-BANDE (Nigéria) s’est félicité de l‘adoption du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international (jus cogens) et du projet de principes sur la protection de l‘environnement en rapport avec les conflits armés.  Il est en effet important, à ses yeux, que les normes confirment les principes généraux du droit international universellement acceptés et reconnus par tous les systèmes juridiques.  Le représentant a notamment salué l’adoption du projet de principes sur la protection de l‘environnement, qui exige des États qu‘ils prennent des mesures législatives, administratives et judiciaires pour renforcer la protection de l‘environnement dans le cadre des conflits armés, ainsi que l’adoption du principe 8 (Déplacements de population) qui prévoit que les États et les parties prenantes prennent des mesures pour prévenir et atténuer les dommages causés à l‘environnement dans les zones où se trouvent des personnes déplacées par des conflits armés. 

Le représentant a exhorté la CDI à approfondir sa collaboration avec les États Membres et la Commission de l‘Union africaine sur le droit international sur les sujets pertinents du droit international.  Il l’a invitée à formuler des sujets spécifiques sur lesquels les points de vue des gouvernements pourraient présenter un intérêt particulier, afin d’aider ceux-ci à fournir des réponses pertinentes dans les délais voulus.  Alors que la Commission offre au Nigéria et à l‘Afrique la possibilité de participer à la codification et au développement du droit international, le délégué a réitéré la nécessité de prendre en compte le droit coutumier africain ainsi que la diversité des systèmes juridiques du continent. 

M. COLAS (France), notant le renouvellement des membres de la CDI, a appelé à renforcer le multilinguisme et la prise en compte des spécificités propres aux systèmes juridiques nationaux.  « Nous ne pouvons que regretter que figurent des erreurs formelles dans la version française du Rapport de la Commission », a-t-il continué.  Le délégué a appelé à améliorer le dialogue entre la Sixième Commission et la CDI.  Selon lui, les observations produites par les États n’ont été que trop marginalement prises en compte par la Commission lors de l’adoption des textes y relatifs.  « Ce constat n’est pas de nature à améliorer la qualité des échanges entre la Sixième Commission et la CDI », a-t-il mis en garde. 

Passant au projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), le délégué a relevé les efforts fournis par la Commission pour tenter de surmonter les contradictions contenues dans la conclusion 14 (Règles de droit international coutumier en conflit).  Cependant, a-t-il dit, nous ne sommes pas totalement convaincus par les explications dans le commentaire.  En effet, l’existence d’un « conflit » suppose nécessairement que des normes en conflit existent, a-t-il expliqué, relevant des erreurs formelles dans la version française du premier paragraphe.  Par ailleurs, il a regretté le maintien du projet de conclusion 16 (Obligations créées par des résolutions, décisions ou autres actes d’organisations internationales en conflit avec une norme impérative du droit international général), craignant que celui-ci ne soit interprété de sorte qu’il permette à un État de se soustraire unilatéralement à une résolution du Conseil de sécurité, au motif qu’elle serait contraire, selon lui, à une norme de jus cogens.  De plus, le délégué a douté de l’utilité et de la pertinence de l’annexe qui contient une liste non exhaustive des règles de jus cogens.  Il a rappelé ses réserves quant à cette liste, estimant qu’elle introduit d’importantes confusions.  « Par exemple, pourquoi l’interdiction de l’agression figure-t-elle sur la liste alors que l’interdiction du recours à la menace ou l’emploi de la force contraire à la Charte, pourtant déjà qualifiée de jus cogens par la CDI, ne s’y trouve pas? »  Par ailleurs, il a déploré un calendrier « très contraint » qui n’a pas créé un climat propice au dialogue avec les États, avant de rappeler avoir transmis des observations détaillées qui n’ont été que très partiellement prises en compte.

Ensuite, le délégué s’est intéressé au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Ces projets de principes contribuent à la protection de l’environnement dans son ensemble, a-t-il estimé.  Saluant la prise en compte de quelques-unes des remarques faites par sa délégation, il a cependant regretté que la Commission n’ait pas pleinement clarifié d’autres points.  En outre, le représentant a partagé son inquiétude sur le projet de principe 9 (Responsabilité des États), craignant qu’il puisse être interprété comme reconnaissant que la responsabilité internationale d’un État pourrait être engagée pour des dommages environnementaux causés dans le cadre d’un conflit armé, alors même que ces derniers résulteraient d’un acte de guerre conforme au droit international humanitaire et au droit du recours à la force. 

M. KAPUCU (Türkiye) a jugé « prématuré » de débattre des normes impératives du droit international général (jus cogens) soulignant « l’absence de pratique étatique ».  La Türkiye, a-t-il indiqué, n’a pas adhéré à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 en raison de l’intégration du principe de jus cogens, craignant qu’en l’absence de définition, « chaque État l’interprète selon ses besoins ».  À ce titre, il a affirmé que la Convention ne produit pas d’effet contraignant à son égard, contrairement à ce qu’indique le rapport de la CDI.  Le délégué a également douté de la nécessité de développer progressivement le concept de jus cogens.  L’absence de commentaire concernant un projet ne vaut pas acceptation de son contenu, a-t-il rappelé.  « Les critères développés dans le projet sont ambigus et ne permettent pas de guider la pratique », a-t-il déploré.  La Commission reconnaît d’ailleurs la faible pratique sur ces questions, a-t-il noté.  Il a également demandé la suppression de la mention de la « majorité des États », qui ne correspond pas au projet de conclusion 3 et au libellé de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et semble même se situer en deçà du standard retenu par la CDI pour le droit international coutumier.  Il a donc proposé de conserver le terme « communauté internationale des États dans son ensemble » ou « tous les États ».  Il a appelé à se méfier des décisions des tribunaux nationaux et des actes des organisations internationales.  Seule la conduite des États doit être prise en compte, a estimé le délégué.  Il a également contesté la position de la CDI sur l’absence de principe pour l’objecteur persistant.  Il s’est enfin dit préoccupé par l’inclusion d’une liste non exhaustive dans l’annexe.

Le délégué a également souligné son inquiétude vis-à-vis de la généralisation du projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et l’extension de certaines règles à d’autres domaines, à l’image de l’application des règles des conflits internationaux au conflits non internationaux.  Il a regretté que la CDI se soit largement fondée sur des commentaires et travaux qui n’ont pas de force obligatoire.  Selon lui, « la conflagration du droit international humanitaire, du droit de l’environnement et des droits humains conduit à des confusions ».  Ce projet ne codifie pas le droit international existant et ne peut pas créer de nouvelles obligations, a conclu le délégué.

M. HITTI (Liban) a appelé à une coopération plus soutenue entre la Sixième Commission et la CDI, afin de contribuer à une participation plus grande et plus constante des États Membres.  « Pour cela, on pourrait prévoir un résumé exécutif du rapport annuel de la CDI. »  Il faudrait envisager la possibilité que les rapporteurs spéciaux tiennent des séances d’information virtuelles à l’attention des délégués de la Sixième Commission quelques mois avant la publication du rapport, a proposé le délégué.  Il a appelé veiller à ce que le nombre de sujets examinés par la CDI ne soit pas trop élevé, pour qu’un maximum d’entre eux puissent être dûment examinés par les États Membres.  Il a souligné l’importance de continuer de promouvoir une plus grande diversité géographique et davantage de parité femmes-hommes dans la désignation des rapporteurs spéciaux. 

Le délégué s’est félicité de l’adoption par la Commission, en seconde lecture, du texte du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), comprenant les 23 projets de conclusions, les commentaires y relatifs et une annexe.  « Ils ont une utilité indéniable. »  L’inclusion d’une liste non exhaustive est particulièrement pertinente, étant entendu qu’elle est « sans préjudice de l’existence ou de l’émergence ultérieure d’autres normes impératives du droit international général (jus cogens) ». 

Concernant le sujet « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », le délégué a salué le travail « considérable » abattu par la CDI.  Enfin, il a soutenu l’approche consistant à prendre en compte trois phases temporelles, à savoir « avant, pendant et après un conflit armé », y compris dans les situations d’occupation.

M. ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a estimé que la question de la détermination et des conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) revêt une importance capitale pour le système international, en particulier à la lumière de la guerre d’agression russe en Ukraine.  Le délégué a salué l’inclusion du projet de conclusion 19 (Conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général), soulignant l’importance de coopérer pour mettre fin légalement à ces violations.  Il est utile que le projet de conclusion suive la formulation du projet d’articles sur la responsabilité de l’État, le cas échéant, a-t-il affirmé.  Par ailleurs, le délégué a émis des réserves au sujet du projet de conclusion 23 et de l’annexe comprenant une liste non exhaustive de normes impératives.  « Il existe un risque que la liste empêche l’émergence ou l’évolution d’autres normes, ou qu’elle soit appliquée comme étant exhaustive dans la pratique », a-t-il averti. 

Le représentant a trouvé le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés « opportun et important dans un contexte de conflit armé prolongé dans des nombreuses régions ».  Il a salué en particulier le principe 5 qui traite spécifiquement de la protection de l’environnement des peuples autochtones et de leur participation à la question des mesures correctives.  En outre, il a rappelé que les attaques contre l’environnement sont interdites par le Manual of Armed Forces Law - Laws of Armed Conflict de la Nouvelle-Zélande.  Les obligations qui incombent au pays dans le cadre d’un conflit armé international s’appliquent également, par principe, aux conflits armés non internationaux. 

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a apporté son soutien au concept de jus cogens, en tant que reflet du droit naturel, tout en insistant sur la nécessité de clarifier l’identification de telles normes impératives.  Ces normes reflètent des valeurs communes, procédant de notre humanité à tous, a déclaré l’observateur.  Il a pointé le « paradoxe intéressant » entre la conclusion 2 (Nature des normes impératives du droit international général) du projet de la CDI sur ce caractère de valeurs fondamentales communes et la règle visée par la conclusion 7 (Communauté internationale des États dans son ensemble) sur la nécessité d’une large majorité d’États pour identifier de telles normes.  Si ces normes sont le reflet de nos valeurs communes, alors pourquoi prévoir une majorité d’États pour les identifier, a fait remarquer l’Observateur permanent.  Il a aussi mis en garde contre les risques d’instrumentalisation de cette notion pour ostraciser des États. 

L’Observateur permanent a abordé le projet de principes de la CDI sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, en souhaitant que ce projet réserve une plus grande place à « la dimension humaniste du droit de la guerre ». Les considérations environnementales ne doivent pas primer sur la nécessité d’apporter une aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin, a-t-il conclu.

Mme LOUREEN O. A. SAYEJ, observatrice de l’État de Palestine, s’est félicitée de la structure et de l’approche adoptées par la CDI dans le cadre de son projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Ce projet constitue « une bonne analyse juridique », a-t-elle estimé.  Les projets de principes permettent de mettre à jour certains outils en protégeant les droits humains et l’environnement, notamment dans le contexte des occupations prolongées qui ne sont pas adéquatement envisagées par le droit international humanitaire.  L’observatrice a salué l’obligation pour la puissance occupante d’administrer les ressources pour le bien de la population occupée.  « Le contrôle physique d’un territoire occupé crée une situation de responsabilité de l’occupant en cas de dommages causés », a-t-elle fait valoir.  Elle a également appelé à intégrer une référence plus explicite au droit à l’autodétermination des peuples sous occupation étrangère.  Les États doivent légiférer pour que le principe de précaution soit appliqué par les entreprises dans le cadre des conflits armés, a-t-elle continué.  Elle a également salué la reconnaissance des populations déplacées, soulignant l’impact sur l’environnement des déplacements en cas d’occupation. 

L’observatrice s’est réjouie de la reconnaissance du droit à l’autodétermination comme norme de jus cogens dans le projet de conclusions de la CDI sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général.  Lesdites normes ne doivent pas être détournées pour justifier des actes inacceptables, a-t-elle dit, rappelant que le jus cogens est contraignant même pour ses objecteurs.

Mme MABE, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a affirmé que les projets de principes de la CDI sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés constituent une « contribution historique ».  Ces textes, a-t-elle estimé, complètent les efforts du CICR dans ce domaine.  Ils permettent également de couvrir des problèmes importants au-delà du droit international humanitaire, a-t-elle estimé.  En outre, ils ne devraient pas être interprétés comme restreignant ou limitant les règles applicables du droit international positif, en particulier le droit des conflits armés.  Cette synergie est réaffirmée dans le projet de principe 14 (Application du droit des conflits armés à l’environnement), a ajouté la déléguée, soulignant que les lignes directrices du CICR développent certains principes mentionnés, mais pas explicités dans le projet de principe.  Elle a également noté que la prohibition des méthodes et moyens de combat causant des dommages significatifs, étendus et à long terme constituent, selon le CICR, une norme établie du droit international coutumier pour les conflits internationaux et, vraisemblablement, non internationaux.  « Le seuil de gravité sur ce point doit être interprété à la lumière de la connaissance scientifique des processus écologiques. »  La déléguée a par ailleurs salué les modifications apportées aux projets de principes sur les zones protégées.  Elle a espéré que les projets de principes génèreront un élan pour minimiser les dommages dans le cadre des conflits.

Mme HEREDERO, du Conseil de l’Europe, a estimé que la décision de la CDI de recommander l’inclusion du sujet « Accords internationaux non juridiquement contraignants » à son programme de travail à long terme ne pouvait tomber plus à propos.  Le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l’Europe (CAHDI) a en effet décidé de faire du suivi de ce sujet l’une de ses nouvelles activités.  En mars de cette année, un questionnaire détaillé, préparé par la délégation allemande, a d’ailleurs été approuvé et soumis aux délégations pour leurs réponses, a expliqué la représentante.  Le CAHDI formulera ensuite un glossaire, un modèle de protocole d’accord ou un autre outil d’orientation sur cette question, dont les résultats pourraient intéresser la Commission lorsqu’elle examinera ce sujet à son tour. 

Le « règlement des différends internationaux auxquels les organisations internationales sont parties », que la Commission a ajouté à son programme de travail, est un autre sujet commun aux programmes de la Commission et, depuis 2014, du CAHDI, a poursuivi Mme Heredero.  Le Comité a également élaboré un questionnaire sur cette question, dont les réponses ont été analysées pour la première fois en 2017.  En 2020, un document de travail additionnel sur « le règlement des litiges de caractère privé contre les organisations internationales intergouvernementales: l’expérience du Conseil de l’Europe et d’autres organisations » a été préparé à la suite d’une initiative des Pays-Bas.  Bien que les données recueillies par le CAHDI soient traitées de manière confidentielle, le CAHDI, fort de plusieurs années de travail sur cette question, se propose d’examiner le moyen de mettre cette expérience à la disposition de la Commission.

Droit de réponse

Le représentant de Chypre a reproché à son homologue de la Türkiye d’avoir déclaré que certaines résolutions et arrêts liés à Chypre ne reflètent pas la réalité.  « Ces remarques ne sont pas acceptables dans le cadre d’une commission juridique » a-t-il estimé, avant d’appeler les États à ne pas politiser les discussions.

Le représentant de la Türkiye a rétorqué que, s’il avait voulu politiser le débat, il l’aurait fait.  Il a simplement indiqué que l’affaire mentionnée dans le rapport n’avait pas été correctement interprétée.  « Il s’agissait donc d’un commentaire juridique. »

La représentante d’Israël a regretté, à son tour, la « politisation » des débats par certains représentants.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.