L’avenir des projets d’articles et de principes relatifs à la prévention et à la réparation des dommages transfrontières divise la Sixième Commission
Après avoir terminé, cet après-midi, l’examen de mesures propres à renforcer la protection et la sécurité des missions et des représentants diplomatiques et consulaires, la Sixième Commission (questions juridiques) a abordé les questions de la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et de la répartition des pertes consécutives à de tels dommages.
Lors du débat sur ces question, qui a lieu tous les trois ans, les délégations se sont référées au projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et à son projet de principes sur la répartition des pertes consécutives à de tels dommages. Ces deux textes, respectivement adoptés en 2001 et 2006, constituent « les deux faces d’une même médaille », a estimé le représentant du Chili. Si les 17 intervenants sur ce point de l’ordre du jour ont salué le travail de la CDI, notant, à l’instar de la Fédération de Russie, qu’ils fournissent un guide pour les États, ils se sont en revanche montrés divisés quant à leur avenir.
Antigua-et-Barbuda, au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), les États fédérés de Micronésie, El Salvador ou la Sierra Leone ont noté que des parties importantes des projets reflètent le droit coutumier et sont déjà largement utilisées par les juridictions nationales et internationales. L’Australie, au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande, la Türkiye et les États-Unis ont dit préféré les conserver sous leur forme actuelle. Le délégué américain a estimé que les deux projets ont été conçus comme « des ressources pour encourager l’action nationale et internationale dans des contextes spécifiques », plutôt que pour former la base d’un traité. La Fédération de Russie a relevé l’absence de consensus à leur sujet.
Les petits États insulaires en développement sont particulièrement affectés par ces dommages transfrontières, a toutefois tenu à souligner la déléguée d’Antigua-et-Barbuda en évoquant les changements climatiques. Rappelant qu’ils sont responsables de moins de 1% des émissions de CO2 et de 1,3% de la pollution plastique, elle a jugé « inéquitable et franchement injuste » d’attendre de ces États qu’ils utilisent leurs modestes ressources pour répondre et remédier aux effets des dommages transfrontières créés par d’autres. Il est nécessaire d’accorder une attention particulière à la situation et aux besoins des pays en développement qui sont plus vulnérables sur le plan de l’environnement, a renchéri le Cameroun.
Mettant en garde contre le « coût de l’inertie », la Sierra Leone s’est en revanche dite favorable à l’élaboration d’une convention sur la base des deux projets. Cet avis a été partagé par le Portugal et le Chili, qui a souligné l’importance de combiner les projets d’articles et de principes au sein d’un même texte. Prenant acte des divergences, El Salvador a proposé la création d’un groupe de travail en vue de la mise au point d’une loi type, qui pourrait attirer le soutien d’un plus grand nombre d’États.
Des participants ont en outre fait état de difficultés vis-à-vis de certaines dispositions contenues dans les projets de la CDI. Le Cameroun et la Malaisie ont ainsi souligné la nécessité de clarifier l’expression « atteinte significative à l’environnement ». D’autres ont voulu mettre en relief le principe « pollueur-payeur ».
Enfin, la Sixième Commission a commencé à étudier le point consacré au droit des aquifères transfrontières. Le Brésil, au nom de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay, s’est félicité du projet d’articles « équilibré » adopté par la CDI en 2008 sur cette question. La prochaine étape doit convenir à l’ensemble des délégations, a déclaré le délégué, en souhaitant l’adoption dudit projet sous la forme d’une déclaration de principe.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain matin, à partir de 10 heures.
EXAMEN DE MESURES PROPRES À RENFORCER LA PROTECTION ET LA SÉCURITÉ DES MISSIONS ET DES REPRÉSENTANTS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES - A/77/208
Suite et fin du débat général
Mme ANNA V. ANTONOVA (Fédération de Russie) a noté qu’au niveau interne, la Russie prend toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des missions diplomatiques et consulaires des États étrangers. Elle s’est inquiétée de l’augmentation des menaces et des attaques de plus en plus fréquentes contre ses missions à l’étranger. La représentante a rappelé qu’il appartient au pays hôte de prévenir ces attaques et de garantir la sécurité et la dignité des missions et des représentants. Elle a fait état de plus de 150 cas d’actes dirigés contre des missions diplomatiques et consulaires de la Fédération de Russie à l’étranger, dont récemment de la peinture rouge lancée contre la façade de son consulat à New York. Ces missions et les représentants russes reçoivent quotidiennement des menaces et font l’objet d’attaques et d’actes de vandalisme. La déléguée a également déploré la saisie de locaux servant au bon fonctionnement de la mission diplomatique et consulaire russe par les États-Unis, ce qui « réduit à néant le principe des privilèges et immunités ». Elle a exhorté au respect des Conventions de Vienne de 1961 et de 1963. La déléguée a par ailleurs jugé inadmissible de « politiser » la Sixième Commission pour l’utiliser comme « plateforme contre les activités de la Russie en Ukraine ».
Mme ESTELA MERCEDES N. MANSOGO (Guinée équatoriale) a condamné les violations des locaux des missions diplomatiques et consulaires rapportées par plusieurs États dans le rapport du Secrétaire général. Elle a demandé aux États de prendre des mesures préventives pour protéger les missions et les représentants diplomatiques et consulaires, afin qu’ils puissent mener à bien leurs fonctions. Seules des relations pacifiques sont à même d’assurer la promotion du multilatéralisme et de la diplomatie, a fait valoir la déléguée, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies. Parallèlement, les représentants diplomatiques et consulaires accrédités dans un État ont l’obligation de respecter les lois et règlements de celui-ci, en s’abstenant de toute ingérence dans ses affaires intérieures ou d’utiliser leurs locaux à des fins autres que celles de leurs fonctions.
Mme BEATRICE EFFAH (Ghana) a noté que l’augmentation des atteintes à la sécurité et à la sûreté des missions et des représentants diplomatiques et consulaires porte atteinte à la diplomatie et aux relations amicales entre États. Elle a donc appelé à approfondir la coopération aux niveaux national et international pour renforcer les mesures préventives et protectrices. Face au terrorisme, aux cyberattaques et à l’impact de la pandémie de COVID-19, face aux menaces émergentes, elle a appelé à repenser les mesures de protection. La représentante a également rappelé le devoir des représentants diplomatiques et consulaires de se conformer au droit du pays hôte. Elle a encouragé les représentations diplomatiques à communiquer avec les pays hôtes afin de garantir leurs privilèges et immunités.
M. SHUNSUKE NAGANO (Japon) a déclaré que les actes de violence contre les missions et le personnel diplomatiques et consulaires ne devraient pas être tolérés. À cet égard, il a souligné les obligations du pays hôte conformément aux Conventions de Vienne. Le délégué a insisté sur le fait que les atteintes aux privilèges et immunités des diplomates et agents consulaires ne peuvent jamais être justifiées et que leur inviolabilité est au cœur du principe des immunités.
M. ELISA DE RAES (Belgique) a déploré et condamné les actes de violence commis à l’encontre des missions et des représentants diplomatiques et consulaires. Il a encouragé les États qui ne l’auraient pas encore fait à ratifier les instruments internationaux en la matière « dès que possible ». Il s’est par ailleurs dit préoccupé par les mesures prises à l’égard du personnel diplomatique par certains États dans le cadre de la pandémie de COVID-19, qui sont « disproportionnées » au regard des exigences de santé publique et manifestement « incompatibles » avec les Conventions de Vienne. À ce titre, il a appelé à trouver un juste équilibre entre le respect du droit du pays hôte et le devoir d’accorder les facilités pour l’accomplissement des fonctions des missions.
M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) a rappelé l’importance de la protection des missions diplomatiques et consulaires conformément aux Conventions de Vienne. La sécurité desdites missions est la priorité de mon pays, a dit le délégué. Les personnes jouissant des immunités diplomatiques doivent respecter les lois du pays d’accréditation et adhérer à des normes de comportement « assez élevées », a-t-il dit. Il a indiqué qu’aucun incident n’a eu lieu en Algérie, avant de prendre note de la croissance des actes de violence visant les représentations. Enfin, le délégué a jugé de tels actes inacceptables et souligné de nouveau l’attachement de son pays à la bonne protection des représentations diplomatiques et consulaires.
M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a relevé que les archives et documents diplomatiques ont un caractère inviolable partout où ils se trouvent, comme cela a été reconnu par des tribunaux. Rappelant que les traités internationaux reconnaissant que les missions consulaires peuvent utiliser tous les moyens appropriés de communication, il a constaté que, depuis les années 60, les moyens de communication ont énormément évolué. Malgré cela, a-t-il noté, les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires restent de mise. Il a aussi insisté sur l’inviolabilité des correspondances des missions diplomatiques tant dans le monde réel que virtuel.
M. AMANUEL GIORGIO (Érythrée) a déploré les violations graves du droit international qui se produisent à travers le monde, mettant en danger la sûreté et la sécurité des représentants diplomatiques et consulaires. Il a appelé au strict respect des règles du droit international protégeant l’inviolabilité des locaux diplomatiques et consulaires ainsi que des organisations internationales accréditées. Le délégué a dénoncé les « obstacles créés par les mesures coercitives unilatérales », y compris les restrictions aux services bancaires, qui affectent les fonctions diplomatiques et consulaires des États concernés. Ces mesures sont contraires au droit international et doivent être immédiatement levées, a-t-il insisté.
M. ANIL KAYALAR (Türkiye) s’est inquiété de la persistance des attaques et des menaces contre les missions consulaires et diplomatiques et leurs représentants, y compris celles de la Türkiye. Il a souligné le devoir des États de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la protection des missions diplomatiques et consulaires et de leurs représentants, notant que la responsabilité à cet égard incombe principalement au pays hôte ou à l’État auprès duquel les représentants sont accrédités. Cela implique également la mise en place de mesures préventives efficaces, en tenant dûment compte des évaluations des menaces transmises par les missions concernées, a-t-il ajouté. Le représentant a également jugé impératif que les locaux diplomatiques et consulaires ne soient pas utilisés d’une manière incompatible avec les fonctions de ces missions et que ceux qui jouissent des privilèges et immunités respectent les lois et règlements de l’État de résidence. Il a ensuite rappelé que la Türkiye a perdu de nombreux diplomates lors d’assassinats commis par des organisations terroristes dans des pays tiers.
M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a dénoncé les actes « haineux et racistes » ayant visé les missions azerbaïdjanaises dans plusieurs pays. Il a imputé ces actes à des personnes arméniennes « radicalisées » vivant dans les pays concernés. La réponse apportée par les pays hôtes a été insuffisante, voire inexistante. À notre connaissance, aucun auteur n’a été traduit en justice, a-t-il regretté. Il a cité un État qui a indiqué qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve susceptibles de déclencher des poursuites judiciaires. « Cela ne fait qu’encourager ces communautés arméniennes radicalisées qui, sous couvert d’activités caritatives, se livrent au transfert de combattants étrangers et au blanchiment d’argent afin d’agresser mon pays », a déploré le délégué. Enfin, il a rappelé l’obligation de protection qui incombe aux pays hôtes, en soulignant l’importance que les auteurs d’actes violents soient traduits en justice.
Mme WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a indiqué que, même dans le monde virtuel, l’inviolabilité des correspondances consulaires doit être respectée. Les locaux doivent donc être protégés contre les menaces cybernétiques, même si, a-t-elle reconnu, la protection des missions consulaires dans le monde virtuel est plus compliquée.
Mme TAMUNO (Nigéria), préoccupée par le fait que les représentants diplomatiques et consulaires font face à des menaces dans l’exercice de leurs fonctions, a appelé les États à respecter les règles des Conventions de Vienne de 1961 et de 1963. Ces Conventions, que le Nigéria s’est lui-même engagé à respecter, imposent aux pays hôtes le devoir de garantir l’inviolabilité. La déléguée a noté la création d’une unité dédiée, dans son pays, pour répondre aux appels urgents sur ces questions et fait référence aux mesures visant à assurer la sécurité des représentants qui se déplacent hors de la capitale, ainsi que de ceux qui arrivent en poste. Elle a, enfin, exhorté les États Membres à s’abstenir de prendre des mesures contre les représentants diplomatiques et consulaires, notamment les fouilles.
EXAMEN DES QUESTIONS DE LA PRÉVENTION DES DOMMAGES TRANSFRONTIÈRES RÉSULTANT D’ACTIVITÉS DANGEREUSES ET DE LA RÉPARTITION DES PERTES CONSÉCUTIVES À DE TELS DOMMAGES - A/77/148
Débat général
Mme ASHA CECILY CHALLENGER (Antigua-et-Barbuda), au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a noté que certaines parties du projet d’articles relatives à la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et du projet de principes relatifs à la répartition des pertes en cas de dommages transfrontières découlant d’activités dangereuses de la Commission du droit international (CDI) reflètent le droit international, notamment la prévention des dommages transfrontières et la nécessité de réparation. Le projet est particulièrement utile pour fournir un cadre concret pour ces questions, a-t-elle estimé.
Les petits États insulaires en développement sont particulièrement affectés par ces dommages transfrontières, a souligné la représentante. Elle a évoqué, entre autres, la montée des eaux, l’augmentation du sel dans les eaux fraîches, les menaces à la biodiversité et d’autres crises, qui présentent de vraies menaces pour l’infrastructure, la sécurité ou encore la santé des petits États insulaires en développement. Ces pays sont responsables de moins de 1% des émissions de CO2 et de 1,3% de la pollution plastique, mais ils subissent l’impact disproportionné de ces pollutions, a-t-elle déploré. Elle a donc jugé « inéquitable et franchement injuste » d’attendre de ces îles qu’elles utilisent leurs modestes ressources pour répondre et remédier aux effets des dommages transfrontières créés par d’autres. La représentante a estimé que les projets d’articles et de principes de la CDI codifient des principes clefs du droit international environnemental, qui sont déjà reflétés dans le droit coutumier. Les États doivent donc travailler ensemble pour préciser et clarifier les devoirs existants, prévenir les dommages transfrontières et assurer une répartition égale des pertes, a déclaré la représentante.
Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande), au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (groupe CANZ), a indiqué que les juridictions nationales comme internationales font référence au projet d’articles et de principes de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, et la répartition des pertes consécutives à de tels dommages. Nous pensons que la meilleure façon d’assurer le développement progressif du droit international dans ce domaine est de conserver ces articles et principes sous leur format actuel, a déclaré la déléguée. « Il y aurait peu à gagner d’essayer d’élaborer une convention. » En conclusion, elle a rappelé que le projet jouit, dans sa forme actuelle, d’un large appui des États Membres.
M. MOHAMMDA SADEGH TALEBIZADEH SARDARI (République islamique d’Iran) a estimé que les projets d’articles et de principes de la Commission du droit international (CDI) portant sur la question de la responsabilité internationale pour les dommages résultant d’activités non interdites par le droit international, font partie de la lex lata et représentent un développement progressif du droit international. Selon lui, cette caractéristique empêche, à ce stade, l’élaboration de normes globales que tous les États pourraient suivre. Alertant que les dommages transfrontières risquent d’augmenter, notamment en raison des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement, le représentant a appelé les États Membres à agir de manière cohérente sur la base des paramètres et pratiques internationalement reconnus et des principes généraux applicables. Cela permettrait d’harmoniser les réponses juridiques, en particulier dans la prévention des activités dangereuses, a-t-il soutenu. Le représentant a estimé qu’en l’absence de règles spécifiques du droit international conventionnel ou coutumier, les États ont le devoir d’exercer la diligence requise afin de prévenir ou minimiser les dommages transfrontières. Il a appuyé la proposition visant à améliorer la coopération internationale afin de renforcer les capacités scientifiques et techniques des pays en développement pour les aider à prévenir de tels dommages.
M. DAVID BIGGE (États-Unis) a noté que le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et son projet de principes sur la répartition des pertes consécutives à de tels dommages ont été conçus comme « des ressources pour encourager l’action nationale et internationale dans des contextes spécifiques », plutôt que pour former la base d’un traité mondial. Il a donc appelé à les maintenir dans leur forme actuelle.
Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique), saluant les travaux de la CDI, a jugé important d’intégrer des principes de base liés à la question des dommages transfrontières comme le principe de développement durable. À ce sujet, elle a souhaité avoir une définition claire de l’expression « atteinte sensible à l’environnement », ce qui permettrait de définir le périmètre de la demande d’indemnisation. Elle a aussi réaffirmé la nécessité de reformuler l’expression « répartition des pertes », puisqu’il semble qu’elle laisse de côté la considération du régime juridique de réparation des dommages causés, notamment le principe du « pollueur payeur ». La déléguée a également mentionné la nécessité de codifier les activités dans des zones situées au-delà de la juridiction nationale, en particulier dans le contexte des activités menées dans les fonds marins. En ce sens, « les activités minières sous-marines doivent être considérées comme des activités dangereuses pouvant causer des dommages ».
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a noté l’acceptation croissante dont jouit le projet d’articles et de principes de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et la répartition des pertes consécutives à de tels dommages. L’obligation d’agir pour atténuer de tels dommages reflète le droit coutumier, a-t-il souligné. Le délégué s’est dit en faveur de l’élaboration d’une convention dans ce domaine. « Nous avons en effet besoin d’un cadre juridique sur de tels dommages. » Il a toutefois estimé que certaines notions du projet doivent être clarifiées, comme la notion de dommages graves.
M. LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a souligné que protéger l’environnement revient à protéger d’autres garanties comme la liberté, l’égalité et le bien-être humain. Le droit à un environnement sain a d’ailleurs été reconnu comme un droit humain dans la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de 1972 et par la Cour américaine des droits de l’homme. D’après le délégué, le contexte actuel appelle à davantage d’engagements des acteurs de la communauté internationale pour renforcer les mesures de protection des écosystèmes et des ressources transfrontières. Il s’agit là d’une priorité dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il ajouté. À ce titre, il a souligné la nécessité de mettre en œuvre les règles conventionnelles et le droit coutumier applicables, notamment le principe de prévention des dommages transfrontières ainsi que le principe d’équité intergénérationnelle. Le résultat des travaux de la CDI donne des orientations importantes, a-t-il estimé. Le délégué a espéré un engagement international contraignant pour clarifier les obligations et apporter une certitude juridique sur les concepts. Il a encouragé à la création d’un groupe de travail pour la création d’une loi type si cela peut attirer le soutien des États.
M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a rappelé que la CDI avait recommandé l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. « Malheureusement, ce vœu est resté lettre morte. » Le délégué a considéré que ledit projet d’articles ainsi que le projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses peuvent servir de point de départ pour le développement progressif du droit international de l’environnement et l’interprétation de ses normes. Le Portugal garde espoir qu’un jour il sera possible d’avoir une convention unique sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses.
M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a rappelé la nécessité d’indemniser les victimes de dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. Il a soutenu le projet d’articles et de principes de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et la réparation des pertes consécutives à de tels dommages. Le délégué a pris note de la recommandation d’élaborer une convention sur la base dudit projet. La nécessité de ne pas affaiblir les travaux de la Commission est un argument souvent avancé sur cette question, a-t-il noté, tout en insistant sur « le coût de l’inertie ». Il a estimé que le maintien du statu quo est porteur d’un risque de fragmentation. La Commission a intérêt à structurer le débat et à agir pour faire suite aux recommandations de la CDI. Enfin, le délégué s’est interrogé sur la fréquence des débats de ce sujet, avant de conclure que le projet est une bonne base pour l’élaboration d’une convention.
M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a estimé que la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses devrait être analysée à la lumière de la Déclaration de Rio. Il est nécessaire d’accorder une attention particulière à la situation et aux besoins des pays en développement, qui sont plus vulnérables sur le plan de l’environnement, a-t-il argué. Le délégué a appelé à un examen minutieux du projet d’articles. Il a ainsi proposé de « recalibrer » le champ d’application, trop étendu, de l’article 1, afin de le faire reposer sur des critères plus concrets. L’alinéa 2 de l’article 2 donne lieu à des différences d’interprétation et devrait être plus clair, a-t-il analysé. Le délégué a également noté que le sens et la portée du terme « dommage significatif » est équivoque et peut exclure des dommages de certaine nature. Il a plaidé pour le développement de la dimension préventive dans le projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. Il a également jugé souhaitable que le projet d’articles comporte un guide de mesures à prendre pour réduire les dommages. Il a enfin noté que le principe de responsabilité objective suscite encore des débats. Sur ce point, il a jugé souhaitable de s’en tenir au projet de principes soumis en 2006.
Mme ANNA V. ANTONOVA (Fédération de Russie) a salué le travail de la Commission du droit international (CDI) sur les articles relatifs à la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. En l’absence de consensus sur le sort desdits articles, elle a estimé qu’ils peuvent être utilisés par les États. Selon la déléguée, il faut continuer à réfléchir à la façon pratique d’utiliser les articles élaborés par la CDI.
Mme YAHAYA (Malaisie) a pris note du projet d’articles et de principes de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et la répartition des pertes consécutives à de tels dommages. La position de mon pays est inchangée, a-t-elle signalé, en rappelant les précédentes déclarations de sa délégation sur le sujet. Elle a demandé une définition de la notion de « dommages significatifs » contenue dans ledit projet. Le terme de dommages transfrontières est également très général, a noté la déléguée. Elle a estimé que le projet adopte une approche « monolithique » de toutes les catégories de dommages. Enfin, elle a rappelé que l’État d’origine peut refuser de fournir une étude d’impact.
M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a noté que le projet d’articles de la CDI reprend le droit coutumier ainsi que des éléments de droit progressif et met l’accent sur l’obligation de prévention. Ce texte, a-t-il noté, a gagné en importance avec le passage du temps et son utilisation par la jurisprudence. Quant au projet de principes, il permet aux États d’adopter des mesures importantes de prévention, aboutissant à un « cercle vertueux ». Le délégué a déclaré que ces textes visent à une amélioration des principes environnementaux et favorisent la prévention et la réparation. Il s’agit de références importantes pour les États, qui peuvent les mettre en œuvre dans leur législation et les invoquer devant les tribunaux internationaux et nationaux, a-t-il affirmé. Pour le délégué, les deux projets représentent « les deux faces d’une même médaille » et doivent être intégrés dans le même instrument. Il a jugé nécessaire de créer un groupe de travail pour analyser leur mise en œuvre à l’échelle nationale et internationale.
M. JEEM LIPPWE (États fédérés de Micronésie) a estimé que le projet d’articles de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses reflète pour la majorité les principes du droit international coutumier. Il a dit que son pays s’est associé à un groupe de pays qui demande un « moratoire sur l’exploitation minière sous-marine ». Le délégué a souhaité qu’il y ait une exigence d’étude d’impact sur l’environnement quand un projet est susceptible d’avoir un effet transfrontière. C’est d’ailleurs l’un des principes clefs des négociations en cours sur un accord international juridiquement contraignant portant sur les ressources marines se trouvant au-delà de la juridiction nationale, a-t-il souligné.
M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) a souligné l’importance du point à l’ordre du jour pour le bon voisinage entre États. Il a pris note du projet d’articles de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses. C’est une étape positive sur la voie de la préparation d’une convention, a dit le délégué. Il a estimé que ce projet est une réponse adéquate aux préoccupations environnementales de la communauté internationale, en notant que le projet contient le principe « pollueur-payeur ». Il a rappelé le droit souverain de chaque État d’exploiter ses ressources naturelles, tout en indiquant que cela ne doit pas occasionner de dommages pour les autres États. En conclusion, le délégué a souhaité que la Commission reste saisie de cette question.
M. ANIL KAYALAR (Türkiye) a estimé que projet d’articles de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et son projet de principes sur la répartition des pertes consécutives à de tels dommages rempliraient mieux leur fonction en tant que documents d’orientation pour les États. Il a donc appelé à les conserver dans leur forme non contraignante. Le délégué a également noté que le rapport du Secrétaire général contient des explications sur les principales préoccupations de son pays concernant le fond des deux projets. La Türkiye, a-t-il noté, n’a invoqué aucun des deux textes devant un tribunal ou autre organe international.
Mme WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a commenté les projets d’articles et de principes préparés par la CDI, estimant qu’il ne faut pas faire de différence entre les travaux relatifs à la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et ceux portant sur la question des compensations. D’après elle, il faut poursuivre le débat sur ces sujets.
LE DROIT DES AQUIFÈRES TRANSFRONTIÈRES
Débat général
M. VINÍCIUS FOX DRUMMOND CANÇADO TRINDADE (Brésil), au nom de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay, a salué le travail de la CDI sur le droit des aquifères transfrontières, en pointant notamment le travail du Rapporteur spécial, qui a fait appel à des experts en hydrogéologie. Il a estimé que le projet d’articles sur le sujet est équilibré. Il a ensuite détaillé l’Accord sur l’aquifère Guarani signé en 2010 par les quatre pays précités. C’est un instrument précieux pour l’intégration de nos pays, a poursuivi le délégué. Cet Accord est une contribution importante de l’Amérique latine à ce droit des aquifères transfrontières puisqu’il s’agit du premier accord multilatéral sur les activités liées à ces aquifères, a-t-il dit. La prochaine étape doit convenir à l’ensemble des délégations, a déclaré le délégué, en souhaitant l’adoption dudit projet sous la forme d’une déclaration de principe.
M. DAVID BIGGE (États-Unis) a relevé que les travaux de la Commission du droit international (CDI) sur les aquifères transfrontières ont constitué une avancée importante en fournissant un cadre possible pour l’utilisation raisonnable et la protection des aquifères souterrains, lesquels jouent un rôle de plus en plus important en tant que source d’eau pour les populations. Les pratiques des États varient considérablement en la matière, a-t-il constaté. Pour les États-Unis, il vaut mieux avoir des arrangements adaptés au contexte pour faire face aux pressions exercées sur les aquifères transfrontières, plutôt que de transformer le projet d’articles de la CDI en un traité ou en principes. Les États concernés devraient tenir compte des dispositions de ces textes lors de la négociation d’arrangements bilatéraux ou régionaux appropriés pour la bonne gestion des aquifères transfrontières, a conclu le délégué.
Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a apprécié que le projet d’articles présenté par la Commission du droit international (CDI) sur les aquifères transfrontières établisse un équilibre entre les besoins humains essentiels, les intérêts des États et la protection des écosystèmes. Saluant une approche moderne de la gestion des ressources naturelles, elle a souligné l’importance de prendre en compte la pratiques des États, que ce soit au niveau bilatéral ou régional, notamment en vue d’élaborer un traité contraignant sur le sujet.
Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a considéré que l’utilisation du projet d’articles de la CDI pourrait assurer une meilleure conservation et une meilleure gestion des aquifères transfrontières. Elle a suggéré que ces articles soient intégrés dans un projet de convention en la matière avec des règles contraignantes pour les États Membres. En attendant, ces textes fournissent des directives pour la signature d’accords et d’arrangements bilatéraux ou régionaux, a dit la déléguée. Elle a noté que l’approche centrée sur le bassin hydrographique est importante au vu de l’interaction étroite entre les eaux de surface et les eaux souterraines.
M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a affirmé que la question du droit des aquifères transfrontières était extrêmement importante, car source de conflits potentiels. Selon lui, les dispositions des articles de la CDI sont bien équilibrées et reflètent le droit international contemporain, notamment par leur ressemblance avec des articles de la Convention sur le droit de la mer. Elles sont en outre compatibles avec la législation de l’Union européenne, a noté le délégué. Il a appelé à élaborer une convention-cadre sur le droit applicable aux aquifères transfrontières.
M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a salué le projet d’articles de la CDI sur le sujet, en rappelant que les aquifères transfrontières constituent une richesse naturelle « vitale » pour les générations présentes et futures. Il a salué la pertinence des projets d’articles qui visent à structurer la gouvernance et les cadres institutionnels pour les aquifères transfrontières. « Ma délégation note avec satisfaction que le projet d’article 3 réaffirme le principe fondamental selon lequel les États conservent la souveraineté sur un aquifère, ou des portions d’un aquifère, situé sur leur territoire. » Les projets d’articles de la CDI offrent une piste crédible à explorer patiemment, et le recours à ces articles devant la Cour internationale de Justice (CIJ) par certains États est une avancée considérable qui donne espoir, à charge pour la Sixième Commission de débattre de manière sereine et de « surmonter les divergences qui émergent entre les délégations qui préconisent l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant, et celles qui sont plus favorables à un instrument non contraignant », a conclu le délégué.