Soixante-dix-septième session,
12e séance plénière, Matin
AG/J/3662

La Sixième Commission entend de vives critiques contre le principe de compétence universelle

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entamé, ce matin, son débat sur la portée et l’application du principe de compétence universelle en entendant une majorité de délégations formuler des critiques acerbes contre la façon dont il est utilisé.  Politisation et compatibilité difficile avec le respect de la souveraineté des États ont été les arguments les plus souvent évoqués.

Premier de la trentaine d’orateurs à avoir pris la parole, le délégué de l’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, a donné le ton du débat, en insistant d’emblée sur les « limites » de ce principe.  « Les tribunaux nationaux qui invoquent le principe de compétence universelle à l’encontre de hauts responsables jouissant de l’immunité violent l’un des principes les plus fondamentaux du droit international, à savoir la souveraineté des États », a-t-il argué. 

Le délégué a rappelé le contexte qui a vu l’inclusion de ce point de l’ordre du jour: le Groupe des États d’Afrique avait demandé, en février 2009, qu’il soit examiné pour remédier à la portée incertaine dudit principe et à ses abus.  « Alarmé » par les implications de ce principe, il a demandé une clarification afin d’éviter toute application erronée.

Même son de cloche du côté de la Fédération de Russie, de Cuba ou bien encore du Pakistan, qui ont déploré les utilisations sélectives du principe de compétence universelle et appelé à éviter « les deux poids, deux mesures ».  La compétence universelle ne peut pas être exercée en vase clos, a asséné la déléguée pakistanaise, en soulignant que ce principe ne peut servir à saper la souveraineté des États.  Le Cameroun y a aussi vu une volonté de « mise sous le boisseau de la souveraineté de l’État ». 

Le délégué de la Chine a appelé à définir la portée du principe de compétence universelle de manière stricte, en s’appliquant à des « cas exceptionnels ».  Il a noté que la compétence universelle s’applique à la piraterie, mais qu’il n’existe pas de règle mutuellement acceptée quant à son application dans d’autres situations.  « Nous regrettons l’application par certains États de la compétence universelle pour des motivations politiques non fondées sur le droit international », a-t-il indiqué.

Des délégations ont néanmoins tenu à souligner l’importance de ce principe dans la lutte contre l’impunité, à l’instar de l’Union européenne, qui a relevé que plusieurs pays en son sein l’appliquent.  Le but est que l’Union européenne ne devienne pas un « sanctuaire » pour les auteurs de crimes graves, a assuré la déléguée.  Mais elle a pris soin de préciser qu’il s’agit d’un « principe d’exception » et d’un « outil parmi d’autres ».  La responsabilité première en matière d’enquêtes et de poursuites incombe à l’État ayant un lien direct avec le crime, a-t-elle rappelé, tandis que son homologue de Singapour a insisté que la compétence universelle ne doit être invoquée qu’en dernier recours.  

La compétence universelle est « un principe fondamental du droit », a déclaré l’Australie, au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, en jugeant qu’il est dans l’intérêt de tous que les crimes graves soient sanctionnés.  « Ce principe doit s’appliquer de bonne foi, à l’abri de toute considération politique », a néanmoins ajouté la représentante australienne.  De son côté, le délégué de l’Allemagne a précisé que plusieurs responsables syriens, coupables d’atrocités, ont été condamnés devant des juridictions allemandes sur le fondement de ce principe.

Les demandes de clarification ont été nombreuses, à l’instar de celle formulée par le Mexique.  Sa déléguée a en effet appelé à expliciter certains aspects de ce principe, notamment sa nature subsidiaire et sa distinction avec la compétence extraterritoriale et le principe aut dedere aut judicare (extrader ou juger).  Son homologue des États-Unis s’est quant à lui dit impatient d’explorer davantage ces questions de la manière la plus pratique possible, en se félicitant des contributions d’un nombre croissant d’États.

La Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 13 octobre, à 10 heures. 

PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE - A/77/186

Débat général

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran), au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur les limites du principe de compétence universelle, en rappelant l’importance de respecter la souveraineté des États, y compris sur le plan judiciaire.  Il a estimé que les tribunaux nationaux qui invoquent le principe de compétence universelle à l’encontre de hauts responsables jouissant de l’immunité violant l’un des principes les plus fondamentaux du droit international, à savoir la souveraineté des États.  Il a rappelé le contexte qui a vu l’inclusion de ce point de l’ordre du jour: le Groupe des États d’Afrique avait demandé, en février 2009, qu’il soit examiné pour remédier à la portée incertaine dudit principe et à ses abus. 

Le délégué s’est ainsi dit « alarmé » par les implications de ce principe de compétence universelle pour la souveraineté des États concernés et a demandé une clarification afin d’éviter toute application erronée.  Il a mis en garde contre toute extension injustifiée des infractions soumises à un tel principe, avant de souhaiter la mise sur pied d’un mécanisme visant à prévenir tout abus dans son application.  « La compétence universelle ne doit pas remplacer les autres compétences, à savoir les compétences de l’État du territoire et de l’État de nationalité. »   Enfin, le délégué a jugé « prématuré » de demander à la Commission du droit international (CDI) de conduire une étude sur tous les aspects de ce principe.

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a insisté sur l’importance du principe de compétence universelle pour combattre l’impunité.  Cependant, les avis et pratiques des État varient beaucoup, a-t-elle reconnu, avant de souligner que la responsabilité première en matière d’enquêtes et de poursuites incombe à l’État ayant un lien direct avec le crime.  Ce principe demeure une « exception », a-t-elle ajouté, et la prévention doit être au cœur de nos discussions.  « C’est un outil parmi tant d’autres. »

La déléguée a précisé que plusieurs pays de l’Union européenne (UE) appliquent ce principe.  L’UE a mis sur pied un réseau européen d’enquêtes et de poursuites en cas de génocide, de crimes contre l’humanité, ou de crimes de guerre, qui permet aux autorités nationales de recevoir une aide dans l’examen de tels crimes.  Le but est que l’UE ne devienne pas un sanctuaire pour les auteurs de crimes graves, a dit la déléguée.  « Une approche axée sur les victimes est fondamentale pour l’application de ce principe. »

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a estimé que la compétence universelle est un principe établi du droit pénal.  Les pays nordiques, a-t-elle indiqué, l’ont tous intégré dans leur législation nationale pour poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité ou le lieu où l’acte a été commis.  Toutefois, il appartient au premier chef à l’État de nationalité de l’auteur ou du lieu où a été commis le crime d’engager des poursuites.  La déléguée a reconnu que l’application du principe de compétence universelle peut soulever des difficultés, mais selon elle il ne faut pas élaborer de liste exhaustive des crimes auxquels le principe s’applique pour ne pas restreindre la possibilité de faire rendre des comptes à leurs auteurs.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a dit que la compétence universelle est « un principe fondamental du droit ».  Il est dans l’intérêt de tous que les crimes graves soient sanctionnés et que leurs auteurs soient punis.  Ce principe doit s’appliquer de bonne foi, à l’abri de toute considération politique, a-t-elle ajouté.

En règle générale, a indiqué la déléguée, la responsabilité première de l’enquête et de la poursuite des crimes internationaux graves incombe à l’État sur le territoire duquel le comportement criminel est censé avoir été commis, ou à l’État de nationalité de l’accusé.  Elle a encouragé les États Membres à intégrer la compétence universelle dans leur législation nationale, conformément au droit international.  La compétence universelle est importante quand la Cour pénale internationale (CPI) ne peut pas exercer sa compétence, a conclu la déléguée.

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a rappelé que la compétence universelle ne devrait être invoquée qu’en dernier recours, lorsque l’État sur le territoire duquel le crime a été commis ou de nationalité de son auteur ne veut pas ou ne peut pas invoquer sa compétence pénale.  Elle ne doit en outre être invoquée que pour les crimes les plus graves, a-t-il ajouté.  Le délégué a rappelé que la compétence universelle doit être distinguée de la compétence prévue dans les traités ou par les tribunaux internationaux.  Enfin, a-t-il affirmé, elle ne peut pas être utilisée sans tenir compte de l’immunité, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États.

M. ALAA NAYEF ZAID AL-EDWAN (Jordanie) a appuyé le principe de compétence universelle, qui permet de lutter contre l’impunité.  « C’est un instrument essentiel de prévention des atrocités. »  Il a souhaité un élargissement de la liste des infractions soumises à ce principe.  La responsabilité première de poursuite incombe à l’État du territoire, a rappelé le délégué.  Il s’est dit favorable au renvoi de cette question devant la Commission du droit international (CDI) afin de lui demander son avis.

Mme ORDUZ DURAN (Colombie) a indiqué que son pays a ratifié des accords contenant des clauses relatives à l’application du principe de compétence universelle pour les crimes les plus graves.  Elle a noté que la définition, la portée et les modalités d’application de ce principe étaient diverses.  La déléguée a espéré que ce point sera bientôt ajouté au programme ordinaire de la Commission du droit international (CDI). 

Mme RABIA IJAZ (Pakistan) a déploré les utilisations sélectives du principe de compétence universelle.  Il est important de combler les lacunes juridiques, a-t-elle également affirmé, tout en appelant à aborder ces sujets de façon « prudente et objective ».  Les recours internes doivent avoir la priorité, a-t-elle rappelé.  L’État où a été commis l’infraction a la responsabilité de mener des enquêtes et lancer des poursuites.  Ce n’est que dans les cas où cet État n’est pas en mesure de traduire les auteurs en justice, ou qu’il ne souhaite pas le faire, que d’autres États peuvent intervenir.  La déléguée a ensuite estimé que ce principe ne doit s’appliquer que dans des cas de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.  « Il faut éviter les deux poids, deux mesures. »  La compétence universelle ne peut pas être exercée en vase clos, a poursuivi la déléguée, en soulignant que ce principe ne peut servir à saper la souveraineté des États.

M. SINA ALAVI (Liechtenstein) s’est félicité de la décision Koblenz du tribunal régional supérieur allemand, avec l’assistance du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, qui a permis de poursuivre deux anciens hauts fonctionnaires syriens sur la base de la compétence universelle.  Malgré ces avancées, l’impunité reste répandue, a regretté le délégué, exhortant à réprimer les crimes les plus graves.  Il a invité les États à rejoindre le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et à renforcer les capacités des autorités judiciaires nationales.  En effet, a-t-il souligné, les systèmes de justice pénale nationaux et internationaux opèrent main dans la main.

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a reconnu que des questions subsistent sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.  Les observations faites par les États, les efforts du Groupe de travail au sein de la Commission et les rapports du Secrétaire général ont été précieux pour nous aider à identifier les divergences d’opinion entre les États ainsi que les points de consensus sur cette question, a noté avec satisfaction le représentant.  En conclusion, il s’est dit impatient d’explorer davantage ces questions de la manière la plus pratique possible, en se félicitant des contributions d’un nombre croissant d’États.

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a appelé à clarifier certaines notions relatives au principe à l’étude, notamment sa nature subsidiaire, la distinction entre la compétence universelle et la compétence extraterritoriale, ou encore la distinction entre la compétence universelle et le principe aut detere aut judicare.  Au sujet de la compétence universelle in abstentia, la déléguée a estimé que la compétence universelle découle de la compétence normative de l’État, tandis que la présence ou l’absence de la personne relève d’un problème de compétence d’exécution.  Elle a appelé à intégrer ce point au programme ordinaire de la Commission du droit international (CDI).  Il s’agit d’un sujet sensible, a admis la déléguée, appelant à œuvrer pour un cadre juridique clair.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a expliqué que depuis 2002, les procureurs allemands peuvent utiliser la compétence universelle.  Des enquêtes et des poursuites peuvent être engagées pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.  Il a indiqué que des affaires de torture perpétrée dans les prisons syriennes par le régime syrien, ainsi que des crimes commis par des membres de Daech contre la population yézidie en Iraq, sont actuellement examinés par les tribunaux allemands.  Il a mentionné l’ouverture en Allemagne d’une enquête sur les crimes de guerre commis en Ukraine dans le cadre de l’agression russe.  Il a enfin précisé que plusieurs responsables syriens ont été condamnés devant des juridictions allemandes.  « Ceux qui commettent des atrocités ne peuvent pas se sentir en sécurité », a averti le représentant.

M. ABDELAZIZ (Égypte) a noté que le recours à la compétence universelle doit être limité aux cas où l’État de nationalité ou sur le territoire duquel le crime a été commis n’a pas la capacité ou la volonté d’agir.  Il a rappelé l’importance des principes du droit international, à savoir la souveraineté des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ainsi que les immunités.  Le délégué a mis en garde contre l’élargissement de ce principe par certains États et tribunaux.  Il a réitéré que les discussions doivent aller dans le sens d’un consensus, invitant à ne pas se précipiter.

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a souligné le rôle fondamental du principe de compétence universelle dans la lutte contre l’impunité.  Il est impératif que les victimes de crimes graves puissent avoir accès à la justice et obtenir une réparation complète, a-t-elle dit.  El Salvador s’est doté d’un cadre juridique solide permettant de mettre en pratique ce principe, qui est mentionné dans son code pénal, a expliqué la déléguée.  Elle a aussi précisé que son pays est partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Enfin, elle a insisté sur l’importance d’une meilleure application normative de ce principe.

M. KAI LI (Chine) a appelé à définir la portée du principe de compétence universelle de manière stricte.  En effet, l’exercice de la compétence par un État ne devrait pas saper la souveraineté d’un autre État mais reposer sur l’existence de liens réels et suffisants avec l’État concerné.  Pour le délégué, il faut « limiter l’application du principe de compétence universelle à des cas exceptionnels ».  Il a en outre rappelé qu’elle doit reposer sur un consensus international vaste.  À ce titre, il a noté que la compétence universelle s’applique à la piraterie, mais qu’il n’existe pas de règle mutuellement acceptée quant à son application dans d’autres situations.  Il a également mis en garde contre l’utilisation « abusive » de ce principe, appelant au respect de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.  Le délégué a regretté l’application par certains États de la compétence universelle pour des « motivations politiques » non fondées sur le droit international.  Les tribunaux nationaux devraient s’abstenir d’y avoir recours pour éviter les différends entre États, a-t-il insisté.  Compte tenu de l’importance de la nature politique de la question, la Chine juge « prématuré » de renvoyer cette question à la Commission du droit international (CDI).

M. FOX DRUMMOND CANCADO TRINDADE (Brésil) a remarqué que le rapport du Secrétaire général sur la portée et l’application du principe de compétence universelle confirme que la pratique des États en matière de compétence universelle n’est pas homogène.  Cette pratique varie notamment sur l’éventail des crimes qui déclenchent la compétence universelle.  Il a estimé néanmoins qu’il existe des bases communes sur lesquelles travailler pour construire progressivement un consensus, avant de mettre en garde contre toute application arbitraire de ce principe.  La compétence universelle est subsidiaire à celle des États ayant compétence principale, a souligné le délégué.  Enfin, il a souligné les « circonstances exceptionnelles » retenues par le code pénal brésilien pour l’application de ce principe.

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a estimé qu’il serait utile d’examiner l’ensemble des rapports du Secrétaire général sur la portée et l’application du principe de compétence universelle afin d’avoir une idée plus claire des divergences et convergences de vues entre États.  D’après le délégué, une analyse juridique du sujet par la Commission du droit international (CDI) pourrait également contribuer à la réduction des sensibilités.  À ce titre, il a soutenu l’ajout de ce point à son programme de travail.

M. MAREK ZUKAL (République tchèque) a dit que le principe de compétence universelle est « parfois la seule solution viable pour vaincre l’impunité ».  Mon pays a incorporé cette notion dans son droit interne, a indiqué le délégué.  Si ce principe permet d’éviter qu’un seul crime soit commis, cela vaut la peine de l’appliquer, a-t-il poursuivi.  Il a dénoncé les crimes odieux perpétrés en Ukraine à la suite de l’agression russe.  Enfin, le délégué a préconisé de renvoyer le sujet à la Commission du droit international (CDI), afin d’apporter les clarifications nécessaires et d’avancer.  Le résultat des travaux de la CDI reviendrait ensuite à la Sixième Commission, qui garderait ainsi la main sur une décision future, a-t-il assuré.

M. MORA FONSECA (Cuba) a fait valoir que la compétence universelle ne peut être utilisée pour miner l’intégrité et les valeurs des États et de leur système juridique « à des fins politiques sélectives ».  L’application de ce principe par les tribunaux doit être fondée sur les principes d’égalité souveraine des États et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures.  Il a considéré que la compétence universelle doit conserver un caractère complémentaire limité à des circonstances exceptionnelles, lorsqu’il n’y pas d’autre moyen d’éviter l’impunité.  Il a aussi réitéré l’importance des immunités qui ne doivent pas être remises en question.  En conclusion, le représentant a appelé à limiter les infractions auxquelles cette compétence s’applique.

M. ALAN EBUN GEORGE (Sierra Leone) s’est dit préoccupé par l’absence de progrès tangibles sur ce point à l’ordre du jour de la Sixième Commission, et ce, en dépit des rapports du Secrétaire général confirmant une pratique croissante des États fondée sur le principe de compétence universelle.  La Sierra Leone n’accepte la compétence universelle que pour les violations graves des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, par le biais de sa loi de 2012 y relative.  Le délégué a espéré que des progrès seront enregistrés cette année dans l’étude de ce sujet, en estimant ces progrès « possibles ».  « Il convient de séparer considérations politiques et considérations juridiques si nous voulons progresser », a-t-il conclu, en dénonçant toutefois les abus dans l’application de ce principe.

Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a souligné l’importance de la compétence universelle pour compléter la compétence des tribunaux nationaux, qui doivent juger en priorité les crimes commis sur leur territoire.  Elle a appelé les États à poursuivre les auteurs de crimes internationaux graves à travers la coopération.  Il convient de combler les lacunes dans les juridictions nationales par le biais de mécanismes multilatéraux efficaces, a recommandé la représentante.  À ce titre, elle a rappelé l’initiative MLA pour l’entraide judiciaire mutuelle et la coopération entre États.

M. WALEED AL-ZAHRANI (Arabie saoudite) a considéré que la question de la portée et de l’application du principe de compétence universelle mérite l’attention de tous les experts, en soulignant la nécessité de mettre un terme à l’impunité pour les crimes les plus graves.  Il a néanmoins appelé à la cohérence dans l’application de ce principe, qui doit respecter la souveraineté des États et les immunités de ses représentants.  Il faut réprimer toute atteinte aux principes du droit international, a averti le délégué.  Il a préconisé la rédaction d’un guide pour assurer une cohérence des pratiques dans ce domaine.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a souligné la portée et l’application complexes du principe de compétence universelle et l’importance de respecter les principes d’égalité souveraine des États et de non-ingérence dans leurs affaires intérieures, ainsi que les immunités.  Il s’est dit préoccupé par l’utilisation faite par certains États de la compétence universelle pour tous les crimes graves, qui constitue selon lui une volonté de « mise sous le boisseau de la souveraineté de l’État ».  Le délégué a appelé à ce que la compétence universelle respecte l’état de droit et les principes fondamentaux de la justice pénale.  La subsidiarité doit être la règle, a-t-il poursuivi, soulignant que la juridiction nationale ou territoriale doit être la première compétente.  Le délégué a encore relevé que les immunités appartiennent à l’État qui, seul, peut les lever.  Il a ainsi jugé inacceptable de lever l’immunité rationae personae du plus haut représentant de l’État pendant son mandat.  À ce stade, il a souhaité que la réflexion continue pour mieux encadrer ce principe en tenant compte de l’équilibre entre la justice et les droits souverains des États.  Le pays a inscrit dans son code pénal des dispositions donnant compétence aux juridictions camerounaises pour connaître de certains crimes de ses ressortissants où qu’ils soient commis.  « Aucun peuple ne peut s’accommoder de la punition venue d’ailleurs et qui plus est, administrée par un étranger », a-t-il tranché.

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) a souligné l’absence de consensus autour du principe de compétence universelle.  Il a remarqué qu’il existait des « chevauchements importants » entre la compétence universelle et les régimes d’extradition ou de poursuite.  Prenant note des contraintes pratiques liées à l’exercice de la justice par le biais de la compétence universelle, le délégué a remarqué que la primauté de l’approche territoriale du principe de compétence universelle reflétait une réalité: les autorités de l’État sur le territoire duquel une infraction est commise sont généralement les mieux placées pour poursuivre cette infraction, notamment en raison des avantages évidents que présente l’obtention des preuves et des témoins nécessaires au succès des poursuites.  En conclusion, le délégué s’est dit prêt à participer aux discussions du Groupe de travail.

M. ALEXANDER S. PROSKURYAKOV (Fédération de Russie) a appelé à la vigilance en l’absence de consensus sur les conditions d’application du principe de compétence universelle.  Quoi qu’il en soit, l’application de ce principe doit être conforme aux engagements du droit international, notamment l’immunité des hauts représentants.  Le délégué a appelé au renforcement des mécanismes de coopération et d’entraide judiciaire en matière pénale.  Compte tenu des éléments à sa disposition, il lui a paru difficile d’envisager des progrès sur cette question.  Il a regretté que certaines déclarations critiquent la Fédération de Russie.  Le délégué a rappelé que la compétence universelle a été inscrite à l’ordre du jour de la Commission en raison de son utilisation « abusive » par certains États.  Son rôle n’est donc pas de renforcer les institutions, mais de prévenir l’utilisation abusive de ce principe.

M. MEDAH (Burkina Faso) a estimé que l’application du principe de compétence universelle constitue l’un des mécanismes les plus appropriés de lutte contre l’impunité.  En tant qu’exception au principe de territorialité du droit pénal national, « l’exercice de la compétence universelle reste, souvent pour les plus vulnérables, l’ultime rempart contre la barbarie », a-t-il rappelé.  Le Burkina Faso a ainsi réaffirmé son attachement au principe de compétence universelle dans le code pénal et le code de procédure pénale adoptés respectivement le 31 mai 2018 et le 29 mai 2019.  Sur le fondement de ces codes, a expliqué le délégué, les juridictions burkinabés ont compétence pour connaître des crimes internationaux tels que les crimes de guerre, les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité quel que soit le lieu où ces crimes ont été commis et quelle que soit la nationalité de l’auteur, du complice ou de la victime de ces crimes.  Il a estimé que les réflexions doivent s’orienter vers les modalités de renforcement de la coopération entre les États en vue d’aboutir à une coordination plus efficace dans la lutte contre l’impunité.  Ce principe ne s’applique lorsque l’État compétent ne peut ou ne veut poursuivre les auteurs de crimes graves, a conclu le délégué, en rappelant l’importance de respecter la souveraineté des États.

M. PAHALA RALLAGE SANATHANA SUGEESHWARA GUNARATNA (Sri Lanka) a noté que la portée du principe de compétence universelle n’est pas uniforme et peut varier selon les situations.  Il a appelé à la prudence face à la complexité des questions et aux difficultés d’interprétation de la jurisprudence.  Il faut faire en sorte que des principes plus clairs guident l’utilisation de la compétence universelle par les tribunaux nationaux, a recommandé le délégué.  Il a mis en garde contre l’exercice « imprudent » de la compétence universelle, qui pourrait menacer la paix internationale dans les pays qui se relèvent d’une crise ou d’un conflit.  La compétence universelle permet de réduire l’inégalité dans la justice internationale, a reconnu le représentant.  Néanmoins, il a souligné que les États moins puissants sont les plus vulnérables, ce qui peut conduire à une utilisation irresponsable de la compétence universelle qu’il convient d’atténuer.

Mme KAJAL BHAT (Inde) a souligné que l’application du principe de compétence universelle ne peut être un but en soi, en insistant sur les lacunes qui existent dans sa compréhension.  C’est la nature de certains crimes qui déclenche l’application de ce principe, a dit la déléguée.  Elle a rappelé que la piraterie constitue le seul crime qui déclenche ce principe de manière non controversée.  L’application de ce principe doit être expressément prévue par un traité, a-t-elle estimé.  Enfin, la déléguée a mis en garde contre toute application abusive de ce principe et souhaité des clarifications sur les crimes entrainant son application.

M. KYAW MOE TUN (Myanmar)a relevé que les États Membres ont des opinions divergentes sur le sens, la portée et l’application du principe de compétence universelle celle-ci pouvant donner lieu à une utilisation abusive.  Il convient donc d’éclaircir la portée et l’application de ce principe au travers du consensus, a-t-il affirmé.  Le représentant a souligné les difficultés auxquelles le Myanmar est confronté et les souffrances infligées à son peuple par la « junte militaire illégale ».  À ce titre, il a regretté ne pas avoir reçu d’aides à la hauteur de l’appel lancé à la communauté internationale.  Il a considéré que le principe de compétence universelle est un outil complémentaire qui doit être utilisé de bonne foi lorsqu’un État ou un groupe d’États ne peut pas ou ne veut pas utiliser sa compétence.  Il faut l’utiliser lorsqu’une action décisive fait défaut, notamment lorsque le Conseil de sécurité n’est pas en mesure d’agir, a-t-il ajouté.

Mme MOTSEPE (Afrique du Sud) a vu dans le principe de compétence universelle un instrument important dans la lutte contre l’impunité.  Elle a demandé des règles claires sur la portée et l’application de ce principe afin d’éviter toute politisation.  Elle s’est félicitée de la création d’un groupe de travail et a salué les clarifications apportées jusqu’à présent.  « Toute politisation pourrait sonner le glas de ce principe important. »  La responsabilité première en matière d’enquête et de poursuite incombe à l’État du territoire ou à l’État de nationalité, a rappelé la déléguée.  Enfin, elle a indiqué que le principe de compétence universelle existe dans le droit sud-africain, avant de mentionner les crimes pour lesquels il s’applique, tels que les activités terroristes, l’esclavage ou la piraterie. 

M. ABDOU NDOYE (Sénégal) a affirmé que « le principe de compétence universelle constitue l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir et réprimer les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale », en particulier ceux définis dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a souligné que le Sénégal a intégré la compétence universelle ou « quasi-universelle » dans son dispositif juridique.  Le délégué a rappelé que la compétence universelle doit respecter la souveraineté, l’égalité et la non-ingérence des États.  Il a souligné qu’elle ne saurait être invoquée que lorsque l’État n’est pas en mesure de l’exercer ou ne veut pas enquêter sur les auteurs présumés des crimes les plus graves.  En conclusion, il a mis l’accent sur l’urgence de parvenir à un consensus sur les fondements et le champ d’application du principe de compétence universelle, insistant sur le rôle de la Commission du droit international (CDI) dans « l’opérationnalisation » dudit principe.

M. MEKONNEN DEMISSIE (Éthiopie) a indiqué que le droit éthiopien comprend le principe de compétence universelle pour certains crimes, tels que les activités terroristes.  Il a toutefois souligné le scepticisme qui entoure ce principe, en appelant à une application « non-sélective ».  Ce principe est parfois utilisé à des fins qui n’ont rien à voir à la justice, a expliqué le délégué, en ajoutant qu’il doit être utilisé en dernier recours.  La responsabilité première en matière d’enquêtes et de poursuites incombe à l’État du territoire.  Enfin, il a appelé au respect de l’immunité des représentants de l’État, avant de noter l’absence de consensus autour des crimes qui déclenchent l’application dudit principe.

M. JHON GUERRA SANSONETTI (République bolivarienne du Venezuela) a souligné l’importance de limiter l’application du principe de compétence universelle aux crimes et délits qui intéressent la communauté internationale dans son ensemble.  Il faut respecter l’égalité souveraine des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures dans le cadre de toute procédure judiciaire.  La compétence universelle devrait conserver sa nature complémentaire lorsque les tribunaux ne peuvent pas ou ne veulent pas exercer leur compétence, a insisté le délégué.  Il a rappelé que c’est le recours non justifié à ce principe contre des fonctionnaires africains qui a mené le Groupe des États africain à demander son inscription à l’ordre du jour de la Sixième Commission.  Rejetant toute tentative d’utiliser cet outil pour déstabiliser l’ordre international, il a évoqué l’existence d’autres moyens, notamment la coopération, l’échange d’information et l’entraide judiciaire. 

M. ALAJEELI (Émirats arabes unis) a souligné l’importance de la lutte contre l’impunité.  L’application du principe de compétence universelle doit concerner des crimes graves et précis et vient en complément de la compétence des juridictions nationales, a-t-il précisé.  Ce principe ne peut servir à saper la souveraineté des États et ne doit pas être politisé, a mis en garde le délégué, en souhaitant un rapprochement des positions des délégations sur ce point.

M. CHOI TAEEUN (République de Corée) a noté l’importance du principe de compétence universelle tout en mettant en garde contre les dangers de son abus à des fins politiques.  La République de Corée a intégré la compétence universelle à son droit interne, a-t-il souligné. 

Mme NYNKE DIEUWKE STAAL (Pays-Bas) a noté la diversité des pratiques et des vues des États sur ce sujet, avant de détailler la pratique de son pays, en citant plusieurs lois.  Elle a ainsi déclaré que son pays peut déclencher des enquêtes au titre de la compétence universelle si la personne suspectée est présente sur le territoire néerlandais.  Elle s’est en outre dite favorable à un rapport de la Commission du droit international (CDI) sur le sujet.

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