En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-septième session,
11e séance plénière, Matin
AG/J/3661

La Sixième Commission décortique le projet d’articles relatif aux crimes contre l’humanité et examine l’administration de la justice à l’ONU

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a terminé, ce matin, ses discussions relatives aux crimes contre l’humanité, avant d’examiner la question de l’administration de la justice à l’ONU.  Si la vingtaine d’interventions ont, comme hier, mis en évidence des divergences sur l’opportunité d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles avancé par la Commission du droit international (CDI), les délégations se sont plutôt concentrées sur divers points de fond dudit projet.

Une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité permettrait de « renforcer l’architecture actuelle du droit international humanitaire, du droit pénal international et du droit international des droits de l’homme », a résumé le délégué de la Tunisie.  Un avis partagé par plusieurs de ses homologues, dont le délégué de Maurice pour qui une convention aurait un effet dissuasif et fournirait des outils en matière d’enquête et de poursuite. 

La question de l’élaboration d’un traité s’est néanmoins heurtée aux objections d’États qui, à l’instar de la Chine, ont appelé à la prudence en raison d’importantes difficultés sur des aspects essentiels du projet d’articles, à commencer par la définition même du crime.  À ce titre, l’Arabie saoudite et le Pakistan ont mis en garde contre l’introduction de définitions de la torture, de l’esclavage et des disparitions forcées qui divergent de celles déjà consacrées dans les conventions existantes.

« Nous nous heurtons encore au problème de la compétence universelle, qui n’est pas non plus consensuel, a pour sa part observé le délégué de l’Algérie.  Cette déclaration a fait écho à celle de son collègue saoudien, qui a relevé que le projet d’articles élargissait la portée de la compétence universelle alors que cette notion faisait l’objet de discussions, y compris au sein de la CDI.

Mis en relation avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), le débat sur le projet de convention a continué de diviser.  Alors que des États comme la Palestine et le Nigéria ont réitéré leur attachement à la CPI, la Chine a noté des difficultés à ce sujet et souligné l’absence d’adhésion universelle au Statut de Rome.

Face à ces désaccords, certains États ont, à l’instar de l’Indonésie, regretté que le projet de résolution présenté par le Mexique pour créer un comité spécial chargé d’examiner ledit projet d’articles « s’écarte de la pratique habituelle du consensus » au sein de la Sixième Commission.  À cet effet, la Türkiye a recommandé que les États Membres présentent leurs points de vue par écrit. 

La Tunisie a rétorqué que la création d’un tel comité permettrait justement un débat « plus structuré » ouvrant une pleine participation à l’ensemble des États Membres lors de l’intersession.  Les délégués de la France, de la Grèce, de la Belgique, des Pays-Bas ou encore d’Israël ont abondé en ce sens.

Les délégués de la Belgique et des Pays-Bas ont également rappelé leur rôle dans l’initiative en matière d’entraide judiciaire (MLA), qui poursuit l’objectif de lutte contre l’impunité pour des crimes les plus graves en se concentrant sur l’élaboration d’un cadre moderne et détaillé pour l’entraide judiciaire et l’extradition.  Ce projet viendrait utilement compléter la convention sur les crimes contre l’humanité, a souligné la déléguée des Pays-Bas.

La Sixième Commission s’est ensuite tournée vers la question de l’administration de la justice à l’ONU.  La douzaine d’intervenants sur ce point de l’ordre du jour se sont accordés pour souligner l’importance d’un système judiciaire efficace et transparent.

Face à l’augmentation des différends et à l’arriéré des affaires en instance devant le Tribunal du contentieux administratif, relevés par l’Union européenne, le Cameroun ou encore les Pays-Bas, les intervenants ont appelé à renforcer le système.  Ils se sont également félicités du recours croissant aux services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies, qui permettent une résolution peu onéreuse et efficace des différends.  À ce titre, le Mexique et la Suisse ont insisté sur la nécessité d’ouvrir l’accès à la médiation aux non-fonctionnaires et appuyé le projet pilote visant à introduire une discussion obligatoire sur la médiation comme première étape.

L’importance d’aborder les questions des représailles et du harcèlement a été soulignée par l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande, au nom également du Canada et de la Nouvelle-Zélande, ou encore le Mexique.  Dans ces cas de figure, le Cameroun a estimé qu’il incombait au Tribunal du contentieux administratif d’établir que la faute a été commise.

La Commission abordera demain, à partir de 10 heures, la portée et l’application du principe de compétence universelle. 

CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Suite du débat général

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les discussions au sein de la Commission reflètent la détermination de la communauté internationale à réprimer les crimes contre l’humanité.  Mais il a prôné la prudence quant à l’opportunité d’élaborer une convention, en soulignant l’importance du consensus.  Le délégué a identifié plusieurs difficultés, dont la définition même de ces crimes, la relation avec la Cour pénale internationale (CPI) et l’harmonisation avec le droit interne.  Il a déploré que certaines délégations aient introduit un projet de résolution, en se disant prêtes à une mise aux voix, alors que « l’unité et le consensus sont cruciaux ».  Il a aussi dénoncé les pays qui ont « instrumentalisé » cette notion de crimes contre l’humanité pour montrer du doigt d’autres pays.  Le délégué s’est dit favorable à des discussions approfondies. 

Mme ENIOLA OLAITAN AJAYI (Nigéria) a appelé à la poursuite des efforts pour lutter contre l’impunité en cas de crimes contre l’humanité.  Elle a noté qu’à l’échelle nationale, son pays a mis en place un groupe de travail sur ces questions, ouvert une base de travail électronique qui recense les crimes graves et nommé des procureurs et enquêteurs spéciaux pour les crimes graves.  Les États devraient se doter de cadres juridiques solides pour lutter contre l’impunité, a-t-elle déclaré.  La déléguée a réitéré le soutien de son pays au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et invité les États qui n’y sont pas parties à y adhérer.

M. ELISA DE RAES (Belgique), déclarant que la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale a toujours figuré parmi les priorités de la Belgique, a soutenu l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles « tel que recommandé par la Commission ».  Une telle convention comblerait en effet la lacune existante en droit conventionnel, a-t-il ajouté, se disant ensuite d’avis qu’un comité ad hoc de l’Assemblée générale, « doté d’un mandat clair et d’un calendrier bien défini », serait un cadre approprié pour débattre de différentes approches et avancer vers la convocation d’une conférence diplomatique.  Par ailleurs, le représentant a rappelé l’existence de l’initiative en matière d’entraide judiciaire-Mutual Legal Assistance Initiative (MLA)- lancée par l’Argentine, la Belgique, la Mongolie, les Pays-Bas, le Sénégal et la Slovénie, et qui poursuit le même objectif de lutte contre l’impunité pour les crimes les plus grave.  L’initiative MLA se concentre sur la création d’un cadre moderne et détaillé pour l’entraide judiciaire et l’extradition à l’égard des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, a-t-il précisé, en espérant que les travaux sur ce projet et celui d’une convention se poursuivront de manière fructueuse.

Mme WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a rappelé que seuls les crimes contre l’humanité ne font pas l’objet d’une convention.  Elle a jugé essentiel de combler ce vide juridique eu égard à ce qui se passe dans le monde, en particulier en Ukraine.  Elle s’est dit favorable à l’élaboration d’un texte sur la base du projet d’articles de la Commission du droit international (CDI), avant d’appuyer l’idée de créer un comité spécial pour faire avancer les discussions.  Enfin, la déléguée, rappelant que son pays participe à l’initiative en matière d’entraide judiciaire-Mutual Legal Assistance Initiative (MLA)-, a souligné l’importance d’avancer vers l’élaboration d’une convention sur l’entraide judiciaire qui viendrait utilement compléter la convention sur les crimes contre l’humanité.

M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a déclaré qu’en élaborant le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, la Commission du droit international (CDI) s’est acquittée de manière exemplaire du rôle qui est le sien, à savoir identifier une lacune dans le dispositif conventionnel multilatéral, étudier les pratiques étatiques et les opinions juridiques, codifier les règles existantes du droit international coutumier en la matière et recommander un développement progressif du droit international.  La Tunisie, a-t-il ajouté, estime que le projet d’articles élaboré par la CDI constitue une bonne base pour la négociation d’une convention internationale « qui viendrait combler cette lacune du droit international conventionnel et renforcer l’architecture actuelle du droit international humanitaire, du droit pénal international et du droit international des droits de l’homme ».  Le représentant, commentant ensuite la décision prise par la CDI en 2019 de recommander à l’Assemblée générale l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, y a vu une « avancée notable ».  « Toutefois, il n’y a guère eu de progrès depuis lors. »  C’est pourquoi le représentant a plaidé pour la tenue d’un débat « plus structuré » auquel tous les États Membres pourraient participer pleinement.  À cet égard, la création d’un comité spécial qui se réunirait pendant l’intersession et disposerait du temps et des ressources nécessaires serait la meilleure manière d’organiser un tel débat, a-t-il dit, en appuyant la proposition du Mexique. 

M. NAIF ABDULKARIM A. ALZAHRANI (Arabie saoudite), estimant qu’il serait contre-productif d’introduire de nouvelles définitions, a appelé à utiliser des termes déjà consacrés dans des conventions, comme pour l’esclavage ou la torture.  Il a mis en garde contre l’élargissement de la portée du principe de compétence universelle dans le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI), notant que la notion fait l’objet de discussions et qu’elle est appréhendée de manière diverse dans les ordres internes des États.  Le délégué a également réitéré son attachement à la méthode du consensus au sein de la Sixième Commission.

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a rappelé que seuls les crimes contre l’humanité ne font pas l’objet d’une convention.  Elle s’est dit favorable à l’élaboration d’un texte sur la base du projet d’articles de la Commission du droit international (CDI), afin de renforcer le cadre international.  Elle a souhaité des avancées concrètes sur ce point, avant de louer la grande qualité du travail de la CDI.  Il faut aller enfin de l’avant, a conclu la déléguée en appuyant l’idée de créer un comité spécial pour faire avancer les discussions. 

M. MOHAMED FAIZ BOUCHEDOUB (Algérie) a salué les travaux importants de la Commission du droit international (CDI) en matière de codification et de promotion du droit international.  Néanmoins, le projet de résolution du Mexique à l’examen, s’il comprend bien des aspects positifs comme la mention que chaque État peut exercer sa compétence et traiter des crimes contre l’humanité, comporte encore beaucoup d’éléments clefs « ambigus ».  C’est pourquoi le représentant a prôné des négociations de fond à la Sixième Commission, notamment sur la responsabilité des personnes juridiques ou sur la mise en œuvre de la compétence sur le terrain.  « Nous nous heurtons encore au problème de la compétence universelle, qui n’est pas non plus consensuel », a-t-il ajouté.  Enfin, le représentant a rappelé que son pays attend de tout projet de texte sur les crimes contre l’humanité qu’il promeuve et consacre les buts et principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, « plus particulièrement l’égalité souveraine des États et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures ». 

Mme ROSSA (État plurinational de Bolivie) a rappelé que la Bolivie a été victime d’actes violents lors du coup d’État de 2019 qui pourraient être constitutifs de crimes contre l’humanité.  Les forces de police et les militaires ont commis des actes promus par la haine à l’encontre des peuples autochtones, y compris des exécutions, a-t-elle précisé.  Elle a appelé à créer un instrument international pour compléter les textes à l’échelle nationale, afin que ces crimes ne restent pas impunis et de combler un grand vide juridique sur cette question.

Mme NURUL AINY YAHAYA (Malaisie) a déclaré qu’aucun responsable de crimes contre l’humanité ne doit échapper à la justice, avant d’invoquer les souffrances des Palestiniens et des Rohingya.  Elle a loué le travail de la Commission du droit international (CDI) et appuyé la poursuite des discussions sur l’élaboration d’un texte sur la base du projet d’articles de la CDI, avant de prôner « la prudence » dans ce domaine.

M. MICHAEL STELLAKATOS LOVERDOS (Grèce) a appuyé les recommandations de la Commission du droit international (CDI) pour l’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles recommandé par celle-ci.  Pour le représentant, il est temps de prévoir une approche « inclusive et efficace » ainsi qu’un cadre propice à la discussion vers la négociation d’un traité.  Un tel cadre devrait clairement indiquer la voie à suivre et un calendrier pour atteindre des résultats concrets, a-t-il ajouté, invitant les États à se pencher de manière constructive sur le projet de résolution présenté par le Mexique et d’autres délégations.

Mme VREESHINI RAOJEE (Maurice) a appelé la Commission à considérer le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) par le biais de la création d’un comité spécial afin de procéder à un travail de fond dans un cadre spécifique.  Un tel traité sur les crimes contre l’humanité permettrait de servir de dissuasion et de fournir des outils en matière d’enquête et de poursuite, a-t-elle avancé.  La représentante a affirmé qu’il n’y a pas de raison d’État qui justifie de saper la volonté de la communauté internationale de combattre les crimes contre l’humanité.  Mettant toutefois en garde contre des régimes existants qui peuvent donner l’impression que seules certaines personnes sont ciblées, elle a souligné la nécessité de développer un régime impartial.

M. KHADDOUR (République arabe syrienne) a déclaré que la codification des crimes contre l’humanité se heurte à un obstacle majeur qui empêche tout progrès réel, à savoir que cette question est toujours abordée selon des conjonctures historiques différentes du monde actuel.  Les conflits armés ont changé de nature, a-t-il souligné, provoquant un mélange des concepts où la description même des actes commis pendant les conflits devient impossible.  Comment appeler le pillage des ressources d’un État privant un peuple de sa sécurité alimentaire? a-t-il demandé.  Selon lui, certains États justifient l’ingérence au prétexte de la lutte contre le terrorisme ou du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Le représentant a vu dans ces agissements l’expression d’un deux poids, deux mesures qui masque mal la « duplicité » des politiques sélectives et les prétentions hypocrites de ceux qui se disent soucieux de poursuivre les crimes les plus graves.  « Ces États qui affichent un enthousiasme démesuré sur un projet de convention sur les crimes contre l’humanité sont les mêmes qui provoquent ces nouveaux types de conflit qui alimentent l’extrémisme au sein des sociétés », a accusé le représentant.  Il a appelé à prendre en compte les définitions que donnent eux-mêmes les États et leurs immunités.

Mme OZGUL BILMAN (Türkiye) a soutenu que la coopération interétatique doit être au cœur des efforts de lutte contre les crimes contre l’humanité.  Ce sujet et le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) doivent faire l’objet d’échanges approfondis entre États, a dit la déléguée, en soulignant la complexité des enjeux.  « Il nous faut aller de l’avant. »  Elle a prôné une approche graduelle, laquelle est indispensable afin de préserver l’intégrité des normes internationales régissant ces crimes et d’éviter tout abus.  Elle a appelé à respecter la pratique établie au sein de la Commission et recommandé que les États Membres présentent leurs points de vue par écrit.  Le consensus a toujours prévalu au sein de la Commission pour des raisons admises par tous, a conclu la déléguée.

Mme RABIA IJAZ (Pakistan) a estimé que le projet d’articles et les commentaires de la Commission du droit international (CDI) sont un bon point de départ.  « Il serait néanmoins prématuré d’en tirer des conclusions sans discuter plus avant de leur contenu », a-t-elle indiqué.  La déléguée a rappelé l’absence de consensus sur les articles relatifs à une définition élargie de la compétence universelle.  Elle a également mis en garde contre l’introduction de définitions de la torture, de l’esclavage et des disparitions forcées qui divergent de celles contenues dans les conventions existantes.  Elle s’est dit favorable à la création d’un groupe de travail distinct pour débattre de ces points de fond en se concentrant sur les questions juridiques.

M. ANDY ARON (Indonésie) a fait observer que les crimes contre l’humanité sont plus fréquemment commis que les crimes de guerre « car ils peuvent être perpétrés en dehors de tout conflit ».  Il a souligné l’importance de préserver le consensus sur ce sujet, en rappelant que la responsabilité première en matière de répression incombe aux États.  Il a détaillé les efforts de son pays dans ce domaine, s’agissant notamment de la protection des témoins de tels crimes.  Nous sommes prêts à tout mettre en œuvre pour avancer dans nos discussions dans le respect du consensus, a assuré le délégué.

Mme YARDEN RUBINSHTEIN (Israël) a souligné que son pays reste favorable à la tenue de discussions pour régler les questions en suspens en vue de l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité.  Nous sommes prêts à apporter des contributions de fond et de forme sur un tel projet afin de surmonter les divergences de vues persistantes et aller de l’avant, a-t-elle assuré, apportant son appui à la création d’une comité spécial chargé d’étudier le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI).  La représentante a tenu à souligner que seules des discussions inclusives et cohérentes entre États Membres au sein de la Commission permettront de trouver un terrain d’entente.  Il faut qu’il soit mis un terme à l’impunité pour les crimes les plus graves commis à l’échelle internationale, a-t-elle conclu. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a appelé à combler le vide juridique et à adopter une approche cohérente pour lutter contre les crimes contre l’humanité en renforçant la coopération et l’entraide judiciaire.  Elle s’est dite favorable à ce que le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) serve de base à une convention sur le sujet.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a rappelé que la responsabilité première en matière de prévention et de répression des crimes contre l’humanité incombe aux États.  Ces crimes sapent les valeurs communes du genre humain, a déploré le délégué.  Il a jugé essentiel de détecter les signes précoces de la perpétration de tels crimes.

Mme LOUREEN O. A. SAYEJ (Palestine) a appelé à l’universalisation du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Elle a appuyé les recommandations de la Commission du droit international (CDI) visant à élaborer une convention universelle sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité sur la base de son projet d’articles.  Il ne s’agit pas simplement d’un exercice juridique, mais d’efforts concrets pour protéger l’humanité, a plaidé la déléguée.

Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a convenu qu’une convention mondiale sur les crimes contre l’humanité renforcerait encore le cadre actuel de l’action humanitaire internationale, du droit pénal international et des droits de l’homme.  Par conséquent, sa délégation soutient la poursuite des discussions sur le projet d’articles adopté par la Commission du droit internationale (CDI) en 2019, a-t-il ajouté.  Il a noté que l’élaboration de toute convention sur le sujet doit se concentrer sur la codification du droit coutumier existant et la promotion de la coopération internationale.  La convention devrait également garantir que les efforts de prévention et de répression des crimes contre l’humanité respectent la souveraineté des États et le principe de non-ingérence dans leurs affaires intérieures, a encore souligné Mgr Caccia. 

ADMINISTRATION DE LA JUSTICE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES - A/77/156A/77/151A/77/130

Débat général

Mme POPAN, de l’Union européenne, a déclaré qu’un système judicaire transparent et indépendant est crucial pour préserver la crédibilité de l’ONU.  L’Organisation a progressé mais beaucoup reste encore à faire, notamment pour celles et ceux qui n’appartiennent pas au personnel onusien.  Elle a noté les retards enregistrés dans le traitement des affaires et invité le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies et le Tribunal d’appel des Nations Unies à y remédier. 

Soulignant l’importance de questions disciplinaires, la déléguée a jugé que les cas de harcèlement et de représailles sont inacceptables.  « Plusieurs femmes directrices sont évaluées de manière différente que leurs homologues masculins », a-t-elle par ailleurs regretté.  Elle a souhaité que l’anonymat des plaignants dans certaines affaires soit préservé.  Enfin, elle a demandé qu’il soit fait un usage plus fréquent des services d’ombudsman, avant de souligner l’importance de préserver le multilinguisme.

M. ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande (groupe CANZ), a salué les efforts déployés par le Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies pour améliorer l’environnement professionnel de l’Organisation, en particulier en mettant l’accent sur la prévention et la promotion d’une culture de dialogue.  Un lieu de travail sain est essentiel pour s’assurer que l’Organisation est en mesure de porter ses propres idéaux et valeurs, a-t-il ajouté.  Le représentant s’est inquiété des dommages causés par la persistance d’attitudes et comportements discriminatoires, même si les efforts considérables en cours pour lutter contre la discrimination raciale et sexuelle et le harcèlement sexuel au sein l’Organisation et les efforts pour promouvoir la diversité, l’égalité, l’inclusion et l’équité portent leurs fruits et doivent être salués.  Il appartient à tous les États Membres et à l’ONU de travailler ensemble pour assurer le développement d’un système d’administration de la justice transparent, équitable, impartial et efficace, a conclu le représentant. 

M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis), estimant qu’il fait bon travailler à l’ONU, a salué l’avancement des travaux du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel des Nations Unies, les arriérés dans le traitement des affaires ayant été largement purgés.  La transparence du système interne d’administration de la justice à l’ONU est capitale, a déclaré le délégué, en souhaitant qu’il soit mieux connu du personnel.  Il a en outre souligné l’importance des efforts consentis en amont afin d’éviter d’aboutir à une procédure judiciaire.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a souligné l’importance d’un système de justice interne indépendant, transparent, professionnalisé, doté de ressources suffisantes, décentralisé et qui se conforme au principe de légalité et au respect des formes.  Il s’est inquiété de l’augmentation du volume du contentieux et a appelé à un traitement dans des délais raisonnables.  À ce titre, il a salué la simplification et la rationalisation des procédures pour les consultants et vacataires.  Le délégué a rappelé que la décision d’appliquer des mesures disciplinaires doit être prise à l’issue d’une instance disciplinaire sous l’autorité du secrétaire général.  Il a appelé au renforcement du Bureau des service de contrôle interne.  Le rôle des tribunaux, a-t-il indiqué, est de procéder au contrôle juridictionnel des décisions prises en matière disciplinaire et de la procédure ayant conduit à ces décisions.  Néanmoins, a-t-il ajouté, dans les affaires de harcèlement, d’agressions et d’atteintes sexuelles, le Secrétaire général ne peut pas se satisfaire des rapports d’enquête du Bureau des services de contrôle interne et il incombe au Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies d’établir que la faute a été commise.  Enfin, le délégué a encouragé le recours à la médiation.

M. MORA FONSECA (Cuba) a déclaré que « le système dont nous disposons permet de régler les différends en tenant compte des intérêts de l’Organisation et du personnel qui travaille pour elle ».  Si la protection des droits du personnel doit être assurée, il faut prévoir également que soit engagée sa responsabilité le cas échéant.  Le système interne d’administration de la justice doit permettre d’éviter les conflits internes et de trouver les solutions les plus justes, a encore dit le représentant, pour qui ce système doit prévoir des recours afin que la justice soit rendue « continûment » comme il se doit. 

M. KAVOY ANTHONY ASHLEY (Jamaïque) a appuyé l’état de droit au sein de l’ONU, ainsi que les efforts entrepris pour y améliorer l’administration de la justice.  Il a souligné l’importance de l’établissement des responsabilités au plus haut niveau.  Le délégué a salué le bon avancement des travaux du Tribunal du contentieux administratif, avant de souligner les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur l’administration de la justice.  « Nous avons dû nous réinventer. »  Il a ainsi salué le passage à un tribunal virtuel, avant d’appeler à la promotion du multilinguisme.  Enfin, il a souhaité une révision des règlements intérieurs du Tribunal du contentieux administratif et du Tribunal d’appel des Nations Unies, sous réserve de l’approbation de l’Assemblée générale.

M. RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a jugé essentiel d’assurer une protection et des voies de recours utiles à toutes les catégories de personnel des Nations Unies sans distinction.  Un système de justice interne équitable, efficace et accessible à toutes et tous participe à la crédibilité de l’engagement de l’ONU pour le droit à l’égal accès à la justice et à l’état de droit.  Le représentant a salué l’examen d’un appui des procédures d’arbitrage ad hoc par la Cour permanente d’arbitrage, relevant toutefois que, même avec un tel appui, « la procédure d’arbitrage envisagée entraînerait un coût pour les non-fonctionnaires qui pourrait être dissuasif ».  Cela, a-t-il dit, conduirait à une inégalité de traitement avec le personnel fonctionnaire.  Après avoir encouragé le Secrétaire général à examiner si des adaptations ou des alternatives sont possibles, il a souligné l’importance de pouvoir garantir un accès à un recours effectif pour les non-fonctionnaires.  « Nous rappelons également notre soutien au projet visant à élargir le mandat du Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies afin d’y inclure les non-fonctionnaires. »  Le représentant a constaté que la médiation reste trop peu utilisée dans le cadre de la résolution des conflits d’ordre professionnel.  C’est pourquoi il a encouragé le Secrétaire général à promouvoir davantage le recours à la médiation pour toutes les catégories de personnel, y compris les non-fonctionnaires.  À ce titre, il a soutenu la proposition du Secrétaire général de mettre en place un projet pilote visant à introduire une discussion obligatoire sur la médiation comme première étape dans le règlement des conflits. 

Mme WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a invité le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies à redoubler d’efforts pour réduire son retard.  Les services d’ombudsman et la médiation sont des moyens peu onéreux pour régler les difficultés du personnel, a-t-elle estimé avant de saluer le projet pilote pour les règlements informels impliquant des non-fonctionnaires.  Elle a également appelé à l’extension des voies de recours pour ces catégories de personnel.  La représentante a espéré que la question de la double juridiction au sein du système commun serait rapidement réglée, conformément au rapport du secrétaire général.

Mme EVA ISABELLE ELIETTE NIAMKE (Côte d’Ivoire) a dit que la qualité de l’administration de la justice à l’ONU renforce la crédibilité de l’Organisation.  « Une gestion exemplaire peut servir de source d’inspiration. »  La déléguée a vu dans la réduction des dossiers en instance un signe « encourageant ».  Elle a salué la nouvelle méthode d’évaluation dite 360 qui incite au travail bien fait.  Elle s’est également félicitée des efforts consentis pour promouvoir le multilinguisme, dont la traduction dans les six langues de documents comme le Code de déontologie judiciaire.  Enfin, la déléguée a encouragé le recours à la médiation et aux mécanismes de justice informelle pour régler les questions d’ordre socioculturel notamment.

M. GENG SHUANG (Chine) a constaté que les affaires traitées par le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies ont été rendues disponibles, ce qui renforce la transparence du système interne d’administration de la justice à l’ONU.  Il convient d’améliorer les mécanismes de gestion de manière novatrice, d’explorer de nouvelles mesures conformément au souhait du Secrétaire général et de préserver les droits légitimes du personnel en mettant en œuvre les règles établies tout en promouvant la justice et l’équité, a ajouté le représentant.  Selon lui, le Bureau de l’aide juridique au personnel, qui joue un rôle essentiel, doit être complété par la création de mécanismes supplémentaires garantissant l’accès rapide du personnel à des systèmes de règlement des différends.   Par ailleurs, le représentant a présenté les deux juges candidats chinois aux élections au Tribunal du contentieux administratif qui se tiendront le mois prochain, en vantant leurs compétences et mérites. 

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique), notant qu’il est essentiel pour les non-fonctionnaires d’avoir accès à la médiation, a soutenu la mise en œuvre d’un projet pilote sur ce point.  Elle a également déclaré que les mécanismes de règlement des différends doivent être restructurés pour aborder le plus tôt possible les situations de conflit.  Le lancement du portail jurisprudentiel permettra également de rendre plus visibles les arrêts du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies, a ajouté la représentante.  Elle a également appelé à prendre en compte la perspective de genre pour la justice et à aborder de manière prioritaire les questions de harcèlement.  La représentante a, enfin, souligné l’importance de traiter les représailles, la santé mentale et l’abus de pouvoir.

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