Comité spécial des 24: l’impasse politique en Nouvelle-Calédonie risque de compromettre le processus de décolonisation, affirme le Conseiller du Président néo-calédonien
Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) a été alertée, ce matin, que la Nouvelle-Calédonie est entrée dans la phase la plus critique de son évolution politique en raison de l’important taux d’abstention lors du référendum du 12 décembre 2021.
Conseiller du Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, M. Charles Wea a prévenu que cette impasse politique et institutionnelle risque de compromettre la sortie du processus de décolonisation prévu par l’Accord de Nouméa. Selon lui, des difficultés sont notamment à prévoir lors de la reprise des discussions entre Paris et Nouméa, les partis indépendantistes ayant déclaré ne pas reconnaître la légitimité́ politique de cette consultation.
Qualifiant au contraire d’incontestable la validité de la troisième consultation prévue par l’Accord de Nouméa, la France, évoquant le début d’une période de transition, a appelé à la poursuite du dialogue afin de bâtir un projet commun sur le développement de la Nouvelle-Calédonie.
Ce dialogue portera aussi sur les futures institutions de la Nouvelle-Calédonie dans la République française et c’est ce projet, respectant toutes les communautés et garantissant le vivre-ensemble, qui fera l’objet d’un nouveau référendum, a fait savoir le représentant.
Parmi les pétitionnaires, plusieurs ont fait observer que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) avait demandé le report du scrutin en raison de la pandémie de COVID-19. La France a pour sa part évoqué un choix politique.
Le Comité spécial a ensuite brièvement examiné la question des Îles Vierges américaines. Il se réunira à nouveau lundi 20 juin, à partir de 10 heures, pour entendre les pétitionnaires de Porto Rico.
Question de la Nouvelle-Calédonie
M. CHARLES WEA, Conseiller du Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a indiqué que la Nouvelle Calédonie est entrée dans la phase la plus critique de son évolution politique, le processus référendaire n’ayant malheureusement pas recueilli la participation attendue de toute la population lors de la dernière consultation, en particulier celle du peuple kanak et des partisans de l’indépendance. Il a alerté que cette impasse politique et institutionnelle risque de compromettre la sortie du processus de décolonisation comme prévu par l’Accord de Nouméa. Selon lui, des difficultés sont à prévoir lors de la reprise des discussions entre Paris et Nouméa, les partis indépendantistes ayant déclaré́ ne pas reconnaître la légitimité politique de cette consultation et appelé à un véritable référendum d’autodétermination.
M. Wea a indiqué que son gouvernement a lancé depuis 2021 les grands travaux sur les réformes fiscales, économiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie qui, a-t-il affirmé, est quasiment prête à accéder à un statut de pleine souveraineté, à l’exception des cinq compétences dites régaliennes. Il a ensuite sollicité l’étroite collaboration du Comité spécial pour éclairer les discussions avec la Puissance administrante sur la voie à suivre.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a indiqué que la troisième consultation prévue par l’Accord de Nouméa s’est tenue le 12 décembre 2021, et que pour la troisième fois, les Calédoniens se sont prononcés contre l’accès à la pleine souveraineté et à l’indépendance. Évoquant le début d’une période de transition, il a appelé à la poursuite du dialogue afin de bâtir un projet commun sur le développement de la Nouvelle-Calédonie. Ce dialogue portera aussi sur les futures institutions de la Nouvelle-Calédonie dans la République française et c’est ce projet, respectant toutes les communautés et garantissant le vivre-ensemble, qui fera l’objet d’un nouveau référendum, a-t-il ajouté.
Le représentant a estimé que l’appel des indépendantistes à ne pas prendre part à la consultation est un choix politique. Il a également fait savoir que la juridiction administrative de dernier ressort vient de juger le 3 juin qu’aucun des motifs invoqués ne remet en cause la régularité de la consultation. Sa validité est donc incontestable, a-t-il souligné, avant de réitérer l’invitation de la France au Comité spécial à se rendre en Nouvelle-Calédonie à l’automne 2022. La France, a-t-il souligné, est déterminée à poursuivre des discussions apaisées et fructueuses avec l’ensemble des forces vives de la Nouvelle-Calédonie.
Mme MARIE-LAURE UKEIWE, Province du Sud de la Nouvelle-Calédonie, a indiqué que le 12 décembre 2021, des dizaines de milliers de Calédoniens ont choisi de rester français lors du troisième référendum sur la question de la Nouvelle-Calédonie. Elle a souligné que les Kanaks n’ont pas été mis à l’écart du référendum mais que c’est le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) qui a choisi d’appeler à ne pas voter. Elle a appelé à respecter du choix des Calédoniens qui après trois référendums, ont clairement dit qu’ils veulent rester au sein de la République française.
Pour M. JAMES BHAGWAN, Conférence pacifique des églises, le référendum du 12 décembre 2021 n’est pas conforme à l’Accord de Nouméa. Il a rappelé qu’un délai raisonnable avait été demandé pour la tenue de celui-ci en raison de la pandémie durant laquelle beaucoup de Kanaks ont fait le deuil de leurs morts, déplorant que la France soit demeurée inflexible. De nombreux Kanaks n’ont pas pu être enregistrés et plus de 56% des électeurs n’ont pas voté. Le Forum du Pacifique a dit que le processus n’a pas été respecté.
Mme FRÉDÉRIQUE MULIAVATO, Congrès de la Nouvelle-Calédonie, a déclaré que le 12 décembre 2021 est une journée de tristesse et de profonde injustice pour le peuple kanak. À cause de la pandémie, le FLNKS a demandé le report du scrutin mais il n’a pas été entendu. Appelant à l’abstention, il n’y a eu que 43% de participation au référendum et son résultat n’a donc aucune légitimité politique. Elle a indiqué que le FLNKS n’a plus d’autre choix que de se tourner vers la Cour internationale de Justice et la Commission des droits de l’homme pour faire entendre sa voix. Le parti compte aussi poursuivre les discussions avec la France et l’ONU sur la question de la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie.
M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée), qui s’exprimait aussi au nom de Fidji, et porte-plume de la résolution sur la Nouvelle-Calédonie, a réaffirmé sa volonté de travailler de la façon la plus constructive avec la France et la Nouvelle-Calédonie sur la voie de l’autodétermination. S’agissant du projet de résolution, il a indiqué que celui-ci appelle notamment à combler le fossé socioéconomique entre les différents groupes ethniques, notamment les Kanaks. Appelant à ne pas oublier que la Nouvelle-Calédonie se trouve à une phase cruciale de son processus d’autodétermination suite au troisième référendum d’autodétermination, il a salué la volonté de la France d’amorcer le dialogue et a invité toutes les parties pertinentes à y participer et à veiller à ce que les prochaines étapes du processus d’autodétermination soient justes, transparentes et guidées par la Charte des Nations Unies.
Question des Îles Vierges américaines
Mme JUDITH BOURNE, pétitionnaire, a indiqué que les Îles Vierges américaines ont été frappées par des ouragans ces cinq dernières années et plus récemment par la COVID-19. Or les allocations de la Puissance administrante ont été interrompues malgré l’urgence qu’il y avait à réparer les infrastructures. Les flux de fonds arrivés en retard n’ont pas pu compenser les pertes du tourisme, a-t-elle affirmé en rappelant que ces îles sont un territoire non incorporé aux États-Unis.