SC/14431

Déclaration publique de la Présidente du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du troisième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Mali (S/2020/1105), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de sa présidente, les messages suivants:

À toutes les parties au conflit armé au Mali

Condamne vigoureusement toutes les violations et atteintes contre des enfants commises par toutes les parties au conflit au Mali, et exhorte ces dernières à faire cesser immédiatement toutes les violations et atteintes que constituent l’enrôlement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, le refus d’accès humanitaire ainsi qu’à prévenir toute violation ou atteinte future et à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;

Demande à toutes les parties de prendre de nouvelles mesures pour donner suite aux conclusions précédentes du Groupe de travail sur les enfants et le conflit armé au Mali (https://www.undocs.org/fr/S/AC.51/2018/1);

Constate avec préoccupation qu’en raison de l’insécurité et des restrictions d’accès aux zones touchées par le conflit, il a été difficile de confirmer les cas de violations et d’atteintes commises contre des enfants pendant la période considérée, et que les informations figurant dans le rapport du Secrétaire général ne reflètent donc pas pleinement les effets qu’a eu le conflit armé sur les enfants au Mali pendant cette période;

Souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants en temps de conflit armé, que tous les auteurs des six formes de violations graves doivent être traduits en justice et tenus responsables de leurs actes sans retard indu, notamment par l’ouverture rapide et systématique d’enquêtes et, selon qu’il convient, des poursuites  et des condamnations, et insiste sur le fait qu’il faut garantir l’accès de toutes les victimes à la justice et aux services médicaux et psychosociaux dont elles ont besoin;

Note que, le 13 juillet 2012, les autorités de transition maliennes ont saisi la Cour pénale internationale de la situation au Mali depuis le mois de janvier 2012, et que certains des faits précités peuvent être constitutifs de crimes au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel le Mali est partie;

Souligne que les dispositions relatives à la protection de l’enfance doivent être pleinement et dûment prises en compte par toutes les parties qui appliquent l’Accord pour la paix et la réconciliation;

Se déclare vivement préoccupé par l’augmentation constante des cas d’enrôlement et d’utilisation d’enfants et condamne ces pratiques, notant qu’elles sont principalement le fait des groupes armés signataires et de leurs factions dissidentes, se déclare également préoccupé par les 45 cas d’enrôlement et d’utilisation d’enfants par les Forces armées maliennes qui ont été confirmés par l’équipe spéciale de pays des Nations Unies pendant la période considérée, et exhorte vivement toutes les parties à libérer immédiatement, sans conditions préalables, tous les enfants se trouvant dans leurs rangs, à les remettre aux acteurs civils de la protection de l’enfance, à faire cesser l’enrôlement et l’utilisation d’enfants et à prévenir tout nouveau cas d’enrôlement ou d’utilisation, conformément aux obligations énoncées dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés; 

Se déclare gravement préoccupé par le fait que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, à des groupes armés, sait que certains enfants ne disposent pas de documents civils valides qui leur permettraient d’attester leur âge, souligne que les enfants qui ont été enrôlés par des forces armées ou des groupes armés, notamment des groupes désignés comme terroristes, et sont accusés d’avoir commis des crimes en temps de conflit armé doivent être considérés en premier lieu comme des victimes, exhorte le Gouvernement malien à respecter les obligations que mettent à sa charge la Convention relative aux droits de l’enfant et son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et demande que le Protocole relatif à la libération et au transfert des enfants associés aux forces et groupes armés, signé par l’ONU et le Gouvernement malien en 2013, continue d’être appliqué;

Se déclare vivement préoccupé par la forte augmentation du nombre d’enfants tués ou mutilés, victimes directes ou indirectes de conflits ethniques, de flambées de violence intercommunautaire, d’échanges de tirs entre groupes armés lors d’affrontements ainsi que de restes explosifs de guerre ou d’engins explosifs improvisés, et demande à toutes les parties d’honorer les obligations que leur fait le droit international humanitaire et de respecter en particulier les principes de distinction et de proportionnalité qu’il consacre;

Se déclare gravement préoccupé par les cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants, note que ces actes comprennent le mariage forcé et les tentatives de viol, exhorte toutes les parties à prendre immédiatement des mesures concrètes pour faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants par des membres de leurs forces ou groupes respectifs et en prévenir la perpétration, et souligne qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles à l’égard d’enfants répondent de leurs actes, constate avec préoccupation qu’il est difficile de suivre, de documenter et de vérifier les cas de violations et d’atteintes en raison de multiples facteurs, dont l’insécurité régnante, le manque de protection des rescapé(e)s et des témoins, l’impunité, la stigmatisation, l’accès limité à la justice et les obstacles socioculturels, le nombre des signalements étant par conséquent inférieur à la réalité des faits et ne permettant pas de mesurer la prévalence des violences sexuelles qui ont pu être commises contre des enfants au Mali pendant la période considérée, et souligne qu’il importe de fournir aux rescapé(e)s de violences sexuelles des services spécialisés complets et non discriminatoires, y compris un soutien et des services psychosociaux, sanitaires et juridiques et une aide à la subsistance;

Condamne vigoureusement les attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux, attaques dont le nombre a plus que triplé pendant la période considérée, demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel, et de faire cesser, et de prévenir, les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées et aveugles contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, signée par le Gouvernement malien en février 2018, et note que les systèmes d’éducation et de santé ont continué de subir de plein fouet les effets du conflit, ce qui a privé 378 300 enfants de leurs droits fondamentaux à l’éducation et à des soins de santé de base;

Condamne fermement les enlèvements d’enfants, y compris à des fins d’enrôlement et d’utilisation par des groupes armés, qui sont commis dans le pays sur fond d’insécurité croissante et d’une intensification des activités des groupes armés, ainsi que les viols et autres formes de violence sexuelle à l’égard des enfants;

Se déclare gravement préoccupé par les refus d’accès humanitaire, notamment les attaques visant des membres du personnel humanitaire et les restrictions qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire aux enfants, et demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect des obligations que leur fait le droit international, y compris le droit international humanitaire, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs des Nations Unies concernant l’aide humanitaire et aux principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance qui encadrent l’action humanitaire, de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire et de respecter le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans discrimination;

Au Gouvernement malien

Souligne que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef d’offrir une protection et des secours à tous les enfants touchés par le conflit armé au Mali, rappelle que le Mali est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et à son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, affirme que le rétablissement et l’extension progressifs de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire malien contribueraient de manière notable à assurer la stabilité du Mali, et considère qu’il importe de renforcer les moyens dont le pays dispose à cet égard;

Salue la détermination du Gouvernement malien et les efforts qu’il fait pour protéger les enfants touchés par le conflit armé, notamment en mettant en œuvre une politique nationale relative à la protection de l’enfance et en faisant mieux connaître et en renforçant le cadre juridique dont il dispose en la matière, se félicite que le Gouvernement et l’équipe spéciale de pays collaborent en vue de renforcer les mécanismes communautaires visant à prévenir les six formes de violations graves et à identifier et à prendre en charge les enfants libérés par les forces et groupes armés ainsi que les enfants qui risquent d’être enrôlés ou réenrôlés, et encourage le Gouvernement à poursuivre ces efforts et à achever la révision du projet de loi nationale relative à la protection de l’enfance, dans le souci d’appliquer les dispositions concernant l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans un conflit armés énoncées dans le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, qu’il a ratifié, et d’adopter rapidement ce projet de loi;

Souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants en temps de conflit armé, que tous les auteurs des six formes de violations graves doivent être traduits en justice et tenus responsables de leurs actes sans retard indu, notamment par l’ouverture rapide et systématique d’enquêtes et, selon qu’il convient, des poursuites  et des condamnations, se déclare préoccupé par le peu de progrès accomplis, notamment pour raisons d’insécurité, dans la lutte contre l’impunité au moyen d’enquêtes sur les auteurs présumés de violations graves contre des enfants, de poursuites et de condamnations, et demande au Gouvernement de faire davantage pour régler le problème de l’impunité, faire en sorte que les auteurs des six formes de violations graves contre des enfants répondent de leurs actes et veiller à ce que tous les rescapé(e)s de violence sexuelle aient accès à la justice et à des services spécialisés complets et non discriminatoires, y compris un soutien et des services psychosociaux, sanitaires et juridiques et une aide à la subsistance;

Engage le Gouvernement à prendre des mesures face aux nouveaux cas d’enrôlement et d’utilisation d’enfants par les Forces armées maliennes, invite instamment le Gouvernement à collaborer avec l’ONU pour examiner les allégations d’enrôlement et d’utilisation d’enfants par les forces armées nationales et à renforcer les procédures d’évaluation de l’âge dans le cadre de la réforme en cours du secteur de la sécurité, encourage l’institutionnalisation de formations à la protection de l’enfance destinées aux Forces de défense et de sécurité maliennes;

Se déclare préoccupé par le fait que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association, réelle ou présumée, à des groupes armés, sait que certains enfants ne disposent pas de documents civils valides qui leur permettraient d’attester leur âge, se félicite de la libération de 79 enfants par les autorités maliennes et demande à celles-ci d’appliquer pleinement le Protocole relatif à la libération et au transfert des enfants associés aux forces et groupes armés et de collaborer avec l’ONU pour réexaminer les cas d’enfants dont l’âge n’a pas pu être établi et qui demeurent détenus pour association présumée avec des groupes armés, souligne que les enfants qui ont été enrôlés par des forces armées ou des groupes armés, notamment des groupes désignés comme terroristes, et sont accusés d’avoir commis des crimes en temps de conflit armé doivent être considérés en premier lieu comme des victimes, et exhorte le Gouvernement à respecter les obligations que mettent à sa charge la Convention relative aux droits de l’enfant et son protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en tenant compte en particulier du fait que les mesures de privation de liberté ne devraient être utilisées qu’en dernier ressort pour les enfants et pour la durée la plus brève possible, et à donner la priorité à la réintégration des enfants concernés, conformément aux Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, qu’il a approuvés;

Rappelle que le Gouvernement a signé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, mais se déclare préoccupé par le fait que les forces gouvernementales aient utilisé des écoles à des fins militaires pendant la période considérée, en violation des obligations découlant du droit international, souligne qu’il importe de faire en sorte que tous les enfants aient accès à l’éducation et aux soins de santé dans le pays, et demande au Gouvernement de garantir la protection des écoles et du personnel qui y est associé et la réparation et la remise en état des écoles endommagées dans le cadre d’opérations militaires;

Engage le Gouvernement à adopter le projet de loi relatif à la suppression du délai légal de 30 jours applicable à la déclaration des naissances, afin de restaurer le droit fondamental des enfants à une identité;

Engage le Gouvernement à s’employer à offrir aux enfants touchés par des conflits armés des possibilités de réintégration et de réadaptation à long terme et durables, qui tiennent compte des questions liées au genre et à l’âge, notamment dans les domaines de l’accès aux soins de santé, du soutien psychosocial et des programmes éducatifs, et à sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en tenant compte des besoins respectifs des filles et des garçons, afin de contribuer au bien-être des enfants et à la pérennisation de la paix et de la sécurité, et, à cet égard, demande au Gouvernement de veiller à ce que tous les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration prévus par l’Accord pour la paix et la réconciliation et les réformes du secteur de la sécurité tiennent compte des besoins respectifs des filles et des garçons, notamment en intégrant les questions liées au genre et à l’âge dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration;

Se félicite des progrès accomplis dans le processus de recherche de la vérité, de justice et de réconciliation et encourage le Gouvernement à continuer de coopérer avec l’équipe spéciale de pays afin que celle-ci puisse aider la Commission vérité, justice et réconciliation malienne à faire en sorte que les enfants soient davantage associés au processus de réconciliation;

À tous les groupes armés cités dans le rapport du Secrétaire général, en particulier les groupes inscrits sur la liste figurant à l’annexe I du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés

Condamne fermement toutes les violations et les atteintes commises contre des enfants au Mali, et exhorte vivement tous les groupes armés à libérer immédiatement et sans conditions préalables tous les enfants qui leur sont associés, à remettre tous les enfants qui se trouvent dans leurs rangs aux acteurs civils de la protection de l’enfance afin qu’ils puissent être réintégrés dans leur communauté, et à faire cesser et à prévenir l’enrôlement et l’utilisation d’enfants;

Se déclare gravement préoccupé par le nombre élevé d’enfants tués ou mutilés, notamment par des restes explosifs de guerre et des engins explosifs improvisés, et exhorte tous les groupes armés à s’abstenir de prendre les civils, en particulier les enfants, pour cibles et à prendre des mesures concrètes pour réduire l’impact de leurs activités sur les enfants;

Exhorte vivement tous les groupes armés à prendre immédiatement des mesures concrètes pour faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants par des membres de leurs forces ou groupes respectifs et en prévenir la perpétration, et souligne qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre répondent de leurs actes;

Se déclare vivement préoccupé par l’augmentation notable du nombre d’attaques menées contre des écoles et leur personnel, qui a eu de graves répercussions sur l’accès à l’éducation de 378 300 enfants, et demande à tous les groupes armés de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des établissements scolaires et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de faire cesser et prévenir les attaques ou menaces d’attaques contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles à des fins militaires en violation du droit international applicable;

Se déclare préoccupé par les problèmes de sécurité que rencontre l’équipe spéciale de surveillance et d’information des Nations Unies dans le nord et le centre du Mali et, à cet égard, exhorte les groupes armés à donner au personnel des Nations Unies accès en toute sécurité et liberté aux territoires sous leur contrôle, à des fins de suivi et d’information;

Salue la collaboration continue entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et l’ONU visant à accélérer la mise en œuvre par la CMA de son plan d’action, et engage celle-ci à le mettre rapidement en œuvre et à faciliter l’accès de l’ONU aux zones qu’elle contrôle afin de permettre le suivi des progrès accomplis en la matière, la fourniture d’une assistance aux enfants et l’examen des allégations;

Se félicite des mesures prises par la Plateforme pour adopter un plan d’action visant à lutter contre l’enrôlement et l’utilisation d’enfants, et demande aux dirigeants de la Plateforme d’honorer leurs engagements en signant rapidement le plan d’action et en l’appliquant intégralement;

Demande à tous les groupes armés non étatiques de s’engager publiquement à faire cesser toutes les violations et atteintes commises contre des enfants et à en prévenir la perpétration, et aux groupes inscrits sur la liste figurant à l’annexe I du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés d’élaborer, d’adopter et d’exécuter rapidement des plans d’action en la matière, conformément aux résolutions 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011), 2068 (2012), 2143 (2014), 2225 (2015) et 2427 (2018) du Conseil de sécurité;

Aux notables locaux et aux chefs religieux

Souligne l’importance du rôle que jouent les notables locaux et les chefs religieux dans le renforcement de la protection des enfants touchés par le conflit armé;

Exhorte les notables locaux et chefs religieux à condamner publiquement les violations et les atteintes commises contre des enfants, en particulier l’enrôlement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements et les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.

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