Conseil de sécurité: le retrait des opérations de maintien de la paix et la phase de transition font débat, à la lumière des exemples du Soudan et du Libéria
C’est un « équilibre délicat » à trouver, selon les mots d’un membre du Conseil de sécurité, « un moment passionnant pour un pays sortant d’un conflit et impatient de retrouver la paix » pour le Secrétaire général António Guterres. Ce moment charnière, c’est la phase de transition du maintien de la paix à la consolidation de la paix, une mue fragile, au cours de laquelle une stratégie de sortie mal négociée peut retarder, voire réduire à néant, les espoirs d’une paix durable.
Le timing et les conditions réussies d’une telle sortie, et la stratégie à adopter en amont, figuraient aujourd’hui à l’ordre du jour du Conseil de sécurité ce matin, à la veille de la mise aux voix de la « première résolution autonome sur les transitions », qui fournira une feuille de route et un cadre « pour gérer ce moment critique et sensible de l’histoire d’un pays », s’est réjouie l’Irlande, qui préside ce mois-ci les travaux de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Conviée à s’exprimer à cette occasion, l’ex-Présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, a raconté la « success story » de ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui incarne une transition réussie sous l’égide de l’ONU, après des années de guerre civile, comparée à celle du Soudan, qui se heurte aujourd’hui à de sérieuses difficultés. Une « transition extraordinaire » s’est déroulée au Libéria, se sont enthousiasmés les États-Unis, qui ont cité comme raisons de cette réussite « une coordination rapide et étroite », « une vision formulée en amont », un « message unique envoyé à la population du Libéria », pour « faire en sorte que toutes les parties soient engagées vers cet objectif ultime ».
Un travail a été mené pour que la police nationale et les institutions judiciaires libériennes soient formées pour protéger les habitants et diminuer l’impact du conflit au niveau local, a expliqué la délégation américaine. Des collaborateurs extérieurs se sont assurés que les élections soient libres et régulières, a-t-elle encore souligné, en espérant que le conflit au Darfour, alors que la MINUAD se retire, se termine « de façon positive, comme au Libéria ».
Les clefs du succès libérien? Pour Mme Sirleaf, il s’agit en grande partie au solide soutien régional, ainsi que du ferme soutien des partenaires internationaux du développement. « Le système des Nations Unies au Libéria fonctionne comme prévu : « il garantit des relations plus efficaces, un soutien intégré et des partenariats productifs avec les parties prenantes nationales », a-t-elle développé. Aujourd’hui, le pays déploie ses propres soldats de la paix, s’est enorgueillie Mme Sirleaf.
L’ONU a géré au Soudan l’une des reconfigurations les plus complexes de l’histoire récente, ont reconnu les membres du Conseil: « réduire la mission de maintien de la paix tout en élargissant une mission politique spéciale », selon M. Guterres. Le Soudan, qui avait « impressionné le monde entier » à la suite de sa révolution « historique » et « non violente » de décembre 2019, a rappelé Safaa Elagib Adam, Présidente de l’association pour le développement des communautés du Soudan.
Le Soudan, où la récente transition de l’Opération hybride ONU-UA au Darfour (MINUAD) à la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (MINUATS) s’est déroulée « dans la précipitation », dans un contexte de manque de volonté politique du précédent régime militaire, d’une signature partielle de l’Accord de paix et d’une fragmentation de nombreux groupes armés dans la région, a développé Mme Adam.
Selon elle, la MINUAD a laissé au Darfour une situation sécuritaire fragile, couplée à un conflit tribal. La Norvège a opiné: la hausses des violences et les défis alarmants en matière de protection ont été soulignés par tous les partenaires humanitaires. De l’aveu du Secrétaire général, le sort de la région soudanaise du Darfour est un « rappel brutal » de la nécessité de « rester vigilant ». L’Accord de paix de Djouba signé en octobre 2020 était un signe encourageant de progrès, mais le retrait de la mission de maintien de la paix et la mise en place de la mission politique se sont accompagnés de « violences intercommunautaires récurrentes ».
Un retrait trop tôt, donc ? L’idée du « moment opportun » a constamment surgi dans le débat. Pour le Mexique, « l’évaluation objective du moment opportun de mettre fin à une mission ou de modifier substantiellement son mandat, sans soumettre la décision à des considérations politiques ou autres », est cruciale ; les « échéances artificielles », non liées à la réalité sur le terrain et marquant la fin d’une mission, sont à éviter.
Plus une mission dure longtemps, plus elle impacte l’environnement social, économique et politique du pays hôte, a glissé le Kenya, qui a préféré insister sur « l’efficacité » des transitions. Il a cependant reconnu peu après que la présence d’une mission sur le terrain avait un effet dopant sur l’économie locale, ajoutant une couche de complexité au retrait: celui-ci pourrait entraîner « une baisse de l’emploi » et « des conditions peu propices à la paix et à la sécurité ».
« Le but de chaque mission de maintien de la paix des Nations Unies est de prendre fin », a malicieusement remarqué l’Estonie. Mais avant cela, il est essentiel de prendre en compte la capacité réelle des acteurs nationaux sur le terrain à assurer la protection des civils, a remarqué le Mexique: « au Soudan, la fermeture de la MINUAD n’a pas été sans poser des problèmes dans ce domaine ».
Pour la France, il revient aux pays hôtes comme le Soudan de démontrer leur volonté politique de remplir ses prérogatives : protection des civils, respect des droits de l’homme, participation des femmes et des jeunes, rétablissement des services de l’État essentiels : « c’est aujourd’hui le défi posé aux autorités de transition soudanaises, avec l’appui de la MINUATS ».
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES - PROCESSUS DE TRANSITION MENÉS PAR L’ONU (S/2021/756)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a commencé par rappeler que les opérations de paix n’ont jamais vocation à être permanentes et que les périodes de transition étaient livrées sans interrupteur « on-off ». « Les transitions sont des processus complexes – propres au contexte de chaque pays », a-t-il souligné, car elles impliquent une reconfiguration minutieuse de la présence, de la stratégie et de l’empreinte de l’ONU dans un pays donné. Pour le Chef de l’Organisation, elles débutent non seulement lorsqu’une mission touche à sa fin, mais « dès que les premières bottes touchent le sol ». « Leur succès dépend d’une collaboration précoce et soutenue entre les missions sur le terrain, les gouvernements hôtes, les équipes de pays des Nations Unies et les partenaires locaux et mondiaux », a-t-il ajouté. Mais si le retrait des opérations de maintien de la paix de l’ONU peut être un moment passionnant pour un pays sortant d’un conflit et impatient de retrouver la paix, c’est aussi un moment de « risque accru », a poursuivi M. Guterres, pour qui des années de consolidation de la paix sont en jeu. Dans ce contexte, l’attention de la communauté internationale peut diminuer – y compris celle de ce Conseil, a-t-il mis en garde.
« Il y a trois ans, j’ai lancé l’initiative Action pour le maintien de la paix pour rendre nos opérations plus efficaces, y compris après les transitions de mission. Et plus tôt cette année, j’ai lancé l’initiative Action pour le maintien de la paix Plus, pour se concentrer sur des domaines clefs et protéger les gains durement acquis alors que les pays effectuent ce changement », a indiqué le Secrétaire général. Par ces deux initiatives, nous nous engageons à améliorer constamment le processus de transition et à tirer les leçons des missions passées. La première est que l’engagement politique doit être soutenu tout au long d’une transition et au-delà. Après une transition, nous devons intensifier notre concentration sur la coopération avec les gouvernements locaux et nationaux pour reconstruire des systèmes vitaux, a plaidé le Secrétaire général. « Le travail de la Commission de consolidation de la paix, des équipes de pays des Nations Unies, des bureaux régionaux et des envoyés est plus important que jamais. Par exemple, le travail inlassable du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel a été essentiel pour maintenir l’engagement en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Guinée-Bissau », a-t-il souligné. Et au Soudan, l’ONU a géré l’une des reconfigurations les plus complexes de l’histoire récente, réduire la mission de maintien de la paix tout en élargissant une mission politique spéciale, s’est enorgueilli M. Guterres.
La deuxième leçon à tirer, c’est l’importance du leadership national et de l’appropriation de la transition, a ajouté le haut fonctionnaire. Les missions de maintien de la paix peuvent aider à mettre un pays sur la bonne voie, mais seuls les acteurs nationaux peuvent le maintenir sur le long terme. Nous voulons nous assurer que les institutions gouvernementales nationales, les partenaires et les groupes de la société civile –en particulier ceux représentant les femmes, les minorités et les jeunes– œuvrent ensemble à l’avancement de la paix et à la construction des institutions vraiment représentatives, réactives et responsables. « Par exemple, l’achèvement du mandat de la MONUSCO dans les provinces du Kasaï de la République démocratique du Congo a été suivie d’un plan de transition détaillé et référencé pour un retrait complet d’ici à 2024, si les conditions de la paix sont réunies », a-t-il fait valoir. Les dirigeants et les peuples des pays en transition doivent, selon le Secrétaire général, être les architectes ultimes de la paix, l’ONU et la communauté mondiale jouant un rôle de soutien.
La troisième leçon est l’importance d’un financement durable de la transition. Alors que l’attention mondiale diminue, celle des donateurs pourrait bien lui emboîter le pas. La fermeture d’une mission de l’ONU coïncide si souvent avec une diminution et des flux d’aide moins prévisibles. Cette « falaise financière » peut représenter un risque énorme pour un pays qui fait encore ses premiers pas vers une paix et un développement durables, a prévenu M. Guterres. Le Fonds pour la consolidation de la paix vise à combler ces lacunes, mais davantage de ressources sont nécessaires. Il s’est félicité à cet égard de la décision de l’Assemblée générale de convoquer l’année prochaine une réunion de haut niveau sur le financement de la consolidation de la paix.
La quatrième leçon, a ajouté le haut fonctionnaire, est de soutenir les autorités nationales alors qu’elles protègent les personnes et reconstruisent l’avenir. « Lorsqu’une mission de l’ONU se termine, les risques pour les civils et les groupes vulnérables ne disparaissent pas par magie. Nous devons aider les gouvernements à mettre en place des systèmes de sécurité et de protection plus solides. Nous devons veiller à ce que les parties au conflit s’acquittent de leurs obligations en vertu du droit international. Et nous avons besoin de l’aide de ce Conseil pour faire face à toutes les menaces qui subsistent contre les civils », a-t-il plaidé, en prenant appui sur la situation au Darfour, un « rappel brutal » de la nécessité de rester vigilant. L’Accord de paix de Djouba signé en octobre 2020 était un signe encourageant de progrès, a-t-il rappelé. Mais le retrait de la mission de maintien de la paix et la mise en place de la mission politique se sont accompagnés de violences intercommunautaires récurrentes. « La paix est un long processus », mais « le chemin est rarement simple », a conclu le Secrétaire général.
Mme ELLEN JOHNSON SIRLEAF, ancienne Présidente du Libéria, a entamé son propos en évoquant la Guinée. Elle a relayé la condamnation par les dirigeants de la CEDEAO du coup d’État dans ce pays voisin du Libéria et leur engagement en faveur d’une société démocratique, attachée au respect de la constitution et de l’état de droit. Revenant ensuite au thème de ce débat, elle s’est tournée vers son propre pays, rappelant qu’au cours de ses 15 années de mandat, la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) a figuré parmi les plus grands déploiements de soldats de la paix au monde, comprenant jusqu’à 15 000 militaires. À son apogée, a-t-elle noté, 180 000 Casques bleus, 16 000 policiers et plus de 24 000 civils ont travaillé pour cette Mission, qui est considérée comme un succès aux niveaux national, régional et international. Ce succès est dû en grande partie au solide soutien régional et à l’engagement des 15 États membres de la CEDEAO, ainsi qu’au ferme soutien de partenaires internationaux du développement, tels que les États-Unis, la Suède, l’Inde, l’Irlande et l’Union européenne.
Saluant les réformes destinées à rendre l’ONU plus cohérente, Mme Sirleaf s’est réjouie d’annoncer qu’aujourd’hui, le système des Nations Unies au Libéria fonctionne comme cela avait été envisagé et garantit des relations plus efficaces, un soutien intégré et des partenariats productifs avec les parties prenantes nationales. Cependant, elle a reconnu que les opérations sont encore loin d’être « sans faute ». Il importe donc, selon elle, que les plans de transition reconnaissent les spécificités et les circonstances spéciales des pays, en particulier ceux en situation postconflit. Cela étant, elle s’est félicitée que, plus de trois ans après le retrait définitif de la MINUL du Libéria le 30 mars 2018, le pays reste largement en paix avec lui-même et avec ses voisins. De plus, le Libéria est fier de contribuer à la Mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali (MINUSMA), avec un contingent.
Dans ce contexte, l’ex-Présidente libérienne a jugé impératif que le Conseil de sécurité évalue en permanence les possibilités de modèles plus réussis d’opérations de maintien de la paix et la manière dont il s’acquitte de sa responsabilité mondiale. À ses yeux, il est essentiel pour des transitions réussies que le processus de maintien de la paix soit pris en charge au niveau national, mais soit aussi intégré, cohérent et durable. Une façon dont le Conseil de sécurité peut soutenir ces ingrédients cruciaux est de les inclure dans le mandat de la mission et d’exiger en outre qu’ils soient pris en compte dans les briefings réguliers et les rapports transmis au Conseil.
De même, des activités spécifiques mesurables, y compris avec des organisations de la société civile, devraient également être développées, dans le cadre du rapport d’intervention global de la mission au Conseil.
Mme Sirleaf a ensuite fait observer que le rétablissement et le maintien de la paix sont des plus que de faire taire les armes et de désarmer les belligérants. Il s’agit de permettre à une société de faire face avec succès et durablement aux moteurs du conflit longtemps après la fin de la mission de maintien de la paix. Pour ce faire, le Conseil peut envisager des indicateurs pratiques et mesurables, qui impliquent toutes les parties prenantes concernées, en particulier la société civile, les femmes, les jeunes et les minorités. Une façon dont le Conseil de sécurité peut soutenir ces inclusions importantes est de de l’inclure dans les mandats des missions afin qu’en phase de transition, une culture d’activités acceptées par toutes les parties prenantes concernées par la consolidation de la paix soit considérée comme un processus normal.
Selon Mme Sirleaf, l’un des jalons de la planification de la transition doit être la mesure institutionnelle des réformes de la sécurité nationale et de l’état de droit. La planification de ce processus doit non seulement porter sur la manière dont l’ONU réduit ses troupes mais aussi sur la façon dont le gouvernement national s’est préparé. Cela suppose donc d’intégrer la consolidation de la paix assez tôt dans la planification des interventions de maintien de la paix. Comme le prouve l’exemple du Libéria, lorsque les deux sont capables de travailler ensemble, la marge globale de réussite d’une mission de maintien de la paix est considérablement plus élevée, tandis que la possibilité d’un retour au conflit est beaucoup plus faible.
Comme le montrent les effets dévastateurs de la COVID-19 et les défis actuels des changements climatiques, notre monde a changé et continue de changer, a encore constaté l’ex-Présidente. L’important mandat de maintenir la paix et la sécurité internationales doit donc, par nécessité, également changer, notamment autour de la table du Conseil de sécurité, a-t-elle ajouté, plaidant en conclusion pour une représentation améliorée et accrue de l’Afrique et d’autres pays et régions de notre monde pour mieux répondre aux défis contemporains.
Mme SAFAA ELAGIB ADAM, Présidente de l’association pour le développement des communautés du Soudan, a rappelé comment le peuple soudanais avait « impressionné le monde entier » à la suite de la révolution « historique » et « non violente » de décembre 2019, après 30 ans de guerre et de troubles politiques dans différentes régions du Soudan et du Darfour, ainsi que le rôle vital joué par les femmes et les jeunes Soudanais dans cette révolution.
À la suite de la transition de 2020, a-t-elle rappelé, la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS) a obtenu un nouveau mandat au Soudan en vertu du Chapitre 6, avec l’objectif d’atteindre la paix, de construire la paix et d’aider à la transformation démocratique au cours de la période de transition au Soudan. Cependant, au même moment, l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), en tant que mission de maintien de la paix au Darfour sous le mandat de protection du Chapitre 7, a quitté le Soudan « dans une stratégie de sortie précipitée », laissant le Darfour dans une situation « de guerre et de sécurité fragile ».
La MINUAD est partie dans la précipitation, dans un contexte de manque de volonté politique du précédent régime militaire, d’une signature partielle de l’Accord de paix, d’une propagation et d’une fragmentation de nombreux groupes armés et milices dans la région. La MINUAD a laissé au Darfour une situation sécuritaire fragile, couplée à un conflit tribal, et la situation a perduré sous le gouvernement de transition. « Les défis auxquels la MINUATS est confrontée sont donc toujours les mêmes: situation sécuritaire fragile, accord de paix partiel, absence de mandat de protection ou de mission de maintien de la paix pour répondre aux situations de combat actuelles au Darfour, meurtres, viols de femmes et de filles, villages pillés par des milices armées », a-t-elle énuméré.
Selon Mme Adam, la frustration des Soudanais et des personnes vivant au Darfour face à la nature exclusive du processus de sécurité et à la réticence des militaires à une transition démocratique, sont des éléments cruciaux. Ils sont à prendre en compte pour une transition plus cohérente et intégrée. Malgré la lutte des femmes soudanaises pour inclure la dimension de genre dans le processus de transition, la représentation actuelle des femmes au sein du gouvernement de transition est bien inférieure aux 40% de femmes attendus dans la déclaration constitutionnelle et l’accord de paix de Djouba.
Pour que l’ONU parvienne à un processus démocratique national au Soudan, Mme Adam a recommandé la mise en œuvre concrète de l’Accord de paix. « Les gens demandent à voir l’accord de Djouba réellement mis en œuvre sur le terrain, en particulier au Darfour et dans la zone de conflit, en termes de sécurité, de protection, de justice et de rôle de la loi », a-t-elle tranché.
L’assistance du Conseil de sécurité, via la MINUATS, doit inclure un soutien technique en matière de contrôle et de collecte des armes pendant le processus de transition ; renforcer les capacités ; former à l’égalité des sexes et mettre en place un code de conduite pour le personnel employé dans le secteur de la sécurité ; établir un fonds d’assistance aux victimes ; aider la société civile à s’engager dans la transition, dans le but d’instaurer un gouvernement civil ; renforcer la société civile, via des groupes de jeunes et de femmes, pour préparer les élections, et mettre en place des consultations pour élaborer une nouvelle constitution. Enfin, Mme Adam a appelé à soutenir le plan d’action national de la résolution 1325 (2000), afin que les femmes participent de manière pleine et entière à tous les niveaux de la transition.
Mme MEENAKASHI LEKHI, Ministre d’État des affaires extérieures de l’Inde, a tout d’abord rappelé qu’au cours des sept dernières décennies, plus d’un million d’hommes et de femmes ont servi sous le drapeau de l’ONU dans plus de 70 opérations de maintien de la paix. Saluant leur dévouement et leur courage, il a rendu hommage aux 4 089 soldats de la paix qui ont fait le sacrifice ultime dans l’exercice de leurs fonctions, parmi lesquels 174 militaires indiens. L’Inde, a-t-elle souligné, est le plus grand contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies en termes cumulés depuis leur création, ayant déployé plus de 250 000 soldats de la paix dans 49 missions. À ce jour, a encore précisé la Ministre, près de 5 500 Casques bleus indiens sont déployés dans neuf missions onusiennes.
Elle s’est dite particulièrement fière que le tout premier contingent féminin de maintien de la paix ait été originaire d’Inde et stationné au Libéria. Aujourd’hui, l’équipe indienne d’engagement féminin (FET) joue également un rôle important au sein de la MONUSCO, a-t-elle précisé, avant d’en venir au thème de ce débat: la phase de transition du maintien de la paix à la consolidation de la paix. Le retrait d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies et sa reconfiguration en une présence modifiée de l’ONU représente une phase critique pour le succès d’une mission, a convenu la Ministre. Pour le pays hôte, c’est le signe de progrès vers la stabilité politique et de nouvelles opportunités de développement. Mais cela présente également un risque réel de rechute du pays dans le conflit.
Pour la Ministre, réussir cette phase critique nécessite la collaboration active de toutes les parties prenantes, comme cela a été illustré par la récente transition de l’Opération hybride ONU-UA au Darfour (MINUAD) à la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (UNITAMS). De fait, a-t-elle observé, l’exécution efficace du mandat des missions de maintien de la paix des Nations Unies est essentielle pour atteindre les critères de transition. Les missions de maintien de la paix devraient donc se voir confier des mandats « clairs, ciblés, séquencés, hiérarchisés et réalisables dans la pratique », et ceux-ci devraient être assortis de ressources adéquates.
En deuxième lieu, il importe selon elle que les transitions des missions soient bien planifiées, en tenant compte de l’évaluation objective de divers facteurs dans le pays hôte. Le retrait d’une mission ne devrait pas être motivé par la « tentation de l’austérité », a-t-elle noté, avertissant que le coût de la rechute est « toujours plus élevé que les économies à court terme ». Elle a ensuite fait valoir que la responsabilité première de protéger les civils sur son territoire incombe à l’État hôte, un effort que le Conseil se doit d’encourager et soutenir.
Soulignant l’importance du plein respect de la souveraineté d’un pays, la Ministre a estimé que les stratégies de transition devraient reconnaître la primauté des gouvernements nationaux et l’appropriation nationale dans l’identification et la conduite des priorités. À cette aune, les efforts des États hôtes en faveur des réformes du secteur de la sécurité, du renforcement des capacités de la police, de la justice et du système pénitentiaire, et de la promotion de l’état de droit et de la bonne gouvernance doivent être soutenus, a-t-elle plaidé, avant d’exhorter les acteurs politiques à créer des institutions améliorant l’inclusion et offrant des opportunités égales aux femmes, aux jeunes et aux marginalisés et défavorisés. Enfin, après avoir appelé au soutien actif des initiatives de consolidation de la paix, elle a jugé que la technologie numérique peut jouer un rôle crucial dans le relèvement postconflit, notamment pour améliorer les services publics, améliorer la transparence dans la gouvernance, accroître la portée de la démocratie et promouvoir les droits de l’homme et la sensibilité au genre.
Selon M. TAREK LADEB (Tunisie), le principal objectif des opérations de maintien de la paix est de mettre fin aux conflits et de parvenir à une paix durable. Il a rappelé que la cessation des hostilités ne signifiait pas forcément la fin d’un confit et le maintien de la paix, et que les conflits pouvaient reprendre après le retrait d’une force de maintien de la paix.
L’équilibre entre transition et maintien de la paix est délicat et une stratégie de retrait doit être bien réfléchie, afin de pérenniser le processus de paix. Le représentant tunisien a insisté sur le rôle de premier plan des Nations Unies pour conjuguer paix pérenne et stratégie de retrait.
Enfin, le renforcement des capacités doit se faire dans le cadre de stratégies intégrées; il importe d’épauler les autorités nationales si nécessaire, pour qu’elles s’acquittent de leurs fonctions essentielles de police, de service public, de stimulation de l’économie et de protection des civils, a-t-il pointé.
Mme HALIMAH AMIRAH FARIDAH DESHONG (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a observé qu’en dépit de leur rôle indispensable, les opérations de paix sont confrontées à une série d’obstacles qui entravent leur efficacité et leur performance. Elle a ainsi évoqué le caractère changeant des conflits, marqués par des menaces asymétriques, les objectifs politiques concurrents d’acteurs puissants, tant locaux qu’étrangers, qui exercent une influence sur les processus de paix, et la prévalence de multiplicateurs de risques tels que les changements climatiques. Dans ce contexte précaire et incertain, a souligné la représentante, les transitions de mission et les stratégies de sortie doivent toujours être menées avec le plein consentement et le consensus des parties prenantes, en particulier celle du pays hôte. Une coopération triangulaire régulière entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police est également essentielle pour garantir que tous les retraits et transitions sont stratégiquement au point.
De l’avis de la déléguée, les stratégies de sortie ne devraient jamais être motivées par des considérations budgétaires, mais plutôt déterminées par un examen complet de la situation sur le terrain. De fait, a-t-elle soutenu, les besoins et priorités des pays hôtes doivent présider à toute décision de retrait ou de reconfiguration des missions de maintien de la paix. Elle a d’autre part relevé que sur tous les théâtres d’opérations, il existe un besoin urgent de solutions de développement pour renforcer les accords de cessez-le-feu, étayer les processus de paix et offrir aux communautés touchées par les conflits des conditions de vie décentes. À ses yeux, les dividendes de la paix fournis par des initiatives de développement durable et respectueuses du climat ouvrent la voie à des transitions réussies.
La représentante a ensuite souhaité que la complémentarité des activités de paix, de sécurité de développement, de droits de l’homme et humanitaires se poursuivent grâce au lien institutionnel entre le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et l’ECOSOC, appuyés par la Commission de consolidation de la paix. Elle a également encouragé les États Membres et les institutions financières internationales à accroître leur soutien aux initiatives et mécanismes de consolidation de la paix, y compris au Fonds pour la consolidation de la paix du Secrétaire général. Enfin, elle a souligné l’engagement inestimable des organisations régionales et sous-régionales, en particulier l’Union africaine (UA), et l’expertise précieuse des acteurs locaux et régionaux dont les apports politiques et communautaires sont mieux adaptés que les « tailles uniques » imposées de l’extérieur. Les dirigeants culturels et religieux, les universitaires et les représentants de la société civile, en particulier les femmes, sont des acteurs indispensables pour des transitions réussies, a-t-elle conclu.
Selon Mme THOMAS GREENFIELD (États-Unis), la priorité en 2020 au Soudan était d’apporter une vision stratégique: une façon, pour le Conseil de sécurité et ses membres, de dépasser le cadre du mandat, de réfléchir à une transition afin d’envisager l’avenir. Car les dirigeants de la mission doivent bel et bien dépasser leur mandat et préparer l’avenir, a-t-elle martelé. « Les missions ne sont pas conçues pour être permanentes, or nombre d’entre elles le sont devenues. »
Revenant sur les déclarations de l’ex-Présidente du Libéria Mme Johnson Sirleaf, et sur sa propre expérience postconflit au Libéria en tant qu’ambassadrice des États-Unis, Mme Greenfield a rappelé combien la transition de ce pays fut un succès. Aujourd’hui, « le Libéria déploie ses propres soldats de la paix ». Cette « transition extraordinaire » a commencé par une coordination rapide et étroite, une vision créée en amont, un « message unique envoyé à la population du Libéria », pour « faire en sorte que toutes les parties soient engagées vers cet objectif ultime », a-t-elle souligné. Un travail a été mené pour que la police nationale et les institutions judiciaires libériennes soient formées pour protéger les habitants et diminuer l’impact du conflit au niveau local. Des collaborateurs extérieurs se sont assurés que les élections soient libres et régulières.
Félicitant au passage l’Inde d’avoir déployé des soldates de la paix, « un exemple pour des milliers de femmes et de filles », la représentante des États-Unis a espéré que le conflit au Darfour, alors que la MINUAD se retire, se termine de façon positive comme au Libéria. Mais elle s’est inquiétée des violences, demandant au Soudan de mettre en place une stratégie nationale pour protéger les civils.
« Une transition réussie est l’exemple même de ce que peuvent accomplir les Nations Unies »; mais ces transitions passent par une vision stratégique, claire, de longue haleine, basée sur les besoins de citoyens ordinaires, a pointé la délégation en conclusion.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rendu un hommage appuyé aux soldats de la paix déployés dans le monde, qui parfois paient de leur vie leur engagement. Ils doivent continuer à recevoir tout le soutien nécessaire, a-t-il souligné, avant de rappeler que son pays fournit des troupes à la MINUSMA. Aux côtés d’autres pays contributeurs, tels que le Bangladesh, la Suède et le Nigéria, entre autres, nos forces ont travaillé avec les communautés maliennes pour les accompagner et mieux comprendre leurs préoccupations, a précisé le représentant. Il a également noté que les soldats de la paix britanniques ont collaboré avec les planificateurs de la Mission et aidé les défenseurs des droits de la personne à accroitre leur impact dans le pays. Sur le terrain, a-t-il insisté, le Royaume-Uni et ses partenaires s’efforcent de prévenir les violences et de créer les conditions d’une transition réussie.
Cependant, a relevé le délégué, la paix et la transition sont tributaires de règlements politiques durables, ce qui suppose une action inclusive à tous les niveaux. Au Soudan, a-t-il poursuivi, la création de la MINUATS a permis de maintenir un soutien international pour parvenir à une paix pérenne au Darfour. Plaidant pour les acteurs de la consolidation de la paix œuvrent de concert avec le système de développement, il a relevé que la pérennisation de la paix passe nécessairement par une appropriation nationale, avec un soutien international approprié. Il importe par ailleurs de prévoir un transfert des responsabilités assorti d’étapes claires et de favoriser la participation de la société civile, a-t-il encore soutenu, affirmant qu’une transition réussie suppose que tous les acteurs travaillent ensemble et appuient des règlements politiques. Ce faisant, a-t-il conclu, nous pouvons préserver l’empreinte laissée par les soldats de la paix.
Mme MONA JUUL (Norvège) s’est dite convaincue qu’une transition réussie dépendait de la clarté des critères politiques, sécuritaires, judiciaires et humanitaires, et qu’elle devrait se fonder sur une stratégie de sortie de conflit élaborée en coopération entre les Nations unies, les autorités de l’État hôte et la société civile.
Le processus ne doit pas être considéré comme un retrait ; plutôt comme une reconfiguration de la présence de l’ONU dans le pays, a-t-elle continué. Les transitions doivent donc impliquer une coordination étroite avec les autres entités de l’ONU qui assument des fonctions supplémentaires au fur et à mesure que les missions se réduisent, et leur financement adéquat. Il s’agit notamment des équipes de pays, des coordonnateurs résidents et des bureaux régionaux, ainsi que de la Commission de consolidation de la paix et du Fonds pour la consolidation de la paix.
Pour assurer une paix durable, les transitions doivent progresser sur tous les aspects des mandats des missions, selon Mme Juul. Celui de la protection des civils, en premier lieu. Elle a cité l’exemple du Soudan où, lors d’une récente visite du Ministre du développement norvégien, la hausses des violences et les défis alarmants en matière de protection ont été soulignés par tous les partenaires humanitaires. Prenant note des efforts du gouvernement soudanais pour mettre en œuvre son plan d’action national pour protéger les civils, Mme Juul a toutefois insisté sur « l’urgence d’un suivi rapide » et souligné l’importance d’un engagement continu des Nations Unies.
Mme Juul a ensuite énuméré les autres aspects à consolider, selon elle, lors des transitions. Les femmes, la paix et la sécurité; les transitions doivent être planifiées et réalisées dans le cadre de processus inclusifs incluant la participation pleine, égale et significative des femmes, a souligné la déléguée. Ensuite, l’aspect « climat et sécurité » : la présence de l’ONU dans le pays devrait intégrer les risques sécuritaires liés au climat dans sa stratégie de reconfiguration. Quatrièmement, et enfin: la diplomatie de paix puisque, comme la résolution adoptée aujourd’hui l’a réaffirmé, une paix durable ne peut être atteinte que par des solutions politiques, a conclu la représentante norvégienne.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) s’est déclaré convaincu que la stratégie de sortie définie dans la planification initiale des missions de paix devrait inclure des transitions efficaces. Plus une mission dure longtemps, plus elle impacte l’environnement social, économique et politique du pays hôte, a noté le représentant, souhaitant que les processus de désengagement tiennent compte de ce facteur pour ne pas entraîner de nouvelles crises aux niveaux local et national. À ses yeux, il importe tout d’abord de garder à l’esprit que le maintien de la paix n’est pas un substitut à la résolution des conflits. Il doit être entrepris parallèlement à un traitement bien financé et hautement prioritaire des causes profondes du conflit.
Le délégué a d’autre part rappelé que les missions de maintien de la paix ont des effets stimulants sur les économies locales. Leur départ peut avoir l’effet inverse, entraînant une baisse de l’emploi et des conditions peu propices à la paix et à la sécurité, a-t-il constaté, plaidant pour que les transitions soient planifiées en collaboration avec les organismes de développement économique nationaux, régionaux et internationaux. De même, les transitions post-missions devraient, selon lui, être liées à des programmes de promotion des investissements qui visent à réduire les risques et à créer des cadres de gouvernance favorables à la consolidation de la paix.
À cet égard, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité devrait s’inspirer davantage des commissions de consolidation de la paix pour aider à garantir que les perspectives nécessaires au maintien de la paix se reflètent dans la formation, l’examen et la reconfiguration des opérations de paix. De surcroît, a-t-il ajouté, les Nations Unies devraient autant que possible impliquer le pays hôte dans la négociation et la formulation des mandats de maintien de la paix. Enfin, dans le cadre d’une transition post-maintien de la paix, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des anciens combattants devraient être pris en compte pendant et après les mandats des missions, en fonction des situations spécifiques.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné qu’il revenait aux pays hôtes de démontrer la volonté politique de remplir leurs prérogatives. Il a rappelé que la protection des civils, le respect des droits de l’Homme, la pleine participation des femmes et des jeunes, le rétablissement des services de l’État étaient essentiels : « c’est aujourd’hui le défi posé aux autorités de transition soudanaises, avec l’appui de la MINUATS ».
Les Nations Unies doivent quant à elles réussir le défi de l’intégration, entre civils et militaires, entre consolidation et maintien de la paix, entre les acteurs humanitaires et de développement, a-t-il poursuivi. La France salue l’accent mis sur cet objectif dans le cadre de l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et sa stratégie de continuité « A4P+ ».
Enfin, la responsabilité pour le Conseil de sécurité est de « définir des orientations stratégiques suffisamment en amont » et de « définir des mandats clairs », prenant compte la réalité sur le terrain. « La France s’y emploie, en particulier s’agissant des dossiers où nous tenons la plume », a précisé M. de Rivière.
Pour le représentant français, l’objectif est « d’éviter les ruptures en termes de soutien international ». En plus de 70 ans, l’ONU a déployé 71 missions dont 59 sont aujourd’hui achevées. Tirant les leçons des transitions passées, M. de Rivière a appelé à travailler en amont aux conditions d’un retrait au moment opportun, en insistant dans les mandats sur l’appui au renforcement des capacités des États, le rétablissement des services de base aux populations, la réforme du secteur de la sécurité et la participation de tous aux processus de paix. « Au Mali, la participation des femmes à la mise en œuvre de l’accord de paix s’est améliorée depuis que cet objectif est inscrit dans le mandat de la MINUSMA », s’est-il réjoui.
Il a aussi appelé à donner aux missions politiques spéciales, qui prennent le relais des opérations de paix, les mandats et les ressources pour appuyer efficacement les autorités de l’État hôte dans ces domaines, comme le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui vise à coordonner les efforts de la communauté internationale et en particulier à poursuivre l’appui à la police et à la justice. Le retrait des opérations doit aussi s’accompagner d’une coopération renforcée avec les agences, fonds et programmes des Nations Unies, y compris avec le Fonds pour la consolidation de la paix.
Enfin, la France s’est dite convaincue que les transitions ne peuvent être réussies que par un partenariat avec les acteurs régionaux et internationaux. C’est l’approche qu’elle poursuit au Sahel, où la Coalition pour le Sahel vise à répondre à l’ensemble des dimensions de la crise et à veiller à la complémentarité des efforts des Nations Unies, de l’Union européenne et des pays de la région, a conclu le représentant.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a fait remarquer que chaque conflit a son propre ensemble de causes. Par conséquent, dans chaque cas, une approche délicate et impartiale s’avère nécessaire, a-t-elle défendu, avant de se dire convaincue que des efforts politiques et de médiation de qualité jouent un rôle clef dans la promotion de la paix et de la sécurité internationales. Quelle que soit la forme que prend le soutien international à un pays en conflit, qu’il s’agisse d’une opération de maintien de la paix, d’une mission politique ou de bons offices du Secrétaire général, il sera inefficace en l’absence d’accords politiques, a fait valoir la représentante. À ses yeux, la meilleure transformation du mandat d’une mission de l’ONU est le transfert intégral de la responsabilité aux États eux-mêmes, à la fois pour prévenir et surmonter les conséquences des conflits, ainsi que pour maintenir la paix et avancer sur la voie du redressement. Malheureusement, a concédé la déléguée, un tel résultat est rarement atteint.
Dans le monde moderne, a-t-elle poursuivi, les opérations de maintien de la paix restent l’un des outils les plus importants pour mettre fin à la confrontation armée afin de créer les conditions permettant aux parties de parvenir à une réconciliation définitive. Bien que, ces dernières années, les mandats des opérations de maintien de la paix soient devenus trop « complexes » et comportent de nombreuses tâches inhabituelles pour les soldats de la paix, la Fédération de Russie considère qu’il est inapproprié d’apporter aux États une assistance à long terme dans le domaine du développement et des droits de l’homme à travers ces opérations, a-t-elle indiqué. Au fur et à mesure qu’elles stabilisent la situation sur le terrain, les missions de maintien de la paix devraient être rapidement réduites et transformées en d’autres formes d’assistance internationale, a estimé la représentante. Parallèlement, lors de la réduction ou de la fermeture des missions, il est nécessaire d’assurer leur continuité afin d’éviter que les conflits ne se reproduisent pendant la période de transition, a-t-elle souligné, ajoutant que, dans tous les cas, lors de l’examen de la question du retrait des soldats de la paix, l’opinion de la partie hôte devrait être la clef.
Pour la déléguée, il n’est pas nécessaire de surcharger le Secrétariat de l’ONU et les pays hôtes avec un ensemble stéréotypé d’objectifs ou de paramètres généraux qui ne sont pas directement liés à la résolution d’une situation de crise dans un pays particulier. S’il existe un lien certain entre la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme, il ne peut servir de motif pour mélanger les mandats des organes des Nations Unies et des unités du Secrétariat, a-t-elle affirmé. À cet égard, elle a souligné le rôle crucial de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies, qui coordonne et consolide les actions des acteurs nationaux et internationaux pour parvenir à la paix et au développement à long terme. Nous soutenons ses activités et défendons le renforcement de cet organe important de l’Organisation, a-t-elle déclaré en conclusion.
Pour M. NIANDOU (Niger), « le plus difficile ce n’est pas de s’interposer entre les belligérants et de faire taire les armes dans un conflit, mais de laisser le pays hôte dans un climat apaisé, favorable à un relèvement et un développement durable ». De fait, a-t-il souligné, le Conseil de sécurité doit procéder à une évaluation approfondie de la situation sur le terrain avant de prendre la décision de retrait des forces onusiennes. Il doit en outre tenir compte de l’avis des acteurs locaux et internationaux sur l’opportunité du retrait à travers des indicateurs de succès des mandats, a ajouté le représentant, plaidant pour une planification intégrée des opérations de maintien de la paix afin d’assurer une transition réussie, comme cela a été le cas en Côte d’Ivoire, après la fermeture de l’Opération des Nations Unies (ONUCI) en 2017.
Pour obtenir l’implication et l’adhésion des populations locales, il importe que celles-ci soient associées à toutes les étapes du processus de paix pour leur permettre d’exprimer leurs préoccupations, leurs visions et leurs besoins, a fait valoir le délégué. De même, a-t-il relevé, la planification de la stratégie de sortie de crise doit nécessairement être établie en symbiose avec les stratégies nationales qu’elles sont censées appuyer, ce qui suppose un travail de coordination intense avec le pays hôte, le système des Nations Unies et tous les intervenants, dans la diversité de leurs interventions. Enfin, compte tenu du rôle joué par la société civile, les jeunes et les femmes au sein des organisations sociales et dans les projets de développement, le Conseil doit veiller à l’application stricte de toutes les résolutions pertinentes assurant leur pleine et entière participation à toutes les stratégies, a poursuivi le représentant, avant d’appeler la communauté internationale à doter les transitions de ressources financières conséquentes, à la hauteur des activités multidimensionnelles qu’elles impliquent.
Pour M. DAI BING (Chine), les opérations de maintien de la paix constituent un moyen très utile pour sortir des conflits. Tirant les enseignements des missions passées, il a appelé à davantage de flexibilité et d’ajustement dans les stratégies à venir, et rappelé que la justice transitionnelle ne pouvait se substituer au processus politique.
Alors qu’une situation dans un pays donné se stabilise graduellement, une stratégie de retrait doit être clairement formulée pour une transition en douceur ; le Timor-Leste, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Libéria sont autant d’exemples à suivre selon le représentant chinois.
Il faut, selon lui, aider les pays concernés à édifier leurs institutions d’État pour réparer des infrastructures en ruines. Certes, c’est d’abord la responsabilité première des pays concernés: mais l’ONU et la communauté internationale doivent aussi fournir un appui ciblé à ces pays, afin de rebâtir leurs capacités de développement, notamment dans les domaines des infrastructures, de l’agriculture et de l’éducation, autant de facteurs essentiels à la stabilité d’un pays.
Comme les développements en Afghanistan le montrent, les interventions depuis l’étranger sont vouées à l’échec, selon le délégué. Il a préconisé des stratégies de transition prenant en compte les conditions sur le terrain, notamment la réconciliation nationale et la réforme du secteur de la sécurité, entre autres. Il faut aussi « respecter les désirs du pays concerné » et apporter des ajustements au fur et à mesure de la situation sur le terrain.
La Chine a indiqué qu’elle a, quant à elle, fourni une aide à la reconstruction et au développement économique de nombreux pays en sortie de conflit afin de garantir leur autosuffisance.
« Le but de chaque mission de maintien de la paix des Nations Unies est de prendre fin », a soutenu M. SVEN JÜRGENSON (Estonie), ajoutant que la paix nécessite une approche multidimensionnelle. Cependant, a-t-il relevé, la manière dont ces différentes dimensions ouvrent la voie à la paix diffère et implique une attention particulière quant au moment et à l’opportunité d’y mettre fin ou de les faire évoluer. Cela permet des transitions appropriées vers des processus pluriannuels qui supposent des engagements politiques, sécuritaires et programmatiques soutenus, réunissant l’ensemble du système des Nations Unies dans un type de configuration différent et le soutien de l’ONU au pays hôte.
Pour le représentant, la planification de la transition doit prendre en compte les grands défis, y compris les risques pour la stabilité, la gouvernance et l’état de droit, ainsi que le contexte politique, humanitaire et des droits humains. Une large coordination avec les différentes parties prenantes est donc cruciale afin d’assurer une bascule réussie vers la consolidation de la paix postconflit. Observant que les transitions de mission intégrées nécessitent le transfert d’une multitude de tâches à une variété d’acteurs, le délégué a constaté que, dans le passé, des retraits ont parfois eu lieu dans un contexte de règlements politiques incomplets, de menaces persistantes contre les civils et d’importantes disparités sociales et économiques. Par conséquent, une plus grande attention à la transition devrait être envisagée et il devrait y avoir des rapports périodiques sur l’état des transitions en cours, a-t-il plaidé, avant de noter que les autorités de l’État hôte portent une plus grande responsabilité alors que l’objectif stratégique de l’ONU s’oriente vers la consolidation de la paix.
Selon M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique), la nature changeante des conflits implique que le Conseil se tourne vers la conception de transitions efficaces, flexibles. Les transitions peuvent déterminer la voie vers la stabilité ou la rechute dans la violence et c’est dans cet esprit que le représentant a énuméré quelques points jugés importants.
D’abord, l’évaluation objective du moment opportun de mettre fin à une mission ou de modifier substantiellement son mandat, sans soumettre la décision à des considérations politiques ou autres, qui ne sont pas liées à la réalité sur le terrain. Les échéances artificielles marquant la fin d’une mission sont également à éviter, selon lui. « L’expérience en Haïti, par exemple, nous oblige à nous demander si la fin de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), et la transition vers le BINUH, se sont déroulées au moment le plus opportun. »
Ensuite, l’examen des capacités réelles à garantir la protection des civils. Comme constaté au Soudan, la fermeture de la MINUAD n’a pas été sans poser des problèmes dans ce domaine. Il est donc essentiel de prendre en compte, lors de l’examen des transitions futures, la capacité réelle des acteurs nationaux sur le terrain à assurer la protection des civils et à travailler avec eux sur des plans de protection efficaces.
Il faut aussi prêter attention aux aspects civils de la transition. Cela va de la planification des capacités civiles, notamment concernant les capacités installées pour la promotion et la protection des droits de l’homme, à l’égalité des sexes.
De même, il faut, selon le représentant, engager les coordonnateurs résidents des Nations Unies et les équipes nationales. « Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons garantir des stratégies de consolidation de la paix inclusives permettant la reconstruction du tissu social. » À cet égard, il s’est félicité du fait que, contrairement au transfert inadéquat de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), la MINUATS au Soudan a été créée dans cet esprit.
Enfin, le représentant a appelé à renforcer le dialogue avec la Commission de consolidation de la paix dans le cadre d’une approche de responsabilité partagée. « La Commission permet de réunir tous les acteurs concernés par la transition et à établir un partenariat stratégique avec les organisations régionales. Elle permet selon lui de garder les conflits sous surveillance, sans « l’effet loupe » et la pression exercée par le Conseil de sécurité.
Jugeant que « la transition est une phase cruciale dans le continuum de la paix, du maintien de la paix à la consolidation de la paix », M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a estimé que l’appropriation nationale est d’une importance capitale pour la réussite de ce processus. De fait, a-t-il dit, la planification et la mise en œuvre des transitions devraient prendre en considération les contextes spécifiques du pays d’accueil. Pour le représentant, les transitions devraient également être un exercice de collaboration étroite entre l’ONU et le pays concerné, avec un soutien international, l’objectif étant que le pays hôte s’approprie non seulement ses problèmes, mais aussi les capacités de les résoudre. Dans ce cadre, l’ONU devrait adopter une approche globale pour s’attaquer aux causes profondes des conflits, promouvoir la capacité de l’État et préserver les acquis, tout en protégeant les différents acteurs socio-économiques, y compris les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables.
Deuxièmement, a poursuivi le délégué, la continuité et la durabilité doivent être assurées. L’ONU doit donc conserver un rôle global et cohérent dans le processus de transition et au-delà en restant étroitement engagée dans le soutien aux pays concernés, y compris par l’intermédiaire de l’équipe de pays, afin qu’ils puissent relever les défis du maintien de la paix, de la croissance économique et le développement durable. À cet égard, a-t-il noté, l’assistance pourrait être renforcée par le biais de la Commission de consolidation de la paix, qui joue un rôle important en fournissant des conseils au Conseil de sécurité.
Enfin, la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales devrait, selon lui, être améliorée. Leur compréhension unique d’une région et des pays qui la composent est essentielle pour aborder les défis de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il fait valoir, avant d’estimer que de nouveaux partenariats devraient être explorées en mettant l’accent sur la préservation des gains de développement et le renforcement des capacités des pays dans des contextes fragiles de transition.
Mme BYRNE NASON (Irlande) a rendu hommage aux Casques bleus qui ont donné leur vie pour la cause de la paix. « La fin d’un conflit violent apporte avec elle une opportunité d’instaurer une paix durable, mais non une garantie », a-t-elle continué.
La résolution qui sera mise aux voix demain adresse un message clair et uni. « Première résolution autonome sur les transitions, elle fournira une feuille de route et un cadre pour la manière dont nous abordons et gérons ce moment critique et sensible de l’histoire d’un pays ».
L’Irlande envisage les transitions comme un processus stratégique, conçu pour aller vers la reconfiguration de la présence de l’ONU sur le terrain, un processus graduel, permettant et soutenant les efforts de consolidation de la paix à long terme.
Pour Mme Nason, la discussion d’aujourd’hui n’est pas simplement une question technique. « En fait, pour des milliers de personnes vulnérables, elle est loin d’être abstraite. Elles comptent sur ce Conseil et sur les Nations unies pour travailler avec leurs gouvernements afin d’assurer leur sécurité et de les protéger. » Sachant que les États ont la responsabilité première de protéger leur population, le Conseil a également un rôle à jouer: il a la responsabilité d’encourager et de soutenir les gouvernements dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies nationales reflétant les besoins de protection de toute la population. Cela signifie la pleine participation des communautés locales et des parties prenantes, y compris les femmes, les jeunes et la société civile, a-t-elle développé.
Le débat d’aujourd’hui a démontré que « la paix ne correspond pas à un moment précis comme la signature d’un accord, ni le départ d’une mission de maintien de la paix des Nations unies. C’est un processus, un engagement. Il faut du temps, de la planification, de la patience et toujours de l’espoir », a renchéri Mme Nason.