Soixante-quinzième session,
97e séance – matin
AG/12352

L’Assemblée générale crée l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, organe consultatif du Conseil des droits de l’homme

Après la tentative avortée de jeudi dernier, faute de temps, l’Assemblée générale a créé aujourd’hui l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, en adoptant sans vote une version révisée* de la résolution initiale et un amendement** présenté par la Hongrie.  

Les États-Unis ont donc renoncé à leur proposition de rattacher la résolution au sous-point de l’ordre relatif à l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, plutôt qu’à celui sur l’application intégrale et au suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Jeudi dernier, ils justifiaient leur proposition par la nécessité d’offrir un « parapluie » pour intégrer une instance, « qui a beaucoup de parents », dans le travail de l’Assemblée générale.  Un long débat s’en est suivi jeudi dernier lequel a conduit l’Assemblée générale à reporter sa décision.  Aujourd’hui, les États-Unis ont souligné que leur adhésion à la résolution ne saurait être interprétée comme un changement dans leur position vis-à-vis des textes de Durban.  Le racisme et l’intolérance sont malheureusement des phénomènes universels et « notre approche doit l’être aussi », ont-ils martelé, avant qu’Israël ne se dissocie des mêmes documents « qui politisent la lutte contre le racisme ». 

Aux termes de la résolution qu’a pu adopter aujourd’hui l’Assemblée générale, l’Instance permanente est un mécanisme de consultation pour améliorer la sécurité, la qualité de vie et des moyens de subsistance des personnes d’ascendance africaine.  Elle sera un organe consultatif du Conseil des droits de l’homme qui aura le mandat de faciliter la pleine inclusion politique, économique et sociale, sur un pied d’égalité avec les autres citoyens et sans discrimination aucune, des personnes d’ascendance africaine dans les sociétés dans lesquelles elles vivent et contribuer à garantir l’égale jouissance de tous les droits humains. 

Elle aura à fournir au Conseil des droits de l’homme, aux grandes commissions de l’Assemblée générale et aux organes, programmes, fonds et institutions des Nations Unies, des conseils éclairés et des recommandations en vue de combattre les fléaux que sont le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et toutes leurs formes et manifestations contemporaines.  L’Instance est également chargée d’examiner la question de l’élaboration d’un projet de déclaration des Nations Unies sur la promotion, la protection et le plein respect des droits humains des personnes d’ascendance africaine; recenser et analyser les meilleures pratiques, les difficultés, les possibilités et les initiatives liées au traitement des points soulevés dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban concernant les personnes d’ascendance africaine. 

Elle examinera le besoin qui se fait sentir au niveau mondial concernant l’établissement de toute urgence de canaux adéquats pour l’obtention de données ventilées par niveau de revenu, sexe, âge, race, ethnie, statut migratoire, handicap et lieu, et selon d’autres caractéristiques propres à chaque pays, de façon à favoriser l’exécution des politiques publiques relatives aux personnes d’ascendance africaine.  Le mot « genre » a été retiré de l’énumération en vertu de l’amendement de la Hongrie.  L’Instance sera composée de 10 membres dont 5 membres désignés par les gouvernements et 5 désignés par des organisations de personnes d’ascendance africaine, et sera financée par le budget ordinaire de l’ONU et des contributions volontaires.  Le Secrétariat a estimé entre 579 800 et 620 600 dollars la ponction qu’il faudra opérer sur le budget ordinaire en 2022. 

Par la voix de la Slovénie, l’Union européenne (UE) a regretté que ses préoccupations par rapport à la lutte contre les préjugés raciaux n’aient pas été prises en compte.  Elle a aussi estimé que l’élaboration d’un instrument additionnel n’est pas nécessaire.  Le paragraphe 1 c) du dispositif envisageant l’élaboration d’un projet de déclaration sur la promotion, la protection et le plein respect des droits humains des personnes d’ascendance africaine, l’Union européenne a dit comprendre qu’il ne s’agit en aucun cas d’un transfert de la responsabilité de l’Assemblée générale à l’Instance permanente.  Elle a également émis des réserves sur l’amendement au paragraphe 1 h) du dispositif sur la collecte de données.  Elle a conclu en insistant sur le fait que le budget de l’Instance doit être financé par des contributions volontaires.  Vu le nombre des mécanismes sur la question, le Royaume-Uni est allé jusqu’à questionner la nécessité d’une instance permanente et d’une nouvelle déclaration. 

Au nom de la Communauté des Caraïbes, le Guyana a salué une résolution importante alors que les pays de la Communauté commémorent aujourd’hui l’abolition de l’esclavage.   À leur tour, les États-Unis ont appuyé la création de l’Instance, en rappelant que le démantèlement du racisme systémique est une priorité de l’Administration Biden.  Les Nations Unies ont franchi aujourd’hui un nouveau jalon dans ce combat visant à faire entendre la voix des personnes d’ascendance africaine, se sont-ils réjouis.  Mais, ont-ils nuancé, nous maintenons notre position sur la Conférence de Durban.  Le racisme et l’intolérance sont malheureusement des phénomènes universels et « notre approche doit l’être aussi ». 

Israël s’est dissocié des alinéas 2, 3 et 9 du préambule et des paragraphes 1 et 6 du dispositif qui font référence à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, « des textes qui politisent la lutte contre le racisme ».  Le Mexique a critiqué la présentation tardive de l’amendement, laquelle est « un défi » aux méthodes de travail de l’Assemblée générale et ne devrait constituer en aucun cas un précédent.    

Le Chili a espéré que l’Instance sera un forum de coopération, de dialogue et de promotion des droits des personnes d’ascendance africaine partout dans le monde.  La lutte contre la discrimination est plus pertinente que jamais maintenant que l’on observe la montée du racisme et de la xénophobie.  Cofacilitateur de la résolution, le Costa Rica a remercié tous ceux qui ont contribué à l’adoption par consensus de la résolution et qui y ont apporté la « dernière touche ».  L’Assemblée générale a fait un grand pas en avant aujourd’hui, pour entendre la voix des personnes d’ascendance africaine qui ont été victimes du fléau de l’esclavage.  Cette Instance, a-t-il souligné, va travailler dans un monde où la stigmatisation et la discrimination raciale se propagent.  Il s’est dit convaincu que les réserves et les craintes exprimées aujourd’hui vont se dissiper.  Ne mesurons pas notre effort à « l’aune du budget des Nations Unies », a préconisé le Costa Rica. 

L’Iran s’est dissocié de tous « termes non consensuels » de la résolution, avant que l’Indonésie ne souligne que la création de l’Instance répond à la nécessité de faire respecter les buts et principes de la Charte des Nations Unies.  Composée de groupes ethniques multiples et divers, l’Indonésie a estimé que l’Instance est un nouvel espace important qui donne une « protection institutionnelle » à tous les peuples contre la discrimination fondée sur la race, l’ethnicité ou la religion.  Nous sommes arrivés au terme d’un processus extrêmement important dans la marche de l’humanité, s’est réjoui le Tchad, l’autre Cofacilitateur de la résolution.  

Il a affirmé que la résolution reflète un équilibre délicat mais aussi une opportunité unique pour favoriser la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Avec le Costa Rica, a-t-il affirmé, nous nous sommes engagés à mener un processus transparent et ouvert.  Pendant quatre mois, nous avons insisté sur un dialogue ouvert et approfondi, y compris avec la société civile et les personnes d’ascendance africaine.  Cette résolution n’est autre que le fruit des nombreuses discussions entre les États Membres en vue de parvenir à un point de convergence où tous les pays et groupes de pays se retrouvent dans un esprit de consensus et de bonne foi. 

Le Tchad a tenu à saluer le rôle joué par les Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme qui ont été les catalyseurs de la promotion des droits des personnes d’ascendance africaine.  Pour le Tchad, cette nouvelle Instance est appelée à servir de plateforme pour générer de nouvelles idées dans la lutte contre le racisme.  Le Japon a mis en garde contre les chevauchements avec d’autres mécanismes existants.  Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Nigéria a souligné la spécificité de l’Instance qui est « un grand jalon » dans la lutte contre le racisme, la discrimination et les vestiges de l’esclavage.  L’Afrique du Sud a d’ailleurs réclamé des compensations adéquates pour toutes les victimes du racisme et de la discrimination. 

L’Algérie a aussi espéré que l’Instance deviendra le socle pour éliminer les vestiges de la discrimination raciale, de l’esclavage et du colonialisme qui constituent « une plaie » dans l’histoire de l’humanité et qui persistent à ce jour, comme en ont témoigné « les résistances » de certains États Membres au cours de ce processus.  Elle a lancé un appel au Secrétariat pour qu’il se conforme au mandat qui lui est assigné, surtout lorsqu’il s’agit d’apporter son concours à l’Assemblée générale et à ses organes subsidiaires.  Les amendements oraux ne sont pas la règle, mais l’exception, a martelé l’Algérie, en rappelant un autre principe selon lequel, quand une réunion se tient pour adopter un texte, on ne peut l’interrompre et la reporter.  

Qualifiant d’« éloquente » la lettre qu’a fait circuler le Groupe des États d’Afrique, l’Algérie a exigé que les règles de procédure soient dûment respectées car il y va de la crédibilité de l’Assemblée générale.  Le Saint-Siège a déploré que les discussions autour de la résolution aient été marquées par la méfiance et la mauvaise foi, y voyant un objet de vives préoccupations.   

L’Assemblée générale a prévu une autre séance publique jeudi 17 août à partir de 10 heures pour se prononcer sur une résolution relative à la santé mondiale et à la politique étrangère.

*A/75/L.119/Rev.1
**A/75/L.121/Rev.1 

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