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SC/14164

Conseil de sécurité: Deux ans après la résolution 2417 sur les conflits et l’insécurité alimentaire, le monde risque une « pandémie de la faim »

Deux ans après l’adoption, le 24 mai 2018, de l’historique résolution 2417 par laquelle le Conseil de sécurité s’est prononcé à l’unanimité sur la nécessité de briser le cercle vicieux des conflits et de l’insécurité alimentaire, les responsables du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont alerté aujourd’hui du risque imminent d’une « pandémie de la faim », en même temps que la COVID-19. 

Avant que le coronavirus ne devienne un problème, j’avais dit aux dirigeants du monde que l’année 2020 pourrait être celle de la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, a rappelé M. David Beasley, Directeur exécutif du PAM, au cours de cette réunion que le Conseil de sécurité a tenue sur la protection des civils en temps de conflit, sous la présidence du Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, M. Miguel Vargas. 

Le Conseil se réunit toujours dans son cadre inédit.  COVID-19 oblige, c’est chacun dans sa Mission que les Quinze font leurs déclarations et dialoguent avec leurs invités, grâce à un système de visioconférence spécialement conçu pour eux.  Jusqu’ici, seules les interventions des invités étaient diffusées mais grâce aux ajustements techniques, les membres du Conseil ont pu pour la première fois intervenir à l’écran, concrétisant ainsi la promesse de « transparence » de leur présidence.

Au moment où nous sommes confrontés à la COVID-19, nous sommes également au bord d’une « pandémie de la faim », a prévenu le Directeur exécutif du PAM.  Son homologue de la FAO, M. Qu Dongyu, a attiré l’attention sur l’édition 2020 du Rapport mondial sur les crises alimentaires qui montre que 135 millions de personnes dans 55 pays ont connu une insécurité alimentaire aiguë en 2019, dans ce qui est « une augmentation substantielle » au cours des quatre dernières années.  Près de 60% de toutes ces personnes ont connu la famine dans des contextes de conflit ou d’instabilité, a-t-il expliqué, avançant comme autres causes, les conditions météorologiques extrêmes, l’invasion des criquets pèlerins, les chocs économiques et maintenant la COVID-19.

À cause du coronavirus, 130 millions d’autres personnes pourraient être poussées au bord de la famine d’ici à la fin de 2020, a averti le Directeur exécutif du PAM.  Le confinement et la récession économique devraient entraîner une perte de revenus importante pour les travailleurs pauvres et au moment où les donateurs consacrent leurs ressources à la lutte contre la pandémie, il faut craindre pour l’aide étrangère, a-t-il estimé. 

Cinq priorités ont été mises en avant par le Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés et ancien Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU.  M. Jan Egeland a cité un accès humanitaire sûr et sans entrave à toutes les populations dans le besoin; l’amélioration de la « diplomatie humanitaire » pour promouvoir l’accès humanitaire; le renforcement de l’instrument de déconfliction avec les parties au conflit; l’intégration des exemptions standard pour l’aide humanitaire, y compris les produits alimentaires et agricoles, dans les lois antiterroristes et les régimes de sanctions; et enfin, le renforcement des mécanismes de suivi, de notification et d’établissement des responsabilités. 

S’agissant de ce dernier point, il s’est félicité de ce que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) reconnaisse que contraindre de façon délibérée une population à la famine, dans un contexte de conflit, constitue un crime de guerre.  M. Egeland a exhorté le Conseil de sécurité à garantir des enquêtes, grâce à un mécanisme de surveillance et de signalement des délits.  « Ce n’est qu’alors que les généraux, les commandants et les politiciens réfléchiront à deux fois avant de refuser de la nourriture aux civils. » 

Si nous n’agissons pas maintenant, nous pourrions faire face à de multiples foyers de famine « de proportions bibliques », et ce, en quelques mois, a prévenu le Directeur exécutif du PAM. 

La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.

M. QU DONGYU, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a assuré que son organisation travaille à tous les niveaux pour éviter que la pandémie de COVID-19 ne perturbe les systèmes alimentaires et ne provoque une crise alimentaire mondiale.  Il a attiré l’attention sur l’édition 2020 du Rapport mondial sur les crises alimentaires qui montre clairement le lien entre les conflits et l’insécurité alimentaire aiguë.  Ce rapport, qui a été présenté au public aujourd’hui par la FAO, le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Union européenne (UE) et 13 autres partenaires, indique que 135 millions de personnes dans 55 pays ont connu une insécurité alimentaire aiguë en 2019.  Il s’agit d’une augmentation substantielle au cours des quatre dernières années.  Près de 60% de toutes ces personnes ont connu la famine dans des contextes de conflit ou d’instabilité.

Au Soudan du Sud, par exemple, plus de six millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, devraient faire face à des niveaux d’insécurité alimentaire ou pire.  La situation devrait encore se détériorer entre les mois de mai et de juillet pour atteindre près de 6,5 millions de personnes.  Au Yémen, la pire crise alimentaire et de malnutrition au monde en 2020, le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë devrait dépasser les 17 millions.  Le risque de famine y persiste, tant que les activités portuaires seront perturbées par les conflits.

Le Directeur général a donc appelé les agents humanitaires et les acteurs du développement et du maintien de la paix à des actions « cohérentes » contre les causes profondes de l’insécurité alimentaire aiguë.  La FAO sait par expérience, a-t-il dit, que les interventions sur les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire contribuent non seulement à la paix dans un endroit mais aussi aux processus de paix plus larges.  Ces interventions s’attaquent en effet non seulement aux symptômes mais aussi aux causes profondes des conflits.

Au Sahel par exemple, plus de 12 millions de personnes ont connu une insécurité alimentaire aiguë l’an dernier.  Malheureusement, ces chiffres pourraient dépasser les 17 millions au cours de la prochaine période de soudure, et malgré les efforts déployés à grande échelle et soutenus par la communauté internationale, la paix reste fragile.  L’élevage, a-t-il souligné, représente l’une des options les plus viables dans les zones arides.  En Afrique de l’Ouest et au Sahel, ce secteur représente jusqu’à 44% de toute la production agricole.  Néanmoins, le fait que les éleveurs se sentent marginalisés et la négligence des communautés pastorales, ainsi que l’épuisement des ressources naturelles dont elles dépendent, les ont laissées exposées.  De ce fait, dans de nombreuses régions, la relation, autrefois empreinte de coopération, entre les agriculteurs et les éleveurs pastoraux, est devenue conflictuelle car ils rivalisent pour les mêmes ressources rares.  La FAO et d’autres agences renforcent la résilience de ces communautés, en mettant l’accent sur les zones transfrontalières comme dans la région de Liptako-Gourma au Mali, au Burkina Faso et au Niger, où l’insécurité et la fragilité sont particulièrement aiguës.

Le Directeur général a par ailleurs déclaré que la prévention des conflits et l’action précoce pour réduire les impacts des conflits sont des mesures très efficaces qui peuvent être prises pour éviter et réduire l’insécurité alimentaire aiguë.  Selon lui, le monde a besoin de prévention, car les prévisions pour la sécurité alimentaire en 2020 semblent sombres.  En effet, les conflits, les conditions météorologiques extrêmes, les criquets pèlerins, les chocs économiques et maintenant la COVID-19 risquent de pousser davantage de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë.  Mais, en suivant de près l’évolution de ces chocs, nous pouvons intervenir rapidement pour atténuer leurs impacts, a-t-il assuré.  Alors que les faits montrent clairement que les conflits et l’instabilité généralisés conduisent à l’insécurité alimentaire, « réduire ou prévenir les conflits, c’est réduire ou prévenir la faim ».  La FAO, a-t-il promis, continuera de soutenir le Conseil de sécurité en lui livrant des informations et des analyses à jour sur la sécurité alimentaire dans le contexte de conflit pour lui permettre d’éviter au plus tôt les crises alimentaires.

M. DAVID BEASLEY, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a d’emblée déclaré qu’au moment où nous sommes confrontés à la pandémie de COVID‑19, nous sommes également au bord d’une « pandémie de la faim ».  Avant même que le coronavirus ne devienne un problème, a-t-il rappelé, j’avais déjà dit aux dirigeants du monde que l’année 2020 pourrait être celle de la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale.  Parmi les raisons, le Directeur exécutif a cité les guerres en Syrie et au Yémen, la détérioration de la situation au Soudan du Sud, au Burkina Faso et dans la région du Sahel, les invasions acridiennes en Afrique, la fréquence des catastrophes naturelles et l’évolution des conditions météorologiques.  La crise économique au Liban frappe aussi des millions de réfugiés syriens, la République démocratique du Congo (RDC), le Soudan et l’Éthiopie sont menacés.  « Nous sommes déjà dans une tempête parfaite », a tranché M. Beasley. 

Faisant parler les chiffres, il a indiqué que 821 millions de personnes dans le monde se couchent chaque soir le ventre vide ou souffrent d’une faim chronique.  Le nouveau Rapport mondial sur la crise alimentaire publié aujourd’hui montre que 135 millions de personnes de plus sont confrontées à la famine.  Le PAM lui-même estime qu’en raison du coronavirus, 130 millions d’autres personnes pourraient être poussées au bord de la famine d’ici à la fin de 2020.  C’est donc un total de 265 millions d’individus de plus.

Le Directeur exécutif a rappelé que chaque jour, le PAM se porte au secours de près de 100 millions de personnes, contre 80 millions il y a quelques années à peine.  Aujourd’hui, environ 30 millions de personnes dépendent littéralement de nous pour rester en vie, s’est-il alarmé.  Si l’accès nous est interdit, ce sont 300 000 personnes qui pourraient mourir de faim chaque jour pendant trois mois, sans compter l’impact de la COVIDE-19 sur la sécurité alimentaire.

Dans le pire des cas, la famine pourrait toucher environ 60 pays, et dans 10 d’entre eux, plus d’un million de personnes sont déjà au bord de la famine.  Dans de nombreuses régions, cette souffrance humaine est le prix du conflit.  Le PAM, a souligné son Directeur exécutif, est donc heureux que le Conseil de sécurité ait pris la décision historique d’adopter la résolution 2417 en mai 2018.  Il faut maintenant tenir nos promesses et agir immédiatement.  Le confinement et la récession économique devraient entraîner une perte de revenus importante pour les travailleurs pauvres.  Les envois de fonds chuteront tout comme les recettes touristiques et les revenus pétroliers.  Au moment où les donateurs consacrent leurs ressources à la lutte contre la pandémie, il faut craindre pour l’aide étrangère, a souligné le Directeur exécutif.

Aujourd’hui, 1,6 milliard d’enfants et de jeunes sont privés d’école, en raison du confinement.  Ce sont donc près de 370 millions d’enfants qui n’ont plus accès aux cantines scolaires et à leur apport nutritif.  Le PAM s’efforce de remplacer ces cantines.  Il aussi livré des millions d’équipements de protection individuelle, de kits de test et de masques faciaux à 78 pays, au nom de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Grâce à son système de transport aérien, il fait voyager médecins, infirmiers et agents humanitaires là où ils sont attendus.  Mais « avant toute chose, nous avons besoin de paix », a insisté le Directeur exécutif. 

M. Beasley a plaidé pour l’accès humanitaire mais aussi pour la poursuite des échanges commerciaux.  Les chaînes d’approvisionnement doivent continuer de fonctionner si nous voulons surmonter cette pandémie.  Il faut donc résister à la tentation des restrictions à l’importation qui peuvent entraîner des hausses de prix.  Le PAM travaille avec les gouvernements pour renforcer les filets de sécurité sociale, a indiqué M. Beasley qui a demandé le décaissement du montant promis de 1,9 milliard de dollars auquel il faut ajouter une somme supplémentaire de 350 millions de dollars.  Aujourd’hui, a-t-il conclu, « il n’y a pas encore de famines ».   Mais si nous n’agissons pas maintenant pour garantir l’accès de l’aide humanitaire, éviter les déficits budgétaires et empêcher les perturbations commerciales, nous pourrions faire face à de multiples foyers de famine « de proportions bibliques », et ce, en quelques mois.

M. JAN EGELAND, Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, a salué la volonté du Conseil de sécurité de briser le cycle vicieux des conflits et de l’insécurité alimentaire.  Au cours de mes 40 années d’activités humanitaires, a-t-il rappelé, plus de 70 millions de personnes ont fui la violence et les conflits, et l’impact le plus terrible des conflits sur la sécurité alimentaire a été observé dans le centre du Sahel et le bassin du lac Tchad.  Au Burkina Faso, par exemple, le nombre de réfugiés est passé de 70 000 à 750 000 en un an.  Dans la petite ville de Barsalogho, dans le nord, la population a augmenté de manière exponentielle, avec l’arrivée des gens qui ont fui les attaques brutales des différents groupes armés.  Les organisations humanitaires, a prévenu le Secrétaire général, ne sont pas assez nombreuses ni assez financées pour être efficaces sur un vaste territoire où il n’y a plus service public ni état de droit.  Dans les abris, a raconté M. Egeland, une famille de sept ou huit personnes peut être amenée à se débrouiller avec 20 litres d’eau par jour.  Comment, s’est-il inquiété, éviter la propagation de la COVID-19, quand un millier de huttes sont construites côte à côte, abritant chacune une dizaine de personnes rationnées à 3 litres d’eau potable par tête et par jour. 

Cette situation d’urgence humanitaire dans le nord du Burkina Faso est aussi la réalité dans tout le Sahel, du Mali au lac Tchad, a poursuivi le Secrétaire général.  La situation humanitaire est influencée par les opérations antiterroristes mais très peu est fait pour s’attaquer aux racines de la violence que sont le chômage, le manque d’accès à l’éducation, la pauvreté abjecte, l’absence de bonne gouvernance et le peu d’espoir qu’ont les jeunes d’un avenir meilleur.  Qu’il s’agisse du Sahel, de la Syrie, du Yémen, de la République démocratique du Congo (RDC) ou encore de la Somalie, nous constatons partout la nécessité de tout reprendre à zéro en matière de réponse humanitaire, s’est résigné le Secrétaire général. 

Il a mis l’accent sur cinq priorités: un accès humanitaire sûr et sans entrave à toutes les populations dans le besoin; l’amélioration de la « diplomatie humanitaire » pour promouvoir l’accès humanitaire; le renforcement de l’instrument de déconfliction avec les parties au conflit; l’intégration des exemptions standard pour l’aide humanitaire, y compris les produits alimentaires et agricoles, dans les lois antiterroristes et les régimes de sanctions; et enfin, le renforcement des mécanismes de suivi, de notification et d’établissement des responsabilités. 

S’agissant de l’accès humanitaire, M. Egeland a exhorté le Conseil de sécurité à éviter de le politiser et à laisser les acteurs humanitaires travailler « là, où et quand » il y a des besoins, qu’il s’agisse des lignes de front, des frontières ou encore des lignes politiques, religieuses et ethniques.  La résolution 2165 du Conseil de sécurité pour l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie est, à cet égard, un bon exemple.

Le Secrétaire général a ensuite appelé les missions déployées par le Conseil de sécurité et les missions bilatérales à accorder la priorité à la « diplomatie humanitaire » auprès des parties qui peuvent lever les obstacles à l’accès humanitaire.  Il a cité l’impact qu’a eu le Groupe de travail sur l’accès humanitaire en Syrie dont les quelque 25 États Membres « influents » ont permis l’acheminement d’une aide alimentaire dans des villes assiégées, 72 heures seulement après sa création.

Quant à l’instrument de déconfliction, il a souligné la nécessité de bien informer les parties sur la localisation des sites humanitaires et médicaux.  M. Egeland a rappelé que la protection d’une aide humanitaire neutre, impartiale et indépendante est un principe fondamental du droit international humanitaire et que s’attaquer aux sites de cette aide constitue un crime de guerre.  La déconfliction et la « diplomatie humanitaire » peuvent, a-t-il insisté, fonctionner dans les guerres les plus cruelles à condition que les informations fournies puissent être vérifiées et que les responsables des attaques contre des sites protégés soient traduits en justice. 

Venant aux exemptions pour l’aide humanitaire, M. Egeland a dit combien le régime de sanctions contre les Chabab a considérablement compliqué les efforts de lutte contre la famine en 2011 en Somalie.  Les financements ont été retardés, créant des difficultés énormes pour les acteurs humanitaires.  Le retard dans l’introduction des exemptions peut expliquer le nombre élevé des morts, a-t-il dit.  Dans de nombreux territoires où travaillent les 15 000 agents de mon Conseil, a indiqué le Secrétaire général, les difficultés sont toujours là s’agissant de l’acheminement l’aide humanitaire, en raison des régimes de sanctions ou des mesures de lutte contre le terrorisme.  À cet égard, il a appelé les États à faire en sorte que les gestes barrières qu’ils mettent en place contre la COVID-19 ne viennent pas entraver la liberté de mouvement du personnel humanitaire. 

Enfin, pour ce qui est des mécanismes pour l’établissement des responsabilités, M. Egeland s’est félicité de ce que le Statut de Rome reconnaisse que contraindre de façon délibérée une population à la famine, dans un contexte de conflit, constitue un crime de guerre.  Les hommes armés ou les « puissances » qui empêchent des enfants et des familles d’accéder à la nourriture doivent subir les conséquences de leurs actes.  Le Secrétaire général a donc exhorté le Conseil de sécurité à garantir des enquêtes et l’établissement des responsabilités grâce à un mécanisme de surveillance et de signalement des délits.  Ce n’est qu’alors, a-t-il estimé, que les généraux, les commandants et les politiciens réfléchiront à deux fois avant de refuser de la nourriture aux civils.  Affamer des civils est un crime de guerre qui ne saurait servir en aucun cas des objectifs militaires légitimes.

M. MIGUEL VARGAS, Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, a tout d’abord déclaré que la pandémie de COVID-19 nous met face à la « preuve insoutenable » que malgré le renforcement des capacités de production, la réalisation de l’objectif de développement durable « Faim zéro » n’est pas garantie.  Il s’est ensuite penché sur les liens entre insécurité alimentaire et stabilité politique.  Les preuves sont irréfutables, selon lui: l’insécurité alimentaire est un terrain fertile pour les conflits et elle le devient encore plus lorsqu’y sont associées l’inégalité et la faiblesse des institutions.

Le Ministre a indiqué que 40 millions de personnes souffrent de la faim dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, notamment au Venezuela, où la sous-alimentation a quadruplé entre 2014 et 2018, et en Haïti, où 3,7 millions de personnes souffrent d’un niveau élevé d’insécurité alimentaire.  De plus, les leçons tirées de la Colombie viennent rappeler que les conflits, les déplacements et la faim forment un cercle vicieux.

Selon M. Vargas, des actions précoces s’imposent pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, celles-ci devant en outre être considérées comme contribuant au maintien de la paix.  Cette préoccupation doit être maintenue à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, a-t-il estimé, tout en mettant en garde contre les approches toutes faites.  Il a jugé impératif de renforcer les piliers paix, sécurité, développement, environnement et aide humanitaire de l’ONU.  De plus, a-t-il ajouté, le Secrétaire général, les États, les agences spécialisées, les acteurs humanitaires et de développement et les communautés touchées doivent disposer des informations et des outils d’alerte précoce nécessaires pour faire face à l’insécurité alimentaire engendrée par les conflits et exacerbée par les changements climatiques, les crises économiques et la pandémie de COVID-19.

M. Vargas a, par ailleurs, fait savoir que la République dominicaine avait déclaré 2020 l’année de la consolidation de la sécurité alimentaire.

Pour le Royaume-Uni, l’aide humanitaire est le dernier recours, « un signe d’échec politique ».  Il a focalisé son attention sur le Yémen et la Syrie.  Il a exhorté les dirigeants politiques yéménites, en particulier les houthistes, à répondre de manière constructive à l’appel du Secrétaire général et de son Envoyé spécial à cesser immédiatement les hostilités, à se concentrer sur la recherche d’un règlement négocié et à faire tout ce qui est possible pour contrer la pandémie de COVID-19, y compris en assurant un accès humanitaire sans entrave.  Il s’agit, s’est expliqué le Royaume-Uni, d’éviter une aggravation de l’insécurité alimentaire et d’une situation humanitaire déjà désastreuse.  Les dirigeants politiques doivent faire preuve d’un véritable leadership et agir dans l’intérêt de leur peuple, a déclaré le Royaume-Uni.  Dans le nord-ouest de la Syrie, il est crucial que ce Conseil renouvelle la résolution 2504 (2020) avant son expiration en juillet pour permettre aux Nations Unies et à ses partenaires humanitaires de fournir des vivres, des fournitures médicales et toute autre assistance dont les populations ont désespérément besoin. 

Le Royaume-Uni s’est dit profondément préoccupé par le sort de tous les civils syriens.  Il a rappelé qu’il a déboursé plus de 4 milliards de dollars depuis le début du conflit, y compris pour les réfugiés syriens dans les pays voisins.  Il est « inacceptable, illégal et inhumain » d’utiliser la faim comme arme de guerre, a ajouté la délégation qui a rappelé toutes les parties au conflit leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.

Dans la résolution 2417 (2018), a fait observer le Royaume-Uni, le Conseil demande au Secrétaire général de lui communiquer rapidement des informations.  Nous espérons, a-t-il dit, que ce dernier envisagera de nouveaux moyens de répondre en temps voulu à cette demande et les États Membres doivent s’abstenir de limiter sa faculté à le faire.  Le Conseil, a conseillé le Royaume-Uni, doit aussi se montrer prêt à prendre une action robuste pour assurer le flux de l’aide humanitaire.  Dans sa résolution 2417, il a d’ailleurs envisagé d’adopter des sanctions ciblées contre les individus ou les entités qui obstruent la fourniture de l’aide mais aussi d’autoriser des dérogations pour les pays déjà sanctionnés.  « La leçon est claire: l’aide humanitaire, c’est un sparadrap.  Le vrai remède est politique », a conclu le représentant.

L’Estonie a noté que 130 millions de personnes supplémentaires pourraient être poussées au bord de la famine d'ici la fin de 2020 en raison du coronavirus, selon une estimation du Programme alimentaire mondial (PAM).  La délégation a souligné que la plupart des personnes en situation d'insécurité alimentaire dans le monde vivent dans des pays touchés par des conflits armés, qui ont des conséquences humanitaires dévastatrices, entravant une réponse humanitaire efficace.  Dans ce contexte, la délégation a pleinement appuyé l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu mondial.  Même si l’interruption des conflits est nécessaire pour lutter contre les pénuries, il ne faut pas oublier l’impact des changements climatiques sur les moyens de subsistance et les migrations dans de nombreux pays, a rappelé l’Estonie qui s’est inquiétée des risques pour la sécurité liés au climat et de l’augmentation des inégalités et de la fragilité qui en résultent.  Cela pose en outre des défis supplémentaires pour les missions des Nations Unies partout dans le monde.  Les crises alimentaires provoquées par les conflits peuvent s'aggraver dans les pays où les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, a prévenu la délégation.  

Parce que les femmes sont des acteurs clefs de la sécurité alimentaire pendant les conflits, le pays a jugé indispensable de garantir l'égalité des droits, notamment pour l’accès des ménages aux ressources et à la terre.  Il s’est dit persuadé que la participation des femmes à la prise de décisions renforcera la capacité des communautés à gérer les défis liés à l'insécurité alimentaire.  Enfin, l’Estonie a exhorté toutes les parties à un conflit armé à se conformer au droit international humanitaire et au droit international des droits de l'homme et à garantir un accès sûr et sans entrave du personnel humanitaire aux civils.  

La Chine a souligné trois points et d’abord l’importance de prévenir et de régler les conflits, et de promouvoir le dialogue et le règlement politique.  Elle a exhorté toutes les parties à soutenir activement à l’appel à la cessation des hostilités, lancé par le Secrétaire général.  Toutes les mesures doivent être prises par les parties pour garantir un accès humanitaire sans entrave, y compris l’aide alimentaire.  La Chine a estimé en particulier que la communauté internationale doit accorder une plus grande attention aux problèmes de l’Afrique et soutenir les bons offices et les efforts de médiation de l’Union africaine et autres organisations régionales.  Deuxièmement, a ajouté la Chine, il est essentiel de promouvoir un développement inclusif et équilibré et de le placer au cœur des préoccupations.  Une plus grande attention doit être accordée à la reconstruction des régions dévastées par les conflits, à la promotion des processus politiques et économiques et au maintien et à la consolidation de la paix, tout en renforçant les capacités de développement des pays concernés, afin de prévenir les crises alimentaires et autres catastrophes humanitaires. 

Troisièmement, a poursuivi la Chine, il est essentiel d’intensifier la coopération internationale et de créer les conditions favorables à la sécurité alimentaire.  La communauté internationale doit prendre conjointement des mesures urgentes pour garantir une chaîne d’approvisionnement alimentaire sans obstacle, en assurant, entre autres, la stabilité des prix.  Il faut aider la FAO et le PAM à jouer leur rôle unique de prévenir une famine généralisée.  Les États Membres doivent, a insisté la Chine, stabiliser les chaînes d’approvisionnement, réduire les barrières tarifaires, faciliter les échanges commerciaux et garantir un approvisionnement ininterrompu en produits alimentaires et agricoles, a encore suggéré la Chine, qui a aussi plaidé pour la levée des sanctions unilatérales imposées à certains pays. 

Pour l’Indonésie, la faim ne doit jamais être utilisée comme méthode de guerre.  De même, les parties à un conflit doivent respecter le droit international, y compris le droit international humanitaire et les résolutions du Conseil de sécurité.  Néanmoins, les acteurs qui sont actifs dans la plupart des conflits aujourd’hui continuent de les violer.  Ainsi, les attaques contre les travailleurs humanitaires, les missions médicales et les biens civils se poursuivent et perturbent délibérément l’accès humanitaire.  La délégation a réitéré l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial qui permettrait l’acheminement de l’aide humanitaire pendant la pandémie de COVID-19.  L’Indonésie a également demandé un accès humanitaire sans entrave pour les acteurs humanitaires, afin de porter secours à ceux qui en ont besoin, notamment en fournissant de la nourriture. 

Par ailleurs, selon la délégation, la coopération internationale est vitale pour protéger les civils.  En effet, si la responsabilité première de la protection des civils incombe à chaque pays, on a souvent constaté un écart entre cette responsabilité et la capacité d’un État à l’assumer.  L’appui international, y compris par le biais d’une assistance technique et financière, s’avère donc vital pour permettre le renforcement des capacités.  De même, la promotion d’une culture de la paix, avec une approche fondée sur les droits, est également importante pour l’Indonésie.  Les leçons apprises et les meilleures pratiques devraient être partagées, a aussi suggéré la délégation, qui a aussi appelé à ouvrir les frontières afin d’assurer le maintien de la chaîne d’approvisionnement mondiale et ne pas perturber le commerce. 

La délégation a par ailleurs insisté sur la nécessité d’ancrer la protection des civils dans tout le continuum de la paix - de la prévention des conflits et du maintien de la paix à la consolidation de la paix et au développement durable.  Pour que la paix prospère, un développement durable est nécessaire.  Pour y parvenir, l’Indonésie a exhorté le Conseil à utiliser les outils tels que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le dispositif de consolidation de la paix des Nations Unies.  Aucun civil ne doit être laissé pour compte ou laissé sans protection, et « personne ne devrait souffrir de la faim  », a insisté la délégation. 

L’Allemagne a prévenu que, deux ans après l’adoption de la résolution 2417 (2018), la communauté internationale attend du Conseil de sécurité qu’il agisse de manière plus décisive sur les liens entre conflits et insécurité alimentaire.  Face au constat que 135 millions de personnes ont souffert d’une insécurité alimentaire aiguë en 2019, l’Allemagne a exhorté le Conseil à améliorer son approche préventive, pour identifier au plus tôt toute menace à la sécurité alimentaire et prendre rapidement des mesures pour préserver la paix et la sécurité internationales.  Elle a rappelé que la résolution 2417 a mis en place un mécanisme d’alerte rapide pour pouvoir agir avant l’apparition d’un risque de famine.  L’Allemagne a demandé au Secrétariat de l’ONU de surveiller de près les pays fragiles et de faire rapidement rapport au Conseil sur les risques de famine provoquée par les conflits et une insécurité alimentaire généralisée.  Elle a rappelé que depuis 2015, elle a soutenu l’action humanitaire avec plus de 30 millions d’euros, dont la plus grande partie a été consacrée à l’aide alimentaire. 

Mettant l’accent sur la nécessité de protéger les sites et les acteurs humanitaires, l’Allemagne a rappelé que la résolution 2417 appelle au respect du droit international humanitaire et à un accès humanitaire sans entrave.  Toutes les parties à un conflit doivent respecter leurs obligations, protéger les civils et laisser les acteurs humanitaires accomplir leurs tâches « vitales », a insisté l’Allemagne.  Il revient aux membres du Conseil de sécurité, a-t-elle souligné, de contribuer à la création d’un environnement favorable au travail humanitaire.  C’est l’objet de « l’Appel à l’action humanitaire » qu’elle a lancé en avril 2019 conjointement avec la France et qui est appuyé par 44 États Membres de l’ONU.

L’Allemagne a aussi reconnu que l’interaction entre les conflits, les changements climatiques et l’insécurité alimentaire dans un contexte de vulnérabilité a des effets dévastateurs sur les civils et la réalisation du développement durable.  Notant que 183 millions de personnes risquent de sombrer dans une insécurité alimentaire aiguë en cas de choc ou de stress supplémentaire, comme le souligne le Rapport mondial sur les crises alimentaires, elle s’est inquiétée de l’impact de la pandémie sur la sécurité alimentaire.  Face aux risques de perturbations de la chaîne d’approvisionnement, elle a exhorté tous les acteurs concernés à prendre des mesures pour assurer la livraison de l’aide humanitaire malgré la fermeture des frontières, les interdictions de voyager, les mesures de quarantaine et autres difficultés. 

L’Afrique du Sud a noté que la faim est à la fois une cause et une conséquence de la guerre et des conflits.  Il n’est donc pas étonnant que 60% des personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire vivent dans des pays touchés par un conflit, a dit la délégation.  Elle a également prévenu que la pandémie de COVID-19 risque d’exacerber la situation en provoquant des pénuries de vivres, en créant une compétition « destructrice » pour des ressources limitées et en manipulant les provisions alimentaires.

La délégation a ensuite appelé le Conseil de sécurité à faire un usage plus efficace des systèmes de prévention et d’alerte précoce, notamment en intégrant des indicateurs sur des niveaux « alarmants » d’insécurité alimentaire et les restrictions imposées à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Une approche multidimensionnelle et une étroite coopération entre les efforts humanitaires et de développement s’imposent également, de même que la promotion d’une aide sexospécifique qui tienne également compte de l’âge des personnes.  L’octroi de soins de santé dans les zones de conflit doit également être intégré aux stratégies d’élimination de la faim.  Il faut aussi, a-t-elle ajouté, tenir compte de l’impact économique des sanctions imposées à un pays en conflit vu le risque d’augmenter, par inadvertance, la faim générée par le conflit.

La délégation de Saint-Vincent-et-les Grenadines a noté que la pandémie de COVID-19 continue de dévaster les sociétés et économies, tandis que la crise climatique, toujours plus aiguë, jette une ombre de fragilité sur les vies et moyens d’existence.  Dans la lutte pour une paix et prospérité durables, la délégation a indiqué qu’il n’y a pas de victoire aisée.  « C’est pourtant dans les heures les plus sombres, lorsque nos luttes semblent insurmontables, que nous devons œuvrer ensemble – non pas malgré, mais précisément parce que nos perspectives, priorités et intérêts distincts exigent des formes d’engagement constructives à même de générer des solutions créatives, centrées sur les peuples. »  La délégation a tenu à rappeler que les anciens ont forgé un système multilatéral complet pour servir les intérêts des peuples.

La délégation a détaillé l’initiative visant à éradiquer la faim dans son pays, qui combine un certain nombre de programmes destinés à apporter une protection minimale aux vulnérables.  Cette initiative, appelée « Fonds d’affectation zéro famine », a entraîné une baisse significative de la malnutrition dans le pays, a déclaré la délégation.  Un tel fonds d’affectation pourrait être mis en place, sous les auspices du PAM, afin de combler les manques financiers qui entravent l’assistance aux populations en insécurité alimentaire ou touchées par un conflit.  À cet égard, la délégation a déploré la récente annonce faite par le PAM d’une réduction de l’aide alimentaire dans les zones du Yémen contrôlées par les houthistes.

« Nous devons être bien conscients, néanmoins, que si les conflits demeurent un facteur d’insécurité alimentaire aiguë dans certains contextes, les dangers des changements climatiques, y compris les précipitations erratiques, les inondations, les sécheresses et la montée du niveau des mers, contribuent à saper la productivité agricole et à créer l’insécurité alimentaire. »  Par conséquent, pour mettre fin à la famine d’ici à 2030, la délégation a plaidé pour une approche systémique visant à remédier à l’insécurité alimentaire à la fois au sein et au-delà des situations de conflit.  Cela signifie que ce Conseil doit accroître ses efforts pour œuvrer, aux côtés de la Commission de consolidation de la paix, du Conseil économique et social, du PNUD, de la FAO et du PAM, au règlement des causes profondes de l’insécurité, a conclu la délégation.

La Fédération de Russie a estimé que le Conseil de sécurité n’est pas la bonne plateforme pour parler des facteurs socioéconomiques et autres liés aux conflits armés.  Il faut, a-t-elle lancé, respecter la Charte des Nations Unies qui précise clairement les attributions de chaque organisme du système des Nations Unies.  Tout en reconnaissant que le problème de la sécurité alimentaire dans les pays en conflit armé est complexe et multidimensionnel, elle a tenu à rappeler que l’une des causes profondes, souvent omise par « certains de nos collègues », est l’ingérence dans les affaires intérieures des États laquelle provoque les conflits et les risques pour la sécurité alimentaire nationale.  La Fédération de Russie a montré « une preuve éclatante » de l’impact de l’ingérence: « ce que nous voyons tous les jours en Iraq, en Libye, en Syrie, et au Yémen où les puissances étrangères viennent régler leurs comptes ».  Il faut mettre fin, a martelé la Fédération de Russie, à de telles situations d’ingérence.  Au Yémen, la plus grande catastrophe humanitaire de notre époque, les deux tiers de la population ont besoin d’une aide humanitaire, dont la moitié sont des enfants.  En Syrie, plus de 11 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire qui pourtant reste conditionnée à des mesures discriminatoires alimentées par les appels au changement de régime.  Le rôle du mécanisme transfrontalier est ainsi artificiellement exagéré au détriment des alternatives offertes par le Gouvernement syrien. 

La Fédération de Russie a aussi estimé que l’on exagère l’impact des changements climatiques sur toutes les questions à l’examen, au risque de ne pouvoir trouver les bonnes solutions.  La création des opportunités, le renforcement des capacités de production locale, la stabilisation du marché mondial des produits de base, la libéralisation du commerce et l’atténuation des conséquences des catastrophes naturelles peuvent réanimer les économies ruinées par les conflits armés.  L’un des moyens les plus importants et les plus évidents d’avancer est de lever les sanctions unilatérales.  La Fédération de Russie a rappelé qu’elle a versé plus de 40 millions de dollars pour l’aide alimentaire aux pays en situation de conflit armé à la fois par la voie bilatérale et le Programme alimentaire mondial (PAM).  Elle a proposé de poursuivre les discussions dans les fora plus appropriés que sont l’Assemblée générale et le Conseil économique et social(ECOSOC). 

Pour la France, le lien entre paix et sécurité internationales et famine est prouvé: nous l’avons vu ces dernières années au Yémen, au Soudan du Sud, en Syrie ou dans la région du Sahel.  La délégation a jugé urgent que le Conseil de sécurité s’attaque à cette question en citant le Directeur exécutif du PAM pour qui nous sommes au bord d’une pandémie de faim.  La France a organisé une réunion Arria sur ce sujet en 2017, a rappelé la délégation avant de se féliciter de l’adoption de la résolution 2417 (2018) et de la négociation en cours d’une déclaration sur la question.

La France s’est inquiétée des nouvelles tendances inquiétantes de la faim depuis 2015, après des décennies de déclin.  Alors que 11% de la population mondiale souffrait de la faim en 2018, elle a vu comme un immense défi la réalisation de l’objectif de développement durable 2 « Faim zéro ».  Elle a dénoncé le cercle vicieux des conflits qui augmentent l’insécurité alimentaire, qui à son tour nourrit une violence pouvant entraîner le déplacement de personnes vers des lieux où les ressources alimentaires ne sont pas suffisantes pour nourrir les populations locales, les réfugiés et les personnes déplacées.

« L’utilisation de la famine comme méthode de guerre contre les civils constitue un crime de guerre au regard du droit pénal international et ne peut rester impunie », a prévenu la France avant de s’associer à l’Allemagne qui a fait le lien entre changements climatiques, conflits et insécurité alimentaire.  Elle a précisé que le Rapport mondial sur les crises alimentaires de 2020, publié aujourd’hui, montre clairement que les événements climatiques extrêmes sont un facteur de plus en plus important d’insécurité alimentaire.  « C’est notamment le cas dans la région du Sahel où les événements climatiques aggravent l’insécurité alimentaire due aux conflits », a-t-elle dit avant de regretter que les changements climatiques n’aient pu être explicitement mentionnés dans la déclaration présidentielle en train d’être négociée.

Notant que les changements climatiques sont également ce qui incite les populations au déplacement, problème qui est une autre source de crise alimentaire, la France a indiqué qu’elle préside actuellement la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes, dont l’objectif est une meilleure protection des personnes déplacées dans le contexte des catastrophes et des changements climatiques.  Elle a souligné l’importance des systèmes de prévention et d’alerte rapide pour agir plus efficacement afin de prévenir la famine provoquée par les conflits avant d’exhorter le Secrétaire général de l’ONU et les gouvernements à fournir des informations en temps opportun sur les niveaux d’insécurité alimentaire afin de mieux anticiper, prévenir et atténuer les effets d’une crise alimentaire.  Par ailleurs, la France a augmenté son financement de l’aide alimentaire, passant d’environ 40 millions d’euros en 2019 à plus de 50 millions d’euros en 2020, parce qu’elle est convaincue que l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition contribue au maintien de la paix et à la réalisation des objectifs de développement durable.  « Notre aide alimentaire couvre cette année les régions touchées par les conflits, tout en tenant compte de l’impact de la COVID-19. »

La Tunisie a souligné que la faim et la malnutrition liées aux conflits résultent de nombreuses actions directes des belligérants, telles que des attaques ciblées contre les ressources alimentaires et les infrastructures de base dans ce domaine, les blocus ou les sièges, les obstacles et les restrictions aux secours humanitaires ainsi que le ciblage des acteurs et opérations humanitaires.  Sur le long terme, les effets des conflits tels que la récession économique, l’inflation, le chômage et la perturbation des services essentiels, contribuent également à l’insécurité alimentaire.  De même, certains pays en conflit sont plus vulnérables, en raison de la combinaison mortelle de la pauvreté, de la violence, de la faim et des changements climatiques, qui peuvent entraîner des niveaux très élevés de danger de mort, en particulier chez les femmes et les enfants.  La délégation a aussi déploré le fait que l’insécurité alimentaire et la famine provoquées par les conflits soient utilisées comme méthode de guerre et comme moyen de pression pour parvenir à des fins politiques.

La Tunisie a condamné toutes ces pratiques qui représentent un outrage à la dignité personnelle et aux droits inaliénables de ces populations, et elle a dit soutenir toutes les mesures qui mènent à la pleine mise en œuvre de la résolution 2417 (2018), notamment en termes de prévention, de réponse, de respect des règles et de responsabilisation.  Elle a réitéré l’urgence de poursuivre et de multiplier les efforts internationaux pour lutter contre tous les facteurs qui compromettent la sécurité alimentaire et la nutrition.  Il est donc vital de mettre fin à toutes les formes d’utilisation de la famine comme méthode de guerre et au refus illégal de l’accès humanitaire.  La Tunisie a expliqué en effet que les effets dévastateurs de ces abus sur les populations civiles, et les enfants en particulier, peuvent affecter leur vie et durer des décennies, même après le règlement politique des conflits.

La Belgique a invité les États Membres à favoriser la distribution de l’aide humanitaire, en réduisant les contraintes administratives et autres restrictions.  Parmi ses suggestions en ligne avec la résolution 2417 (2018), elle a jugé indispensable que les États qui ont une influence sur les parties aux conflits utilisent cette influence pour inciter ces dernières à respecter le droit international humanitaire.  Les États, a-t-elle précisé, doivent faciliter les enquêtes sur les violations commises.  Si et quand les juridictions nationales n’agissent pas, le Conseil de sécurité dispose, a rappelé la Belgique, des outils nécessaires pour déclencher une série de mécanismes internationaux d’enquête et d’établissement des responsabilités.  Elle s’est félicitée de l’amendement au Statut de Rome visant à inclure comme crime de guerre, dans les conflits armés non internationaux, la privation intentionnelle de civils comme méthode de guerre.

La Belgique a estimé que le Conseil devrait également continuer de sanctionner les individus ou les entités qui entravent l’accès humanitaire.  Elle a voulu que les opérations de paix soient dotées des mandats les plus appropriés en matière de protection des civils et initient des dialogues sur les problèmes d’accès de l’aide humanitaire.  La Belgique a, par ailleurs, estimé que le Secrétaire général a un rôle important à jouer, en alertant le Conseil de sécurité lorsque le risque de famine provoqué par un conflit et une insécurité alimentaire généralisée dans le contexte d’un conflit armé se produit, et en fournissant les informations nécessaires lors des séances d’information sur la protection des civils.

Les populations affaiblies par des années de violence, de destruction et de malnutrition, poussées à leurs limites par les effets néfastes des changements climatiques, sont particulièrement vulnérables aujourd’hui à la propagation du COVID-19, a alerté la Belgique.  Elle a donc pleinement appuyé l’appel du Secrétaire général à un cessez-le-feu mondial pour assurer une réponse adéquate à la pandémie.  Nous rappelons que la COVID-19 n’exempte pas les gouvernements de leurs obligations en vertu du droit international, des droits de l’homme et du droit humanitaire, et appelons tous les États à veiller à ce que les restrictions liées à la COVID ne réduisent pas la faculté des acteurs humanitaires de fournir l’aide, a insisté la Belgique.

Le Niger a relevé que les conflits sont désormais la principale cause de la faim dans le monde.  Au Sahel et dans le bassin du lac Tchad, où une grande partie de la population vit de l’agriculture et où les changements climatiques exacerbent déjà les tensions, la crise alimentaire aiguë a été précipitée par le conflit en cours et l’intensification des activités des insurgés.  Quelque 3,5 millions de personnes, a précisé le Niger, devraient faire face à une insécurité alimentaire aiguë à sévère dans le bassin du lac Tchad, auxquelles il faut ajouter 3,3 millions de personnes qui ont besoin d’une assistance immédiate dans le centre du Sahel.  Le Niger a fermement condamné le recours à la famine comme tactique de guerre et les obstacles érigés à l’accès à l’aide humanitaire dans les conflits armés.  Il a rappelé aux parties leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et l’importance qu’il y à traduire en justice les auteurs de violations.  Notant que les femmes et les enfants sont les premières victimes de ces violations, le Niger a plaidé pour une assistance humanitaire adaptée au genre et à l’âge.

Avec l’émergence de la COVID-19, il s’est particulièrement inquiété de l’impact désastreux de la pandémie sur les personnes qui vivent dans les zones de conflit et qui souffrent déjà de la faim.  Il a cité les différents facteurs liés à la pandémie qui aggravent les problèmes dans les grandes crises humanitaires et d’abord les perturbations dues aux blocages des transports et aux mesures de quarantaine qui empêcheront les agriculteurs d’accéder aux marchés.  Il a aussi fait observer que les mesures de confinement pourraient entraver l’aide alimentaire indispensable aux réfugiés et aux déplacés.  Face à cette situation, le Niger a expliqué qu’il a mis en place un plan de réponse alimentaire estimé à près de 500 millions de dollars.  Le plan d’appui prévisionnel prévoit la mobilisation de 81 500 tonnes de céréales à vendre à des prix modérés et 56 000 tonnes pour la distribution gratuite de vivres aux plus vulnérables. 

Grâce à une politique audacieuse mise en œuvre par le Président Issoufou, à travers l’initiative 3N -Les Nigériens nourrissent les Nigériens-, qui a permis d’assurer l’autosuffisance alimentaire, il a été prouvé que la sécheresse n’est plus une fatalité synonyme de famine.  Cependant, le Niger a appelé à soutenir cette dynamique aux niveaux national, régional et international face à la COVID-19.  Le moyen le plus efficace de protéger les civils, a souligné le Niger, c’est de s’appuyer sur une prévention tenant compte des vulnérabilités chroniques et profondes des pays concernés.  Il faut une action concertée des gouvernements, de la communauté humanitaire et des acteurs du développement pour s’attaquer aux causes structurelles des vulnérabilités et renforcer la résilience des communautés affectées.  Il faut, a conclu le Niger, exploiter au mieux les avancées scientifiques, y compris l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire, à des fins agrométéorologiques et de développement. 

Les États-Unis ont souligné l’importance de ce débat à la veille du deuxième anniversaire de l’adoption de la résolution 2417, établissant le lien entre conflits et famine.  Ils ont dénoncé les « mauvaises tendances » dans le nord-est du Nigéria, au Soudan du Sud et au Cameroun.  Dans ces régions, ont-ils relevé, l’insécurité et le manque d’accès à l’aide humanitaire provoquent d’énormes perturbations dans la vie et les moyens de subsistance de millions de femmes, d’enfants et d’hommes.  Les États-Unis se sont aussi inquiétés des « effets horribles et persistants » des conflits armés sur des millions de Syriens et de Yéménites.  En raison de l’insécurité constante ou, comme c’est le cas en Syrie, des obstacles à l’aide humanitaire comme arme de guerre, les familles ne peuvent subvenir à leurs besoins.  Les États-Unis ont jugé troublant que, dans d’autres cas, des États utilisent la faim comme tactique de guerre.  Ils ont montré du doigt les sièges imposés aux civils et le harcèlement des acteurs humanitaires. 

De tels comportements sont « cruels et inexcusables » en toutes circonstances, et en particulier pendant cette crise sanitaire mondiale, ont tranché les États-Unis.  Les États, ont-ils martelé, ne peuvent ignorer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Face à des besoins humanitaires qui ont atteint un niveau sans précédent, il est primordial, ont estimé les États-Unis, que le Conseil de sécurité obtienne des pays qu’ils assument la responsabilité la plus fondamentale de protéger les personnes à l’intérieur de leurs frontières. 

Les États-Unis ont a mis l’accent sur deux éléments du programme de réforme du Secrétaire général, à savoir l’amélioration de la coordination entre les acteurs humanitaires, du développement et de la paix, et le financement rapide et prévisible de l’aide.  Ce sont des domaines dans lesquels ce Conseil peut et doit faire de plus grands progrès, ont conclu les États-Unis.

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