En cours au Siège de l'ONU

8765e séance – matin
CS/14320

Conseil de sécurité: la transition malienne offre une opportunité pour sortir le pays d’un « cycle infernal », affirme le Chef de la MINUSMA

Pour la première fois depuis les événements qui ont mené le Mali au coup d’État du 18 août, le Conseil de sécurité a examiné ce matin la situation dans le pays et entendu le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), M. Mahamat Saleh Annadif.  Celui-ci a expliqué que la réussite de la transition en cours était « à portée de main » et « la balle dans le camp des Maliens et Maliennes », estimant, comme après lui plusieurs membres du Conseil, que la situation actuelle offrait l’occasion de sortir le pays d’un « cycle infernal ponctué d’une succession de coups d’État périodiques ». 

La séance de ce matin marquait le retour du Conseil de sécurité dans « sa » salle, autour de la célèbre table en fer à cheval désormais entrecoupée de barrière de plexiglas, une des mesures destinées à lutter contre les risques sanitaires liés à la pandémie de COVID-19.  Le Président du Conseil, M. Vassily Nebenzia (Fédération de Russie), qui avait ardemment plaidé pour ce retour, a remercié les délégations pour leur soutien, et notamment l’Allemagne, sous la présidence de laquelle le Conseil, en juillet, avait déjà repris certaines séances en « présentiel », mais dans la salle plus vaste de l’ECOSOC.  

C’est en revanche par visioconférence que M. Annadif a présenté le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, soulignant que celui-ci traversait une « période critique de son histoire », les quatre derniers mois ayant été marqués par des « événements politiques d’importance ».  C’est du fait d’un « contexte d’impasse », a expliqué le Représentant spécial, qu’est intervenue la mutinerie du 18 août, qui a tourné au coup d’État et conduit à la démission du Président Ibrahim Boubacar Keïta. 

M. Annadif est revenu sur les causes principales de la crise, parmi lesquelles l’affaiblissement des institutions centrales et la perte de confiance en les chefs politiques et religieux ; le retard dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation ; et la détérioration de la sécurité, notamment dans le centre du pays, qui a conduit à de multiples violations des droits de l’homme. 

M. Annadif a toutefois noté des raisons d’espérer.  Avec l’adoption en septembre de la Charte de transition et la nomination du Gouvernement de transition de 18 mois, «  c’est la première fois depuis la signature de l’Accord de 2015 que les mouvements signataires ont fait leur entrée au gouvernement », a-t-il fait observer, avant que la Chine ne vienne déclarer que « les parties maliennes doivent se servir de la transition comme d’une occasion d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du pays ».  Il n’en reste pas moins que le vide institutionnel persiste, avec la dissolution de la Cour constitutionnelle et la paralysie de l’Assemblée nationale, a averti M. Annadif.  

Le Représentant spécial a également fait part du « réel soulagement » avec lequel les populations maliennes et des pays voisins ont accueilli l’annonce de la levée des sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au lendemain du coup d’État.  Autre point positif relevé par plusieurs membres du Conseil: la remise en liberté, ce jour, des personnes arrêtées en marge du coup d’État.  En attendant la nomination prochaine d’un Conseil national de la transition composé de 121 membres « issus de l’ensemble des forces de la nation malienne », qu’a annoncé le représentant du Mali. 

Le représentant malien a également assuré le Conseil de la détermination du Gouvernement de transition à mettre en œuvre l’Accord de Paix, qui reste, pour le Secrétaire général comme pour les membres du Conseil, « le cadre pertinent pour les réformes institutionnelles nécessaires et urgentes » dont la mise en œuvre doit rester la priorité.  Les États-Unis ont d’ailleurs prévenu que quiconque entraverait la mise en œuvre de l’Accord d’Alger s’exposerait aux sanctions du Conseil, conformément à la résolution 2374 (2017).  Ils ont également rejeté tout contrôle du pouvoir par les militaires au détriment des civils et tout retard dans la tenue des élections.  Le respect des échéances a aussi été demandé par la Fédération de Russie, qui souhaite en outre la poursuite de la réforme du secteur de la sécurité et de la gouvernance de l’État. 

Un autre point soulevé par les membres du Conseil a été l’insécurité dans le centre du pays, le terrorisme et les violations des droits de l’homme qui y sont liés.  L’absence de poursuites contre les auteurs de violations a été déplorée par plusieurs membres.  Quant à la lutte contre le terrorisme, elle est liée aussi à l’action de la Force conjointe du G5 Sahel, dont plusieurs membres ont salué la meilleure opérationnalité, tout comme le Mali, qui a néanmoins rappelé les États à leur engagement de soutien à cette Force constituée par les États du Sahel.   

Les membres du Conseil ont aussi invité les parties maliennes à coopérer non seulement entre elles, mais aussi avec l’Union africaine, la CEDEAO et la MINUSMA, dans l’intérêt de tous les Maliens.  « S’il vous plaît, n’abandonnez pas votre peuple », a exhorté l’Allemagne à l’adresse des autorités maliennes de transition. 

Mise en œuvre de l’Accord d’Alger, stabilisation du centre du Mali, respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, mobilisation des autorités de transition pour fixer un cadre propice au dialogue, appui à la MINUSMA, y compris en lui fournissant les moyens aériens nécessaires: résumant les différentes priorités, le représentant de la France a annoncé que son pays présenterait rapidement au Conseil un projet de déclaration présidentielle reprenant ces divers éléments. 

LA SITUATION AU MALI (S/2020/952)

Déclarations

M. MAHAMAT SALEH ANNADIF, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a présenté le rapport du Secrétaire général à un moment, a-t-il dit, où le Mali traverse une « période critique de son histoire ».  La période à l’examen est marquée par des événements politiques d’importance, a-t-il rappelé. Énumérant rapidement les principales causes de la crise, il a cité, en particulier, l’affaiblissement des institutions centrales, la perte de confiance en les chefs politiques et religieux ; le retard dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali ; et la détérioration de la situation sécuritaire, notamment dans le centre du pays, qui a conduit à des violations des droits de l’homme que la MINUSMA a documenté. 

Cette situation a occasionné une paralysie des institutions du Mali, notamment de la Cour constitutionnelle et de l’Assemblée nationale, a expliqué M. Annadif.  C’est dans ce contexte d’impasse qu’est intervenue la mutinerie du 18 août, qui a conduit à la démission du Président Ibrahim Boubacar Keïta.  Ce coup d’État a été condamné par la communauté internationale, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ayant décidé de suspendre le Mali, puis imposé un régime de sanctions et fermé toutes les frontières terrestres et aériennes.  La CEDEAO a également suspendu les transactions financières et économiques ainsi que les échanges commerciaux entre ses États membres et le Mali. 

D’autre part, les 10, 11 et 12 septembre, une charte de la transition a été adoptée pour progresser vers la légalité et définissant le cadre dans lequel les élections se dérouleront au bout de 18 mois.  Le colonel à la retraite Bah N’Daou a été désigné à la présidence du Gouvernement de transition de 18 mois, et le colonel Assami Goïté, à la vice-présidence, en charge de la sécurité.  Un premier ministre a été nommé le 27 septembre par le Président de la transition.  

Dans son discours à l’occasion de sa prestation de serment, le nouveau Président a énuméré des priorités : renforcement des capacités des forces de sécurité en termes d’équipement et de formation; organisation d’élections libres, et mise en œuvre de l’Accord de paix.  Un gouvernement de 25 membres a été constitué, avec 4 femmes, loin du quota de 30% exigé par la loi, a fait observer M. Annadif.  C’est la première fois depuis la signature de l’Accord de 2015 que les mouvements signataires ont fait leur entrée au gouvernement, a-t-il en revanche fait observer. 

C’est également avec un réel soulagement que les populations maliennes et des pays voisins ont reçu la nouvelle levée des sanctions, a précisé le Représentant spécial. 

M. Annadif a rappelé que le Mali avait connu « plusieurs turbulences » en 2020, avec un vide politique de quatre mois.  Cette situation, a-t-il constaté, a aussi engendré un retard considérable dans l’application de l’Accord d’Alger et aggravé la crise humanitaire.  

Pendant ce temps, a poursuivi le Chef de la MINUSMA, la Mission a poursuivi ses activités pour la paix et la stabilité et son appui aux Forces armées maliennes, surtout dans le centre du pays en proie à des violences.   

Avec la levée des sanctions, il faut espérer une mise en place rapide du conseil du gouvernement, a noté M Annadif, pour qui l’organisation d’élections crédibles permettant d’en revenir à un retour à l’ordre politique est vitale.  La transition constitue une opportunité pour les Maliens et Maliennes de sortir de ce cycle infernal, a-t-il escompté. 

L’ONU doit saisir cette occasion pour accompagner une sortie de la crise, avec les partenaires régionaux, l’Union africaine et la CEDEAO.  La réussite de la transition est à « portée de main et la balle est dans le camp des Maliens et Maliennes », a conclu le Représentant spécial. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que son pays saluait la mise en place de la transition au Mali et la libération des personnalités détenues depuis le 18 août.  Il salue également la levée des sanctions par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et rejoint son appel à la dissolution du Comité national de salut du peuple (CNSP).  La France estime aussi que la transition doit mener à la tenue d’élections ouvertes, libres et transparentes, d’ici à 18 mois, et au rétablissement de l’ordre constitutionnel. La France encourage les nouvelles autorités à profiter de cette période pour jeter les bases d’une réforme des institutions.  De son point de vue, il s’agit de bâtir une démocratie plus forte et plus légitime, conformément aux attentes exprimées par le peuple malien.  Il importe d’inclure dans ce processus l’ensemble des parties prenantes, y compris les femmes et les jeunes, conformément à la résolution 2535 (2020).  

Cela dit, la France voit trois priorités pour les mois à venir.  Elle estime d’abord impératif de poursuivre la lutte contre le terrorisme.  Un nouvel élan a été donné en ce sens en janvier dernier, à la suite du Sommet de Pau.  À nos côtés, nos partenaires sahéliens ont enregistré plusieurs succès, s’est réjoui le représentant, observant que la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) était de plus en plus autonome et efficace, même si elle a encore besoin de soutien.  

La France estime ensuite que la mise en œuvre de l’Accord de paix doit reprendre sans tarder, dans le contexte où le processus est à l’arrêt depuis juin. Or, il n’y a pas d’alternative à cet Accord pour une réconciliation durable entre Maliens, a insisté le représentant, qui a appelé les Maliens à saisir l’opportunité historique d’avoir à disposition la MINUSMA pour les aider dans leur tâche.  La participation des groupes signataires de l’Accord au Gouvernement de transition est en ce sens un signal encourageant, a ajouté M, de Rivière. 

Enfin, pour la France, la troisième priorité reste de stabiliser le centre du Mali, où les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire se poursuivent.  Il est impératif que le droit international humanitaire soit respecté par tous et que les autorités de transition se mobilisent afin de fixer un cadre propice au dialogue, à la réconciliation et à la lutte contre l’impunité, a insisté le représentant.  Mais, a-t-il ajouté, pour appuyer pleinement les efforts de la MINUSMA dans la protection des civils, il faut notamment que la Mission dispose de davantage d’hélicoptères.  La France appelle donc les États membres à répondre à ce besoin urgent.  

En conclusion,  M. De Rivière, a indiqué que la France allait, à l’issue de la réunion, proposer un projet de déclaration du Président du Conseil de sécurité qui reprendrait ces divers éléments. 

Au nom du Groupe A3+1 (Afrique du Sud, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Tunisie) mais aussi son pays M. AOUGI NIANDOU (Niger) a salué la tenue d’une série de consultations avec les principaux acteurs politiques et ceux de la société civile les 10 et 12 septembre, qui se sont traduites par l’adoption d’une charte de la transition qui définit le cadre dans lequel les élections se dérouleront au bout de 18 mois et le retour progressif à l’ordre civil et constitutionnel. 

Le représentant a appuyé la poursuite de la stratégie de stabilisation du Mali central en appelant tous les acteurs à s’engager dans un dialogue conformément à l’Accord de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 5 octobre 2020.  Pour les A3+, l’Accord de paix et de réconciliation de 2015 reste le cadre pertinent pour les réformes institutionnelles nécessaires et urgentes et il faut le mettre en œuvre de toute urgence pour parvenir à la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.  « Afin de consolider les progrès il faut redoubler d’efforts pour que les unités militaires reconstituées déployées puissent jouer leur rôle notamment à Kidal pour faciliter le retour des représentants de l’État », a insisté M. Niandou.  Le représentant a ajouté que la recherche de la paix exigeait que la CEDEAO l’Union africaine et les Nations Unies travaillent conjointement. 

Notant que le coup d’État du 18 août au Mali qui a conduit à la démission du Président n’était pas un phénomène nouveau dans le pays, le représentant a estimé que cette actualité démontrait la nécessité de réétudier les fondamentaux constitutionnel et démocratique du pays, mais aussi l’efficacité des programmes de développement, qui doivent être centrés sur les personnes.  

Condamnant les attaques des groupes armés, M. Niandou a appelé à tout mettre en œuvre pour que les auteurs de ses attaques soient traduits en justice.  Enfin, il s’est dit très préoccupé par la situation humanitaire au Mali et au Sahel, qui a été aggravée par l’épidémie de COVID-19.   

M.  ZHANG JUN (Chine) s’est félicité que le Président et le Vice-Président du Mali soient entrés en fonction et que le Premier Ministre ait déjà été nommé. Il a salué les efforts suivis de l’ONU et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour appuyer le processus et faciliter la sécurité et la stabilité dans le pays.  Il a souhaité qu’une dynamique positive soit créée par les acteurs nationaux et que ceux-ci poursuivent la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation.  La Chine les appelle à renouveler leur attachement à cet Accord et à l’appliquer.  

Le représentant a relevé que le Nord et le Centre du Mali étaient encore en proie aux activités terroristes et a soutenu la MINUSMA dans son travail constant aux côtés de la Force G5 Sahel.  Il a insisté sur la nécessité d’une approche holistique pour assurer le développement de ces régions et pour lutter contre la pandémie de COVID-19.  Il convient de soutenir la CEDEAO et l’Union africaine pour épauler le Mali, a ajouté M. Zhang, qui a appelé les parties maliennes à la coopération avec ces organisations et avec la MINUSMA.  Les parties maliennes doivent se servir de la transition comme d’une occasion d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du pays, a conclu le représentant. 

M. DINH QUY DANG, (Viet Nam), s’exprimant également au nom de l’Indonésie, c’est-à-dire des deux pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) membres du Conseil de sécurité, a déclaré suivre avec la plus grande attention les récents développements au Mali.  Les deux pays prennent donc note de la désignation d’un président et d’un premier ministre de transition et saluent les efforts de la CEDEAO pour assurer la stabilité au Mali.  Ils prennent également note des progrès faits en matière de désarmement, démobilisation et de réintégration. 

En dépit de cela, le Viet Nam et l’Indonésie restent préoccupés par la situation sécuritaire, en particulier dans le centre du Mali, où le nombre d’attaques terroristes visant les forces de sécurité et les travailleurs humanitaires a fortement augmenté.  Ces attaques sont inacceptables et leurs auteurs doivent être traduits en justice, a dit le représentant.  

Le représentant a estimé que la transition requerrait d’énormes efforts pour répondre aux défis auxquels le Mali est confronté, comme l’insécurité alimentaire, le crime organisé, le terrorisme et la pandémie de COVID-19.  Pour y parvenir, la transition doit renforcer la confiance mutuelle avec les autres parties prenantes. Il est « important » qu’ils résolvent leurs différences par le biais du dialogue et mettent en œuvre l’Accord de paix d’Alger.  Le Gouvernement de transition doit également remplir ses obligations afin de faire respecter le droit international humanitaire et protéger les femmes et enfants du Mali.  

Pour l’aider à parvenir à ces objectifs, le Viet Nam et l’Indonésie appellent à une approche cohérente intégrée en matière de sécurité et de développement social, y compris en s’attaquant aux effet des changements climatiques.  Ils appellent aussi à un clair soutien à la mise en œuvre du Plan d’adaptation de la MINUSMA et insistent sur la nécessité d’un redéploiement des forces armées maliennes, en particulier dans le nord.  Dans la même veine, la Force conjointe du G5 Sahel doit continuer de recevoir tout l’appui dont elle a besoin pour accomplir ses tâches, a conclu M. Dang. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a déclaré que la primauté du droit devait être rétablie sans attendre dans l’ensemble du Mali.  Dans ce contexte, il a salué la réaction rapide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et son travail constant pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel.  Le représentant a rappelé que l’Accord d’Alger restait le fondement de la solution politique au Mali.  Notant que le Gouvernement de transition a fait des annonces encourageantes quant à l’application de cet Accord, il a souhaité que cet engagement se traduise par des réalisations concrètes.  Le représentant a jugé important d’appliquer le programme de réformes et de traiter des défis structurels, dont la participation insuffisante des femmes aux décisions politiques. 

Par ailleurs, M. Jürgenson s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire au Mali.  Pour l’Estonie, une paix durable ne sera possible qu’à travers une coopération complète entre les parties maliennes.  Face à la multiplication des violences, le représentant a aussi appelé à lutter contre l’impunité.  Il a regretté que les mesures prises par le Gouvernement pour faire face aux crimes commis dans le centre du pays en violation du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire restent largement insuffisantes et il a appelé à entendre les plaintes relatives à des exactions commises par les forces armées maliennes. 

M. JONATHAN GUY ALLEN Royaume-Uni s’est félicité de l’établissement d’un gouvernement de transition présidé par des civils.  Il s’est fait l’écho de l’appel du Secrétaire général pour la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation et s’est réjoui que cette question soit une «  question clef  » du nouveau Gouvernement.  Il a regretté que l’inaction de l’ancien Gouvernement à cet égard ait eu des incidences graves sur la population.  « On ne peut plus esquiver » l’essentiel car il faut que les Maliens puissent vivre dignement et en sécurité, a-t-il ajouté. 

Le représentant a insisté sur l’adoption et l’application de mesures concrètes, l’achèvement de la phase de rattrapage du programme désarmement, démobilisation et réintégration et la poursuite des auteurs de violations relatives aux droits de l’homme.  Il a exigé des « preuves de progrès » tout en assurant de l’appui du Royaume-Uni qui, a-t-il rappelé, verse environ 100 millions de dollars au Sahel et déploiera une force spéciale au sein de la MINUSMA, laquelle va continuer à jouer un rôle clef.  Nous sommes là pour soutenir le peuple et le Gouvernement maliens, mais à condition d’avoir des progrès tangibles, a-t-il conclu. 

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a rappelé que son pays avait condamné les actions menées par les militaires contre les anciennes autorités et immédiatement suspendu toute assistance sécuritaire au Mali.  Si des progrès ont été accomplis dans le retour de l’ordre constitutionnel, les États-Unis estiment toutefois que la formation d’un gouvernement de transition n’est qu’une première étape.  Ils attendent surtout que les nouvelles autorités respectent les engagements pris devant la CEDEAO, notamment la tenue d’élections dans un délai de 18 mois.  Le Conseil de sécurité devrait se tenir prêt en cas de manquement à ces engagements, a ajouté Mme Craft.  

La représentante a précisé que les États-Unis n’accepteraient pas un contrôle du pouvoir par les militaires au détriment des civils, ni même un retard dans la tenue des élections.  Ces dernières doivent en outre être ouvertes, transparentes et inclusives, avec une participation effective des femmes, des déplacés internes, des réfugiés, des jeunes et des groupes marginalisés du nord.  

Pour les États-Unis, l’Accord d’Alger doit en outre rester le cadre pertinent pour répondre aux défis auquel est confronté le Mali.  C’est donc dans ce cadre que le Gouvernement de transition doit agir.  Toute personne qui entraverait la mise en œuvre de cet accord s’exposera aux sanctions du Conseil de sécurité, conformément à la résolution 2374 (2017), a fermement prévenu la représentante des États-Unis.  

Mme Craft a également assuré que son pays reconnaissait le rôle essentiel de la MINUSMA pour la stabilisation du Mali.  Les États-Unis attendent donc que la Mission aide les nouvelles autorités à tenir leurs engagements, notamment en ce qui concerne la tenue des élections, le retour de l’état de droit et la mise en œuvre de l’Accord d’Alger.  En tout état de cause, les États-Unis restent un partenaire fiable du Mali, a assuré la représentante.  Pour preuve, elle a cité l’annonce, voici deux semaines par le Secrétaire d’État, M. Mike Pompeo, du déblocage de 152 millions de dollars pour les personnes déplacées à cause des conflits au Sahel.  Sur cette somme, environ 54 millions de dollars iront au Mali, a-t-elle conclu. 

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a rappelé que son pays mettait à disposition de la MINUSMA 95 soldats de ses forces spéciales sous drapeau allemand, en soulignant la force de ce symbole de l’Union européenne.  S’agissant de l’évolution politique sur le terrain après le coup du 18 août, le représentant a qualifié la nomination d’un président et d’un premier ministre civils à la tête de la transition d’étape importante sur la route du retour à l’ordre constitutionnel.  « La libération aujourd’hui des personnes arrêtées en marge du coup d’État du 18 août est une évolution toute aussi positive, tout comme l’organisation prévue d’élections dans un délai de 18 mois », a-t-il ajouté.  Il a jugé primordial que la mise en œuvre de l’Accord de paix se poursuive.    

Par ailleurs, le représentant a rappelé que la lutte contre le terrorisme passait par le renforcement de la légitimité de l’État.  « Cela passe aussi par la lutte contre l’impunité et la mise en œuvre de réformes », a insisté M. Kridelka , qui a regretté qu’aucun procès n’ait été tenu à ce jour contre des auteurs de crimes contre les casques bleus de la MINUSMA.

Le représentant a également regretté que peu de femmes aient été nommées au sein du nouveau Gouvernement, alors que la législation nationale prévoit un quota de 30% de femmes ministres. Il a par ailleurs appelé à maintenir l’accès humanitaire alors que de nombreux civils souffrent en raison d’un manque d’accès à des besoins de base. 

M. Kridelka a salué l’organisation d’un événement régional sous l’égide du Niger, qui a permis de mettre en évidence comment les changements climatiques amplifiaient la détresse des populations au Sahel.  Dans ce contexte, le représentant a mis en avant la nécessité de sensibiliser davantage l’opinion publique internationale aux conséquences de cette catastrophe climatique. 

M. CHRISTOPH HEUSSGEN (Allemagne), qui s’est d’abord réjoui que le Conseil de sécurité « revienne chez lui », a remercié la CEDEAO et le Niger pour tous leurs efforts de contact et de médiation avec les autorités transitionnelles du Mali.  Ce qui compte maintenant, c’est d’appliquer toutes les dispositions en termes de transition vers un ordre civil car cette transition augure d’un nouveau départ pour le Mali, a-t-il ajouté.  Il a dit espérer que les autorités ne failliraient pas à leur population car il est essentiel que le nouveau Gouvernement « regagne » la confiance de la population grâce à un gouvernement « inclusif ».  

M. Heussgen a toutefois considéré comme « un mauvais signe » qu’en 2021 , il y ait encore 21 hommes pour seulement 4 femmes au sein du Gouvernement.  Il a recommandé aux autorités de veiller à mener un dialogue et des consultations avec la société civile, les organisations féminines, les artistes et toutes les composantes de la société.  La justice doit fonctionner et l’impunité n’est pas acceptable, a-t-il souligné, ajoutant qu’en tant que pays fournisseur de contingent à la MINUSMA, l’Allemagne promouvait le dialogue politique mais aussi l’assistance humanitaire, d’autant que les changements climatiques n’arrangent rien.  « S’il vous plaît, n’abandonnez pas votre peuple », a-t-il lancé en conclusion aux autorités maliennes. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER(République Dominicaine) a déclaré que la levée des sanctions qui pesaient contre le Mali, décidée par les Chefs d’État de la CEDAO, était une « bonne nouvelle » pour la transition.  Toutefois, d’autres sujets importants doivent encore être abordés, notamment la libération de tous les anciens dignitaires gouvernementaux arrêtés lors du « coup d’État », a-t-il ajouté.  Il faudrait également continuer de suivre la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger, qui constitue le cadre le plus « viable » pour répondre aux questions les plus pressantes en matière de paix, de sécurité et de lutte contre le terrorisme.  Cela ne peut être atteint que par une appropriation concertée de tous les Maliens, a dit le représentant.  

M. Singer Weisinger a également estimé que la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme violent et les attaques asymétriques en coordination avec les partenaires régionaux et internationaux devait rester une priorité, autant que le renforcement de l’autorité de l’État dans le centre et le nord du Mali.  À cette fin, le Conseil de sécurité doit rester attentif, notamment en s’attaquant aux causes sous-jacentes du conflit et en usant des moyens à sa disposition contre les personnes qui entravent la mise en œuvre de l’Accord de paix, comme son régime de sanctions, a conclu le représentant. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a appelé à un rétablissement le plus rapide possible d’un dialogue national inclusif après le coup d’État du 18 août.  Après la nomination d’un président et d’un premier ministre de transition conformément à la Charte et à la Feuille de route de transition, le représentant russe a dit espérer que le délai de 18 mois serait respecté pour la tenue des élections.  Il a aussi souligné la nécessité de poursuivre la réforme du secteur de la sécurité et de la gouvernance de l’État, dans l’intérêt de tous les peuples du Mali, notamment des peuples du nord du pays. 

M. Nebenzia a jugé déterminant d’avancer dans ces domaines afin que les terroristes ne puissent plus exploiter les insuffisances de l’État.  Il s’est inquiété de la persistance d’attaques contre des convois militaires maliens, alors que le banditisme prospère parallèlement à la violation de droits de l’homme.  Le représentant a estimé que la situation humanitaire sur le terrain en marge de l’épidémie de COVID-19, marquée par la fermeture des écoles et des installations médicales débordées, nécessitait un appui renforcé de la part de la communauté internationale. 

Le représentant a salué la contribution positive de la  Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine dans le domaine de la médiation politique au Mali, avant d’exhorter les acteurs maliens à coopérer avec les partenaires régionaux.  « Nous comptons que les forces nationales maliennes continuent de participer aux opérations de la force conjointe du G5 Sahel », a insisté M. Nebenzia avant de saluer l’aide apportée par la MIMUSMA. 

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a souligné les évolutions positives intervenues ces dernières semaines dans son pays après le coup d’État du 18 août, qui a conduit à la démission du Président, Ibrahim Boubacar Keïta.  Il a cité la création d’un Comité national de salut du peuple (CNSP), qui a organisé une série de consultations avec les principaux acteurs politiques et ceux de la société civile les 10 et 12 septembre. 

« À l’issue de ce processus participatif, la Charte et la feuille de route de la transition ont été adoptées » s’est félicité le représentant, avant de citer les principales missions assignées à la transition à savoir: le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire; le redressement de l’État et la création des conditions de base pour sa refondation; la promotion de la bonne gouvernance; la refonte du système éducatif; l’adoption du pacte de stabilité sociale; le lancement du chantier des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives; l’organisation des élections générales; la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.  Il a indiqué que la Charte précisait aussi les organes chargés de mener la transition à son terme.  Après la nomination d’un président et d’un premier ministre de transition, le représentant du Mali a annoncé la nomination prochaine d’un Conseil national de la Transition, qui sera composé de 121 membres issus de l’ensemble des forces de la nation malienne. 

Après avoir assuré de la détermination du Gouvernement de transition à mettre en œuvre l’Accord de Paix et de réconciliation issu du processus d’Alger, le représentant a assuré le Conseil de la détermination de ce gouvernement à veiller au respect des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. 

Parmi les évolutions positives, M. Konfourou a aussi cité la libération intervenue hier de personnalités civiles et militaires arrêtées dans le contexte des événements du 18 août.  « Les autorités nationales restent déterminées à respecter tous les engagements nationaux et internationaux du Mali », a précisé le représentant. 

Le représentant a par ailleurs déclaré que la Force conjointe G5 Sahel avait atteint un niveau d’opérationnalité assez encourageant mais qu’elle avait toujours besoin du soutien de ses partenaires.  Il a réitéré la gratitude du peuple malien à la force française Barkhane ainsi qu’aux pays contributeurs de troupes à la MINUSMA avant de remercier aussi la CEDEAO, l’Union africaine,  l’Organisation de la coopération islamique et l’Organisation internationale de la francophonie  pour leur soutien apporté au Mali. 

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