Sixième Commission: divergences et impatience des délégations autour du principe de compétence universelle
Principe « à la portée incertaine », « politisé », faisant l’objet « d’abus ». Certaines délégations n’ont pas épargné leurs critiques aujourd’hui, devant la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, contre le principe de compétence universelle, qui fait l’objet de « débats difficiles » depuis plus de 10 ans maintenant au sein de la Commission. D’autres délégations ont, en revanche, tenu à défendre l’utilité de ce principe en vue de rendre justice aux victimes et de lutter contre l’impunité.
Première de la quarantaine de délégations à s’exprimer, l’Afrique du Sud a, au nom du Groupe des États d’Afrique, mis en garde contre les abus de ce principe à l’encontre de dirigeants africains. « Ce principe est bien établi en droit et l’Union africaine le respecte, mais nous sommes préoccupés par sa portée incertaine et ses abus », a affirmé le délégué. Rappelant que ce point est inscrit depuis 2009 à l’ordre du jour de la Commission, il a souligné que les discussions n’ont toujours pas répondu aux préoccupations.
La compétence universelle doit s’appliquer dans le respect des principes du droit international, y compris la souveraineté des États et l’immunité diplomatique, a tranché le représentant. « Les perspectives de progrès sur cette question apparaissent de plus en plus réduites », s’est impatienté son homologue de la Sierra Leone. Il a rappelé que ce point fait pourtant l’objet d’un débat annuel et d’un groupe de travail ouvert à tous les États. « Néanmoins, la participation à ce groupe est faible, ce qui rend difficiles des discussions substantielles », a déclaré le délégué.
Même son de cloche du côté de l’Iran, qui, au nom du Mouvement des pays non alignés, a mis en garde contre l’expansion injustifiée des crimes relevant de la compétence universelle. Le délégué iranien a néanmoins encouragé tous les États Membres à participer « activement » aux discussions afin d’identifier la portée et les limites de l’application de la compétence universelle. « La compétence universelle ne se substitue pas aux autres bases juridictionnelles, qui sont la territorialité et la nationalité », a-t-il dit.
La délégation israélienne a, elle, dénoncé une utilisation fallacieuse de ce principe par certains acteurs à des fins politiques, ainsi que les « plaintes spécieuses » introduites devant certaines juridictions sur son fondement. De telles plaintes sapent les principes de souveraineté et de subsidiarité et ont des incidences négatives sur les relations diplomatiques, a-t-elle dit. La déléguée a en outre souhaité que les États, dont le droit interne comprend ce principe, prévoient des garde-fous politiques et juridiques pour prévenir les abus.
Au regard des divergences existantes sur ce principe, dont les États-Unis et la Chine ont aussi pris note, la représentante d’Israël a jugé « prématurée » toute décision sur la constitution d’une liste de crimes qui pourraient déclencher l’application dudit principe. Elle a aussi jugé « contre-productive » la décision de la Commission du droit international (CDI) d’inclure ce point à son programme de travail à long terme.
Le délégué du Mexique a, au contraire, salué une telle inclusion et invité à ne pas perdre de vue, « au-delà des considérations politiques et de technique juridique », l’enjeu véritable des discussions. « Il s’agit de rendre justice aux victimes et de vaincre l’impunité. » Rappelant, à l’instar de son homologue haïtien, que ce principe apparaît dans les Conventions de Genève de 1949 sur le droit international humanitaire, il a souhaité que ce principe fasse l’objet d’un cadre d’application clarifié.
S’exprimant au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, le Canada a déclaré que la compétence universelle est un principe de droit international « bien établi », applicable aux crimes internationaux les plus graves et qui portent atteinte aux intérêts de tous les États. « La compétence universelle est un mécanisme complémentaire important qui permet de combler un vide juridictionnel lorsqu’un État ne veut ou ne peut pas exercer sa compétence », a affirmé la délégation canadienne.
La Suède, au nom du Groupe des pays nordiques, n’a pas dit autre chose, en se félicitant du « terrain gagné » par ce principe de compétence universelle en tant que principe fondamental du droit pénal, tant au sein des juridictions nationales qu’au niveau international. « Plusieurs poursuites ont été lancées, devant des tribunaux allemands et suédois, contre des personnes liées à des acteurs étatiques et non étatiques pour des atrocités commises en Syrie, la plupart d’entre elles sur la base de la compétence universelle. »
Devant les préoccupations exprimées quant à l’abus potentiel du principe de compétence universelle, les pays nordiques ont mis en garde contre l’élaboration d’une liste exhaustive de crimes pour lesquels la compétence universelle s’appliquerait. « Nous convenons que toute forme d’abus des pouvoirs de poursuite serait très préoccupante et devrait être évitée », a affirmé la délégation de la Suède. La délégation du Saint-Siège a, aussi, plaidé pour un « équilibre » dans l’application de ce principe.
Enfin, plusieurs délégations ont avancé des propositions afin de faire avancer les discussions sur ce principe. La Malaisie a ainsi souhaité que la Commission du droit international prenne le leadership sur ce dossier, tandis que la Sierra Leone a invité le Secrétaire général à faire une analyse approfondie des discussions conduites depuis 10 ans, en vue d’identifier les points de consensus et les points de désaccord.
La Commission reprendra ses travaux mercredi 4 novembre, à 15 heures, pour examiner l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés.
PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/75/151)
Débat général
M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a dit que les membres de ce groupe sont fermement convaincus que les principes consacrés dans la Charte des Nations Unies, en particulier l’égalité souveraine des États et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États, doivent être strictement respectés dans toute procédure judiciaire. Selon eux, l’exercice de la compétence pénale par des tribunaux nationaux invoquant la compétence universelle sur de hauts fonctionnaires bénéficiant de l’immunité en vertu du droit international viole la souveraineté des États. Le Mouvement estime donc que l’immunité des fonctionnaires des États, qui est profondément enracinée dans la Charte et établie en droit international, doit être pleinement respectée. « La Sixième Commission devrait donc être consciente du contexte dans lequel ce point a été inscrit à son ordre du jour. »
M. Ghorbanpour Najafabadi a déclaré que si la compétence universelle fournit un outil pour poursuivre les auteurs de certains crimes graves en vertu de traités internationaux, il existe également des questions et des controverses, notamment sur la liste des crimes relevant de cette compétence ainsi que sur les conditions de son application. Les décisions et arrêts de la Cour internationale de Justice (CIJ) et les travaux de la Commission du droit international (CDI) figurent parmi les sources utiles aux débats de la Sixième Commission. Pour cette raison, le Mouvement des pays non alignés met en garde contre l’expansion injustifiée des crimes relevant de la compétence universelle, a dit le représentant, avant d’encourager tous les États Membres à participer activement aux discussions afin d’identifier la portée et les limites de l’application de la compétence universelle et d’envisager d’établir un mécanisme pour surveiller cette application et prévenir tout abus à l’avenir.
Le Mouvement rappelle que la compétence universelle ne se substitue pas aux autres bases juridictionnelles, à savoir la territorialité et la nationalité. Elle ne devrait en outre être invoquée que pour les crimes les plus graves. Les tentatives d’y inclure des crimes autres risquent de porter atteinte à sa crédibilité, a averti le représentant. De plus, cette compétence ne peut pas être exercée isolément ou à l’exclusion d’autres règles et principes pertinents du droit international, y compris la souveraineté et l’intégrité territoriale des États et l’immunité des agents de l’État de la juridiction pénale étrangère. Les pays membres du Mouvement restent ouverts au partage d’informations et de pratiques avec d’autres États membres à cet égard. Ils jugent « prématuré », à ce stade de la discussion, de demander à la CDI d’entreprendre une étude sur différents aspects de la compétence universelle.
M. THABO MICHAEL MOLEFE (Afrique du Sud), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé la grande importance que ces pays accordent à ce point de l’ordre du jour, en mettant en garde contre les abus du principe de compétence universelle à l’encontre de dirigeants africains. Ce principe est bien établi en droit et l’Union africaine le respecte, mais nous sommes préoccupés par sa portée incertaine et ses abus, a-t-il dit. C’est pourquoi le Groupe a demandé l’inscription de ce point qui a été attribué en 2009 à la Sixième Commission. Le représentant a noté les débats difficiles qui ont eu lieu depuis 10 ans à ce sujet. Depuis 10 ans, a-t-il martelé, la Commission n’a pas répondu aux préoccupations et la portée de ce principe demeure incertaine. Il a rappelé que les dirigeants visés ont droit à l’immunité, comme prévu par le droit international. « L’Afrique s’est montrée coopérative sur ce thème avec la Commission. » M. Molefe a invité la Commission à prendre des mesures pour remédier aux préoccupations des pays africains, en rappelant que certains d’entre eux ont accepté ce principe pour lutter contre l’impunité. La compétence universelle doit s’appliquer dans le respect des principes du droit, y compris la souveraineté des États et l’immunité diplomatique, a-t-il conclu.
Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom du Groupe des pays nordiques, s’est dite heureuse de constater que le principe de compétence universelle avait gagné du terrain en tant que principe fondamental du droit pénal, tant au sein des juridictions nationales qu’au niveau international. Les poursuites engagées au niveau national, fondées sur la compétence universelle, jouent un rôle important dans la lutte contre l’impunité. Le Groupe a noté, par exemple, que dans les tribunaux allemands et suédois, plusieurs poursuites avaient été lancées contre des personnes liées à des acteurs étatiques et non étatiques pour des atrocités commises en Syrie, la plupart d’entre elles sur la base de la compétence universelle.
Si certaines délégations ont exprimé des préoccupations quant à l’abus potentiel du principe de compétence universelle, les pays nordiques ont mis en garde contre l’élaboration d’une liste exhaustive de crimes pour lesquels la compétence universelle s’appliquerait. « Nous convenons que toute forme d’abus des pouvoirs de poursuite serait très préoccupante et devrait être évitée », a indiqué la représentante. Afin de faire progresser l’application de la compétence universelle, les pays nordiques ont invité les États à adopter une législation nationale fondée sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) garantissant la poursuite des crimes relevant de la compétence de la Cour, et un cadre de coopération plus efficace avec les tribunaux internationaux.
Mme BEATRICE MAILLE (Canada), s’exprimant également au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, a déclaré que, selon ces trois pays, la compétence universelle est un principe de droit international « bien établi », applicable aux crimes internationaux les plus graves et qui portent atteinte aux intérêts de tous les États. Ces crimes internationaux graves sont inscrits dans le droit international coutumier et comprennent la piraterie, les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, l’esclavage et la torture. Certains de ces crimes, a expliqué la représentante, ont été codifiés dans les instruments juridiques internationaux, notamment les crimes établis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Il est donc dans l’intérêt de la communauté internationale de veiller à la prévention de ces crimes et à ce que leurs auteurs aient à rendre compte de leurs actes.
Les trois pays reconnaissent qu’en règle générale, la responsabilité première d’enquêter sur les crimes internationaux, et de traduire en justice leurs auteurs, revient aux États où ces actes sont commis ou aux États de nationalité des accusés. Ces États sont souvent les mieux placés pour veiller à ce que justice soit rendue. Ils estiment pour autant que la compétence universelle est un « mécanisme complémentaire important » qui permet de combler un vide juridictionnel lorsqu’un État ne veut ou ne peut pas exercer sa compétence. Dans ces circonstances, tous les États, dans le respect de leurs obligations internationales et de leur législation, devraient aider les tribunaux nationaux et internationaux à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux graves en coopérant avec eux par tous les moyens possibles, a plaidé la représentante.
Mme Maille a ajouté qu’en ce qui les concerne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont intégré le principe de compétence universelle dans leurs législations respectives en acceptant que les poursuites liées à certains crimes qui n’ont pas été commis sur leur territoire soient intentées chez eux. Ces pays encouragent les autres États à en faire autant, conformément au droit international. Ils accueillent donc favorablement les décisions prises récemment par des procureurs d’intenter de nouveaux procès contre les auteurs présumés de crimes internationaux en vertu du principe de la compétence universelle, comme la poursuite intentée en Allemagne contre deux ressortissants syriens pour des accusations de crimes contre l’humanité commis en Syrie. Ces efforts sont particulièrement importants dans les cas où la Cour pénale internationale n’a pas compétence à l’égard des crimes reprochés, a conclu la délégation.
Pour Mme TAN (Singapour), l’application du principe de compétence universelle repose sur quatre critères. Premièrement, a indiqué la représentante, chaque État a le droit de traduire en justice les auteurs de crimes parmi les plus odieux et chaque État est le premier responsable à ce titre. Deuxièmement, ce principe ne doit être évoqué qu’en dernier recours, après avoir donc épuisé tous les recours juridiques. Troisièmement, a-t-elle poursuivi, ce principe ne peut s’appliquer qu’à des crimes graves dont la communauté internationale est victime dans son ensemble, et, quatrièmement, il ne peut être invoqué à l’exclusion d’autres principes du droit international, dont l’immunité et l’intégrité territoriale des États.
M. ELIE ALTARSHA (République arabe syrienne) a pointé des lacunes sérieuses dans l’application du principe de compétence universelle, en invitant la Commission à s’éloigner de toute politisation en la matière. Or, « la politisation de ce principe est bien réelle », a déclaré le délégué, en mettant en garde contre son élargissement à des fins politiques. Le délégué a fustigé le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011. Il s’agit d’un mécanisme « illicite » selon lui. L’Assemblée n’avait pas compétence pour créer un tel mécanisme qui n’a pas été agréé par la Syrie. Les ressources onusiennes utilisées pour ce mécanisme devaient être plutôt utilisées pour lutter contre la pandémie, a-t-il dit. Un tel mécanisme, illicite, pourrait être étendu à d’autres pays si ces derniers n’y prêtent pas attention, a mis en garde le délégué.
M. UMASANKAR (Inde) a déclaré que le crime de piraterie est un des bons exemples des crimes concernés par le principe de compétence universelle, forgeant de fait un droit coutumier international. Pour cette raison, la délégation juge « crucial » d’examiner la pratique des États et l’opinio juris afin de déterminer le champ d’application de la compétence universelle. Car selon elle, la juridiction découlant des traités est juridiquement distincte de la pratique des États et du droit coutumier international, a résumé le représentant.
Mme MARIA ANGELA ABRERA PONCE (Philippines) a dit que le principe de compétence universelle est reconnu en droit philippin. La représentante a expliqué que dans son pays, la règle générale est la compétence territoriale: la compétence universelle est donc « l’exception ». Ensuite, son application doit être limitée notamment par l’immunité des États qui doit toujours être respectée. Enfin, a-t-elle terminé, les crimes doivent être si graves que les États seuls ne peuvent les poursuivre car ils portent atteinte à la conscience humaine. Les discussions sur cette question doivent se poursuivre au sein de la Sixième Commission.
Selon M. JHON GUERRA SANSONETTI (Venezuela), le principe de compétence universelle doit être exercé à titre « subsidiaire », uniquement dans les cas où les tribunaux nationaux ne voudraient pas utiliser leurs compétences. Le principe de compétence universelle doit respecter les principes d’égalité, de souveraineté et de non-ingérence des États, a insisté le délégué. Il ne saurait donc être utilisé pour saper le système judiciaire d’un pays, mais au contraire, uniquement de manière non sélective et non politique. Préoccupé par la création de mécanismes indépendants de détermination des faits « visant à supplanter les organes subsidiaires nationaux d’autres États », le délégué a décrit le Venezuela comme « activement impliqué » dans la lutte contre l’impunité, avec comme objectif le respect de la primauté du droit.
M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis) a reconnu les divergences qui existent entre États Membres sur le principe de compétence universelle, mais aussi les points de consensus. Il a salué le fait que la Commission reste saisie de ce point. Le délégué a souhaité un examen accru des implications pratiques de ce principe.
Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a déclaré que son pays voit dans le principe de compétence universelle un « élément transcendantal » pour réduire l’impunité. Il permet également un accès à la justice, à la vérité et à une réparation pour les victimes de crimes graves. Au plan national, a expliqué la déléguée, El Salvador dispose d’un cadre juridique qui régit l’application de ce principe, plus précisément dans l’article 10 du Code pénal, qui dispose que son application n’est pas subordonnée au lieu où le crime a été commis ou aux personnes qui y sont impliquées. De plus, la jurisprudence incorpore la définition établie dans les Principes de Princeton sur la compétence universelle, selon laquelle certains crimes sont si préjudiciables aux intérêts internationaux que les États sont autorisés, voire obligés, à engager des poursuites judiciaires contre le ou les auteurs, quels que soient le lieu où le crime a été commis ou la nationalité de l’auteur ou de la victime. Par ailleurs, le Bureau du Procureur général de la République a élaboré la politique de poursuite pénale des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui seraient commis dans le contexte de conflits armés, a-t-elle dit.
M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a déclaré que l’application du principe de compétence universelle ne fait que compléter les bases de compétence bien établies de territorialité et de nationalité, ce qui comble le « fossé d’impunité » dans les situations où les auteurs présumés ont fui des juridictions territoriales ou nationales pour diverses raisons. Le représentant a ajouté qu’en l’absence d’un cadre véritablement universel pour l’entraide judiciaire et de l’acceptation universelle du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), la compétence universelle demeure la garantie contre l’impunité des auteurs présumés de crimes relevant du droit international. L’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, comme le recommande la Commission du droit international (CDI), ou la conclusion d’un traité sur l’entraide judiciaire n’enlèveraient pas à la compétence universelle sa pertinence ni n’élargiraient la portée de son application. Ces projets, l’application du principe de compétence universelle, ainsi que le renforcement de la CPI se compléteraient mutuellement en créant un cadre juridique solide visant à assurer la responsabilité, a estimé le représentant.
Mme MAITÊ DE SOUZA SCHMITZ (Brésil) a observé que la pratique des États face au principe de compétence universelle varie. La délégation constate aussi qu’il y a des points de convergence qui peuvent faire consensus. Se félicitant de la création d’un groupe de travail au sein de la Sixième Commission, la représentante a dit qu’il y avait des opportunités d’entente. Selon elle, la première étape serait de parvenir à une définition commune de la notion de compétence universelle et de son champ d’application, afin d’éviter tout abus futur. En ce qui le concerne, le Brésil considère que la responsabilité de rendre justice pour les crimes, y compris les plus graves, relève des États en premier lieu. La compétence universelle ne peut donc être que complémentaire à celle-ci. Par ailleurs, a poursuivi la représentante, son application doit tenir compte des immunités accordées aux représentants des États, et ceci conformément au droit international. À titre national, le Brésil applique le principe de compétence universelle pour les crimes graves comme la torture, mais en tenant compte des principes de territorialité et de nationalité active et passive.
Les perspectives de progrès sur le principe de compétence universelle apparaissent de plus en plus réduites, a déclaré M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone), et ce, malgré un débat annuel et l’établissement d’un groupe de travail ouvert à tous les États. Néanmoins, la participation à ce groupe est faible, ce qui rend difficiles des discussions substantielles. Se voulant pragmatique, le représentant a invité les délégations à discuter de la portée et de l’objectif de ce principe et souhaité qu’un coordonnateur, pour chaque région, soit chargé d’assister le groupe de travail en vue de compiler les différents avis. Il a aussi souhaité que le Secrétaire général fasse une étude approfondie du débat conduit depuis 10 ans, en vue d’identifier les points de consensus et de dissension. Le Secrétaire général pourrait aussi identifier les tendances principales à l’œuvre sans tirer de conclusions définitives. Enfin, le délégué a souhaité la remise d’un rapport par la Commission sur ce que signifie ce principe, ce qu’il inclut et ce qu’il n’inclut pas.
Selon M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan), le principe de compétence universelle demeure controversé, notamment sur sa portée et son application, qui nécessitent davantage d’études. Le principe en lui-même ne fait pas l’unanimité: beaucoup de pays l’interprètent à leur manière, et cela mènera dans le futur à des crises, a prévenu le délégué, qui a appelé à un dialogue pour éviter une interprétation erronée ou toute exploitation dudit principe « à des fins politiques ». Le Soudan a trouvé deux conditions pour que s’applique le principe de compétence universelle: en cas de traité international contraignant ou en cas de principe d’extradition de l’accusé. Dans tous les cas, l’État où le crime a été commis et l’État de nationalité de l’auteur présumé sont les deux États qui, en premier lieu, ont la responsabilité de juger les auteurs présumés, a-t-il ajouté. Concernant les discussions du groupe de travail, la compétence universelle doit se focaliser sur les crimes les plus graves, et le Soudan est d’avis de poursuivre le dialogue au sein de la Sixième Commission.
Mme KRISTINA PELKIÖ (République tchèque) a dit que c’est dans l’intérêt des États de traduire en justice les auteurs des crimes les plus graves. Le concept de compétence universelle signifie aussi appliquer la justice et le droit, a ajouté la représentante. Elle a insisté sur le fait que donner une définition à la portée et à l’application du principe de compétence universelle est une question juridique et non politique. Elle a noté l’absence de progrès à la Sixième Commission sur cette question en raison de divergences de vues entre les États Membres. Il faut une base juridique claire pour aboutir à un compromis, a préconisé la représentante qui a réitéré la nécessité de renvoyer l’examen de cette question à la Commission du droit international (CDI). Si cette dernière parvient à un consensus, le dernier mot devrait toujours revenir à la Sixième Commission, a indiqué la déléguée pour qui cette possibilité apporterait un résultat positif.
M. THABO MICHAEL MOLEFE (Afrique du Sud) a reconnu que le principe de compétence universelle est important pour assurer la lutte contre l’impunité. Il a notamment commenté le succès du principe dans l’affaire Hissène Habré, mais il a aussi rappelé les difficultés politiques et les possibles abus dans son application. Le représentant a déclaré que le principe doit être appliqué « pour les bonnes raisons et non pour des motifs politiques ». Déplorant la stagnation des débats, il s’est interrogé sur le bien-fondé de la démarche entreprise par la Sixième Commission et, après avoir loué le travail du groupe d’experts, a encouragé les membres à faire des efforts pour trouver un compromis.
M. AZRIL BIN ABD AZIZ (Malaisie) a noté la diversité des points de vue sur le principe de compétence universelle et demandé la conduite d’une analyse juridique poussée afin d’ouvrir la voie à un consensus. Il est temps que la Commission analyse le manque de réponses des États Membres sur ce point, a-t-il dit. Enfin, le délégué a souhaité que la Commission du droit international (CDI) prenne le leadership sur ce dossier afin d’avancer.
Mme SARAH WEISS MA’UDI (Israël) a déclaré que, si son pays reconnaît l’importance de la lutte contre l’impunité, il n’en partage pas moins les préoccupations de certains États devant une utilisation fallacieuse de ce principe par des acteurs à des fins politiques. Des plaintes spécieuses sont déposées devant des juridictions, a-t-elle dit, ajoutant que de telles plaintes sapent les principes de souveraineté et de subsidiarité et ont des incidences négatives sur les relations diplomatiques. La déléguée a souhaité que les États prévoyant dans leur droit interne l’application d’un tel principe prévoient également les garde-fous politiques et juridiques pour prévenir les abus. Au regard des divergences sur la portée et l’application de ce principe, elle a indiqué qu’il est prématuré de prendre une décision sur une liste de crimes qui pourraient déclencher l’application dudit principe. Enfin, elle a mis en garde, eu égard aux difficultés d’obtenir des informations pertinentes, contre les risques d’aboutir à une évaluation incomplète de la pratique des États dans ce domaine. « La décision de la Commission du droit international (CDI) d’inclure ce point à son programme de travail à long terme est contre)productive et prématurée », a conclu la déléguée.
M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a insisté sur l’exceptionnalité du principe de compétence universelle, celui-ci devant être exercé uniquement si l’État où le crime a été commis se révélait incapable ou non désireux d’exercer sa juridiction. L’application du principe doit en outre prendre en compte les principes du droit international général et du droit international coutumier, surtout pour ce qui est de la coopération internationale et du commun accord de l’État concerné. Réitérant sa position, à savoir que le sujet ne devrait pas être inclus dans le travail de la Commission à court terme, le délégué a espéré parvenir à terme à un consensus au sein de la Sixième Commission et du groupe de travail pertinent, y compris concernant l’acceptation par l’État concerné et la coopération internationale. Dans tous les cas, la mise en œuvre du principe doit prendre en compte le droit international coutumier, le principe de non-ingérence, le respect de l’immunité des chefs d’État et de gouvernement et des représentants diplomatiques, a insisté le représentant égyptien.
Mme INDIRA GUARDIA GONZÁLEZ (Cuba) a estimé que la portée et l’application du principe de compétence universelle doivent être débattues par l’Assemblée générale. La représentante a ajouté qu’elle était préoccupée par l’utilisation sélective de ce concept par certains États contre des pays en développement avec des effets néfastes sur les relations internationales. Le concept de compétence universelle ne peut pas être utilisée pour hypothéquer la crédibilité des tribunaux nationaux, a averti la représentante. Elle doit en outre être limitée par la souveraineté et l’intégrité territoriale des États. Qui plus est, l’immunité des chefs d’État ne doit pas être remise en question. Cuba est favorable à l’élaboration de directives qui montrent les limites et les infractions pour lesquelles ce concept serait appliqué et à la création d’un groupe de travail à composition non limitée pour examiner la question.
M. DAVID ANTONIO GIRET SOTO (Paraguay) a déclaré que son pays accepte les principes fondamentaux du droit international. Il admet aussi un ordre juridique supranational. Le Code pénal paraguayen établit des dispositions compatibles avec le principe de compétence universelle, en étendant la compétence des tribunaux nationaux aux actes punissables commis à l’étranger. Pour le Paraguay, partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et aux Amendements de Kampala, la compétence universelle, inspirée par les principes de complémentarité et de bonne foi, représente un « rempart fondamental » pour promouvoir la pleine application de la justice et empêcher l’impunité pour les auteurs de crimes les plus graves et de violations systématiques des droits de l’homme, a dit le représentant.
M. ALEXANDER S. PROSKURYAKOV (Fédération de Russie) a déclaré que son pays est attaché à la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Pour autant, la délégation souhaite mettre en garde contre l’application « abusive » du principe de compétence universelle, notant qu’il y a beaucoup d’exemples connus. La Russie appelle donc au plein respect du droit international, en particulier en ce qui concerne les représentants de l’État. Le délégué a également déclaré qu’il n’avait vu aucun progrès se matérialiser s’agissant de la réflexion que mène la Sixième Commission sur le sujet de la compétence universelle. « La vraie question qui se pose alors est de savoir que notre commission a les moyens de mener une telle réflexion », a demandé le représentant.
M. MAMADOU RACINE LY (Sénégal) a déclaré que sa délégation avait intégré le principe de compétence universelle dans son dispositif juridique interne, notamment par une loi de 2018, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Celle-ci consacre une compétence quasi-universelle en droit sénégalais, en permettant aux juridictions sénégalaises de juger toute personne, physique ou morale, poursuivie sur le chef des infractions qu’elle a prévues, lorsque le lieu de commission est situé dans l’un des territoires des États parties au Traité de l’Union monétaire ouest-africaine ou au Traité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, ou dans un État tiers, lorsque pour ce dernier cas, une convention internationale leur en donne compétence. Le Sénégal dispose ainsi d’un cadre juridique pouvant justifier la prise de mesures législatives qui conféreraient aux juridictions pénales nationales la compétence de connaître des faits commis à l’étranger, quelle que soit la nationalité de leurs auteurs, dès lors que ceux-ci résideraient sur son territoire et qu’il aurait décidé de ne pas les extrader. D’avis que l’application du principe de compétence universelle devrait toujours reposer sur des principes de droit international, le représentant a continué d’appeler à l’exercice de bonne foi et non sélectif dudit principe. Appelant à « bien poser le débat » afin de mettre en place une « démarche unifiée » et d’arriver à un consensus sur le cadre juridique de son champ d’application, le Sénégal a appelé, pour remédier aux disparités importantes entre différents systèmes pénaux -les uns ayant consacré le principe, les autres non– à élaborer un texte spécifique qui pourrait amener une « harmonisation » ou, du moins, un rapprochement des législations nationales.
M. WENDPANGA JEAN DIDIER RAMDE (Burkina Faso) a considéré que l’application du principe de compétence universelle constitue l’un des mécanismes les plus appropriés de lutte contre l’impunité. « Avant d’être une question juridique, le principe de la compétence universelle est une question d’ordre moral et de conscience humaine et établit le devoir moral de toute l’humanité de lutter contre l’impunité et de garantir la justice pour tous. » Le Burkina Faso a adopté une loi portant détermination des compétences et de la procédure de mise en œuvre du Statut de Rome qui prévoit la compétence universelle des juridictions en ce qui concerne les crimes relevant de la compétence matérielle de la Cour pénale internationale (CPI). Le délégué a estimé que l’application effective du principe de compétence universelle requiert que les insuffisances des différentes législations nationales soient comblées et complétées, au-delà des accords bilatéraux, par des mécanismes multilatéraux efficaces de coopération judiciaire et d’entraide en matière pénale. Pour lui, le principe, pour être consensuel dans sa portée et son application, doit concerner les crimes internationaux les plus graves. Il s’agit, entre autres, du terrorisme et de son financement, du génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, de l’esclavage, de la torture, de la traite des personnes. Enfin, le principe doit être appliqué dans le respect des autres principes fondamentaux du droit international notamment l’égalité souveraine des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, le respect des immunités de juridiction et d’exécution dont bénéficient les représentants des États.
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexico) a salué la décision de la Commission du droit international (CDI) d’inclure ce point à son programme de travail à long terme et souhaité qu’il fasse partie de son programme de travail courant. Le principe de compétence universelle apparaît dans les Conventions de Genève de 1949 et dans la Convention sur le droit de la mer s’agissant de la piraterie, a déclaré le délégué. Il a indiqué que la prééminence des juridictions nationales doit être préservée, le principe de compétence universelle ne s’appliquant que de manière subsidiaire. Il a également souhaité que ce principe fasse l’objet d’un cadre d’application clair. Au-delà des considérations politiques et de technique juridique, il ne faut pas perdre de vue que ce qui est en jeu est de rendre justice aux victimes et de vaincre l’impunité, a conclu le délégué du Mexique.
Mme QUYEN THI HONG NGUYEN (Viet Nam) a déclaré que le principe de compétence universelle doit être défini et appliqué conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international en général. Son application ne peut ignorer les principes du droit international, en particulier en ce qui concerne les immunités accordées aux hauts représentants des États. Ce principe, a poursuivi la déléguée, ne doit en outre s’appliquer que dans le cas des crimes les plus graves et respecter le principe de territorialité, tout en évitant la sélectivité et la politisation. Elle a également constaté des divergences sur le principe de compétence universelle et son application. Dans ce contexte, la délégation plaide pour des discussions productives sur ce sujet. Toutefois, elle estime que la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ) et les travaux de la Commission du droit international (CDI) sont des bases pertinentes de réflexion.
Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a dit que la coopération internationale est essentielle pour l’application du principe de compétence universelle. Il est nécessaire d’examiner les procédures judiciaires des États qui veulent appliquer ce principe vu les divergences entre les États sur la question, a suggéré la représentante. Le principe de compétence universelle ne doit pas s’écarter des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international. Elle a aussi insisté sur le fait qu’il ne doit pas être utilisé contre l’immunité des représentants des États. Ne pas tenir compte de ces considérations c’est un risque de politisation de la justice, a tranché la représentante.
Mme BADE (Allemagne) a convenu que la responsabilité première dans le jugement des crimes incombait d’abord aux États. Elle aurait aussi préféré que Conseil de sécurité renvoie des situations à la Cour pénale internationale (CPI) pour juger plus régulièrement ces affaires. Depuis 2002, les procureurs allemands utilisent le principe de compétence universelle au titre du droit international. La juridiction nationale s’applique quelle que soit la nationalité des auteurs des crimes; cependant, le droit allemand ne prévoit pas la responsabilité des entreprises, a expliqué la déléguée. En outre, le suspect doit être présent sur le territoire allemand: il ne peut y avoir de procès in absentia. Le procureur général fédéral peut lancer des enquêtes pour des poursuites à venir, comme il le fait depuis 2011 au sujet des armes chimiques utilisées dans la guerre en Syrie, de l’usage de la torture dans les prisons syriennes et des actes terroristes de Daech. « Le message est clair: les auteurs de crimes seront poursuivis », a conclu la déléguée.
Mme NELLY BANAKEN ELEL (Cameroun) s’est dite préoccupée par « l’acception actuelle » qui veut que la compétence universelle renvoie dans le fond à l’idée de juger tout crime grave commis à l’étranger, peu importe le lieu, la nationalité de l’auteur ou de la victime. Il s’agit là, selon elle, d’une « mise sous boisseau » de la souveraineté de l’État, qui attribue à titre principal à l’État du for la responsabilité de juger, de protéger et de punir l’auteur d’une infraction. Du point de vue du Cameroun, cette conception, qui bat en brèche les fondements interétatiques de la société internationale devrait être « édulcorée », d’autant plus que la résolution 72/10 de l’Assemblée générale de décembre 2017 semble bien plus « prudente » lorsqu’elle évoque la « diversité des points de vue exprimés par les États, notamment des préoccupations concernant l’application abusive ou impropre du principe de compétence universelle ».
Mme Banaken Elel a également déclaré que le principe de compétence universelle ne peut être mis en œuvre que dans les circonstances où certains États n’ont pas la capacité d’exercer leur droit souverain et régalien de juger les auteurs de certaines infractions. « Il doit donc être et rester un appoint au principe de compétence nationale auquel il ne saurait se substituer. » Il ne devrait également être évoqué que dans le cadre des crimes les plus graves et ne jamais être instrumentalisé à des fins politiques pour rester « crédible ». Pour le Cameroun, si l’on veut que la compétence universelle s’applique, le pouvoir de l’État d’établir sa compétence et de juger toute personne doit être solidement fondé en droit international. Elle ne saurait reposer sur la seule législation de l’État qui voudrait l’invoquer.
M. Li Kai (Chine) a déclaré que la compétence universelle est une notion « composite » avec des aspects juridiques et diplomatiques. Il y a en outre des pratiques diverses et des controverses sur la question de savoir si la compétence universelle peut être appliquée à des crimes autres que la piraterie. La délégation constate aussi que dans certains pays, la compétence universelle a été utilisée en totale violation du droit international et pour des motivations politiques, y compris contre des hauts représentants d’États. « Cela n’est rien d’autre qu’une tentative de déstabiliser l’ordre et le droit international. » Or les États ont l’obligation de respecter le droit international, a fait valoir le représentant, insistant sur la nécessité de respecter les immunités accordées au plan international. Alors que la Sixième Commission discute de cette question depuis des années et sans succès, la Chine se demande si un tel processus devrait même se poursuivre, a-t-il lancé.
Selon Mme ANA LORENA VILLALOBOS BRENES (Costa Rica), il est du devoir des États de poursuivre ou d’extrader les auteurs de crimes graves, et des mécanismes complémentaires ont été développés en l’absence de volonté politique ou de capacité institutionnelle pour rendre justice aux victimes. Ces mécanismes comprennent la Cour pénale internationale (CPI) et des tribunaux ad hoc. Cependant a-t-elle regretté, la CPI n’a pas encore atteint l’universalité et les outils dont dispose l’ONU ont été entravés ces dernières années par des divergences au sein du Conseil de sécurité. « Cela a conduit à l’incertitude, à la frustration et à une possible impunité. » Dans ces cas, la compétence universelle est la meilleure option pour poursuivre les auteurs de crimes atroces, a jugé la déléguée. Afin de se conformer au droit international, les pays doivent adopter une législation nationale qui leur permette de faire des exceptions au principe de territorialité de leurs tribunaux. Pour sa part, le Costa Rica a inclus dans son Code pénal un article permettant de poursuivre les actes punissables, quels que soient le lieu de leur commission et la nationalité de leurs auteurs.
Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a déclaré que les principales difficultés à s’entendre sur le principe de compétence universelle tiennent à la définition de son champ d’application. Selon la délégation, la compétence universelle ne devrait se limiter qu’aux crimes les plus graves, suivant le principe de subsidiarité, de bonne foi, et conformément aux principes du droit international et de la Charte des Nations Unies. La représentante a également indiqué que son pays, avec l’Argentine, la Belgique, la Mongolie, les Pays-Bas et le Sénégal, travaille activement au sein de l’initiative d’entraide judiciaire MLA (mutual legal assistance) à l’adoption d’une convention sur la coopération internationale en matière d’enquêtes et de poursuites concernant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Actuellement, 75 États de toutes les régions appuient cette initiative, a-t-elle indiqué, appelant d’autres États à les rejoindre.
Mme ZAKIA IGHIL (Algérie) a dit que l’utilisation politique et sélective du principe de compétence universelle ne sert pas la justice. La représentante a ajouté que cela ternit la crédibilité du droit international et sape l’objectif de la justice internationale. Elle a dit qu’elle était préoccupée face à l’utilisation « abusive » de la compétence universelle, en particulier lorsqu’elle est appliquée sans tenir dûment compte des exigences du droit international. La représentante a mis l’accent sur l’importance des principes d’égalité souveraine des États, d’indépendance politique, de non-ingérence dans les affaires intérieures des États et de l’immunité des chefs d’État et de gouvernement. De nature « exceptionnelle », le principe de compétence universelle doit être considéré comme un mécanisme complémentaire et une mesure de dernier recours qui ne peut ni remplacer ni se substituer à la primauté des juridictions nationales. En conclusion, l’Algérie considère que le renvoi de cette question à la Commission du droit international est prématuré.
Mme AMY LOIS TOWNSEND (Royaume-Uni) a estimé que le principe de compétence universelle s’appliquait quelle que soit la nationalité de l’auteur et des victimes, mais considéré toutefois que des contraintes pratiques faisaient obstacle à l’application du principe. Un petit nombre seulement de cas peuvent être jugés si les cas n’ont pas de lien direct avec le Royaume-Uni, a-t-elle précisé. Se gardant d’émettre un point de vue définitif sur la question, elle a fait part de ses doutes quant à l’exercice du principe par les tribunaux nationaux, jugeant que les cours internationales seraient mieux à même de le faire.
M. FRANCIS WINSTON CHANGARA (Zimbabwe) a encouragé les États Membres à poursuivre leurs délibérations sur la portée et l’application du principe de compétence universelle. Ce principe, a-t-il dit, doit être exercé dans un esprit de coopération, de bonne foi et avec le consentement des juridictions nationales. Il s’agit d’appliquer la justice d’une manière transparente « sans provoquer par imprudence des tensions entre États ». Le délégué a noté également que les principes de l’égalité souveraine, de l’indépendance des États et de la non-interférence dans leurs affaires intérieures doivent être respectés. La compétence universelle reste selon lui un mécanisme complémentaire, qui peut être invoqué seulement quand les tribunaux nationaux sont incapables d’agir ou n’ont pas la volonté politique de le faire. Si le Zimbabwe ne dispose pas de législation liée expressément à la compétence universelle, il ne s’oppose pas à une coopération judiciaire pour les crimes auxquels le principe s’applique au travers de l’extradition et de l’entraide judiciaire. Le délégué a conclu son intervention en demandant aux États de faire preuve de flexibilité pour établir un cadre juridique conforme à la Charte et au droit coutumier international.
M. MUHAMMAD TAUFAN (Indonésie) a relevé que le principe de compétence universelle était interprété différemment selon les États, et que son application ne serait donc pas aisée. Le principe diffère de l’obligation de poursuivre ou d’extrader, a aussi estimé le délégué, pour qui l’application du principe devra respecter les garanties de procédure régulière. Il a appelé à ce que le principe ne soit qu’un dernier recours, confiné dans les circonstances où un État ne serait pas compétent, ou pas désireux, d’engager des poursuites.
M. IROM AGBOR AWASSAM (Nigéria) a considéré le principe de compétence universelle comme un « principe important du droit international » en ce qu’il empêche l’impunité, promeut le respect des règles du droit et des libertés fondamentales, et l’adoption de sanctions à l’encontre des dirigeants responsables des pires crimes et atrocités. Selon lui, la tendance de plus en plus fréquente des auteurs de crimes à s’échapper de leur territoire d’origine pour éviter les poursuites contraint tous les États à adopter des législations permettant de poursuivre ces individus, là où ils sont appréhendés ou arrêtés en vertu du principe de compétence universelle.
Le représentant a mentionné les différentes lois nigérianes destinées à l’élimination de l’impunité en cas de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il a toutefois précisé que « la compétence universelle ne peut être utilisée qu’en dernier recours et non de manière inappropriée et prématurée quand il est possible pour les États de coopérer par l’extradition ou l’entraide judiciaire ». Elle ne peut donc être utilisée par un pays pour imposer son système juridique à un pays moins bien doté et le priver de ses droits en matière de poursuites judiciaires.
M. WISNIQUE PANIER (Haïti) a constaté que le principe de compétence universelle continue d’être controversé, et qu’il est à la fois susceptible d’être utilisé pour lutter contre l’impunité mais aussi comme « instrument de domination ou d’ingérence dans les affaires internes des États ». Pour Haïti, le principe de compétence universelle doit être utilisé en dernier recours et non servir d’outil pour l’impérialisme politique. Haïti, qui n’extrade pas ses ressortissants aux termes de ses lois, plaide donc pour un examen sérieux de la question, notamment pour définir la portée et l’application du principe, a conclu le représentant.
Mgr GABRIELE CACCIA, Observateur permanent du Saint-Siège, a considéré que la seule méthode efficace pour l’application du principe de compétence universelle consiste à déterminer des règles claires, fondées sur une procédure juste et le respect des privilèges juridictionnels des États. Rappelant que le principe doit être limité aux crimes les plus graves et que les sanctuaires et l’impunité sont inacceptables pour leurs auteurs, le représentant a insisté sur le caractère complémentaire de ce principe qui donne à l’État compétent la primauté sur l’enquête et les poursuites. L’Observateur a par ailleurs déclaré que l’impunité des chefs d’État ne peut s’appliquer pour les crimes les plus graves qui ne peuvent jamais être considérés comme des actes d’État. Mais il est important de préserver l’immunité intuitu personae des plus hauts dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions qui constitue une précondition pour la conduite des affaires internationales. Le Saint-Siège encourage le groupe de travail à identifier en particulier les crimes que les lois des États Membres permettent déjà de poursuivre et les conditions qui permettent à la compétence universelle de s’appliquer au regard des lois nationales existantes.