En cours au Siège de l'ONU

Troisième session,
47e et 48e séances – matin & après-midi
MER/2116

Biodiversité marine: toutes les ressources marines hors juridiction nationale sont-elles un patrimoine commun de l’humanité?

À deux jours de la clôture du troisième cycle de négociations intergouvernementales pour l’élaboration d’un instrument international sur la protection de la biodiversité marine, les discussions ont porté sur des sujets divers, allant des activités que les États seront autorisés à mener concernant les ressources génétiques marines, à la définition même de ces ressources, en passant par les relations entre le futur accord et les instruments existants, ainsi que ses modalités de mise en œuvre.  À cette occasion, des divisions nettes sont apparues entre pays développés et en développement sur la question de savoir s’il fallait accorder à toutes les ressources marines concernées le statut de patrimoine commun de l’humanité.

Comme lors des précédentes journées, les délégations ont avancé article par article, en se basant sur l’avant-projet d’accord élaboré par Mme Rena Lee, la Présidente de la Conférence intergouvernementale, avec l’aide de la Division des affaires maritimes et du droit de la mer. 

Les discussions ont principalement porté sur le partage des avantages liés à l’utilisation des ressources génétiques marines par les États dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale.  La teneur des débats a confirmé la persistance de profondes divisions concernant la portée du futur instrument.  Ainsi, les pays en développement ont jugé nécessaire de combler les lacunes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, en octroyant à l’ensemble des ressources génétiques marines situées dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale le statut de patrimoine commun de l’humanité.  Les pays développés se sont quant à eux opposés à une telle reconnaissance, estimant que le futur accord n’avait pas vocation à se démarquer des instruments internationaux existants.

Dans le même ordre d’idées, les petits États insulaires en développement du Pacifique, soutenus par de nombreux autres pays en développement, ont demandé que le futur accord reconnaisse les droits des États côtiers en matière d’utilisation des ressources marines ne relevant pas de leur juridiction nationale, principe dont les pays développés et la Chine n’ont pas souhaité entendre parler. 

La Conférence intergouvernementale poursuivra ses travaux demain, jeudi 29 août, à partir de 10 heures, en groupe de travail sur l’établissement, le contenu, la publication et l’examen des rapports d’étude d’impact sur l’environnement.

CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE CHARGÉE D’ÉLABORER UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE (A/CONF.232/2019/6, A/CONF.232/2019/7, A/CONF.232/2019/8, A/CONF.232/2019/8/REV.1)

Examen de la question visée aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 72/249 de l’Assemblée générale

Groupe de travail officieux sur les ressources génétiques marines, y compris les questions liées au partage des avantages

Les négociateurs ont tenté, ce matin, d’harmoniser leurs positions sur la question du partage des avantages des ressources génétiques marines dans le cadre du futur instrument, à commencer par l’article 9 de l’avant-projet d’accord, intitulé « Activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».

Les discussions ont d’abord porté sur le paragraphe 1 de cet article, dont le libellé est le suivant: « Tous les États et les personnes physiques et morales relevant d’eux peuvent mener des activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale pourvu qu’ils respectent les conditions stipulées au présent Accord et en tenant dûment compte des droits, obligations et intérêts prévus par la Convention. »

Le Groupe des 77 et la Chine (G77) a proposé de remplacer le terme « État » par « États Parties », ainsi que de terminer l’article après « Accord », ce qui reviendrait à supprimer l’expression suivante: « et en tenant dûment compte des droits, obligations et intérêts prévus par la Convention ».  Les États-Unis se sont dit favorables à la proposition du G77 concernant l’inclusion du terme « États Parties ».  Tout en appuyant les changements proposés par le G77, les membres du groupe CLAM (Core Latin American) ont en plus proposé de remplacer l’expression « ressources génétiques marines des zones » par « ressources génétiques marines dans les zones ».  Le Nigéria a, quant à lui, proposé d’aller plus loin dans la mention aux États parties, avec la formulation suivante: « tous les États Parties, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, ». 

Si elle s’est dite prête à soutenir les modifications proposées par le G77, l’Union européenne (UE) a souhaité apporter plus de précision quant à la portée des activités couvertes.  L’Union a ainsi proposé de changer « activités relatives aux ressources génétiques marines » par « activités de recherche scientifique marines relatives aux ressources génétiques marines ».

La Communauté des Caraïbes (CARICOM) s’est opposée à la proposition de l’UE.  « Cette partie va au-delà des seules recherches scientifiques marines », a estimé le groupe, une position réaffirmée ensuite par le Groupe des États d’Afrique et Sri Lanka, tous deux estimant que cette proposition limiterait la portée de l’article 9.  Les petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique ont, de leur côté, estimé que si la modification proposée par l’UE était approuvée, il serait nécessaire de faire référence dans ce paragraphe à l’article 241 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (article intitulé « Non-reconnaissance de la recherche scientifique marine en tant que fondement d’une revendication quelconque »).  Le G77 a toutefois demandé à l’UE des précisions sur les implications de sa proposition. 

Notre proposition est en phase avec ce que nous avons dit concernant les articles 10 et 11, a indiqué l’UE.  Il ne s’agit pas de limiter la portée de l’article mais de le préciser afin qu’il ait un champ d’application identique aux activités définies dans la Convention, a précisé l’Union.

Si l’UE veut dire que les activités relatives aux ressources génétiques marines sont équivalentes aux recherches scientifiques marines, alors il faudrait que l’on liste toutes les activités, a rétorqué le G77.  Dans le cas contraire, nous ne pouvons pas accepter cette proposition, a martelé le Groupe.

L’Australie a proposé une suppression pure et simple du paragraphe 1, au motif que ce dernier placerait, selon le pays, l’article 9 au-dessus d’autres instruments existants, dont la Convention.  La Nouvelle-Zélande a également estimé que le paragraphe 1 n’était pas nécessaire, dans la mesure où il répète des dispositions de la Convention.  Pour la Fédération de Russie, citer de « façon sélective ou arbitraire » des dispositions de la Convention n’est pas « forcément utile » et risque de créer des complications.  Depuis le début, nous avons souhaité ne pas porter atteinte aux normes de la Convention relatives à la recherche scientifique marine, ce qui est le cas du paragraphe 1, a déploré Moscou.  Le Japon a également dit ne pas soutenir ce paragraphe 1, ajoutant qu’il n’en comprenait pas bien la portée ou l’utilité.

Les délégations sont ensuite passées à l’analyse du paragraphe 2: « Lorsque des ressources génétiques marines de zones ne relevant pas de la juridiction nationale sont également présentes dans des zones relevant de la juridiction nationale, les activités relatives à ces ressources tiennent dûment compte des droits et des intérêts légitimes de tout État côtier sous la juridiction duquel se trouvent lesdites ressources. »

Nous ne comprenons pas trop l’utilité de ce paragraphe car il mélange les partages des avantages bilatéraux et multilatéraux, a déclaré la Suisse, proposant de le supprimer, ce qu’a appuyé la Chine.  Cet accord s’applique aux zones ne relevant pas de la juridiction nationale, a en effet rappelé le pays.  Il n’y a donc aucun besoin de mentionner les zones relevant de la juridiction nationale, a insisté la délégation chinoise. 

Ce paragraphe est en effet inutile, a renchéri la Fédération de Russie, jugeant en outre qu’il soulevait de nombreuses questions juridiques sur le chevauchement des zones relevant de la juridiction nationale et celles qui n’en relèvent pas.  La Norvège s’est rangée à l’avis russe, tout comme les États-Unis.  Non seulement les États côtiers n’ont pas de droits au-delà de leur juridiction nationale, mais également leurs droits n’ont pas de liens avec les droits et intérêts légitimes par rapport aux ressources au-delà des zones relevant de la juridiction nationale, a estimé la délégation américaine, une position soutenue par le Japon.  Sur le principe, la Chine a également dit ne pas accepter la demande des droits des États côtiers concernant les zones ne relevant pas de leur juridiction nationale.

À l’opposé, les PEID du Pacifique ont refusé la suppression de ce paragraphe, qui prend selon eux en compte la complexité juridique des zones marines et de leurs ressources.  Le groupe CLAM a également proposé de conserver le libellé actuel.  Ce paragraphe tient compte des inquiétudes de nombreux PEID pour ce qui est des zones du plateau continental étendu où on pourrait trouver des ressources génétiques marines, a insisté Maurice, soutenue par les Seychelles, la Malaisie, le Maroc et l’Indonésie.  Cette dernière a bien insisté sur le fait que les droits des États côtiers devaient être respectés.  Le paragraphe 2 existe parce qu’il résulte de nos discussions lors des deux premiers cycles de négociation, a rappelé le Togo, appelant à le maintenir à ce stade des négociations.  Il est en effet très important pour les pays insulaires, a ajouté Cuba, estimant qu’il permettait de combler le vide juridique actuel sur la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques au-delà de la zone où ces ressources sont situées.  La Turquie a également voulu conserver ce paragraphe. 

Singapour a, de son côté, dit ne pas comprendre la référence aux « intérêts légitimes de tout État côtier » et a proposé de clarifier le paragraphe, en le rendant davantage conforme aux dispositions du Protocole de Nagoya, le protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique.  Le pays a notamment proposé de mentionner les ressources génétiques marines auxquelles il est accédé in situ, une proposition soutenue par Cuba.  Ce paragraphe s’inspire en effet de l’article 11 du Protocole de Nagoya, a approuvé le Cameroun, appuyant la proposition de Singapour.  La Fédération de Russie s’est quant à elle opposée à toute référence au Protocole de Nagoya.

Les délégations sont ensuite passées à l’examen du paragraphe 3 de l’article 9: « Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de souveraineté ou de droits souverains sur les ressources génétiques marines de zones ne relevant pas de la juridiction nationale [et aucun État ni aucune personne physique ou morale ne peut s’approprier une partie quelconque de ces ressources].  Aucune revendication, aucun exercice de souveraineté ou de droits souverains [ni aucun acte d’appropriation de cette nature] ne sera reconnu. »

Le G77 a appelé à enlever les crochets dans le libellé du texte, s’estimant en accord avec l’intégralité de la formulation actuelle. 

La Suisse a quant à elle appelé à supprimer le passage entre crochets suivant: « [ni aucun acte d’appropriation de cette nature] », qui introduit selon le pays des termes ambigus.

Les PEID du Pacifique ont proposé de créer un paragraphe 3 bis, qui veillerait à ce que les droits et intérêts souverains des États côtiers et adjacents soient protégés.  Les Philippines ont appuyé cette suggestion, insistant sur la nécessité de disposer du consentement des États côtiers. 

L’UE a estimé que l’obligation citée au paragraphe 3 figurait déjà dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  L’Union n’est pas opposée à ce paragraphe, mais nous nous interrogeons sur la nécessité de réitérer ici des dispositions identiques à la Convention.  Le Japon, l’Islande, l’Australie, les États-Unis et la République de Corée se sont, quant à eux, clairement prononcés en faveur de la suppression de ce paragraphe, estimant que non seulement il s’agissait d’un « copier-coller » de l’article 137 de la Convention, mais qu’en plus, il en détournait le sens initial.  En effet, ce paragraphe semble laisser entendre que la reconnaissance de toutes les ressources génétiques comme patrimoine commun de l’humanité découle de la Convention, ce qui n’est pas le cas, a précisé la Fédération de Russie, condamnant cette tendance à « citer de façon arbitraire » la Convention.

Le Groupe des États d’Afrique a mentionné une étude de 2003, publiée par le Secrétariat exécutif de la Convention, qui mentionne la création sui generis de droits de propriété intellectuelle concernant les ressources marines.  Cette étude semble mettre en lumière des lacunes juridiques de la Convention, notamment dans son paragraphe 100, a indiqué le Groupe.  L’étude postule justement que toutes les ressources in situ sur le fonds marin sont patrimoine commun de l’humanité, ont assuré les pays d’Afrique.  Si la Convention s’est bornée aux minerais, c’est parce que l’intégralité des ressources marines n’était pas connue à l’époque, ont-ils estimé, précisant que cette étude propose d’utiliser le concept de patrimoine commun de l’humanité pour toute la Zone, sous le régime du principe du partage des avantages.

Concernant le paragraphe 4, le G77 a proposé de maintenir le libellée suivant: « L’utilisation des ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale vise l’intérêt de l’humanité tout entière, compte tenu des intérêts et des besoins des États en développement, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral, les États géographiquement désavantagés, les petits États insulaires en développement, les États côtiers d’Afrique et les pays en développement à revenu intermédiaire. »

L’Indonésie a proposé d’ajouter à la liste des pays en développement les États archipélagiques.  Les Philippines ont, elles, proposé de rajouter à cette liste les États en difficulté environnementale.  Quant au Togo, il a insisté sur la nécessité de maintenir les pays en développement à revenu intermédiaire dans la liste actuelle. 

De leur côté, les États-Unis ont trouvé ce paragraphe « trop vague et potentiellement inapplicable en pratique ».  Ils se sont opposés au fait que les ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale puissent être considérées comme patrimoine commun de l’humanité, comme l’impliquerait, selon le pays, ce paragraphe 4, que la délégation américaine a donc proposé de supprimer.  L’Islande a également dit ne pas être favorable à l’application ici du principe du patrimoine commun de l’humanité, relevant que ce paragraphe provenait de l’article 140 de la Convention.

Les PEID du Pacifique ont quant à eux proposé de rajouter un paragraphe 4 bis, qui mentionnerait les droits des États côtiers. 

Passant au paragraphe 5, le G77 a proposé de maintenir le libellé actuel: « Les activités relatives aux ressources génétiques marines des zones ne relevant pas de la juridiction nationale sont conduites à des fins exclusivement pacifiques. » 

Le Saint-Siège a proposé de rajouter la mention suivante: « Dans aucun cas, un État ne devrait mener des recherches scientifiques marines au détriment de l’humanité. »  Le Cameroun a appelé à prendre en considération cette proposition et s’est dit fortement attaché au maintien de ce paragraphe dans le corps du texte.

L’Australie a proposé de rajouter une référence à la Convention.  Le pays a, de plus, jugé que le paragraphe 5 était de nature transversale et devrait plutôt être situé dans le préambule de l’Accord, une proposition appuyée par la Suisse et l’Islande.  Les États-Unis et le Canada se sont dit prêts à étudier cette suggestion. 

Les minerais étaient considérés comme les seules ressources dans la Zone dans les années 1980, lorsque la Convention a été rédigée, a rappelé l’Érythrée.  Désormais, nous savons que d’autre profits peuvent être tirés des ressources des océans, a déclaré le pays, plaidant en faveur d’une approche écosystémique.  Dès lors, il faudrait une règlementation uniforme pour les ressources, notamment en matière de statut de patrimoine commun de l’humanité, qui s’applique déjà aux minéraux solides, gazeux ou liquides dans la Zone, a appelé l’Érythrée, soutenue par Sri Lanka

Passant à l’analyse de l’article premier de l’avant-projet d’accord, intitulé « Emploi des termes », les négociateurs sont revenus sur la définition des accès aux ressources génétiques marines, dans le paragraphe 1: « On entend par “accès”, en rapport avec les ressources génétiques marines, la collecte de ressources génétiques marines [, y compris les ressources génétiques marines auxquelles il est accédé in situ, ex situ [et in silico] [[et] [sous forme] [de données] [et d’informations] [de séquençage] [numérique] [génétique]. »

Le G77 a jugé important de définir le terme d’« accès » dans cet accord et a proposé d’enlever les crochets pour faire en sorte que cette définition soit la plus large possible. 

Les définitions devraient plutôt être débattues ultérieurement, ont estimé la République de Corée, la Suisse, la Fédération de Russie, l’UE et la Norvège.  « Difficile de débattre d’une définition si on ne sait pas à quoi elle sera appliquée », a en effet estimé cette dernière.

Compte tenu de cette réserve, l’UE a proposé que l’accès soit simplement défini comme suit: « la collecte des ressources marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».

La CARICOM a, de son côté, proposé la définition suivante: « L’accès signifie la collecte, l’obtention et l’exploitation des ressources marines pour leur utilisation y compris les ressources génétiques marines auxquelles il est accédé in situ et ex situ sous forme de données et d’informations de séquençage numérique génétique. »  Le groupe a donc proposé d’éliminer pour l’instant la mention d’accès in silico, estimant qu’il n’y avait pas de consensus sur la définition du terme.

Le groupe CLAM a quant à lui proposé la définition suivante: « On entend par “accès”, en rapport avec les ressources génétiques marines, l’accès in situ, ex situ et in silico sous forme de données et d’informations de séquençage numérique et génétique. »  Nous souhaitons bien conserver le terme « in silico » dans ce paragraphe, a précisé le groupe.

Soutenant la définition la plus vaste possible, le Groupe des États d’Afrique a proposé d’enlever les crochets et de conserver le terme « in silico », tout en supprimant la partie suivante: « [et] [sous forme] [de données] [et d’informations] [de séquençage] [numérique] [génétique] ».

La Norvège s’est quant à elle prononcée en faveur d’une définition beaucoup plus courte: « L’accès signifie la collecte des ressources marines. »

De son côté, la Fédération de Russie s’est opposée à la définition de la notion d’accès dans le cadre de cet accord.  Le Japon, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ont également estimé qu’il n’était pas nécessaire de définir le terme, arguant que cela n’avait pas été fait dans d’autres instruments.  Plutôt que de parler d’accès, l’Australie a jugé préférable d’utiliser simplement le terme « collecte », qui, selon elle, se passe de définition.

L’accès ne se borne pas uniquement à la collecte, a toutefois réagi la République islamique d’Iran.  De plus, pour le Groupe des États d’Afrique, le nouveau régime que les négociateurs se proposent d’adopter passe nécessairement par la définition de nouveaux termes par rapport aux instruments antérieurs, qu’il s’agisse de la Convention sur la diversité biologique ou du Protocole de Nagoya, qui concernaient, eux, les zones relevant de la juridiction nationale.

Les délégations sont ensuite passées à la définition du « matériel génétique marin », au paragraphe 8: « On entend par “matériel génétique marin” tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité [et collecté dans des zones ne relevant pas de la juridiction nationale]; [sont exclus de cette définition le matériel issu de ce matériel, tels que les produits dérivés, ainsi que les informations décrivant ce matériel, telles que les données de séquençage génétique]. »

Le Groupe des États d’Afrique a proposé que ce paragraphe prenne fin après le terme « l’hérédité », comme suit: « On entend par “matériel génétique marin” tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité. »  La CARICOM, les États-Unis, l’UE et la Norvège ont appuyé cette approche.  Les États-Unis ont précisé que la définition des ressources génétiques marines devrait inclure celle du matériel marin.  La Suisse, l’UE et l’Australie ont toutefois précisé qu’il fallait aligner la définition du matériel génétique marin sur les définitions de la Convention sur la diversité biologique, et ce, afin de ne pas créer des doublons.

Quant au groupe CLAM, il a jugé qu’il n’était pas nécessaire de définir le matériel génétique marin. 

Par ailleurs, les délégations ont brièvement entamé une discussion sur la définition des « ressources génétiques marines », au paragraphe 9 de l’avant-projet d’accord.

Dans une première variante de cette définition, les ressources génétiques marines sont définies comme « tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, [trouvé dans ou] issu de zones ne relevant pas de la juridiction nationale et contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité dont les propriétés génétiques et biochimiques présentent une valeur effective ou potentielle ».

Dans une seconde variante, plus succincte, la mention des ressources génétiques marines se rapporte simplement au « matériel génétique marin ayant une valeur effective ou potentielle ».

Le G77 a appelé à supprimer la variante 2 et à reformuler la variante 1, sans préciser de quelle façon.  Le groupe CLAM a proposé de modifier la variante 1 de la façon suivante: « tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité dont les propriétés génétiques et biochimiques présentent une valeur effective ou potentielle ».  La CARICOM et les Philippines ont appuyé cette proposition.  Pour la Chine, toutefois, il ne faudrait pas parler d’application géographique dans la définition. 

À l’opposé, l’UE et les États-Unis se sont prononcés en faveur de la variante 2, conforme selon eux aux dispositions de la Convention sur la diversité biologique et du Protocole de Nagoya.  Le G77 a toutefois rétorqué que ces deux instruments comprenaient des incohérences qu’il ne faudrait pas reprendre ici.  Et l’Érythrée a appelé à définir l’expression « valeur effective ou potentielle » dans la variante 2.  Cela signifie-t-il une valeur économique et monétaire? s’est interrogé le pays.

Enfin, les PEID du Pacifique ont proposé l’insertion d’un nouveau paragraphe dans l’article premier, afin de définir l’accès aux connaissances traditionnelles.

Groupe de travail officieux sur les questions interdisciplinaires

Dans l’après-midi, les négociateurs ont poursuivi les discussions en abordant les questions interdisciplinaires telles que la relation entre le futur accord et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ainsi que des sujets comme la coopération internationale et les modalités de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions du futur instrument.

Les délégations ont d’abord échangé sur l’article 4 portant sur la « relation entre le présent Accord et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et autres instruments et cadres juridiques [en vigueur] pertinents et avec les organes mondiaux, régionaux et sectoriels pertinents ».  Elles ont notamment commenté son paragraphe 4 qui se lit comme suit: « Les dispositions du présent Accord ne sont censées avoir aucune incidence sur le statut juridique des États non parties à la Convention ou à d’autres accords connexes au regard de ces instruments. »

Le G77 a dit soutenir ce paragraphe, ainsi que le groupe CLAM.  Pour la Turquie, « ce paragraphe est le plus important pour les États non parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ».  La délégation a même proposé que l’on renforce ce paragraphe en soulignant clairement que ce nouvel instrument n’aura pas de conséquence sur les États qui ne sont pas parties à la Convention.  Les États-Unis ont eux aussi demandé un renforcement de ce paragraphe, avant que l’Autorité des fonds marins ne propose qu’on y mentionne également l’Accord de 1994 relatif à l’application de la Partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  L’Afrique du Sud n’a pas partagé ce dernier avis. 

Cependant, l’Union européenne (UE) a souhaité que ce paragraphe soit annulé, puisque l’accord sera de toute manière ouvert à tous les États.  L’UE a fait valoir que le paragraphe risque de conduire à des interprétations divergentes qui pourraient, à terme, saper la mise en œuvre du futur accord.  « Il n’existe pas de telle disposition dans l’Accord de 1995 sur les stocks de poissons », a poursuivi l’UE.  La République de Corée a salué cette position de l’UE en arguant que le paragraphe pourrait créer un précédent non souhaitable.  L’Australie a rappelé que, de toutes les façons, un État ne pouvait pas être obligé à respecter les directives d’un traité auquel il n’est pas partie: « le rappeler n’a donc pas de sens », selon la délégation australienne. 

La Norvège a appuyé la demande de retrait de ce paragraphe, faisant valoir que les États non parties à la Convention sur le droit de la mer pourront tout de même adhérer au futur instrument.  Même son de cloche du côté de l’Islande ou encore de la Nouvelle-Zélande, celle-ci plaidant pour l’universalité du futur instrument.  La Fédération de Russie a également souhaité que le paragraphe soit supprimé, expliquant qu’il « affirme une évidence ».  Et que dire de tous les autres accords multilatéraux dans lesquels ne figure pas une telle réserve? a demandé le pays en soulignant que l’Accord sur les stocks de poissons, qui est aussi lié à la Convention sur le droit de la mer, ne comprenait pas une telle mention. 

Néanmoins, la République islamique d’Iran a argué que ce paragraphe pourrait justement contribuer à faciliter l’universalité du futur traité.  Le groupe CLAM est revenu à la charge pour expliquer que l’instrument avait un champ d’application plus général que l’Accord de 1995 sur les stocks de poissons, avant que la Turquie ne vienne suggérer que ce paragraphe soit plutôt déplacé, afin de figurer dans le préambule du futur accord, au regard de son importance. 

Les délégations ont ensuite abordé l’article 6 portant sur la « coopération internationale ».  Elles ont d’abord délibéré sur le paragraphe 1 qui dispose que « les États Parties coopèrent pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, notamment en renforçant et en intensifiant la coopération entre les instruments et cadres juridiques pertinents en vigueur et entre les organismes mondiaux, régionaux et sectoriels concernés en vue d’atteindre l’objectif du présent Accord ».

Le G77 s’est dit d’accord avec ce paragraphe, tout comme l’UE qui a tout de même souhaité qu’un nouveau paragraphe l’accompagne.  L’Alliance de la haute mer a aussi agréé à cette position.  Le groupe CLAM, bien que soutenant le paragraphe, a proposé une modification de son libellé.  Le Japon s’est dit favorable à ce paragraphe, ainsi que la Norvège et la République de Corée, parmi d’autres.  Le Canada a rappelé que l’on ne pouvait imposer aux pays la coopération et estimé qu’il valait mieux dire que les États doivent « promouvoir la coopération ». 

Le paragraphe 2 de l’article, examiné ensuite, se lit comme suit: « Les États Parties favorisent la coopération internationale pour la recherche scientifique marine conformément aux dispositions des articles 242 à 244 de la Convention et la coopération internationale pour le développement et le transfert des techniques marines conformément aux dispositions des articles 270 à 274 de la Convention en vue d’atteindre l’objectif du présent Accord. »

L’UE et le groupe CLAM ont proposé des amendements à ce paragraphe, déplorant par exemple qu’il y soit fait référence à des articles spécifiques de la Convention sur le droit de la mer.  La CARICOM a dit souscrire au libellé de ce paragraphe, alors que le Japon a estimé que ce paragraphe n’était pas nécessaire. 

Le G77, le groupe CLAM, le Groupe des États d’Afrique, et même les États-Unis, ont appelé à la suppression du paragraphe 3 qui dispose que « les États Parties coopèrent en vue de créer de nouveaux organes mondiaux, régionaux et sectoriels, selon que de besoin, afin de combler les éventuels déficits de gouvernance ».  L’UE a suggéré d’enlever seulement la formule « afin de combler les éventuels déficits de gouvernance ».  Plusieurs délégations, telles que le Japon et l’Islande, ont approuvé, estimant que cette expression n’avait pas sa place dans un instrument international.

La Fédération de Russie a souhaité que la communauté internationale travaille avec des « organes régionaux et sectoriels » quand ceux-ci existent, et en crée de nouveaux là où il n’y en a pas.  La Nouvelle-Zélande a proposé un nouveau paragraphe qui se focaliserait sur des mesures d’urgence ou des dispositions transitoires qui seraient prises en compte jusqu’à l’entrée en vigueur du futur l’instrument. 

S’agit-il « d’approches » ou de « principes » généraux?  Les délégations ont été invitées à faire un choix entre ces deux termes contenus dans le titre de l’article 5 intitulé « [Approches] [et principes] généraux ». 

Les États-Unis ont dit préférer le terme « approches », tandis que le groupe CLAM a souhaité que l’article soit entièrement revu car il contient des éléments de natures différentes.  C’est justement ce qu’a retenu la Fédération de Russie en faisant observer que certains alinéas font référence à des approches et d’autres à des principes.  L’Indonésie a préféré garder les deux expressions, alors que la Suisse a dit opter pour des principes généraux, suivi en cela par la Chine, qui a suggéré de ne retenir que des normes faisant l’unanimité au sein de la communauté internationale.

L’article 5 dispose que « pour atteindre l’objectif du présent Accord, les États Parties: appliquent une approche [des principes] intégrée [intégrés] (alinéa a); appliquent une approche qui renforce la résilience des écosystèmes aux effets préjudiciables des changements climatiques et de l’acidification des océans et restaure l’intégrité des écosystèmes (alinéa b); agissent de manière à ne pas déplacer, directement ou indirectement, le préjudice ou les risques d’une zone à une autre et à ne pas remplacer un type de pollution par un autre (alinéa c); s’efforcent de promouvoir l’internalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c’est le pollueur qui doit [, normalement,] assumer le coût de la pollution, dans le souci de l’intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l’investissement(alinéa d); veillent au respect de l’obligation de rendre compte (alinéa e); se guident sur le principe de non-régression (alinéa f); et prennent en considération la souplesse, la pertinence et l’efficacité(alinéa g) ».

Le G77, ainsi que plusieurs autres États, ont demandé des précisions au sujet de l’expression « non-régression » de l’alinéa f, alors que la Fédération de Russie a estimé qu’une traduction en russe de cette formulation était un exercice pour le moins ardu. 

Le G77 a présenté un ensemble de « principes » ayant fait l’unanimité au sein des 135 membres du Groupe.  Globalement, l’UE a souhaité que les principes qui seront arrêtés soient en conformité avec le droit de l’environnement, avant d’insister sur le principe de précaution et celui de pollueur-payeur. 

De nombreuses autres délégations ont commenté ces approches/principes, appelant à supprimer certains alinéas ou encore reformulant d’autres.  En fin de compte, les alinéas « e » et « g » n’ont reçu aucun soutien de la part des délégations. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.