Darfour: divisions au Conseil de sécurité sur les conditions du retrait de la MINUAD face à l’incertitude qui prévaut à Khartoum, au Soudan
C’est devant un Conseil de sécurité visiblement divisé face à l’évolution de la situation politique au Soudan que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a présenté, ce matin, le rapport spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’ONU sur l’évaluation stratégique de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).
Ce rapport, a expliqué M. Lacroix, a été finalisé dans un contexte de développements politiques importants au niveau national qui ont entraîné au Soudan « le début de changements radicaux dans un système de gouvernance vieux de 30 ans ». Depuis lors, de nouveaux développements ont eu lieu, provoquant une situation de plus en plus imprévisible. Ce qui avait commencé en décembre 2018, à la suite de contestations liées à des griefs socioéconomiques, a conduit à la destitution du Président Al-Bashir le 11 avril et à son remplacement par un Conseil militaire de transition, qui négocie actuellement avec le groupe d’opposition de la Déclaration pour la liberté et le changement, la nature et la structure du système de gouvernance.
Alors que le mandat de la Mission arrive à terme le 30 juin 2019, plusieurs pays, dont les porte-plumes, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont suggéré de procéder à un renouvellement technique afin de mesurer l’impact de cette situation sur la trajectoire prévue de la MINUAD. À l’inverse, le Soudan, appuyé par d’autres délégations du Conseil, concentrées comme lui sur le sujet à l’ordre du jour, à savoir la MINUAD, a demandé que se poursuive le retrait de la Mission selon le calendrier fixé.
M. Lacroix a invité le Conseil de sécurité à « examiner avec soin les options de retrait et de démantèlement de la MINUAD, conformément aux directives fournies dans la résolution 2429 (2018) et à la lumière des considérations du rapport ». Ce dernier prévoit trois options. Deux d’entre elles consistent en un retrait en deux phases, selon un calendrier similaire mais suivant deux rythmes différents: du 1er juillet au 31 décembre 2019 ou du 1er janvier au 30 juin 2020. Une troisième option comporte trois phases, à savoir: du 1er juillet au 31 décembre 2019; du 1er janvier au 31 mars 2020 et du 1er avril au 30 juin 2020. Selon l’équipe chargée de l’évaluation stratégique, la fermeture des bases d’opérations et les rapatriements prévus en juin 2020 pourraient être entravés par la saison des pluies, ce qui prolongerait la période de liquidation au-delà de 2020.
Le Secrétaire général adjoint est revenu sur le pillage du camp d’El Geneina les 14 et 15 mai par des civils et des membres des Forces de sécurité soudanaises; ainsi que sur le décret 102 du 13 mai du Conseil militaire de transition par lequel il est demandé à la Mission de transférer tous ses camps aux Forces d’appui rapide, en violation des règles et procédures de l’ONU. « Compte tenu de ces développements, nous n’avons pas eu d’autres choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu’à l’annulation du décret », a expliqué M. Lacroix.
Alors que plusieurs délégations se sont insurgées contre ce décret qui a du reste été rejeté, hier, par un Communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), le représentant du Soudan a annoncé qu’une décision du Conseil militaire de transition datant également d’hier invite la MINUAD à retirer toutes ses forces armées et de sécurité des sites transférés au Soudan, et suspend par là-même le décret en question.
Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, a pour sa part fait observer que les violences entre milices armées et forces de sécurité, ainsi que les affrontements intercommunautaires avaient diminué au Darfour. Cependant, la situation des droits de l’homme dans la région a continué de se détériorer au cours des derniers mois, a-t-il déploré en citant des cas d’assassinats, d’enlèvements et de violences sexuelles. Il s’est inquiété du fait que les forces de sécurité de l’État seraient les principales responsables d’actes de violence au Jebel Marra, alors même qu’elles sont chargées d’assurer la protection des civils. Dans un tel contexte, a considéré M. Gilmour, « il est impératif que la MINUAD soit en mesure de poursuivre son mandat de protection des civils et des droits de l’homme ».
C’est également l’avis partagé par l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour qui la MINUAD devrait pouvoir quitter le Soudan « sans laisser de vide sécuritaire », ce que la situation actuelle ne permet pas de garantir. Par conséquent, ces deux pays préconisent « un renouvellement technique du mandat de la Mission en attendant que l’ONU et l’UA puissent élaborer une stratégie pour l’après-MINUAD et l’avenir du Soudan ». Même son de cloche pour l’Afrique du Sud qui estime qu’à la lumière des derniers développements au Soudan, dont le Darfour fait intégralement partie, le Conseil devrait rejeter la demande de retrait de la MINUAD faite par le Conseil militaire de transition. « Dans le contexte actuel, nous devons suspendre toute décision relative au retrait de la MINUAD », a résumé la France en plaidant pour un retrait « responsable et prudent ». Pour les États-Unis, plusieurs incidents récents au Darfour remettent en question l’engagement du Conseil militaire de transition à respecter les droits des habitants du Darfour et d’agir de bonne foi pour instaurer une paix durable.
À contrario, le Koweït ainsi que la Chine notent qu’à la lumière du dernier rapport du Secrétaire général, le retrait progressif de la Mission d’ici à 2020 doit se poursuivre ainsi que l’adaptation de son mandat. « Il n’est pas question de faire autrement », a renchéri la Fédération de Russie qui a même dit être « surprise que certains collègues prennent le prétexte de l’ordre du jour de la réunion pour parler de la situation générale au Soudan, alors que le communiqué conjoint de l’ONU et de l’Union africaine appelait précisément à éviter toute ingérence dans les affaires intérieures soudanaises ». Il a ajouté que « les Soudanais se mettront d’accord sans mentorat de l’étranger ». « Ce qui se passe au Soudan est une affaire interne », a tranché le Soudan, avant de réagir face aux « mentalités du passé » et rappeler que « l’Afrique et le Soudan sont désormais libérés ».
Bien que l’impact des événements sur la situation qui prévaut au Darfour ait jusqu’à présent été modéré, l’incertitude entourant l’issue des négociations est susceptible d’avoir des répercussions bien au-delà de Khartoum et de conduire à une escalade de la violence, a averti le Secrétaire général adjoint.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2019/445)
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a présenté, un an après l’adoption de la résolution 2429 (2018) du Conseil de sécurité, l’évaluation stratégique de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD). « Je ferai également la lumière sur l’impact de l’évolution de la situation politique et de la sécurité au Soudan depuis le 11 avril sur la trajectoire prévue de la MINUAD, qui a également conduit à votre décision de reporter d’un mois la soumission du rapport susmentionné. »
Le rapport dont le Conseil de sécurité est aujourd’hui saisi a été finalisé, a indiqué M. Lacroix, dans un contexte de développements politiques importants au niveau national qui ont entraîné au Soudan le début de « changements radicaux » dans un système de gouvernance vieux de 30 ans. Depuis lors, de nouveaux développements ont eu lieu, provoquant une situation de plus en plus imprévisible. Ce qui avait débuté en décembre 2018, à la suite de contestations liées à des griefs socioéconomiques, a conduit à la destitution du Président Al-Bashir le 11 avril et à son remplacement par un Conseil militaire de transition, qui négocie actuellement avec le groupe d’opposition de la Déclaration pour la liberté et le changement, la nature et la structure du système de gouvernance.
Bien que l’impact des événements sur la situation qui prévaut au Darfour ait jusqu’à présent été modéré, l’incertitude entourant l’issue des négociations est susceptible d’avoir des répercussions bien au-delà de Khartoum et de conduire à une escalade de la violence, a averti le Secrétaire général adjoint. Les attaques et meurtres de civils que le Conseil a condamnés le 3 juin en sont une illustration. En outre, les actes de violence signalés perpétrés par des acteurs tels que les Forces d’appui rapide, étroitement liées au Darfour, sont une source d’inquiétude pour sa population civile. Bien que la MINUAD fasse tout son possible pour entretenir des relations normales avec les autorités actuelles, « la situation instable qui prévaut à Khartoum rend plus difficile la poursuite de ces contacts sur une base régulière », a expliqué M. Lacroix.
Dans ce contexte, il a attiré l’attention du Conseil sur deux défis particuliers auxquels la MINUAD a été confrontée à ce jour et qui ont eu une incidence sur ses opérations. La première, c’est le pillage du camp d’El Geneina les 14 et 15 mai par des civils et des membres des Forces de sécurité soudanaises; la deuxième, le décret TMC 102-2019 en date du 13 mai, qui demande à la Mission de transférer tous les « camps » aux Forces d’appui rapide, en violation des règles et procédures de l’ONU. « Compte tenu de ces développements, nous n’avons pas eu d’autres choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu’à l’annulation du décret TMC. En attendant, nous mettons en place des plans et des mesures pour prévenir de futurs incidents similaires à celui du pillage d’El Geneina », a indiqué le haut fonctionnaire.
Il a ensuite présenté les principales conclusions de l’évaluation conjointe de l’Union africaine et de l’ONU, telles que reflétées dans le rapport spécial. Les tendances du conflit au Darfour sont restées les mêmes depuis 2016. Le seul groupe rebelle actif dans ce pays, l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS/AW), est limité à des poches du Jebel Marra, ses capacités opérationnelles sont limitées et il est de plus en plus affaibli par des luttes intestines. Les deux autres groupes rebelles, Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi ALS/MM et le Mouvement pour la justice et l’égalité-faction Gibril Ibrahim MJE/Gibril, bien qu’ils aient perdu de leur emprise au Darfour, restent actifs dans la région et font désormais partie intégrante du conflit libyen. L’évaluation a conclu que, dans l’ensemble, la violence intercommunautaire avait visiblement décliné, mais qu’il était nécessaire de « s’attaquer davantage aux facteurs du conflit liés à l’accès à la terre et aux ressources, à la dégradation de l’environnement et à la violation des droits humains », a souligné M. Lacroix.
« Le processus politique au Darfour est dans l’impasse », a-t-il constaté, malgré une brève percée réalisée en décembre dernier par le biais de négociations intensives menées par le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine. Dans l’intervalle, la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour s’est poursuivie, mais à un rythme lent, et le processus de dialogue et de consultations internes sur le Darfour a été mené à bien dans tous les États du Darfour, permettant de formuler des propositions de solutions durables pour les personnes déplacées à l’intérieur du territoire et pour maintenir la paix au Darfour.
Le contexte actuel, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, est caractérisé par une capacité limitée des institutions chargées de l’application des lois et de l’état de droit, une crise humanitaire prolongée avec environ 1,5 million de personnes déplacées vivant dans des camps, dont 90% ne peuvent se permettre plus d’un panier de nourriture par jour, et peu de programmes de développement viable. « Cette convergence de facteurs exige une approche globale allant au-delà du maintien de la paix. » L’an dernier, la résolution 2429 (2018) du Conseil de sécurité a entériné le concept de transition et soutenu les fonctions de liaison entre États, en tant que vecteur de la mise en œuvre de quatre priorités de consolidation de la paix, tout en réduisant davantage l’empreinte du volet maintien de la paix, a rappelé le haut fonctionnaire.
À l’avenir, a-t-il plaidé, il conviendrait de prêter attention aux facteurs de conflit, à savoir l’accès à la terre et aux ressources, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, ainsi que les droits de l’homme et la protection. Dans ce contexte, les violations des droits de l’homme, les violences sexuelles liées aux conflits et les violences sexuelles et sexistes demeurent un défi majeur. « C’est pourquoi l’évaluation stratégique propose des critères de référence spécifiques à moyen et à long termes », a expliqué M. Lacroix. Selon lui, « le cadre des fonctions de liaison avec les États, que le Conseil a approuvé l’an dernier pour mettre l’accent sur l’état de droit, la résilience et les moyens de subsistance, ainsi que sur la prestation de services immédiate aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, garantira la continuité de notre intervention après la MINUAD ».
Dans la perspective finale, l’évaluation stratégique a réexaminé les priorités de la MINUAD: la revitalisation du processus politique, notamment par le biais d’une stratégie actualisée de l’ONU et de l’Union africaine sur le processus de paix au Darfour; le renforcement des institutions de l’état de droit au Soudan; et l’appui à la stabilisation à long terme grâce à des solutions durables pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays et à une approche durable fondée sur les droits de la population du Darfour. Dans ce contexte, la Mission renforcerait le rôle des fonctions de liaison entre États, en tant que « mécanisme d’intégration novateur de l’approche globale ». « Nous appelons les membres du Conseil de sécurité à examiner avec soin les options de retrait et de démantèlement de la MINUAD, conformément aux directives fournies dans la résolution 2429 (2018) et à la lumière des considérations susmentionnées », a conclu M. Lacroix.
M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a commencé par faire remarquer que les violences entre milices armées et forces de sécurité, ainsi que les affrontements intercommunautaires avaient diminué, ce dont il s’est réjoui. Cependant la situation des droits de l’homme au Darfour a continué de se détériorer au cours des derniers mois, a-t-il déploré en citant des cas d’assassinats, enlèvements et violences sexuelles.
Depuis le mois d’avril, a poursuivi M. Gilmour, les manifestations politiques au niveau national, surtout dans les grandes villes soudanaises, ont été réprimées par la force, y compris au Darfour, par les Forces d’appui rapide. La composante droits de l’homme de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD)a fait état de 47 morts et de 186 blessés dans la région du Darfour entre le 11 avril et le 12 juin. Elle a également signalé des arrestations et des détentions arbitraires, ainsi qu’une intensification des attaques et du harcèlement de la population civile, y compris le pillage de maisons et le vol de bétail par les Forces d’appui rapide.
Le Sous-Secrétaire général s’est, en outre, dit convaincu que beaucoup de cas de violation des droits de l’homme au Darfour restent « invisibles » en raison des difficultés d’accès à certaines parties de la région. Qui plus est, s’est-il indigné, les forces de sécurité de l’État seraient le principal responsable d’actes de violence au Jebel Marra alors même qu’elles sont chargées d’assurer la protection des civils. « Ceci ne contribue pas à renforcer la confiance de la population dans les forces de l’ordre. » La présence de la MINUAD dans les camps de personnes déplacées a eu cependant un effet positif sur le respect des droits de l’homme et la protection des civils.
Dans un tel contexte de violence et d’incertitudes, a considéré M. Gilmour, « il est impératif que la MINUAD soit en mesure de poursuivre son mandat de protection des civils et des droits de l’homme », y compris à travers le recensement et le suivi des situations de violation des droits de l’homme sur tout le territoire du Darfour. Le Sous-Secrétaire général s’est dit persuadé que la présence de la composante civile renforcée de la Mission aura un impact positif sur la protection de la population. Parallèlement, la MINUAD continue de renforcer les capacités nationales de protection des droits de l’homme à travers ses fonctions de liaison avec l’État et sa composante droits de l’homme travaille en étroite collaboration avec les Forces armées soudanaises, en particulier dans le nord du pays. De son côté, la Commission pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration doit mettre l’accent sur des activités qui relèvent des droits de l’homme.
M. Gilmour a prédit que la violence qui sévit au Darfour depuis quelques mois se poursuivra aussi longtemps que l’on ne se sera pas attaqué à ses causes profondes. Toute feuille de route pour la transition doit impérativement comprendre, selon lui, des mesures visant à renforcer la confiance de la population locale dans les services des forces de l’ordre, l’état de droit et les institutions de l’État ainsi que la garantie que l’on demandera aux responsables de l’utilisation excessive de la force et des violations des droits de l’homme de rendre des comptes.
En conclusion, M. Gilmour a fermement appuyé le communiqué publié hier par le Conseil pour la paix et la sécurité de l’Union africaine sur le Darfour qui appelle le Soudan à assurer impérativement la protection des civils et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) est revenu sur la situation au Darfour et sur la MINUAD qui opère dans un climat particulièrement « inquiétant » ces derniers mois. Le Conseil militaire de transition avait le choix: il aurait pu mettre en place un système basé sur les droits de l’homme et collaborer avec la communauté internationale, or il a opté pour une violence brutale qui a tué plus d’une centaine de personnes, a-t-il déploré. Prenant note du fait que le Conseil militaire de transition a reconnu certaines violations des droits de l’homme et aurait lancé une enquête, il a espéré que cette enquête sera transparente et que les auteurs seront traduits en justice.
Le Royaume-Uni appuie pleinement les efforts de l’Union africaine (UA) en vue de régler cette crise, a indiqué le représentant. La violence et les violations des droits de l’homme qui se sont produites à Khartoum au début du mois de juin sont bien connues, a-t-il insisté; elles sont le fait des Forces d’appui rapide, qui sont « issues d’une milice au passé sombre et redoutée par la population civile, y compris au Darfour ». Dès lors, le passé de ces Forces devrait inquiéter la communauté internationale, a-t-il mis en garde, reprochant au Conseil militaire de transition de n’avoir pas respecté ses engagements à cet égard, y compris pour ce qui est des sites occupés par la MINUAD « qui ne doivent pas tomber entre leurs mains ». Le Royaume-Uni a observé une multiplication des affrontements intercommunautaires dans les centres de personnes déplacées, ce qui appelle à des mesures de renforcement de la confiance, une approche que la MINUAD a d’ores et déjà mise en œuvre.
La MINUAD devrait pouvoir quitter le Soudan sans laisser de vide sécuritaire, ce que la situation actuelle ne permet pas de garantir, a constaté le délégué. Par conséquent, le Conseil de sécurité devra en tenir compte en réfléchissant à l’avenir de la MINUAD. Le Royaume-Uni et l’Allemagne préconisent dès lors un renouvellement technique du mandat de la Mission en attendant que l’ONU et l’UA puissent élaborer une stratégie pour l’après-MINUAD et l’avenir du Soudan.
Les négociations entre les parties soudanaises doivent reprendre au plus vite, a déclaré M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne), tout en condamnant les violences commises à l’encontre des civils et insistant pour que les auteurs de ces actes rendent des comptes. Ainsi, faut-il procéder à une enquête pour mettre fin à l’impunité. L’Allemagne plaide pour une transition civile, même si les circonstances sur le terrain en ce moment ne semblent pas aller dans ce sens.
Les sites de la MINUAD ne peuvent être cédés aux Forces d’appui rapide, a souligné le représentant. Il a déploré le fait que des sites de la Mission ont été pillés, préconisant même l’adoption de mesures du Chapitre VII de la Charte pour protéger ses installations. S’agissant du renouvellement du mandat de la MINUAD, a avancé M. Schulz, « l’Allemagne et le Royaume-Uni proposent une option adaptée, soit un renouvellement technique du mandat afin de permettre à l’ONU et à l’Union africaine d’élaborer une stratégie de sortie de la Mission qui tienne compte des réalités sur le terrain. »
Mme ANNE GUEGUEN (France) a condamné avec la plus grande fermeté les violences survenues au Soudan ces derniers jours. Elle a appelé l’ensemble des acteurs à la retenue et rappelé le Conseil militaire de transition à sa responsabilité première d’assurer la sécurité de tous les Soudanais. La France, a-t-elle dit, demande que toute la lumière soit faite sur les exactions commises, y compris les violences sexuelles. L’enjeu aujourd’hui, a poursuivi la représentante, est la reprise du dialogue politique et de la transition négociée vers un pouvoir dirigé par les civils. Elle a rappelé que le délai accordé par l’Union africaine pour le transfert du pouvoir à une autorité de transition conduite par des civils arrivera à son terme le 30 juin. Elle a d’ailleurs salué la position « déterminée et claire » de l’Union africaine et a souhaité que les Nations Unies soutiennent pleinement ces efforts. Elle a donc salué la mission confiée par le Secrétaire général à son Conseiller spécial, M. Nicholas Haysom, d’appuyer la médiation de l’Union africaine, ce qui a permis d’obtenir des deux parties leur retour à la table des négociations. La stabilité du Soudan ne sera garantie que si nous agissons tous dans la même direction et parlons d’une seule voix, a souligné la représentante.
Nous devons tout faire, a-t-elle martelé, pour empêcher le Darfour de s’embraser à nouveau. Dans ce contexte, la MNUAD doit rester dans une posture aussi robuste que possible. La représentante s’est dite particulièrement choquée par l’attaque et le pillage du camp d’El Geneina et jugé « inacceptable » l’implication des Forces de défense et de sécurité soudanaises. Elle a dénoncé l’impunité au Darfour et rappelé que toutes les parties au conflit ont l’obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale. Dans le contexte actuel, a estimé la représentante, nous devons « suspendre » toute décision relative au retrait de la MINUAD. Elle a plaidé pour un retrait « responsable et prudent » dont la décision devrait être repoussée de quelques mois. Nous ne pouvons pas, s’est-elle expliquée, décider de transférer, dans deux semaines, aux autorités soudanaises les 15 bases restantes alors que n’avons pas d’interlocuteur légitime et fiable au pouvoir à Khartoum. Elle a qualifié de violation aux accords conclus entre le Soudan et les Nations Unies, le décret du Conseil militaire de transition selon lequel les camps de la MINUAD devront être remis à la Force d’appui rapide. La situation au Darfour est tellement « instable et volatile » que la présence de la MINUAD sera encore nécessaire dans les mois qui viennent, a-t-elle conclu.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a exhorté toutes les parties soudanaises à s’engager dans un dialogue inclusif afin de parvenir à une solution rapide de sortie de crise. La délégation apporte son plein soutien à l’Union africaine et au Premier Ministre éthiopien dont les initiatives et les actions de médiation et de bons offices devraient permettre de créer les conditions pour une transition pacifique au Soudan.
Au Darfour, en dépit des progrès encourageants, les parties ne sont pas encore parvenues à la signature d’un accord définitif de cessation des hostilités, ce qui constituerait un pas important vers la paix. M. Adom a appelé toutes les parties du Document de Doha à insuffler une dynamique nouvelle au processus politique en souffrance. Selon lui, toute décision relative à une réduction de la présence de la MINUAD et à un retrait définitif du Darfour doit être prise « à la lumière d’une évaluation réaliste de la situation sociopolitique et sécuritaire, afin d’éviter d’exposer les populations civiles aux violences des groupes armés ». Enfin, le représentant a exhorté la Mission à poursuivre son soutien au processus politique de sortie de crise et de réconciliation, ainsi que ses activités de prévention des conflits et de protection des civils, avec un accent sur les actions prioritaires dans le Jebel Marra.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) s’est, à son tour, dit choqué par les derniers évènements au Soudan et a condamné fermement les violences qui ont causé la mort de plus de 100 personnes, ont fait de très nombreux blessés sans parler des cas de violence sexuelle. Le représentant n’a pas manqué de rappeler le Conseil militaire de transition à sa responsabilité de protéger les civils, de respecter les droits individuels des Soudanais et de libérer les détenus politiques. Il a salué la décision « forte » de l’Union africaine et a appelé tous les membres du Conseil de sécurité à respecter l’appropriation par l’Union africaine de la réaction à cette crise. Il a exigé la reprise immédiate des négociations en vue de la création d’une autorité de transition sous conduite civile, dans le strict respect des décisions du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
La situation au Darfour, a-t-il poursuivi, ne peut être isolée de la situation dans le reste du Soudan. Le représentant s’est dit particulièrement choqué par le décret du Conseil militaire de transition qui indique que toutes les bases de la MINUAD ne devraient être remises qu’aux Forces d’appui rapide, à savoir les responsables mêmes de la violence à Khartoum et qui ont, selon certains rapports, incendié quelque 62 villages dans le Jebel Marra depuis octobre 2018. Comment peut-on, s’est emporté le représentant, imaginer remettre les camps de la MINUA à ceux-là mêmes qui ont créé la situation pour laquelle la MINUAD fut déployée en 2007. Il est essentiel, a-t-il martelé, que les sites ne soient remis qu’à des utilisateurs finaux civils, comme le requière le communiqué du 13 juin du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
Le Darfour est une région fragile où les problèmes d’accès à la terre et de l’avenir des déplacés n’ont pas vraiment été réglés. Cette situation, a estimé le représentant, nous impose la prudence quant au calendrier du retrait de la MINUAD. Il faut affiner et éclaircir les critères de sortie pour guider le retrait. Le représentant a appelé tous les membres du Conseil de sécurité à mettre leurs divergences de côté et à identifier une unité de vue et de stratégie concernant le Darfour. Il leur a demandé le courage d’envisager un mandat à durée plus limitée dans le temps afin de comprendre les implications des développements et de donner à la région un peu de temps pour se rapprocher d’une solution. La dernière chose que nous voulons, c’est un Darfour qui retombe dans le conflit après le départ de la MINUAD, a conclu le représentant.
Condamnant les récents actes de violence et l’usage disproportionné de la force par les Forces militaires soudanaises contre la population civile, M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a souligné la nécessité de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Or, l’incertitude politique au Soudan a un impact direct sur la situation au Darfour et présente de nouveaux défis, ce qui impliquera de réévaluer la stratégie de sortie de la MINUAD, pour que celle-ci se réalise de manière prudente et responsable, sans compromettre les acquis. Le représentant s’est dit préoccupé par la persistance des violations des droits de l’homme au Darfour, notamment les violences sexuelles qui touchent principalement les déplacés, en particulier les femmes et les enfants. Il a redit combien il est important que la Mission puisse exécuter son mandat dans l’ensemble du Darfour, y compris le Jebel Marra.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a fermement condamné les récentes violences perpétrées par les Forces de sécurité soudanaises contre les manifestants à Khartoum, qui ont fait des morts et des blessés parmi les civils. Elle a appelé à des enquêtes indépendantes et transparentes sur toutes les violations des droits de l’homme, avant de souligner que le Conseil militaire de transition au pouvoir en ce moment est « responsable de la sécurité et du respect de l’état de droit dans tout le pays ». La déléguée a ensuite souligné que beaucoup reste à faire pour s’attaquer aux causes profondes de la crise du Darfour. Au sujet du renouvellement du mandat de la MINUAD, la Pologne souhaite « que la question soit débattue en tenant compte des développements à Khartoum ».
M. HAITAO WU (Chine) a fait remarquer, que grâce aux efforts combinés du Soudan et de la MINUAD, la situation au Darfour s’est améliorée de façon significative au cours des dernières années. Cela prouve, selon la Chine, que le Gouvernement soudanais est en mesure d’assurer la paix et la stabilité dans la région avec le soutien de ses partenaires internationaux. Soulignant que le Gouvernement soudanais a la responsabilité première dans ce domaine, le représentant a encouragé l’ONU à tenir compte de ses avis et à l’aider à renforcer ses capacités nationales. La Chine espère que toutes les parties feront preuve de retenue et qu’elles regèleront leurs différences par le biais du dialogue.
La Chine appelle en outre à poursuivre l’aide humanitaire au Darfour et à faciliter la réinstallation des personnes déplacées au Darfour. Elle se félicite de la contribution de la MINUAD et appuie le prolongement de son mandat. Mais, a précisé le représentant, à la lumière du dernier rapport du Secrétaire général, « le retrait progressif de la Mission d’ici à 2020 doit se poursuivre ainsi que l’adaptation de son mandat ».
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a salué l’amélioration globale de la situation au Darfour, ce qui, selon lui, confirme la pertinence des dispositions prises antérieurement par le Conseil de sécurité en faveur du retrait de la MINUAD d’ici à la fin de l’année prochaine. Pour la Fédération de Russie, « il n’est pas question de faire autrement », et il faut désormais discuter des paramètres de ce retrait des soldats de la paix. Quant à un renouvellement technique, la délégation souligne que cette option est encore à l’étude devant les experts, et de ce fait, qu’il est « prématuré et non avéré » que les porte-plumes fassent croire que l’initiative fait l’unanimité. Alors que les dettes des opérations de maintien de la paix ne cessent d’augmenter, « un retrait complet de la MINUAD ferait économiser 500 millions de dollars à l’Organisation », a argué le représentant. À contrario, le budget de la Mission de l’ONU au Kosovo, dont le retrait est demandé à cor et à cri par plusieurs délégations, atteint à peine 40 millions, a-t-il relevé.
Par ailleurs, le Darfour se trouve aujourd’hui dans une phase de consolidation de la paix et non plus de maintien de la paix et il faut donc désormais accorder la priorité à son développement économique, a poursuivi le délégué. Il a dit être « surpris que certains collègues prennent le prétexte de l’ordre du jour de la réunion pour parler de la situation générale au Soudan, alors que le communiqué conjoint de l’ONU et de l’Union africaine appelait précisément à éviter toute ingérence dans les affaires intérieures soudanaises ». Il a donc estimé que la crise actuelle doit être résolue par les parties prenantes nationales, ajoutant que « les Soudanais se mettront d’accord sans mentorat de l’étranger ». Enfin, le délégué a demandé au Secrétaire général adjoint, M. Lacroix, s’il y avait d’autres obstacles techniques au retrait de la MINUAD, hormis la préoccupation suscitée par le décret du Conseil militaire de transition qui demandait la cession des sites de la Mission aux autorités nationales.
M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a déploré la perte de vies innocentes ces derniers jours au Darfour. S’agissant de la MINUAD, il a salué ses efforts continus dans des conditions souvent difficiles ainsi que son travail avec les autorités soudanaises. Tout en reconnaissant les progrès substantiels enregistrés en matière de maintien de la paix dans la région, il a pris note des violations des droits de l’homme continues dont il y est fait cas. En ce qui concerne le retrait de la Mission, il a préconisé un « processus responsable, qui tienne compte de la réalité sur le terrain » et souhaité que les soldats de la Mission soient déployés dans les centres de sécurité névralgiques tout en veillant à ce que la protection des civils reste assurée, comme l’avait préconisé l’Union africaine (UA).
L’Afrique du Sud estime qu’à la lumière des derniers développements au Soudan, dont le Darfour fait intégralement partie, le Conseil de sécurité devrait rejeter la demande de retrait de la MINUAD du Conseil militaire de transition, a poursuivi le représentant. En ce qui concerne la situation politique, les incertitudes sont énormes, et l’Afrique du Sud condamne et déplore les pertes de vies tragiques et enjoint le Conseil militaire de transition à relancer le dialogue interne et à faire sien le cadre proposé par l’UA, sous la houlette du Premier Ministre éthiopien et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). « Il est essentiel que les Soudanais définissent leur propre cap en matière de paix, de sécurité et de développement », a tranché le représentant. Ainsi, l’Afrique du Sud souligne l’importance de la MINUAD qui doit continuer à soutenir notamment la Commission de désarmement, de démobilisation et de réintégration du Soudan. Le Soudan reste un pays stratégique fondamental au niveau de la région et son instabilité aurait des répercussions négatives sur toute la région, a-t-il mis en garde.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a salué l’amélioration progressive de la situation sécuritaire au Darfour et appelé à « un retrait responsable » de la MINUAD. En effet, ce départ ne doit pas créer de vide ni exposer les civils qui ont longtemps souffert à de nouveaux risques. Pour le délégué, un tel retrait doit tenir compte des propositions faites dans le rapport conjoint ONU-Union africaine, tout en prenant note du communiqué de l’Union africaine publié le 13 juin. L’Indonésie appelle à renforcer davantage l’état de droit au Darfour. M. Djani a rappelé le principe de non-ingérence que promeut son pays, avant de privilégier « une solution de sortie de crise menée par les Africains ». Pour l’Indonésie, il est temps de poursuivre l’action de la MINUAD et de soutenir une transition vers la consolidation de la paix.
Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est déclarée préoccupée par l’évolution des tendances générales au Soudan et par la lenteur de la mise en œuvre du processus politique sur la base du Document de Doha pour la paix au Darfour. Elle a déclaré qu’il n’était pas possible d’ignorer les évènements en cours à Khartoum, se félicitant de la fermeté démontrée par l’Union africaine pour veiller à ce que la volonté du peuple soudanais soit respectée. Son pays, a-t-elle dit, a rappelé le communiqué conjoint rendu public la semaine dernière avec l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. La Guinée équatoriale en appelle à la responsabilité historique du Conseil militaire de transition pour se montrer à la hauteur des circonstances en facilitant une transition démocratique conduite par la société civile.
La représentante a jugé impératif que non seulement cesse la violence, mais aussi que la protection des civils et les droits fondamentaux soient respectés. L’usage disproportionné de la force, surtout lorsqu’il se traduit par des violences meurtrières aveugles, est inacceptable et ne peut rester impuni. Les trois délégations, a rappelé la représentante, ont lancé un appel aux autorités soudanaises pour qu’elles suivent la feuille de route établie par l’Union africaine. Elle s’est félicitée du rapprochement opéré par les parties prenantes ces derniers jours, en espérant que cette tendance se consoliderait. S’agissant de la MINUAD, la délégation a estimé qu’il serait contreproductif de modifier la configuration de cette Mission, jugeant préférable une prorogation technique de quelques mois le temps que la situation au Soudan se stabilise, « de préférence le plus vite possible ».
Face aux violations continues des droits de l’homme au Darfour, le moment est venu de se poser la question du futur de la MINUAD, a reconnu M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine). Dans certaines zones du Darfour, comme le Jebel Marra, « la protection de la Mission reste urgente et indispensable » pour la population civile. Évoquant les évènements récents à Khartoum, le représentant s’est dit préoccupé par le fait que la milice responsable d’atrocités au Darfour fasse partie du Conseil militaire de transition. Il a donc salué la décision de l’ONU de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises et jugé nécessaire de « repenser la stratégie de sortie » de la Mission. La délégation plaide en faveur d’une négociation politique transparente à Khartoum, dirigée par les civils, à travers un dialogue ouvert à tous les acteurs, et souhaite qu’une enquête indépendante soit menée pour traduire en justice les auteurs d’actes violents.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) s’est dit de plus en plus préoccupé par les incertitudes politiques à Khartoum qui ont des conséquences néfastes sur la situation au Darfour. « La gravité de plusieurs incidents récents au Darfour est particulièrement troublante. Ces incidents remettent en question l’engagement du Conseil militaire de transition à respecter les droits des habitants du Darfour et d’agir de bonne foi pour instaurer une paix durable », a-t-il déclaré. À cet égard, les informations faisant état d’une attaque contre des civils à Al-Deleij, dans le Darfour central, le 9 juin, sont extrêmement préoccupantes, a ajouté le représentant, en faisant observer que cette attaque a fait plusieurs victimes, et en demandant à la MINUAD de mener une enquête. « Au-delà du Darfour, les forces de sécurité soudanaises ont déclaré avoir eu recours à la violence la semaine dernière pour disperser un sit-in pacifique, ce qui est également alarmant. L’incident à l’extérieur du quartier général des Forces armées soudanaises à Khartoum a provoqué la mort de plus de 100 manifestants non armés et en a blessé des centaines d’autres. Des informations selon lesquelles les Forces du Conseil militaire de transition auraient dirigé de telles violences contre des civils, entravé les soins médicaux, bloqué l’accès à Internet, et restreint l’accès des médias et de la société civile, soulèvent de sérieuses questions sur leur volonté de négocier une transition vers un gouvernement dirigé par des civils », s’est alarmé le représentant. Les États-Unis ont donc appelé le Conseil militaire de transition à mettre fin à ces attaques et à créer un environnement plus propice à la reprise des négociations politiques avec la coalition Forces of Freedom and Change.
« Le maintien de l’appui international à la MINUAD doit être envisagé dans le contexte des efforts de bonne foi du Conseil militaire de transition visant à maintenir de manière responsable les services de base pour la population soudanaise et des progrès réalisés dans la recherche d’une solution politique durable pour le pays. » Le CMT peut prendre des mesures pour montrer qu’il est prêt à négocier, a estimé M. Cohen. « Permettre une enquête indépendante sur les événements de Khartoum serait un premier pas appréciable. » Au-delà, a-t-il dit, il faut permettre à toutes les voix politiques de s’exprimer librement et retirer les Forces d’appui rapide et les autres milices de Khartoum. Les États-Unis se sont également félicités de la récente initiative diplomatique prise par le Premier ministre éthiopien, entreprise conjointement avec l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). « Nous exhortons toutes les parties à poursuivre le processus de transition civile dans une atmosphère de calme et nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires du Conseil et de la région pour soutenir ces efforts. »
Pour M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), les acquis de la MINUAD sont significatifs et la situation sécuritaire dans la région du Darfour est stabilisée. En ce qui concerne les facteurs de conflit au Darfour, il a estimé qu’ils pourraient être éliminés par d’autres moyens que le maintien de la paix, en citant notamment l’accès à la terre et d’autres éléments. Par conséquent, le Koweït est favorable au retrait de la MINUAD « conformément au calendrier initialement fixé », et sur la base des informations contenues dans les derniers rapports du Secrétaire général.
La plupart des cadres législatifs ont déjà été mis en place au Darfour, a rappelé le représentant, et il faut aujourd’hui « privilégier une solution politique ». Tout en étant conscient du fait que certaines parties refusent de participer à ce processus politique, il a estimé que la MINUAD ne devrait pas être « prise en otage ». Le Koweït suit de près la situation au Soudan et appelle toutes les parties à faire preuve de retenue. Il espère que les mesures préconisées pour remédier à la situation actuelle permettront de trouver une solution pacifique et de répondre aux attentes du peuple soudanais. Toutefois « ce qui se passe au Soudan est une affaire interne et le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur le point à son ordre du jour, à savoir la situation de la MINUAD », a conclu le représentant.
Le rapport conjoint du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’ONU fait mention de l’amélioration de la situation sécuritaire au Darfour, a relevé M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan), estimant qu’il fallait désormais passer aux priorités de développement. Il a affirmé que le Soudan est disposé à coopérer avec le Conseil de sécurité dans le cadre du retrait de la MINUAD, conformément au rapport conjoint et à la résolution 2429 (2018). Le Soudan, a-t-il insisté, est un État indépendant doté de la souveraineté sur tout son territoire, en vertu de la Charte des Nations Unies. Il reste attaché à tous les accords signés avec la MINUAD, notamment concernant la cession des bases au Gouvernement soudanais. Le délégué a annoncé qu’une décision du Conseil militaire de transition datant d’hier invite la MINUAD à retirer toutes ses forces armées et de sécurité des sites transférés au Soudan, et suspend par là-même le décret 102 du 13 mai dernier qui demandait la remise des bases de la MINUAD aux Forces d’appui rapide.
La position du Gouvernement soudanais est qu’il faut poursuivre le retrait de la MINUAD selon le calendrier fixé, a déclaré le délégué. « Le Gouvernement s’oppose à toute décision qui tendrait à maintenir la Mission, puisque aucune raison ne le justifierait. » Même les groupes armés qui étaient réticents face au processus politique y sont désormais favorables, a noté le représentant. D’après lui, « le Darfour n’a pas été affecté par la situation politique qui prévaut à Khartoum ». Ainsi, le retrait de la MINUAD, a-t-il défendu, démontrerait le succès de l’ONU et de l’Union africaine dans le cadre de la Mission. Il a également insisté sur l’importance de « privilégier les solutions africaines aux conflits en Afrique ».
Le délégué a ensuite réagi aux déclarations de certains membres du Conseil de sécurité qui s’en tiennent encore à des « mentalités du passé », oublieux qu’ils sont du fait que « l’Afrique et le Soudan sont désormais libérés ». Il a insisté sur le fait que la question politique qui prévaut à Khartoum n’est pas le sujet de la présente séance, ajoutant que « ce qui se passe au Soudan depuis décembre 2018 est une affaire interne ». De ce fait, aucun membre du Conseil n’est qualifié pour en parler. Tout en avertissant contre toute ingérence étrangère, le représentant a salué le travail de médiation engagée par le Premier Ministre éthiopien, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine, qui devrait aboutir à une solution pacifique dans les prochains jours. Au sujet des évènements du 3 juin dernier, le délégué a dit que la description des faits était incorrecte. En tout état de cause, le Conseil militaire de transition a créé une commission d’enquête dont les conclusions seront rendues publiques demain. De même, le Procureur général a créé une commission afin d’assurer la responsabilité des auteurs et de lutter contre l’impunité. Il a donc invité les membres du Conseil de sécurité à « ne pas tirer de conclusions hâtives avant les communications officielles des autorités soudanaises compétentes ».
Revenant sur une question soulevée par le représentant de la Fédération de Russie au sujet de problèmes techniques qui pourraient avoir une incidence sur le processus de retrait de la MINUAD, M. Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a expliqué qu’à ce jour, le retrait avait bien avancé mais qu’il rencontrait en effet des problèmes technique, d’ordre logistique, et faisait parfois face à des procédures très longues. En vue de les dépasser, le Département est en dialogue avec son interlocuteur soudanais sur ces questions. Les délais habituels de retrait des contingents et de matériels sont de 6 à 9 mois en moyenne, a-t-il précisé. Pour M. Lacroix les échanges avec les autorités soudanaises sont essentiels dans ce contexte, mais, compte tenu du contexte volatile à Khartoum, il pourrait y avoir des incidences sur le processus de retrait de la mission.