En cours au Siège de l'ONU

8526e séance – matin
CS/13810

Conseil de sécurité: « opérationnaliser » la Force conjointe du G5 Sahel pour faire échec au terrorisme, plaide la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique

Alors qu’au cours des derniers mois, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo ont été les théâtres d’attaques, la « montée en puissance » de la Force conjointe du G5 Sahel a été clairement identifiée aujourd’hui au Conseil de sécurité comme un rempart à l’expansion des groupes terroristes qui essaiment dans la sous-région.  À condition toutefois que celle-ci parvienne à être pleinement opérationnalisée, un objectif qui se heurte à plusieurs difficultés.

Cette force multinationale, émanation militaire du G5 Sahel –un cadre institutionnel formé en 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad–, doit « atteindre enfin sa pleine capacité », a plaidé la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix et au Département des opérations de paix, Mme Bintou Keita, venue présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général de l’ONU sur cette question. 

« Des opérations efficaces adresseront un signal fort aux groupes terroristes: leur empiètement sur la vie des populations ne sera plus toléré », a assuré la haut fonctionnaire, en soulignant toutefois la nécessité d’une meilleure coordination.  Ces opérations, a-t-elle relevé, peuvent être tour à tour menées individuellement, bilatéralement, conjointement avec des forces internationales ou dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel elle-même.  Mme Keita s’est donc déclarée favorable à une clarification du « concept stratégique des opérations de la Force conjointe » et à une accélération des processus de planification.

« Si la Force est encore loin d’atteindre sa pleine capacité opérationnelle, elle l’est à 90% sur le fuseau ouest, 74% sur le fuseau centre et 75% sur le fuseau est », a indiqué le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Burkina Faso, M. Alpha Barry, tout en reconnaissant que la situation sécuritaire sur le terrain s’était « détériorée ».  M. Barry en a voulu pour preuve la récente attaque contre une église dans son pays, précédée d’une autre deux semaines plus tôt, et de l’assassinat d’un imam et son fils avant-hier.

C’est pourquoi les États du G5 Sahel investissent énormément dans la sécurité – « de 18% à 32% de leur budget national », a précisé M. Barry, en exhortant le Conseil de sécurité et les partenaires à les aider à combler le manque d’« équipements lourds ».  Faute de réaction adaptée, il pourrait y avoir « péril en la demeure » dans la bande sahélo-saharienne et « bien au-delà ». 

Or, l’accord technique signé par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), l’Union européenne et la Force conjointe du G5 Sahel « ne couvre pas » les interventions sur le territoire malien, a constaté M. Barry.  Il a donc demandé aujourd’hui au Conseil de réfléchir à une « nouvelle formule d’appui de l’ONU à la Force », dans la lignée de la recommandation du Secrétaire général, qui évoque un soutien de la MINUSMA à tous les bataillons opérant dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel « sous la condition que cette dernière ou d’autres partenaires prennent la responsabilité de l’acheminement de l’aide dans leurs zones d’opérations ».  M. Pierre Buyoya, le Haut Représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel, a repris cette analyse à son compte. 

Il est « évident » que la priorité de la MINUSMA doit rester l’appui au processus de paix en cours au Mali et que le concours qu’elle pourrait prêter à la Force conjointe ne devrait pas grever davantage ses ressources ou ses chaînes d’approvisionnement logistique, a toutefois relevé Mme Keita, suivie sur ce point par M. Ángel Losada, Représentant spécial de l’Union européenne pour le Sahel.

Si la France a encouragé les États du G5 Sahel à « relever d’un cran » leur engagement sur le terrain, elle a appuyé le principe de « paquet logistique », en soulignant que seul « un soutien prévisible et durable » permettra le succès des efforts du G5 Sahel à moyen terme.  M. Buyoya a été très clair à cet égard: au lieu de compter seulement sur les contributions volontaires de ses partenaires, qui tardent à se matérialiser, la Force conjointe devrait bénéficier du financement direct de l’ONU, une demande revendiquée également par la Guinée équatoriale et la Fédération de Russie.

Les États-Unis ont, pour leur part, jugé que l’assistance bilatérale reste le « meilleur moyen » de soutenir la Force, en regrettant que des membres du Conseil et d’autres délégations réclament un financement par le biais de l’ONU, ainsi qu’une autorisation en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui légitime l’usage de la force. 

« Cette autorisation n’est pas nécessaire, car les États du G5 Sahel ont déjà conclu des accords pour des opérations militaires sur leurs territoires respectifs », a tranché le représentant américain.  Pour sa part, a-t-il ajouté, Washington a décaissé près de 111 millions de dollars dans les pays du G5 Sahel sous la forme d’équipements, de formations et de conseils, des domaines que M. Yury Fedotov, le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a jugé cruciaux pour la lutte antiterroriste.

Les allégations de violations des droits de l’homme attribuées aux soldats de la Force conjointe du G5 Sahel, dont les membres du Conseil se sont pour la plupart émus, sont préjudiciables à la réalisation même de ses objectifs militaires, a également prévenu Mme Keita.  Aussi s’est-elle félicitée de la mise en place du « cadre de conformité des droits de l’homme ».  « Garantir le respect des normes juridiques, y compris en matière de détention, contribuera à renforcer la confiance et les relations avec les communautés locales, un élément essentiel de l’instauration de l’état de droit dans la région », a-t-elle argué, en soulignant à cet égard l’importance du déploiement de la composante police.

L’UE joue un rôle de premier plan à cet égard, a indiqué M. Losada, en précisant qu’une première tranche de 5 millions d’euros avait été versée au Haut-Commissariat aux droits de l’homme en juin 2018 et que les premières activités avaient débuté, tel que le déploiement d’une équipe d’assistance technique au quartier général de la Force conjointe afin d’assister l’état-major dans la révision des documents clefs ou des formations données aux officiers.  « C’est un système très positif, sans précédent, pour une opération africaine », s’est-il félicité.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Rapport du Secrétaire général sur la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel (S/2019/371)

Mme BINTOU KEITA, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, et au Département des opérations de paix, a évoqué la « montée en puissance de la Force conjointe » du G5 Sahel, ainsi que les difficultés qu’elle rencontre.  La situation au Mali et dans le Sahel au sens large reste extrêmement préoccupante, a-t-elle commencé par dire.  La région est confrontée à de graves problèmes, qui vont des changements climatiques et de la sécheresse à l’insécurité croissante, en passant par l’extrémisme violent et le trafic illicite de personnes, d’armes et de drogues.  « Comme toujours, ce sont les populations civiles qui paient le prix le plus lourd.  Les groupes terroristes continuent d’évoluer et de se propager au-delà des frontières, notamment au Burkina Faso, au Niger, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Togo », s’est alarmée la haut fonctionnaire.

En outre, la crise humanitaire au Sahel s’aggrave, avec un nombre sans précédent d’écoles et de centres de soins fermés en raison de l’insécurité, tandis que d’innombrables agriculteurs ont raté une autre saison de plantation dans le delta du Niger.  En conséquence, a expliqué Mme Keita, de plus en plus de personnes vont dépendre désormais des céréales et d’autres produits alimentaires fournis par la communauté internationale.  S’y ajoutent, a dit la Sous-Secrétaire générale, une mauvaise gouvernance et un manque de moyens de subsistance et d’opportunités professionnelles pour les jeunes, faisant le lit de 1’extrémisme violent.  Les initiatives transfrontalières majeures prises par les dirigeants politiques de la région pour élaborer ensemble des solutions à cette situation sécuritaire témoignent de leur volonté de s’unir et de faire face aux multiples menaces qui pèsent sur leur région.  « Dans le même esprit, le G5 Sahel a pris des mesures additionnelles pour opérationnaliser la Force conjointe après l’attaque terroriste dévastatrice contre son quartier général en juin dernier », a relevé la Sous-Secrétaire générale, qui s’est dite particulièrement encouragée par la reprise des opérations de la Force conjointe en janvier.  Celle-ci a effectué quatre opérations dans les trois secteurs depuis le début de l’année, ce qui est « vraiment encourageant » selon elle. 

Mme Keita a ensuite appelé les États du G5 Sahel à accélérer de toute urgence la pleine opérationnalisation de la Force conjointe, pour lui permettre d’atteindre enfin sa pleine capacité.  « Des opérations efficaces adresseront un signal fort aux groupes terroristes: leur empiètement sur la vie de la population ne sera plus toléré. »  De nombreuses opérations de sécurité sont actuellement en cours au Sahel, souvent simultanément, a noté Mme Keita.  Ces opérations sont menées par les forces armées des pays du G5 Sahel, soit individuellement, soit bilatéralement, conjointement avec des forces internationales ou dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel.  À l’avenir, afin de renforcer le commandement et le contrôle et de garantir l’appropriation totale, « il serait important de clarifier le cadre dans lequel sont menées les diverses opérations des États du G5 Sahel », a estimé la Sous-Secrétaire générale.  Aussi a-t-elle appelé les dirigeants, en étroite collaboration avec les gouvernements des pays du G5 Sahel, « à clarifier davantage le concept stratégique des opérations de la Force conjointe », à accélérer les processus de planification et à élaborer un plan stratégique clair pour les mois et les années à venir.

La mise en place du cadre de conformité des droits de l’homme est un autre développement encourageant, a poursuivi Mme Keita.  Les quelques cas d’allégations de violations déjà commises par la Force sont préjudiciables à la réalisation de ses objectifs militaires.  Mais elles démontrent aussi la nécessité d’un tel cadre, ainsi que le besoin d’un effort collectif des armées nationales des États membres du G5 Sahel, ainsi que de la Force conjointe elle-même, pour contribuer activement à sa mise en œuvre.  « Au cours des 12 derniers mois, la Force conjointe a considérablement renforcé ses efforts pour lutter contre ce type de comportement.  Il convient maintenant de continuer à renforcer cette coopération afin qu’elle atteigne ses objectifs en matière de sécurité et de protection de la population ».  Mme Keita s’est félicitée de l’initiative prise par l’Union européenne de jouer un rôle clef dans l’organisation et la coordination de l’appui international à la mise en place de la composante police de la Force conjointe.  « Garantir le respect des normes juridiques, y compris en matière de détention, contribuera à renforcer la confiance et les relations avec les communautés locales, un élément essentiel de l’instauration de l’état de droit dans la région. »

La haut fonctionnaire a salué la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) pour ses efforts jusqu’à présent afin d’appuyer la Force conjointe, ainsi que pour sa rapidité d’action et sa souplesse pour répondre aux demandes faites en ce sens.  « Toutefois, l’appui de la Mission à la Force conjointe a été limité par un certain nombre de facteurs, y compris la suspension de ses opérations jusqu’en janvier, mais aussi certaines limitations imposées par la résolution 2391 (2017). »  En effet, a-t-elle expliqué, les restrictions géographiques imposées au soutien de la MINUSMA ont empêché les cinq autres bataillons de la Force conjointe, qui opèrent en dehors du Mali, de bénéficier de la fourniture d’articles consommables.  Cela s’est avéré être l’un des obstacles à la pleine opérationnalisation de la Force conjointe, a reconnu la Sous-Secrétaire générale, qui a appelé à la levée des restrictions géographiques imposées au soutien de la MINUSMA.  « Je réitère également la mise en garde du Secrétaire général de l’ONU: il est évident que la priorité de la MINUSMA doit rester l’appui au processus de paix en cours au Mali et que l’appui à la Force conjointe ne devrait pas grever davantage ses ressources ou ses chaînes d’approvisionnement logistique. »

Par conséquent, a insisté Mme Keita, les limitations géographiques imposées au soutien de la MINUSMA à la Force conjointe ne devraient être levées que pour la fourniture d’articles consommables, et uniquement tant que la Force conjointe ou une tierce partie peut garantir le ramassage et l’acheminement des rations, du carburant, des déchets et de l’eau achetée par la MINUSMA.  En dépit de cette proposition, il est évident qu’à long terme, un modèle de soutien différent pour la Force conjointe devra être envisagé, a analysé la haut fonctionnaire.  Elle a donc demandé au Conseil de sécurité d’examiner d’autres options de manière à améliorer la prévisibilité du soutien financier et à faciliter une planification plus efficace à long terme.

Même une fois pleinement opérationnelle, la Force conjointe ne peut assumer seule le fardeau de la lutte contre le terrorisme et de la stabilisation de la région.  Une approche axée sur la sécurité sera insuffisante à elle seule pour combattre la violence dans la région de manière durable.  Elle doit aller de pair avec les efforts collectifs et une stratégie plus large englobant la réduction de la pauvreté, la bonne gouvernance, le développement, l’assistance humanitaire et les interventions en matière de sécurité.  La Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel reste un cadre valable pour une telle action coordonnée, a estimé la Sous-Secrétaire générale, qui a appelé les partenaires à la rendre opérationnelle, en particulier pour l’adaptation aux changements climatiques, l’émancipation des femmes et des jeunes, et les initiatives transfrontalières en faveur de la paix.  « J’appelle également les États du G5 Sahel à mettre en œuvre leur plan d’investissements prioritaires sans plus tarder. »

M. ALPHA BARRY, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Burkina Faso, a rappelé que cela fait deux ans que les chefs d’État du G5 Sahel ont jugé indispensable de se doter d’une force pour contrer l’offensive de déstabilisation des groupes armés terroristes contre leurs pays.  « Vous les avez compris et vous les avez soutenus », parce que ce risque est profond et constitue une véritable menace à la paix et la sécurité internationales.  En deux ans, si la Force est encore loin d’atteindre sa pleine capacité opérationnelle, elle l’est à 90% sur le fuseau ouest, 74% sur le fuseau centre et 75% sur le fuseau est.  Elle est désormais passée de la phase de conceptualisation à celle de concrétisation avec, à son actif, plusieurs opérations majeures.  Le Ministre a cité les sept opérations menées en 2019, deux dans le fuseau ouest, trois dans celui du centre et deux dans le fuseau est. 

L’accord de coopération technique entre la MINUSMA et la Force conjointe G5 Sahel a permis à la Force de mener avec succès les opérations SANPARGA I et II sur le fuseau Centre, depuis janvier 2019.  À travers ces opérations, la Force s’inscrit dans un cycle opérationnel optimal pour enclencher une dynamique susceptible de neutraliser les groupes terroristes et criminels de tout genre.  Le Ministre a assuré que ces interventions se font dans le strict respect du cadre de conformité via des mécanismes visant à garantir le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

Saluant la « solidarité du Conseil de sécurité » avec la Force conjointe du G5 Sahel, à travers notamment ses résolutions 2359 (2017) et 2391 (2017), le Ministre a toutefois fait état d’une « dégradation » de la situation sur le terrain, rappelant la dernière attaque en date contre un église dans la région centre-nord du Burkina Faso le week-end dernier, celle perpétrée deux semaines plus tôt dans le nord du pays, ainsi que l’assassinat d’un imam et de son fils le 14 mai.

Ces exemples, auxquels il faut ajouter de nombreux autres attentats au Mali, au Niger, au Bénin et dans les autres pays, sont la preuve de la menace terroriste au Sahel, a-t-il estimé, ajoutant que les groupes terroristes, qui se financent à partir de sites d’or artisanaux ou divers autres trafics, restent forts et exercent une pression énorme sur les États du Sahel.  Cette menace se propage et prend d’autres formes aux conséquences aussi dramatiques les unes que les autres: enlèvements, embuscades, attaques aux engins explosifs improvisés.  Cela entraîne des tensions communautaires, notamment à Yirgou (Niger), à Arbinda (Burkina Faso) ainsi qu’à Koulognon et Ogossagou (Mali), qui ont fait au moins 300 morts en 2019. 

Mais le Sahel aujourd’hui, c’est aussi les attaques visant les écoles et les symboles de l’État, les pillages des marchés et les vols de bétail.  Tout cela a pour conséquence la fermeture des administrations publiques, des dispensaires et des écoles avec des milliers d’enfants privés de cours et des déplacements massifs de populations.

Pour le Ministre, au-delà de l’urgence humanitaire, il apparaît que le défi sécuritaire restera encore pour longtemps l’urgence majeure des pays du Sahel.  C’est pourquoi les États du G5 Sahel investissent énormément dans la sécurité - de 18% à 32% de leur budget national.  Ils lancent un appel au Conseil de sécurité et à l’ensemble de leurs partenaires à davantage soutenir leurs « efforts inestimables ».

Ce soutien devrait se traduire, selon le Ministre, par une opérationnalisation complète de la Force le plus rapidement possible.  « Aujourd’hui, cette Force conjointe du G5 Sahel est sur pied, mais nous sommes encore dans la phase d’équipement », a-t-il expliqué, faisant état de manques d’équipements lourds.  Il a également remarqué que l’accord technique entre la MINUSMA, l’Union européenne et la Force conjointe du G5 Sahel ne couvre pas les interventions sur le territoire malien.  Cela signifie que le soutien apporté dans le cadre de cet accord ne couvre que deux bataillons sur les sept constitués.

C’est donc avec satisfaction que le Ministre a pris note de la recommandation du Secrétaire général « d’étudier la possibilité d’apporter un soutien à travers la MINUSMA à tous les bataillons opérant dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel sous la condition que cette dernière ou d’autres partenaires prennent la responsabilité de l’acheminement de l’aide dans leurs zones d’opération ».

Au nom du G5 Sahel, le Ministre a invité le Conseil de sécurité à établir une nouvelle formule d’appui des Nations Unies à la Force, comme l’envisage aussi le Secrétaire général, pour lui permettre de mieux répondre au défi sécuritaire, qui, faute de réaction adaptée, risque de se transformer en une situation de péril en la demeure dans la bande sahélo-saharienne et bien au-delà.

M. PIERRE BUYOYA, Haut Représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel, a fait état d’une situation sécuritaire préoccupante dans les pays de la région, notamment le Mali, qui doit maintenant faire face aux insurgés de Boko Haram, où de nombreuses attaques perpétrées dans le centre du pays ont provoqué des déplacements de populations.  Au Burkina Faso, on assiste à une extension de la barbarie terroriste de l’est vers l’ouest du pays, avec une tendance à prendre pour cible les églises catholiques.  Le haut fonctionnaire a aussi fait état de l’expansion des attaques terroristes au Togo, au Bénin et au Tchad.  Il a constaté à regret que la présence des forces armées maliennes, de la MINUSMA et de l’opération Barkhane n’avait pas permis d’améliorer la situation sécuritaire.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a rappelé un certain nombre de ses recommandations pour permettre à la Force conjointe de faire la différence sur le terrain, à savoir que les financements de cette force promis lors de la dernière conférence d’annonce de contributions se concrétisent rapidement, et que le soutien de la MINUSMA s’étende à la Force conjointe du G5 Sahel dans sa zone de déploiement.  En outre, a dit M. Buyoya, la Force conjointe devrait bénéficier du financement direct de l’ONU et opérer en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  L’opérationnalisation de la Force est devenue une « nécessité absolue et urgente », a-t-il plaidé, et elle doit s’inscrire dans une vision globale qui tienne compte de phénomènes tels que les changements climatiques.  Sur le plan politique, l’Union africaine reste engagée dans les processus de paix en Libye et au Mali.  Aucun effort ne doit être ménagé pour soutenir la Force conjointe du G5 Sahel, a conclu le Haut Représentant. 

M. ÁNGEL LOSADA FERNANDEZ, Représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour le Sahel, s’est inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel et a déclaré qu’il n’y aura pas de stabilité durable dans cette région sans une mise en œuvre totale effective et inclusive des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  S’il a assuré du soutien continu de l’UE à l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel, il a dit qu’il faudrait l’accompagner d’une plus forte implication des États du G5 Sahel dans la réalisation des objectifs sur le terrain.  Le Représentant spécial a ensuite expliqué que près de 800 experts européens, au sein de trois missions de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à savoir EUCAP Sahel Niger, EUCAP Sahel Mali et EUTM Mali, sont présents aux côtés des forces de défense et de sécurité sahéliennes en apportant conseil et formation. 

Un processus d’adaptation et de régionalisation de ces missions a aussi été engagé afin de mieux soutenir la Force conjointe.  Une cellule de conseil et coordination régionale sera bientôt déployée à Nouakchott.  M. Losada a précisé que ces experts aident les partenaires sahéliens à affiner/réviser le concept général d’opérations de la Force afin notamment de donner la priorité aux zones les plus instables et permettre une mobilité accrue de la Force dans lesdites zones.  L’UE travaille aussi aux modalités de réponse aux besoins exprimés par les différents États du G5 Sahel pour l’opérationnalisation de leurs composantes de police nationale.  Ce soutien, a-t-il ajouté, se fera en coordination avec les Nations Unies.

De plus, l’UE soutient « fermement » le développement et la mise en œuvre opérationnelle de la Force conjointe du G5 Sahel à hauteur de 100 millions d’euros, dont 75 millions pour des équipements, services et infrastructures, 5 millions pour un soutien aux structures de paix et de sécurité, 10 millions pour soutenir l’appui de la MINUSMA à la Force conjointe en territoire malien, et enfin 10 millions pour un soutien au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui établit un cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire pour les opération de la Force conjointe. 

M. Losada a aussi fait savoir que l’UE soutient la recommandation du Secrétaire général qui autorise la MINUSMA à fournir des articles consommables à tous les bataillons opérant dans le cadre de la Force conjointe et ceux du cadre de conformité pour le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Sur ce dernier point, il a précisé qu’une première tranche de 5 millions d’euros avait été versée au Haut-Commissariat en juin 2018 et que les premières activités avaient commencé, tel que le déploiement d’une équipe d’assistance technique au quartier général de la Force conjointe afin d’assister l’état-major dans la révision des documents clefs ou des formations données aux officiers.  C’est un système très positif, sans précédent, pour une opération africaine, s’est-il félicité.  Et il convient maintenant de l’appliquer et de l’étendre.

Le Représentant spécial de l’UE s’est par ailleurs félicité de l’opérationnalisation du fonds d’affectation spéciale du G5 Sahel.  Il a également indiqué que le mise en place de la cellule de conseil et coordination régionale, en juillet prochain à Nouakchott, permettra de faire monter en puissance le comité de soutien de la Force conjointe et le transfert de coordination à Nouakchott « pour une complète appropriation de ce processus » par les pays du G5 Sahel.  M. Losada a encore insisté sur le maintien du soutien de l’UE en 2019 et 2020, « sous réserve d’une plus grande implication des États du G5 Sahel dans la réalisation des objectifs sur le terrain ».  Il s’agit aussi, a-t-il ajouté, de remobiliser le soutien politique et financier des autres partenaires internationaux, comme nous venons de le faire au niveau européen avec les ministres du G5 Sahel.

M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), s’est dit fier d’être un partenaire fiable du G5 Sahel depuis sa création, par le biais du programme qui contribue à la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Le programme de l’ONUDC se concentre sur l’amélioration de l’accessibilité, de l’efficacité et de la responsabilité des systèmes de justice pénale dans la lutte contre le trafic de drogues et d’autres formes de trafics et de criminalité organisée, ainsi que dans celle contre le terrorisme et la corruption.  En 2017, le G5 Sahel avait demandé à l’ONUDC d’appuyer le développement de la composante police de la Force conjointe dont les principes opérationnels ont été élaborés.  Une unité d’investigation a déjà été établie dans la région et des ateliers sont organisés pour renforcer la coordination entre la Force et les systèmes de justice pénale du G5 Sahel.  Ces pays, a estimé le Directeur exécutif, ont déjà enregistré des progrès grâce au soutien de leurs partenaires extérieurs. 

Mais il faut être clair, des défis énormes sont encore à relever.  Sur le front du terrorisme, a estimé le Directeur exécutif, il faut fournir équipements et formations aux officiers de l’ordre.  Il faut aussi faire tout pour promouvoir des mesures d’intégrité au sein de la Force conjointe et des systèmes de justice nationaux avec pour objectif ultime de renforcer la confiance entre les citoyens et leurs forces de défense et de sécurité.  Il faut enfin mieux intégrer les femmes dans les structures de sécurité des pays membres du G5 Sahel et faire plus pour mettre en lumière leur contribution dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.  La composante police de la Force conjointe représente un mécanisme « important et novateur » pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée et mais aussi pour rétablir la confiance.  Mais il faut garder à l’esprit, a conclu le Directeur exécutif, que la prévisibilité des fonds et la détermination du G5 Sahel et de la communauté internationale dans son ensemble sont les conditions préalables d’une action efficace. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a alerté que la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire au Sahel, nourrie par l’extension de la menace terroriste et la multiplication des violences intercommunautaires, fait peser un risque sans précédent sur la stabilité de l’Afrique de l’Ouest.  C’est donc dans une véritable course contre la montre pour la stabilisation du Sahel que nous sommes aujourd’hui collectivement engagés, a-t-il estimé.  Le représentant a plaidé pour la mise en œuvre urgente de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et pour la lutte « sans merci » contre les groupes terroristes qui sévissent dans la région, sans oublier d’œuvrer en faveur de la bonne gouvernance et de la création de perspectives économiques durables pour les populations.

M. Delattre a aussi souligné que la Force conjointe du G5 Sahel constitue un élément particulièrement utile du volet sécuritaire de ce dispositif, et que les derniers progrès ont fait franchir un cap important à son opérationnalisation.  Il a notamment cité la relance des opérations après l’attaque contre le quartier général de Sévaré, la pleine opérationnalisation du cadre de conformité en matière des droits de l’homme et les avancées réalisées dans le déploiement de la composante police.  Il a ensuite appelé les États du G5 Sahel à « relever d’un cran » leur engagement sur le terrain afin que la Force soit en mesure de livrer la pleine mesure de son potentiel, soulignant par ailleurs que sa réussite repose également sur l’octroi d’un soutien international efficace et adapté. 

Le représentant a ensuite salué la mobilisation « inédite » de l’UE en lien avec le Secrétariat permanent du G5 et a appelé ce dernier à améliorer son rôle de pilotage afin de devenir la seule interface entre l’aide internationale et les besoins rencontrés sur le terrain.  Il a aussi jugé nécessaire d’améliorer l’efficacité des dispositifs internationaux en place, y compris en proposant, lors du renouvellement du mandat de la MINUSMA, de clarifier les modalités d’utilisation et de livraison du soutien octroyé dans le cadre de l’accord technique.  M. Delattre a également appelé à renforcer le soutien multilatéral à la Force conjointe via l’octroi d’un mandat robuste et la mise en œuvre d’un paquet logistique, soulignant que seul un soutien prévisible et durable est de nature à assurer le succès des efforts du G5 Sahel à moyen terme.

M. Delattre a par ailleurs estimé que la situation au Burkina Faso doit bénéficier de toute l’attention du Conseil de sécurité et a appuyé le processus engagé à l’initiative du Secrétaire général afin d’ajuster la présence onusienne sur place à la lumière des besoins générés par la dégradation de la situation sur le terrain.  Il a ensuite annoncé que la France proposera une déclaration à la presse sur la situation au Sahel.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a tout d’abord salué la mémoire des deux soldats français tombés au champ d’honneur lors de la libération de deux touristes français qui avaient été enlevés dans le parc du Pendjari, au Bénin, ainsi que celle du guide touristique béninois.  Il a estimé que ce triste épisode révèle le caractère transnational de la menace terroriste et l’impérieuse nécessité pour tous les acteurs de la lutte antiterroriste de conjuguer leurs efforts.  Il a ensuite salué les avancées notables engendrés par la réunion convoquée il y a peu à Accra, par le Président Nanan Kufo Addo et qui réunissait, outre les pays du G5 Sahel, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo.

M. Adom s’est ensuite réjoui des tendances positives relevées par le rapport du Secrétaire général, citant notamment la montée en puissance de la Force conjointe, à hauteur de 75% de sa capacité opérationnelle.  S’agissant du financement de la Force, il a exhorté les partenaires du G5 Sahel à concrétiser leurs processus de financement, soulignant que seul un financement prévisible et durable permettra d’offrir des garanties d’efficacité à son action.  Il a appuyé la proposition du Secrétaire général relative à la création d’un bureau d’appui « financé par les contributions mises en recouvrement » et « indépendant de la MINUSMA ».  Le représentant a également demandé une relecture aux fins de modification de l’accord technique relatif au soutien de la MINUSMA à la Force conjointe, afin d’évaluer la possibilité d’élargir la portée de l’aide fournie par la MINUSMA.

M. Adom s’est par ailleurs dit convaincu que les initiatives de sécurité au Sahel n’auront d’impacts significatifs et durables que si la lutte contre la pauvreté et les effets des changements climatiques, l’amélioration de la gouvernance et de l’accès aux services sociaux de base, ainsi que les opportunités économiques restent concomitamment au cœur des priorités.  Il a appelé à concrétiser au plus vite les promesses de financement enregistrées le 6 décembre 2018 à la Conférence de Nouakchott, et à veiller à la complémentarité entre le Programme d’actions prioritaires du G5 Sahel et les autres initiatives de développement, notamment l’Alliance Sahel.  En matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière organisée, il a estimé que l’Initiative d’Accra mérite d’être soutenue et mise en synergie avec les actions du G5 Sahel.

M. MA ZHAOXU (Chine) a considéré comme essentiel de promouvoir les différents processus de paix et politiques en cours au Sahel, en particulier au Mali, tout en accordant une attention redoublée à la dimension transnationale des défis auxquels font face les pays de la région.  La MINUSMA devrait, conformément aux différents accords, prêter son concours à la Force conjointe, a estimé le représentant, avant d’appeler le Secrétariat de l’ONU à aider le G5 Sahel à mettre en œuvre une stratégie pour le Sahel et un plan d’appui à la Force conjointe.  Convaincu que la communauté internationale doit aider les pays africains à trouver des solutions africaines aux problèmes qui sont les leurs, la Chine a indiqué qu’elle avait décaissé 1,5 million de dollars en faveur du Secrétariat du G5 Sahel.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a estimé que les forces internationales et de maintien de la paix ne résoudraient pas à elles seules la crise sécuritaire au Sahel, plaidant dès lors pour l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel.  Les États-Unis ont jusqu’à présent engagé environ 111 millions de dollars pour combler les lacunes en capacités des pays du G5 Sahel par le biais d’équipements, de formations et de conseils.  Encouragé par la reprise des opérations de la Force conjointe, le représentant a appelé la Force et les États du G5 Sahel à continuer de prendre les mesures nécessaires pour qu’elle devienne pleinement opérationnelle, notamment en adhérant au cadre de conformité pour prévenir, enquêter, dénoncer et signaler publiquement les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Pour les États-Unis, l’assistance bilatérale reste le meilleur moyen de soutenir la Force.  Le représentant a donc regretté que d’autres États, membres du Conseil ou pas, persistent à demander une autorisation en vertu du Chapitre VII de la Charte et un financement par l’ONU, par le biais de contributions obligatoires, pour la Force conjointe.  « L’autorisation du Chapitre VII n’est pas nécessaire pour accomplir la mission de la Force conjointe, parce que les États du G5 Sahel ont déjà conclu des accords pour des opérations militaires sur leurs territoires respectifs », a tranché le délégué américain.

Il a regretté que les forces conjointes du G5 au Mali n’exploitent pas suffisamment l’accord technique conclu avec la MINUSMA et l’UE.  Les États-Unis encouragent la Force conjointe, le Gouvernement malien et ses partenaires à trouver des moyens pour aider la Force à tirer parti plus efficacement de cette opportunité, tout en rappelant que la résolution 2391 précise que l’accord technique constitue une mesure temporaire visant à assurer la pleine autosuffisance de la Force conjointe.  La situation critique en matière de sécurité oblige la communauté internationale à concentrer ses efforts collectifs au Sahel d’une manière intelligente, délibérée et collaborative, a ajouté le représentant en demandant que la région et ses partenaires s’attaquent aux causes profondes des conflits, en coordonnant l’aide humanitaire, sanitaire, agricole, en matière de gouvernance et de développement.  « Grâce à notre coordination efficace avec les acteurs dans les domaines de la sécurité et du développement dans la région et au leadership de l’UA et de la CEDEAO dans le règlement des conflits régionaux et locaux, il est possible d’améliorer considérablement la sécurité. » Ces améliorations seront durables si les États du G5 Sahel progressent vers une gouvernance efficace, l’accès aux opportunités, le respect des droits de l’homme, la responsabilité de rendre des comptes et l’inclusion. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a condamné fermement les récents épisodes de violence intercommunautaire, les attaques asymétriques et coordonnées contre les forces armées, les forces de paix des Nations Unies, la population civile sans défense, particulièrement au Mali, au Burkina Faso et au Niger.  Il a demandé aux autorités nationales d’agir rapidement pour traduire en justice les responsables, plaidant pour qu’elles répondent aux crises immédiates tout en prônant des solutions durables.  Les urgences sont nombreuses, a-t-il poursuivi en citant notamment l’insécurité et, par exemple, les 900 écoles qui ont dû fermer au Mali, tandis que c’est le cas de 440 établissements scolaires au Burkina Faso.  Le G5 Sahel doit faire plus que combattre la terreur car l’insécurité coûte cher sur les plans macroéconomique et fiscal pour chaque pays de la région, a-t-il souligné.  La logique militaire ne va pas résoudre la crise de sécurité au Sahel, a insisté le représentant en appelant à réfléchir à la « militarisation excessive » d’une région où quasiment toutes les armées du monde sont présentes.  Les groupes armés recrutent auprès d’une jeunesse désemparée et sans emploi, ou encore dans les campagnes délaissées par les autorités publiques, a-t-il aussi noté.  Le représentant a donc appelé à maintenir en priorité l’Alliance pour le Sahel et le Programme d’investissements prioritaires, avec l’appui de donateurs internationaux.

S’agissant du Mali, M. Ndong Mba a souhaité que la priorité soit donnée à la reconquête du territoire national, prônant le dialogue pour gérer les conflits et les tensions.  Il a par ailleurs souligné la collaboration étroite du G5 Sahel avec des partenaires tels que l’ONUDC et INTERPOL, avant d’exprimer sa satisfaction quant au Communiqué final de la cinquième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État du G5 Sahel, qui ont réaffirmé leur volonté de mobiliser les ressources internes pour le plein fonctionnement de la Force conjointe.  Il a aussi été d’avis que le Conseil de sécurité devrait élargir l’appui de la MINUSMA au-delà du Mali et donc à toutes les composantes de la Force conjointe du G5 Sahel, une question à aborder lors du renouvellement du mandat de la Mission.  La situation au Sahel constitue une véritable menace à la paix et la sécurité internationales, a-t-il rappelé en conclusion, en joignant sa voix à celle des dirigeants de la région qui demandent de placer le mandat de la Force conjointe sous la Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, pour la doter d’une légitimité politique supplémentaire.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a encouragé le Conseil de sécurité à appuyer les États de la Force conjointe du G5 Sahel face aux défis auxquels ils se heurtent.  Il a également encouragé les États qui manufacturent et vendent des armes à renforcer les modalités de contrôle à l’exportation pour éviter que celles-ci ne finissent entre les mains des groupes terroristes qui propagent la violence.  Sa délégation a attiré l’attention sur la nécessité d’exploiter le potentiel des jeunes pour leur permettre de devenir des acteurs de la paix dans leurs pays, avant de déplorer les violations répétées des droits de l’homme perpétrées dans la région par les groupes terroristes. 

Le délégué s’est félicité de l’adoption de normes opérationnelles de sécurité pour les personnes placées en détention par la Force conjointe, qui doivent faire l’objet d’un traitement différencié, selon qu’il s’agit de combattants, de femmes ou d’enfants.  M. Singer Weisinger a plaidé pour l’opérationnalisation du fonds d’affectation de la Force conjointe pour lui permettre de surmonter les obstacles qui se posent en matière de financement et pour pallier le manque d’équipements.  Il a plaidé en faveur du renforcement des capacités de cette opération militaire, sous peine de laisser les pays de la région s’enliser dans les problèmes sécuritaires qui sont les leurs. 

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a dit accorder une grande importance à la paix et la stabilité dans la région du Sahel.  L’Allemagne appuie la Force conjointe et les pays du G5 Sahel.  Du fait des défis urgents au Sahel, elle espère des progrès rapides en termes d’opérationnalisation de la Force et de son intégration politique.  L’Allemagne, qui a contribué à hauteur de 28 millions d’euros à ce jour à la Force, attend un engagement plus fort de tous les pays du G5 Sahel ainsi que de ses autres partenaires.  La Force peut devenir un acteur de premier plan pour la sécurité du Sahel, a argué le représentant tout en reconnaissant que « nous n’en sommes pas encore là ».  Entre-temps, il faut garder une présence internationale par l’intermédiaire de la MINUSMA, a-t-il recommandé.

Le délégué a salué le cadre de conformité en matière des droits de l’homme de la Force.  Convaincu que l’approche militaire de la lutte contre le terrorisme ne suffira pas, il a encouragé le renforcement de la composante police de la Force conjointe.  Au total, l’Allemagne a alloué 1,7 milliard d’euros à la coopération au développement de la région du Sahel jusqu’à 2020, ce qui s’inscrit dans ses efforts en faveur de la stabilisation de cette région.  Le Burkina Faso est extrêmement important pour stabiliser la région du Sahel, a estimé le représentant, se disant alarmé par l’augmentation des attaques terroristes récentes.  Il a encouragé le Gouvernement burkinabé à redoubler d’efforts pour faire face à ce fléau transnational en développant ses partenariats avec les pays de la région.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a reconnu que les menaces sécuritaires avaient atteint « un niveau sans précédent » au Sahel.  Les causes profondes de ce problème sont bien connues, a-t-il estimé, en rappelant que M. Alpha Barry en avait parlé aujourd’hui même: « nous récoltons les fruits amers de l’effondrement de l’État libyen suite à une ingérence étrangère », a analysé le représentant.  Il s’est ensuite félicité de l’annonce de la reprise des opérations de la Force conjointe, après l’attentat perpétré contre son quartier général l’an dernier.  Cette attaque a mis au jour ses points faibles et il semble que les leçons ont été tirées pour qu’un tel incident ne se reproduise plus, a-t-il dit.  La délégation a constaté que les annonces de contributions en faveur de la Force conjointe du G5 Sahel se matérialisent « petit à petit », mais que beaucoup ne respectent pas leurs engagements.  Aussi la Fédération de Russie s’est-elle déclaré favorable au principe d’un financement de la Force conjointe par l’intermédiaire du budget de l’ONU.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est inquiété de la persistance des attaques terroristes et de la propagation de l’extrémisme violent au Sahel, une situation qui s’étend jusqu’au Bénin, au Togo et au Ghana.  Il faut donc redoubler d’efforts dans trois domaines, a-t-il dit, citant tout d’abord la sécurité.  La Force conjointe du G5 Sahel joue pour cela un rôle central, selon lui.  Il s’est toutefois préoccupé des déficits en équipements, formations et capacités, ainsi que des limites auxquelles est confrontée la coopération technique de la MINUSMA.  Il est urgent, a-t-il dit, que le Force bénéficie d’un financement durable, prévisible et souple.  Il a aussi demandé aux pays du G5 Sahel de rester engagés dans la mise en place d’un cadre de contrôle du respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Le deuxième axe des efforts est le développement durable, a poursuivi le représentant, qui a recommandé notamment de renforcer les capacités et les institutions pour la défense des droits de l’homme, en suscitant une croissance économique, dans la lignée du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’UA.  Il a recommandé de s’appuyer sur la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et sur le Plan d’investissements prioritaires.  En outre, le représentant a plaidé pour l’autonomisation des femmes et pour la coopération régionale et sous-régionale, notamment pour l’échange de renseignements et la lutte contre l’insécurité.  La coopération entre les divers bureaux de l’ONU est également importante, a-t-il ajouté, citant en particulier le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel qui offre une perspective préventive.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a estimé que la coopération et la coordination entre pays voisins au Sahel, et entre les organisations régionales, sont cruciales pour parvenir à des progrès tangibles et durables dans la résolution des conflits et les efforts de stabilisation.  La Pologne soutient le mandat de la Force conjointe du G5 Sahel et espère qu’elle bénéficiera de l’assistance nécessaire de la communauté internationale afin d’être pleinement opérationnelle. 

La Pologne salue l’engagement du G5 Sahel à établir un cadre réglementaire de contrôle du respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  La délégation est d’avis qu’une paix durable, la sécurité et la prospérité dans le Sahel ne peuvent se faire sans des réformes majeures, notamment dans des domaines tels que le développement, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, le déficit de gouvernance et de services de base, les opportunités économiques, ainsi que les changements climatiques.  Voilà, a indiqué la délégation, autant de sujets qui doivent retenir l’attention, en droite ligne de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Il est donc important d’examiner comment la communauté internationale peut soutenir le G5 Sahel et sa Force conjointe.  Sur le plan bilatéral, la Pologne a fourni du matériel au contingent tchadien de la Force conjointe. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a fait part de ses préoccupations face à la dégradation des situations sécuritaire et humanitaire dans la région du Sahel, en particulier les attaques terroristes dans le nord et le centre du Mali et du Burkina Faso, et au Niger, ainsi que la montée des tensions intercommunautaires.  L’Afrique du Sud redoute les débordements possibles en Afrique de l’Ouest.  Elle salue l’engagement exprimé par les pays du G5 Sahel de mettre en place un cadre de respect des droits de l’homme, ce qui devrait contribuer à traduire les responsables en justice et à renforcer la confiance de la population dans leurs systèmes de justice respectifs.

Le représentant s’est dit encouragé par les efforts concertés des pays du G5 Sahel en vue de l’opérationnalisation de la Force ainsi que par la reprise de ses opérations depuis début 2019.  Il a reconnu le rôle et les sacrifices consentis par cette force, qui a le soutien de l’Union africaine, et exhorté le Conseil de sécurité à ne ménager aucun effort pour soutenir les différentes initiatives lancées par les pays du Sahel.

Le partenariat « unique » de la MINUSMA et la Force conjointe du G5 Sahel pour rétablir la stabilité au Mali et dans la région du Sahel est « un modèle positif de coopération entre les opérations de paix de l’ONU et celles de l’UA », a estimé M. Matjila.  Par conséquent, il convient, pour le Conseil de sécurité et la communauté internationale, de tout faire pour que la Force conjointe du G5 Sahel puisse surmonter ses défis et opérer à pleine capacité.  Ainsi, M. Matjila a réitéré son soutien à la proposition du Secrétaire général de créer un bureau de soutien des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel, qui serait financé par des contributions statutaires et fonctionnerait indépendamment de la MINUSMA.  Cela permettrait selon lui un financement prévisible et durable de l’appui apporté à la Force, ainsi qu’une planification à long terme et une consolidation de cette « initiative importante ».  La Force disposerait ainsi des bases logistiques et opérationnelles nécessaires, ce qui va dans le sens de sa pleine opérationnalisation.

L’Afrique du Sud appuie également l’autre recommandation du Secrétaire général visant à apporter un soutien à travers la MINUSMA à tous les bataillons opérant dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel sous la condition que cette dernière ou d’autres partenaires prennent la responsabilité de l’acheminement de l’aide dans leurs zones d’opérations.  Le représentant a également encouragé le Conseil de sécurité à envisager de nouvelles opportunités pour renforcer ses partenariats et le rôle de l’UA lorsqu’il est question d’opérations de paix sous leadership africain.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a estimé que la Force conjointe du G5 Sahel devait parvenir à sa pleine opérationnalisation, en exhortant tous ses partenaires à respecter les engagements contractés.  Il a rappelé que son gouvernement avait déjà versé 20 millions de dollars pour financer la Force conjointe du G5 Sahel.  Le représentant s’est ensuite félicité des mesures prises par les États qui composent la Force pour améliorer les normes des droits de l’homme dans le cadre de ses opérations militaires.  Dans un contexte marqué par la multiplication et la complexification toujours plus grandes des défis qui se posent au Sahel, la délégation britannique a demandé aux pays du G5 Sahel de veiller à déployer tous les contingents de personnels en tenue et à opérationnaliser la composante police afin de mieux surveiller les frontières. 

Pour M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), l’initiative « inédite » de la Force conjointe du G5 Sahel reste plus pertinente que jamais et la Belgique est favorable à ce que cette force bénéficie d’un mandat sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Par ailleurs, la Force doit pouvoir compter sur un financement adéquat et pérenne.  C’est pourquoi la Belgique est également favorable, moyennant des conditions bien définies, à un financement de la Force à partir des contributions obligatoires des Nations Unies.  Elle soutient l’opérationnalisation de la Force conjointe non seulement à travers l’UE mais aussi à titre bilatéral, ayant versé l’an dernier 1 million d’euros pour que la MINUSMA puisse appuyer logistiquement la Force conjointe, tandis que des militaires belges dispensent des formations dans le Sahel.  Soulignant que le succès de la coopération régionale dépend en grande partie de l’existence d’armées nationales solides, il a dit soutenir l’appel du Secrétaire général à conduire une réforme globale du secteur de la sécurité du Mali.

La Belgique salue la relance en janvier des opérations de la Force ainsi que la mise en place d’un cadre de conformité en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire et encourage les États du G5 Sahel à continuer sur ces deux voies.  S’agissant de son opérationnalisation, le représentant a estimé que, même si certains équipements promis à la Force n’ont pas encore été livrés, d’autres moyens existent et peuvent être utilisés dès maintenant.  Il a encouragé la Force à poursuivre sur la voie du développement de sa composante police, du fonctionnement du Secrétariat permanent ou du Comité de défense et de sécurité, de l’actualisation du concept d’opérations ou de la mise en place d’un mécanisme de coordination de l’appui international.

Le représentant a plaidé pour une solution politique et des actions sur divers fronts, même si une réponse ferme sur le plan sécuritaire est indispensable pour démanteler les réseaux terroristes et assécher leurs sources de financement.  « Mais les aspirations profondes de la population et des différentes communautés méritent également d’être entendues, afin d’éviter des situations qui basculent dans la violence », a estimé le représentant en appelant à prendre des mesures pour améliorer la bonne gouvernance, l’état de droit, la lutte contre l’impunité et la corruption ainsi que toute forme de stigmatisation.  En conclusion, il a réaffirmé le soutien de la Belgique à l’arrangement tripartite entre le G5 Sahel, l’UE et l’ONU, mais déploré la sous-utilisation des moyens, avant de plaider pour adapter de façon pragmatique l’appui de la MINUSMA à la Force conjointe.

M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a remarqué que les exposés d’aujourd’hui avaient mis en avant le fait que le Conseil de sécurité doit s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité au Sahel, au-delà des opérations militaires.  Il a salué la reprise des opérations de la Force conjointe du G5 Sahel dès le début de l’année 2019, le fait qu’elle ait atteint 75% de sa capacité opérationnelle et qu’elle se soit dotée d’un cadre de conformité en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire.  Face à l’absence de financement durable de la Force, le Koweït appuie l’idée du Secrétaire général de la création d’un bureau d’appui des Nations Unies.  Notant la multiplication des attaques terroristes dans la région du Sahel, « source de préoccupation grave », il a souligné l’importance de la coopération régionale dans la lutte contre ces groupes terroristes. 

Pour faire face à la situation qui règne au Sahel, il faut prendre des mesures sur les plans politique, de développement et sécuritaire, en particulier au Mali, a estimé le représentant.  Le développement dans l’ensemble de la région permettrait, selon lui, de traiter les causes profondes de son instabilité.  Avant de conclure, le représentant a insisté sur l’importance de faire des progrès tangibles dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour la Force conjointe du G5 Sahel.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a espéré que la montée en puissance de la Force conjointe du G5 Sahel se traduirait par une véritable amélioration de la situation sécuritaire sur le terrain.  Il n’en a pas moins reconnu que celle-ci travaille dans des conditions très difficiles et a appelé à lui fournir un financement prévisible et durable, ainsi qu’une formation et un renforcement de capacités.  Le représentant s’est ensuite inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, notant que cela affecte la stabilité de la région dans son ensemble.  Il a appelé à déployer des approches multisectorielles pour répondre aux causes sous-jacentes de l’instabilité et renforcer la résilience du peuple sahélien. 

Pour l’Indonésie, toute initiative sécuritaire doit d’ailleurs être partie intégrante des efforts plus larges pour assurer la stabilité durable du Sahel, en tenant compte du développement socioéconomique et des droits de l’homme.  M. Djani a appelé à mettre l’accent sur la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté et l’inégalité, la création d’opportunités pour les jeunes et la lutte contre les changements climatiques.  Il a aussi engagé la communauté internationale à appuyer les efforts de la région.

 

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