En cours au Siège de l'ONU

8520e séance – après-midi
CS/13797

Conseil de sécurité: la perspective d’un futur comité constitutionnel en Syrie considérée comme une fenêtre d’opportunité « étroite mais réelle »

Sur fond de recrudescence des combats en Syrie, où le bilan humanitaire s’alourdit de jour en jour, l’Envoyé spécial du Secrétaire général a indiqué au Conseil de sécurité, cet après-midi, qu’un consensus se dégageait progressivement entre les parties sur la formation d’un futur comité constitutionnel, chargé de doter la Syrie d’une nouvelle loi fondamentale.  Plusieurs membres du Conseil, dont la France, ont voulu que l’on ne laisse pas se refermer cette fenêtre d’opportunité « étroite mais réelle » pour mettre un terme au conflit, qui dure depuis huit ans.

Je fais tout mon possible pour restaurer, depuis Genève, la confiance entre le Gouvernement syrien et la Commission syrienne de négociation, a affirmé M. Geir Pedersen, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, citant ses récentes rencontres avec le Ministre des affaires étrangères syrien, à Damas, et avec le leadership de l’opposition, à Riyad et à Genève.  Ces consultations ont, selon lui, conduit à des avancées sur la voie d’un accord final sur le mandat et la composition d’un comité constitutionnel, qui serait chargé, à terme, de doter le pays d’une nouvelle constitution, ouvrant ainsi la porte au processus politique. 

Bien que rien n’ait été acté à ce jour, a tempéré M. Pedersen, un consensus est en train de voir le jour sur certaines modalités, tout comme le principe d’une coprésidence équilibrée et du rôle de facilitateur des Nations Unies.  Il a également plaidé pour que 30% des sièges du futur comité soient réservés aux femmes.  L’Envoyé spécial s’est dit convaincu de la possibilité de parvenir à un mandat final, « avec des gestes de bonne volonté ». 

L’un des gestes qui permettrait le plus efficacement de restaurer la confiance serait, selon M. Pedersen, que les parties augmentent le rythme de libération des personnes enlevées et des détenus, à commencer par les enfants, les femmes et les malades.  Sur ce point, l’Envoyé spécial a conseillé de sortir du schéma de libération « un contre un » et de trouver une solution « à grande échelle ».  C’est d’autant plus important que la Syrie est en proie à une résurgence des combats et à une situation humanitaire de plus en plus difficile, a-t-il déclaré, citant la menace toujours importante des groupes terroristes et la situation critique des déplacés dans la zone d’installation improvisée de Roukban, à la frontière syro-jordanienne. 

La France a accueilli favorablement les remarques de l’Envoyé spécial sur le comité constitutionnel et s’est dit convaincue de l’existence d’une fenêtre d’opportunité « étroite mais réelle » pour mettre un terme au conflit.  « Étant donné que le processus d’Astana a échoué à apporter des solutions tangibles en faveur de la paix en Syrie », le Conseil doit voir dans les négociations de Genève la seule voie à suivre, ont estimé les États-Unis pour qui la formation d’un comité constitutionnel « équilibré et crédible » constituerait un premier pas important vers une solution politique.  Critiquant les États-Unis pour avoir parlé des « soi-disant garants d’Astana », la Fédération de Russie a rétorqué qu’elle, la Turquie, l’Iran et le Gouvernement syrien sont bien les « garants d’Astana » qui ont créé quatre zones de désescalade dont celle d’Edleb.  Ces garants se tiennent prêts à accueillir « tous ceux qui veulent la paix en Syrie » et à s’associer à leurs efforts, a souligné la Fédération de Russie.

Face à l’enthousiasme suscité chez la plupart des membres du Conseil par la perspective d’un accord concernant le mandat et la composition d’un comité constitutionnel, l’Envoyé spécial a toutefois tempéré leurs attentes dans ses remarques finales.  Si la formation d’un tel comité peut constituer un « tremplin » pour le début d’un processus politique, a déclaré M. Pedersen, sans la volonté de le mener à bien et sans le soutien du Conseil, le comité constitutionnel restera lettre morte.  Il est important que les parties entendent que « le Conseil continue de m’appuyer et de soutenir le processus politique », a-t-il insisté.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Je fais tout mon possible pour restaurer la confiance entre le Gouvernement syrien et l’opposition depuis Genève, a affirmé à l’entame de son discours M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie.  Après huit années de conflit, c’est un processus qui sera « long et difficile », mais je pense qu’il est possible d’aller de l’avant pas à pas, a-t-il estimé.  À cette fin, l’Envoyé spécial a dit avoir continué de promouvoir les cinq priorités qu’il avait énoncées devant les membres du Conseil de sécurité en février dernier, priorités qui se fondent sur la résolution 2254 (2015), dont il tire lui-même son mandat.

M. Pedersen s’est déclaré fermement décidé à instaurer un dialogue « inscrit dans la durée » entre le Gouvernement syrien et la Commission syrienne de négociation.  En mars et en avril, a-t-il précisé, j’ai procédé à des consultations avec chacune des deux parties, sous la forme de rencontres avec le Ministre des affaires étrangères syrien, à Damas, et avec le leadership de la Commission syrienne de négociation, à Riyad et à Genève.  M. Pedersen a indiqué que les deux parties restent disposées à débattre d’un ensemble de questions au sens large, selon ce format. 

 Des mesures et progrès tangibles sont cependant nécessaires, a prévenu l’Envoyé spécial, ajoutant que la communauté internationale ne peut pas se contenter d’un « simple dialogue ».  C’est d’autant plus important, a-t-il déclaré, que la Syrie est en proie à une résurgence des combats et à une situation humanitaire de plus en plus difficile. 

Les groupes terroristes demeurent une menace majeure et contrôlent toujours de vastes pans du territoire syrien, a indiqué l’Envoyé spécial.  Mais les activités terroristes ne doivent pas empêcher les parties de se hisser à la hauteur de leur responsabilité de protéger les civils, a-t-il ajouté.  Or, le bilan des souffrances est toujours « ahurissant », a déploré M. Pedersen.  Il s’est notamment dit vivement préoccupé par la situation des déplacés dans la zone d’installation improvisée de Roukban, à la frontière syro-jordanienne.  M. Pedersen a appelé au déploiement d’un nouveau convoi humanitaire dans cette zone.  Plus nous pourrons prendre de mesures pour régler ces questions plus nous pourrons rétablir la confiance en Syrie et sur le plan international, a-t-il affirmé. 

À ce titre, M. Pedersen a voulu que l’on avance sur le dossier des personnes disparues, ce qui contribuerait également à rétablir la confiance.  L’Envoyé spécial a exhorté les parties à accroître le rythme de libération des personnes enlevées et détenues, à commencer par les enfants, les femmes et les malades.  De ce point de vue, il a conseillé de sortir du schéma de libération « un contre un » et de trouver une solution « à grande échelle » à cette question, d’autant plus qu’il faudra des années pour la résoudre.

Ma priorité demeure de dialoguer avec l’éventail le plus large de Syriens, a-t-il ensuite déclaré, rappelant qu’une solution politique devrait avant tout permettre de réaliser les aspirations de l’ensemble de la population syrienne, hommes et femmes.  Le Conseil consultatif des femmes ne cesse de nous rappeler la spécificité des besoins des femmes syriennes et combien il est important de respecter leur droit à se faire entendre à la table des négociations, a-t-il insisté. 

Par ailleurs, M. Pedersen a indiqué qu’il s’échine à conclure un accord final sur le mandat et la composition d’un comité constitutionnel.  Bien que rien n’ait été acté à ce jour, il a affirmé que ses consultations ont permis de dégager un consensus sur certaines modalités, tout comme le principe d’une coprésidence équilibrée et du rôle de facilitateur des Nations Unies.  L’Envoyé spécial s’est dit convaincu de la possibilité de parvenir à un mandat final, « avec des gestes de bonne volonté ».  Il a également appelé à une participation des femmes au sein du futur comité à hauteur de 30%. 

M. Pedersen a, en outre, exhorté la communauté internationale à prendre ses responsabilités pour éviter d’envenimer le conflit.  Les interventions extérieures sont une réalité de ce conflit, a-t-il regretté, précisant que pas moins de cinq armées internationales sont présentes sur le territoire syrien.  L’Envoyé spécial a appelé au rétablissement de l’intégrité territoriale de la Syrie sinon les risques d’escalade demeureront, au détriment d’un processus politique « pour les Syriens et par les Syriens ».

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré qu’en raison de l’urgence humanitaire dans le camp de Roukban, un troisième convoi d’aide doit être autorisé à s’y rendre immédiatement.  « Les gens meurent de faim », a-t-il souligné, avant d’ajouter que Damas pourrait faire preuve de bonne volonté en permettant une telle aide.  Étant donné que le processus d’Astana a échoué à apporter des solutions tangibles en faveur de la paix en Syrie, le Conseil de sécurité, a estimé le représentant, doit rester uni et voir dans les négociations de Genève, la seule voie à suivre. Pour les États-Unis, un comité constitutionnel équilibré et crédible constituera un premier pas important et une mesure susceptible de renforcer la confiance, mais les efforts doivent également se poursuivre sur d’autres questions comme celles des détenus et des personnes disparues ou encore l’organisation d’élections et la protection de l’environnement.  Le représentant a appelé la Fédération de Russie et le régime d’Assad à mettre un terme à leurs activités militaires à Edleb et à respecter le cessez-le-feu.  Les échanges de prisonniers, négociés par les « soi-disant garants d’Astana », ne sont pas significatifs, puisque des milliers de gens restent en prison sans motif et que le régime d’Assad continue de les détenir de manière arbitraire.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit partager la plupart des constats de l’Envoyé spécial.  Il a rappelé que vient de se tenir, à Nour-Soultan, la capitale kazakhe, la douzième réunion des garants du processus D’Astana qui a été sanctionnée par une déclaration dans laquelle les protagonistes ont réaffirmé leur soutien à l’intégrité territoriale de la Syrie.  Aux États-Unis, le délégué a précisé que ces pays sont bien les garants d’Astana, et non les « soi-disant garants ».  Ces garants ont également, dans leur déclaration, rappelé que le Golan est un territoire syrien occupé par Israël.  Dans la zone d’Edleb, les combattants du groupe terroriste Al-Cham ont intensifié leurs attaques contre les forces syriennes, a noté le représentant, tout en affirmant que ce groupe armé s’évertue en ce moment à unifier les forces présentes dans la région d’Edleb pour faire feu contre le Gouvernement. 

Il faut lancer au plus vite le comité constitutionnel syrien, a pressé le représentant qui s’est avoué optimiste face à l’évolution de la situation.  La priorité maintenant doit être la reconstruction et l’acheminement de l’aide humanitaire dans toute la Syrie, « sans condition préalable ».  M. Nebenzia s’est réjoui que les États-Unis se soient enfin résolus à résoudre la crise qui a lieu dans le camp de Roukban.  Il les a aussi invités à laisser les habitants du camp partir librement pour se relocaliser dans d’autres régions du pays.  Le représentant a dénoncé les sanctions unilatérales contre la Syrie, notant que l’« on ne peut exclure ce grand pays du monde arabe ».  Damas, a-t-il plaidé, doit retrouver au plus vite sa place dans la famille arabe et les garants du processus d’Astana se tiennent prêts à accueillir « tous ceux qui veulent la paix en Syrie » à s’associer à leurs efforts pour mettre fin au conflit syrien.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a demandé que toutes les parties en Syrie mettent en œuvre le cessez-le-feu russo-turc d’Edleb.  Le délégué a aussi demandé que l’aide humanitaire soit distribuée de manière constante aux populations.  Il a plaidé pour une solution politique qui tienne compte des aspirations du peuple syrien et demandé à toutes les parties de soutenir les initiatives de l’Envoyé spécial.  Pour lui, le comité constitutionnel doit avoir en son sein toutes les composantes de la société syrienne.  À son tour, il a appelé à la libération de tous les détenus et souligné que le retour des réfugiés syriens doit se faire de manière digne, sûre et informée.  « Nous refusons les changements démographiques en Syrie », a déclaré le délégué, en faisant référence à la question de retour.  Il a aussi insisté pour que les auteurs de violations du droit international, commises en Syrie depuis 2011, soient traduits en justice car « on ne peut parvenir à une paix durable sans justice ». 

M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS YABRA (République dominicaine) a estimé que face au « calme tendu » qui prévaut dans le nord de la Syrie, il est impératif de redoubler d’efforts pour éviter toute escalade militaire.  Le processus politique et la situation à Edleb ne sont pas mutuellement exclusifs.  Il incombe au Conseil de sécurité d’éviter une tragédie majeure, a-t-il ajouté, en dénonçant les récentes attaques perpétrées dans la zone démilitarisée d’Edleb.  Il a appelé les parties à maintenir d’urgence le cessez-le-feu et à respecter la mise en œuvre de l’accord entre la Turquie et la Fédération de Russie.  S’agissant de la création d’un comité constitutionnel, le représentant a espéré que les prochaines consultations de Genève permettront de déboucher sur des progrès concrets.  Il a exhorté les parties à faire preuve de la plus grande souplesse possible et a insisté sur l’importance d’une participation significative des femmes, ainsi que sur la nécessité de progresser sur la question de la libération des détenus.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est dit préoccupée par le regain de violence en Syrie, notamment après les dernières informations faisant état de l’utilisation de barils d’explosifs dans le nord par le régime de Damas, ce qui ne s’était pas produit depuis plusieurs mois.  « C’est proprement inacceptable », s’est-elle indignée, avant de regretter le « manque de sérieux » du régime syrien dans la protection des civils.  De même, face aux allégations sur l’utilisation d’armes chimiques, elle a exhorté Damas à respecter les accords internationaux.  La représentante a par ailleurs constaté avec préoccupation la reprise des bombardements et des raids aériens dans la zone de désescalade d’Edleb.  Elle a appelé les garants du processus d’Astana à user de leur influence pour obtenir des parties qu’elles veillent au respect du cessez-le-feu.

S’agissant du processus politique, elle a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial et l’a invité à continuer d’inscrire son action dans le cadre de la résolution 2254 (2015).  Elle a en outre demandé aux autorités syriennes « d’aller de l’avant » et de ne plus « trainer des pieds » dans la mise en œuvre de cette résolution, adoptée il y a maintenant quatre ans.  De ce point de vue, la déléguée a demandé à l’Envoyé spécial quelles mesures concrètes avaient été prises à ce jour par Damas pour mettre en œuvre le texte.  Concernant le comité constitutionnel, elle a appelé les pays qui ont une influence sur le régime syrien à encourager ce dernier à « participer de bonne foi » aux négociations et à faciliter l’accès humanitaire partout où c’est nécessaire.

« À tous ceux qui prétendent que la guerre est finie, j’aimerais rappeler la sinistre réalité de la situation en Syrie », a déclaré M. FRANÇOIS DELATTRE (France) qui a notamment averti que la menace terroriste est toujours présente et que la situation reste très volatile sur les lignes de fronts.  Or, a-t-il ajouté, le gel des fronts est essentiel au cessez-le-feu et pour nous permettre de concentrer nos efforts sur la lutte contre le terrorisme et faciliter l’obtention d’une solution politique.

Il a également souligné la gravité de la situation au nord-ouest, qualifiant d’extrêmement préoccupante l’intensification des frappes du régime ces derniers jours.  Il a notamment appelé la Russie à tenir ses engagements concernant le maintien du cessez-le-feu à Idlib et à faire pression sur le régime pour qu’il cesse ses frappes.  Il a aussi parlé des efforts « considérables » qui restent à accomplir au nord-est en vue d’assurer la défaite « complète et définitive » de Daech et a salué, à ce titre, le maintien de la présence des États-Unis.  Il a appelé à éviter toute offensive militaire contre la zone.

Affirmant que le régime syrien poursuit sa politique de répression, le représentant a condamné les obstacles à un accès humanitaire sûr, continu et sans entrave et en particulier le refus d’autoriser la livraison d’un troisième convoi à Roukban.  Il a appelé la Russie à user de son influence pour que ce convoi puisse être autorisé au plus vite.

M. Delattre a également estimé que les restrictions d’accès imposées par le régime aux Nations Unies, qui veulent aider les populations de retour, sont proprement injustifiables.  Il y a vu la preuve que le régime veut se laisser les mains libres pour mener sa stratégie de répression et a mis en garde la communauté internationale contre l’instrumentalisation de la question des réfugiés par le régime et ses soutiens « qui renversent la charge de la preuve ».

Concernant le processus politique, il a souligné l’urgence d’aller de l’avant et a fait savoir que son pays apportera son soutien à tout accord sur le comité constitutionnel qui soit crédible et équilibré.  Il a aussi insisté sur l’urgence de mettre en œuvre des mesures de confiance.  Il s’agit, a-t-il rappelé, d’obtenir des avancées sur la question des prisonniers et des personnes disparues, la conscription forcée et la réforme des lois sur la propriété.  La France, avec l’Union européenne, continuera à imposer des sanctions au régime et à refuser de financer la reconstruction du pays et de normaliser les relations avec Damas tant qu’il n’y aura par d’avancées crédibles et irréversible sur la voie d’une solution politique, a prévenu le représentant.

M. Delattre a dit qu’il continue de craindre que la tragédie syrienne ne devienne le tombeau de l’ONU.  Après toutes ces années d’échec, ce serait une lourde faute morale de tourner la page et de regarder ailleurs par lassitude ou par lâcheté, a-t-il mis en garde.  Il s’est dit convaincu qu’il existe aujourd’hui une « étroite mais réelle » fenêtre d’opportunité pour mettre un terme au conflit et qu’il ne faut pas la laisser se refermer.

M. GUATAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a réitéré son plein appui à l’Envoyé spécial qui s’efforce d’instaurer un climat de confiance entre les parties, notamment pour parvenir à un accord sur la formation d’un comité constitutionnel.  Entre autres mesures de confiance, il a appelé à accélérer la libération des personnes enlevées et détenues, ainsi que la restitution des dépouilles aux familles.  Le représentant a enjoint le Conseil de rester saisi de la situation en Syrie.  La priorité pour les 15 membres doit être de veiller au respect du cessez-le-feu à Edleb, qui a récemment été réaffirmé par la Fédération de Russie et la Turquie.  Le succès de notre action en Syrie, a-t-il estimé en conclusion, dépendra de notre capacité à éviter qu’Edleb ne devienne le théâtre d’une nouvelle tragédie humanitaire.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERE (Belgique) a estimé que la situation sur le terrain en Syrie reste inquiétante et s’est dit particulièrement préoccupé par l’escalade de la violence à Edleb.  Il a appelé les garants d’Astana à renforcer leur engagement en faveur de l’accord signé en septembre.  Une offensive militaire, a-t-il prévenu, provoquerait une crise humanitaire.  Il a donc appelé à l’application du cessez-le-feu sur tout le territoire syrien.  Les citoyens syriens doivent rester au centre de nos préoccupations et dans le contexte actuel, il est difficile de qualifier les évolutions de positives, a avoué le représentant, en jugeant tout de même qu’il est de notre devoir de garder l’espoir comme c’est le devoir de ce Conseil de travailler ensemble vers une solution politique.  « Nous encourageons l’Envoyé spécial dans la mise en œuvre de ses cinq objectifs », a-t-il souligné. 

Notant l’échange récent de 18 prisonniers, M. Pecsteen de Buytswere estimé qu’il reste énormément de progrès à faire dans ce dossier.  Il a appelé tous les États Membres à user de leur influence sur les parties au conflit afin de promouvoir la libération des personnes détenues arbitrairement.  La Belgique, a-t-il ajouté, plaide pour la convocation, dès que possible, d’un comité constitutionnel qui constituerait une première étape vers un dialogue plus approfondi et vers de véritables négociations dans la mise en œuvre du Communiqué de Genève et de la résolution 2254 (2015) sous les auspices de l’ONU. 

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a salué la réunion de la semaine dernière entre les garants d’Astana et l’Envoyé spécial.  Il a espéré que le dialogue entre toutes les parties prenantes se poursuivra dans le but de parvenir à une solution pacifique durable au conflit en Syrie.  S’agissant de la création du comité constitutionnel, il a estimé que les dialogues en cours sont prometteurs mais s’est dit conscient du fait que ce ne sera pas une tâche facile.  Plusieurs acteurs sont impliqués, avec des points de vue, des intérêts et une compréhension de la situation différents, a noté le représentant pour lequel c’est à la communauté internationale de s’impliquer davantage en apportant son soutien à la promotion du processus politique en Syrie et en cherchant des moyens de rapprocher toutes les parties concernées du « juste milieu ».  Pour ce faire, a-t-il dit, il sera essentiel de rétablir la confiance mutuelle.  Le représentant s’est dit favorable à la création du comité constitutionnel à condition qu’il soit inclusif et crédible et qu’il réponde aux aspirations légitimes des Syriens, sur la base du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays.  C’est aux Syriens de prendre en main le processus de règlement politique, a estimé le délégué pour lequel ce processus ne saurait être imposé de l’extérieur.

La communauté internationale doit faire plus pour assurer le respect du cessez-le-feu et établir une feuille de route pour un règlement acceptable par tous.  La situation d’Edleb requiert, selon le représentant, une attention particulière.  Il faut à tout prix éviter une escalade militaire car cela risquerait de compromettre tout progrès sur le front politique.  Le représentant a souhaité des discussions sérieuses sur le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés syriens ainsi que sur la reconstruction et la réhabilitation post-conflit.  Concluant sur une note positive, il a dit entrevoir une lueur d’espoir mais il va falloir faire des compromis pour parvenir à une solution politique.  Tout retard risque de se transformer en souffrances et en pertes de vies humaines, a-t-il mis en garde.

M. ZHAOXU MA (Chine) a demandé à la communauté internationale d’aider les réfugiés syriens qui veulent rentrer chez eux.  Il a salué la douzième réunion du processus d’Astana et demande qu’il poursuive son travail.  Il a aussi voulu des Nations Unies qu’elles renforcent leur coordination avec le Gouvernement syrien, notamment dans la mise en place d’un comité constitutionnel consensuel.  Le Conseil de sécurité doit rester uni pour créer un climat propice à la fin du conflit, a-t-il ajouté.  La lutte contre le terrorisme, a-t-il aussi prévenu, est fondamentale pour régler le conflit syrien.  Le représentant a déploré le fait que le nord-est et le nord-ouest soient en proie à ce fléau.  Il faut donc, a-t-il préconisé, que la communauté internationale renforce sa coordination et sa coopération dans cette lutte.  Il a conclu en soulignant la nécessité pour les parties syriennes d’établir des mesures de confiance comme l’échange de prisonniers, insistant sur le fait que l’avenir de la Syrie doit être défini par les Syriens eux-mêmes.

Mme GOOLAB (Afrique du Sud) a plaidé en faveur de la formation du comité constitutionnel dans les meilleurs délais.  « Nous saluons les efforts de l’Envoyé spécial en vue de finaliser la composition d’un comité crédible et équilibré », a-t-il ajouté.  Il a également appelé toutes les parties à tenir leur engagement de réserver aux femmes 30% des sièges au sein du comité, dans la mesure où il est clairement établi que les femmes offrent une perspective unique sur les questions de paix et de réconciliation « qui ne peut être ignorée ».  La représentante a accusé certaines parties de tirer parti de la situation en Syrie pour promouvoir leurs propres intérêts et revendiquer le contrôle de territoires occupés illégalement.  Ceci, a estimé Mme Goolab, ne saurait être permis et le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités et condamner de tels actes. 

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a appelé à la fin des activités des groupes terroristes encore présents à Edleb et à la formation d’un comité constitutionnel.  Elle s’est félicitée des réunions qui viennent d’avoir lieu à Genève et à Damas entre l’Envoyé spécial et les parties pour tenter de faire avancer cette question.  Le processus de paix ne pourra commencer qu’après la formation du comité, a estimé la représentante, exhortant les autorités syriennes à privilégier la coopération avec l’Envoyé spécial pour parachever ce processus.  Elle a en outre voulu que l’on intègre de nouveaux États, en qualité d’observateurs, au processus de négociation de Nour-Soultan, afin d’assoir davantage la légitimé des décisions prises dans le cadre de ces consultations.  Tout en réaffirmant le rôle de Genève en tant que « siège d’une solution politique », la représentante a encouragé l’Envoyé spécial à envisager toutes les possibilités pour parvenir à la formation du comité constitutionnel.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé que la situation humanitaire en Syrie est inquiétante, estimant que la protection de la population et une réponse humanitaire collective doivent être la priorité.  Elle a invité les parties au conflit à renoncer aux détentions arbitraires, aux prises d’otage ou aux déplacements forcés.  Tout en appelant à la lutte résolue contre le terrorisme, la représentante a aussi invité les parties à éviter toute escalade du conflit dans le nord-est, au risque de voir resurgir Daech. Elle a souligné que la seule voie vers une sortie de crise dans le pays est un accord politique intrasyrien, en droite ligne de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève.  Elle a appelé la Fédération de Russie et la Turquie à préserver leur accord afin de stabiliser la situation à Edleb.  À son tour, elle s’est impatientée des retards dans la constitution du comité constitutionnel.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a déclaré que si le processus de Nour-Soultan et les initiatives portées par les Nations Unies permettent d’entretenir l’espoir d’une paix durable en Syrie, l’impact négatif de la reprise des hostilités dans la zone de désescalade du nord de la Syrie notamment dans les provinces de Hama, d’Edleb, d’Alep et de Lattaquié suscite quelques appréhensions.  Le représentant s’est particulièrement inquiété des graves conséquences de la reprise des combats sur une situation humanitaire déjà préoccupante dans cette région où l’escalade des hostilités depuis février 2019 aurait fait plus de 200 morts et 120 000 déplacés selon la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires de l’ONU et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence.  M. Moriko a ainsi appelé les protagonistes de la crise syrienne à cesser immédiatement les hostilités et à créer les conditions favorables à la fourniture de l’assistance humanitaire aux populations affectées par le conflit.    

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est dit préoccupé par le regain de violence dans le nord de la Syrie.  Il a appelé à accélérer encore davantage la libération des prisonniers et à créer les conditions favorables à un retour des personnes déplacées dans la zone d’installation improvisée de Roukban. S’agissant du comité constitutionnel, le représentant a insisté sur la nécessité de parvenir à un quota de 30% de femmes.  Il a indiqué que l’Allemagne ne soutiendrait pas la reconstruction en l’absence d’un processus politique crédible, qui doit selon lui impérativement passer par la formation du comité constitutionnel. 

Le représentant a par ailleurs constaté que le régime syrien continue d’arrêter de nombreuses personnes dans le sud-ouest du pays.  Des dizaines de milliers d’individus demeurent ainsi incarcérés « sur la base d’accusation parfois fallacieuses » dans les geôles du régime, a-t-il déploré, appelant Damas à ouvrir l’accès des prisons aux organisations humanitaires. Les « atrocités sans nom » commises par toutes les parties au conflit restent un véritable problème, a en outre reconnu le représentant, soulignant que la lutte contre l’impunité est la condition sine qua non d’une paix pérenne.  Il a par conséquent voulu que l’on traduise les responsables de crimes en justice car « il n’y aura pas de paix nationale sans réconciliation nationale », a-t-il insisté. Le représentant a demandé à l’Envoyé spécial s’il pouvait en dire davantage sur le mandat, le règlement intérieur et la composition du comité constitutionnel et revenir sur l’importance de la lutte contre l’impunité.

L’Envoyé spécial a d’abord insisté sur l’importance d’un processus de paix « pour et par les Syriens ».  Il s’est fait l’écho des préoccupations exprimées par les membres du Conseil face à la résurgence des combats, notamment à Edleb.  Toutefois, a-t-il précisé, la situation dans la zone est « relativement plus stable » depuis le cessez-le-feu qui a fait l’objet d’un accord entre la Fédération de Russie et la Turquie. Il a donc invité les deux pays à accroître leurs patrouilles dans la zone pour veiller au respect de l’accord.  S’agissant du comité constitutionnel, l’Envoyé spécial a indiqué qu’il s’efforce de parvenir à un format acceptable pour tous.  Cela pourrait être un tremplin pour le début d’un processus politique.  Mais sans la volonté de mener à bien un tel processus et sans le soutien du Conseil, le comité constitutionnel restera lettre morte, a-t-il mis en garde. Il a de nouveau appelé Damas à prendre des mesures unilatérales pour accélérer la libération des détenus et des personnes disparues.  Après huit ans de guerre, il est difficile pour les parties de faire les premiers pas, a-t-il admis.  Il est donc important qu’elles sachent que « le Conseil continue de m’appuyer et de soutenir le processus politique ».

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