En cours au Siège de l'ONU

8516e séance – après-midi
CS/13793

Conseil de sécurité: la naturalisation annoncée par la Fédération de Russie des Ukrainiens de Donetsk et Louhansk ravive les tensions entre Kiev et Moscou

À la demande de l’Ukraine, le Conseil de sécurité s’est réuni d’urgence, cet après-midi, à la suite de la décision de la Fédération de Russie de naturaliser les habitants de Donetsk et Louhansk, des zones orientales du pays qui ne sont pas sous le contrôle des forces gouvernementales. 

En effet, a relaté la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Mme Rosemary DiCarlo, un décret présidentiel russe en date du 24 avril a rendu possible, « pour les résidents de certaines régions de l’est de l’Ukraine », d’obtenir la citoyenneté russe grâce à une procédure simplifiée, suscitant les protestations des autorités ukrainiennes qui considèrent cette mesure comme une « ingérence sans précédent » dans les affaires internes du pays. 

« Après avoir écouté nos collègues occidentaux, on pourrait avoir l’impression que la Russie force les habitants du Donbass à changer de citoyenneté », s’est étonné le représentant russe, qui a prêté des raisons humanitaires au geste de son pays.  « Nous n’avons fait que répondre aux aspirations des populations locales », s’est-il justifié, en affirmant que 334 000 personnes auraient fait des demandes de passeports russes, un chiffre témoignant selon lui de la forte demande parmi les habitants pour échapper aux « conditions de vie insupportables qui sont les leurs dans le Donbass », où, depuis 2017, « le blocus économique n’a fait que se durcir et s’institutionnaliser ».

Un argumentaire qualifié de « cynique » par l’Ukraine, qui a au contraire affirmé que cette « passeportisation illégale » pourrait être instrumentalisée par le « Kremlin » pour légitimer une présence militaire au Donbass en invoquant la nécessité de protéger de futurs citoyens.  La délégation a accusé la Fédération de Russie d’appliquer le scénario expérimenté en Géorgie, essayant ainsi de justifier une occupation de ces territoires pour ensuite « démembrer » l’Ukraine. 

Plusieurs membres du Conseil ont clairement apporté leur soutien à l’Ukraine, dont les États-Unis: « Si la Russie était vraiment intéressée par le bien-être des citoyens russes ukrainiens, elle saisirait ce moment pour tracer une nouvelle voie dans les relations russo-ukrainiennes et chercherait à collaborer avec le Président Porochenko et son successeur pour promouvoir la paix. »  Le 21 avril, M. Volodymyr Zelensky a en effet été élu à la tête du pays.

Vous auriez pu, a lancé l’Allemagne à Fédération de la Russie, féliciter le Président élu en saisissant l’occasion de sa victoire pour relancer la mise en œuvre des accords de Minsk ou remettre en liberté les 24 marins ukrainiens capturés en mer d’Azov en novembre dernier.  « Mais non », à la place, « vous le menacez », a observé le représentant.  Ce à quoi son homologue russe a estimé qu’il était un peu tôt pour envoyer des fleurs à M. Zelensky, compte tenu de ses « déclarations mitigées » au lendemain de son élection.

En visioconférence depuis Kiev, le Chef de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine, M. Ertuğrul Apakan, a pour sa part rappelé que, hier, le Groupe de contact trilatéral avait échoué à parvenir à un accord sur la reconduction du cessez-le-feu pendant la période de la Pâque orthodoxe. 

L’Ukraine avait unilatéralement annoncé sa décision d’un cessez-le-feu à partir du 18 avril, a-t-il dit, en se disant confiant qu’un tel accord peut toujours être passé.  « Un cessez-le-feu durable est une première étape avant de pouvoir s’occuper des autres questions sécuritaires sur le terrain », a fait valoir le Chef de la Mission spéciale.

L’Ukraine, pour qui le refus de la partie russe de permettre un cessez-le-feu à Pâques « n’est pas accidentel », a invité le Conseil de sécurité à prendre de nouvelles sanctions ciblées, expliquant que cela pousserait Moscou à mettre en œuvre ses obligations.  « Nous exhortons toutes les parties à éviter de prendre des mesures unilatérales qui puissent saper la mise en œuvre de ces accords, et de gérer les difficultés par le biais d’un dialogue constructif dans le cadre existant pour les négociations », a plaidé de son côté la Secrétaire générale adjointe. 

Si M. Martin Sajdik, le Représentant spécial du Président en exercice de l’OSCE en Ukraine et au sein du Groupe de contact trilatéral, s’est félicité de la baisse de presque moitié du nombre de victimes civiles, par rapport à 2017, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires a toutefois rappelé que le conflit ukrainien, vieux de cinq ans, demeure un conflit « actif » ayant provoqué la mort de plus de 3 300 civils et fait jusqu’à 9 000 blessés, avec actuellement 3,5 millions de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire dans l’est du pays.

« Un demi-million de personnes vivent dans un rayon de 5 kilomètres de la ligne de contact, où des tirs d’artillerie, des coups de feu, des mines terrestres et des engins explosifs improvisés mettent en danger des femmes et des enfants », a mis en garde Mme Mueller, qui est Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence.  Elle a expliqué que les dégâts causés aux infrastructures civiles sont considérables, en particulier pour les stations d’épuration et les écoles.

Aussi a-t-elle rappelé l’urgente nécessité de financer le Plan de réponse humanitaire 2019 lancé par l’ONU en faveur de l’Ukraine, qui vise à fournir à 2,3 millions de personnes la protection et l’assistance dont elles ont besoin pour retrouver leurs moyens de subsistance, ainsi qu’un accès aux services de base et aux infrastructures vitales.  Hélas, a constaté Mme Mueller, ce plan n’a obtenu jusqu’à présent que 9% à peine des 162 millions de dollars demandés.

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a indiqué que le 21 avril, des millions d’Ukrainiens avaient exercé leur droit démocratique de choisir leur prochain président, félicitant le peuple pour la façon pacifique dont se sont passées les élections.  L’ONU, notamment grâce à sa présence en Ukraine, est déterminée à continuer de travailler avec les autorités et le peuple ukrainiens pour soutenir la fourniture de l’aide humanitaire, la promotion et le respect des droits de l’homme, ainsi que la réforme engagée par le pays.  Mme DiCarlo a toutefois rappelé l’« ombre » qui a assombri ces élections, avec le conflit en cours dans l’est de l’Ukraine.  Dans cette région, de nombreux résidents ont été dans l’impossibilité d’exercer leurs droits démocratiques et continuent à faire face à des difficultés quotidiennes à cause de la situation.  

Un cessez-le-feu durable reste urgent et prioritaire, a indiqué Mme DiCarlo en disant regretter les discussions inachevées sur un nouvel engagement de cessez-le-feu à l’occasion de la Pâque orthodoxe, hier, lors de la réunion du Groupe de contact trilatéral à Minsk.  Le respect du cessez-le-feu devrait, a-t-elle rappelé, être accompagné du retrait des armes lourdes des zones habitées, du désengagement des forces et de la protection des civils et des infrastructures civiles.  Concernant l’aide humanitaire de l’ONU, elle a rappelé qu’elle ne devait pas être politisée ni instrumentalisée.

La Secrétaire générale adjointe a également parlé du décret présidentiel russe du 24 avril qui a rendu possible, pour les résidents de certaines régions de l’est de l’Ukraine, d’obtenir la citoyenneté russe grâce à une procédure simplifiée.  Les autorités ukrainiennes ont vivement protesté contre cette interférence sans précédent de la Fédération de Russie dans les affaires internes du pays et cette violation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’Ukraine, contraires aux accords de Minsk.

Mme DiCarlo a rappelé la résolution 2202 (2015) par laquelle le Conseil de sécurité a entériné l’« ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk », qui demande à toutes les parties d’appliquer pleinement ces mesures, avant de citer aussi la Déclaration présidentielle du 6 juin 2018, par laquelle le Conseil réaffirme le caractère central de ces accords.  L’ONU, a-t-elle déclaré, entend voir respecter par toutes les parties concernées l’esprit et la lettre des accords de Minsk.  « À cet effet, nous exhortons toutes les parties à éviter de prendre des mesures unilatérales qui puissent saper la mise en œuvre de ces accords, et de gérer les difficultés par le biais d’un dialogue constructif dans le cadre existant pour les négociations. »  Elle a rappelé également la réunion du Conseil de sécurité du 12 février dernier, qui s’est concentrée sur la mise en œuvre de ces accords et sur le conflit en cours. 

L’ONU, a-t-elle poursuivi, continue de soutenir les efforts du format Normandie, du Groupe de contact trilatéral et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour arriver à une solution pacifique à ce conflit vieux de cinq ans.  Elle a salué leur engagement à promouvoir la pleine mise en œuvre des accords, mais regretté le manque de progrès.  Après les récentes élections en Ukraine, ces efforts doivent se poursuivre urgemment avec une plus grande détermination, a-t-elle demandé, disant attendre de tous ceux qui sont concernés qu’ils agissent conformément aux accords de Minsk.  Il faut revitaliser les efforts diplomatiques, a-t-elle ajouté.  À toutes les parties, elle a demandé de faire preuve de la volonté politique nécessaire et de prendre les mesures permettant de réduire les tensions et de reprendre le dialogue de manière constructive, en utilisant les mécanismes existants.

L’ONU souligne son engagement envers la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans ses frontières reconnues internationalement, conformément aux résolutions y afférentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.  La Secrétaire générale adjointe a espéré, en conclusion, une dynamique positive pour mettre enfin un terme au conflit, soulignant que cela est nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité en Europe.

Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a déclaré que le conflit en Ukraine demeure un conflit « actif », avec un impact quotidien de part et d’autre de la ligne de contact.  « Après cinq ans de conflit, qui ont provoqué la mort de plus de 3 300 civils et fait jusqu’à 9 000 blessés, il y a 3,5 millions de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire dans la région », a-t-elle indiqué.  Un demi-million de personnes vivent dans un rayon de 5 kilomètres de la ligne de contact, où des tirs d’artillerie, des coups de feu, des mines terrestres et des engins explosifs improvisés mettent en danger des femmes et des enfants, a mis en garde Mme Mueller, qui a expliqué que les dégâts causés aux infrastructures civiles sont monnaie courante.  Ainsi, 24 incidents ont eu lieu en 2019 dans des stations d’eau et d’assainissement et 12 dans des écoles.  Au cours des deux derniers mois, des travailleurs civils ont essuyé des tirs alors qu’ils étaient en train d’effectuer des réparations sur des lignes électriques à Marinka et aussi entre Berëzovo et Oleniok, a précisé la haut fonctionnaire.  Elle a par ailleurs encouragé l’Ukraine à continuer de fournir le financement nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie nationale mise en place à l’intention des personnes déplacées. 

La Sous-Secrétaire générale a tenu à adresser trois messages à l’attention du Conseil.  Le premier, a-t-elle dit, c’est que la liberté de mouvement des personnes touchées par la crise doit s’améliorer.  Depuis avril 2014, plus d’un millier de civils ont été tués ou blessés par des mines et des restes explosifs de guerre, s’est-elle alarmée, en soulignant que ces incidents étaient la première cause de mortalité parmi les enfants l’an dernier.  « C’est inacceptable », a-t-elle tranché.  Son deuxième message a porté sur l’accès humanitaire dans l’est de l’Ukraine, qui reste imprévisible, en particulier dans les zones placées sous contrôle gouvernemental.  « L’assistance humanitaire ne devrait pas être politisée », a insisté Mme Mueller.  Enfin, celle-ci a souligné à quel point il faut redoubler d’efforts pour financer la réponse humanitaire.  Le Plan de réponse humanitaire 2019 vise à fournir à 2,3 millions de personnes la protection et l’assistance dont elles ont besoin pour retrouver leurs moyens de subsistance, ainsi qu’un accès aux services de base et aux infrastructures vitales, mais l’ONU n’a obtenu que 9% à peine des 162 millions de dollars demandés, a averti Mme Mueller.

En visioconférence depuis Kiev, le Chef de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine, M. ERTUĞRUL APAKAN, a fait le point sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du mandat de la Mission ainsi que de celle des accords de Minsk et sur les récentes discussions au sein du groupe de travail sur les problèmes sécuritaires du Groupe de contact trilatéral.  Il a rappelé que le 24 avril, les participants de ce groupe de travail n’étaient pas parvenus à un accord sur la reconduction du cessez-le-feu pendant la période de Pâques.  L’Ukraine avait unilatéralement annoncé sa décision d’un cessez-le-feu à partir du 18 avril, a-t-il dit en précisant qu’il reste confiant qu’un tel accord peut toujours être passé.  Un cessez-le-feu durable est une première étape avant de pouvoir s’occuper des autres questions sécuritaires sur le terrain, a fait valoir M. Apakan.  Depuis le dernier renouvellement d’engagement à respecter le cessez-le-feu à l’occasion de la Journée internationale de la femme, la Mission a enregistré plus de 50 000 violations du cessez-le-feu, y compris 15 000 explosions et 238 cas d’utilisation d’armes qui auraient dû pourtant être retirées conformément aux accords de Minsk, a-t-il précisé. 

Sur une note plus positive, il a fait état de progrès dans le déminage de zones situées autour de jardins d’enfants et d’écoles.  Mais dans l’ensemble, il n’a pas été possible d’aller de l’avant sur le dossier du renforcement du cessez-le-feu et les discussions sur le retrait de l’artillerie lourde ont été peu concluantes, a-t-il regretté.  M. Apakan a également fait état d’incidents liés aux mines qui, jusque-là, ont coûté la vie à 15 civils en 2019.  À l’approche de la période de Pâques, il a insisté pour que les sites comme les cimetières soient déminés de toute urgence le long de la ligne de contact.

Pour M. Apakan, la Mission spéciale d’observation reste un outil pour la sécurité mondiale.  Sa présence sur le terrain rassure les gens pris dans les feux croisés du conflit, a-t-il ajouté.  À travers son suivi, ses vérifications et ses comptes rendus, la Mission contribue à la stabilisation de la situation et facilite la mise en œuvre des accords de Minsk.  Il n’en reste pas moins qu’une amélioration durable de la situation sécuritaire ne pourra être réalisée que par les deux parties, a estimé le Chef de la Mission pour lequel il est urgent que les conditions de vie dans les zones touchées par le conflit s’améliorent, en particulier pour ce qui est des infrastructures civiles.  À ses yeux, cela passe par le retrait intégral des armes lourdes de ces zones, à commencer par les endroits fortement peuplés. 

De plus, les points de passage restent insuffisants par rapport au volume de la population qui passe chaque jour la ligne de contact, a-t-il dit en décrivant notamment la situation difficile du pont de Stanytsia Luhanska, seul point de passage dans la région de Louhansk.  M. Apakan a également fait état d’attaques visant les drones de la Mission, alors que la liberté de mouvement de ses membres reste toujours limitée, ce qui entrave sa capacité de remplir pleinement son mandat.  Il a conclu en soulignant la responsabilité des parties au conflit de permettre une vérification et un suivi en bonne et due forme par l’OSCE.

M. MARTIN SAJDIK, Représentant spécial du Président en exercice de l’OSCE en Ukraine et au sein du Groupe de contact trilatéral, a également pris la parole depuis Kiev.  Il a parlé de la réunion qui a eu lieu hier, à Minsk, au cours de laquelle il a indiqué, au nom de l’OSCE, que la dernière élection présentielle en Ukraine s’est tenue dans le respect des libertés fondamentales.  Au cours du processus électoral, les populations ont clairement souligné leur vœu de voir une paix durable dans l’est du pays, a-t-il relevé. 

Ces dernières années, a-t-il remarqué, le fossé s’est davantage creusé entre « certaines zones » de Donetsk et Louhansk qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement ukrainien et le reste du pays.  Ce clivage est incité, ces derniers mois, par un discours venant de « certaines zones », qui appellent à une intégration plus poussée avec la Fédération de Russie.  Cette rhétorique a été vidée de toute initiative de réintégration avec la partie de l’Ukraine contrôlée par le Gouvernement.  La division s’est aussi fait voir avec l’utilisation d’une monnaie différente dans « certaines zones » et par le fait que seulement cinq points d’entrée servent pour la circulation d’une population toujours plus nombreuse -environ 37 000 personnes par jour- qui traverse la ligne de contact, passant parfois six heures ou plus pour atteindre l’autre côté.  Dans ce contexte, le Représentant spécial a insisté sur l’amélioration des conditions de passage, appelant ainsi à l’ouverture de nouveaux points de passage.

Il s’est ensuite félicité de la baisse de presque moitié du nombre de victimes civiles, en comparaison aux chiffres de 2017.  Cependant, les mines et les engins non explosés représentent toujours un grave danger auprès de la ligne de contact.  De plus en plus de mines, notamment des mines antichars, continuent d’être posées, a-t-il déploré en faisant observer que la région est désormais « l’une des zones les plus minées au monde ».  Il a donc appelé à déminer et non à « re-miner ».  Il a aussi plaidé pour qu’un déminage humanitaire se fasse en priorité autour des écoles, des hôpitaux et des points de passage.  Il a regretté qu’un accord de cessez-le-feu n’ait pu avoir lieu au cours de la période de fête pascale.  Les parties le voulaient bien, mais elles n’ont pu s’entendre sur les termes de l’accord, a-t-il noté.  Il a dit espérer que la Pâque orthodoxe et les vacances de mai se déroulent de manière paisible. 

Sur le plan économique, le Représentant spécial de l’OSCE a dit que son organisation avait œuvré au maintien de l’approvisionnement en eau, tout en améliorant la communication par téléphone cellulaire autour de la ligne de contact.  Il a déclaré que les discours tenus par le nouveau Président ukrainien rendaient optimiste quant à la possibilité de résoudre les divisions.  Il est urgent, a dit M. Sajdik, de ne plus aggraver la déconnexion des deux côtés de la ligne de contact et d’annuler les mesures de perturbation qui ont déclenché l’interruption brutale des liens économiques en mars 2017.  Cela concerne aussi la réinstauration du trafic ferroviaire, y compris pour les passagers.  Il a aussi rappelé que des solutions existent, comme en témoignent les propositions du Comité international de la Croix-Rouge  (CICR).  M. Sajdik a enfin rappelé que le but ultime de toutes les actions devait être la mise en œuvre des accords de Minsk.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a fermement condamné la décision de la Russie de faciliter l’octroi de la nationalité russe aux citoyens ukrainiens résidant dans certaines zones des oblasts ukrainiens de Donetsk et Louhansk, ce qui selon lui porte délibérément atteinte à l’esprit des accords de Minsk.  Cette décision « provocatrice » intervient au lendemain de l’élection d’un nouveau président en Ukraine qui a fait d’une politique de main tendue vers les populations de l’est de l’Ukraine un des aspects centraux de sa campagne électorale, a noté M. Delattre, alors que cinq ans après le début de la déstabilisation du Donbass, la Russie manifeste en revanche son absence de volonté politique de contribuer à la mise en œuvre des accords de Minsk, et son mépris pour les engagements auxquels elle a souscrit.  Pour la France, la dernière décision russe constitue « une atteinte flagrante à la souveraineté de l’Ukraine, tout comme l’avait été l’organisation de pseudo-élections en territoires sous contrôle séparatiste le 11 novembre dernier ». 

Dans ce contexte, La France est d’avis que « les prétendus motifs humanitaires avancés par la partie russe n’ont aucun fondement ».  Le représentant a accusé les autorités séparatistes d’entraver l’accès des organisations humanitaires aux territoires qu’elles contrôlent, contribuant ainsi à aggraver la situation des personnes les plus vulnérables.

Par ailleurs, il est urgent d’améliorer de manière durable, la situation sécuritaire, a poursuivi M. Delattre, qui a noté que le cessez-le-feu n’était toujours pas respecté, pas plus que le retrait des armes lourdes alors que les mines continuent de faire des victimes de manière indiscriminée.  Il a souligné la « responsabilité indéniable » de la Russie, du fait de son influence considérable sur les séparatistes, qu’elle continue de soutenir financièrement et militairement.  La France condamne en outre les entraves à la circulation des membres de la Mission spéciale d’observation, ainsi que les atteintes à la sécurité de ses personnels et de ses équipements en zone séparatiste.

En conclusion, M. Delattre a estimé que « la solution à cette crise n’est pas de donner des passeports russes à des citoyens ukrainiens », mais elle est de respecter les engagements pris dans le cadre des accords de Minsk en vue de mettre un terme au conflit.  Il a réaffirmé l’attachement de la France à l’intégrité territoriale, à l’indépendance et à la souveraineté de l’Ukraine, avant d’exprimer sa disposition à poursuivre ses efforts, aux côtés de l’Allemagne, en vue du règlement du conflit, dans la cadre des négociations en format Normandie. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a condamné la décision de la Fédération de Russie d’accorder de façon accélérée la citoyenneté russe aux Ukrainiens vivant dans le Donbass sous contrôle russe.  « Par cette action hautement provocante, la Russie intensifie manifestement son attaque contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Le Donbass est l’Ukraine et ses habitants sont ukrainiens, quelle que soit la langue qu’ils préfèrent parler.  Accorder en masse la citoyenneté aux citoyens d’un autre État sape et viole le principe même de souveraineté. »  Le représentant des États-Unis a ajouté que « les actions russes détournent les principes sur lesquels reposent les accords de Minsk: le Donbass fait partie intégrante de l’Ukraine et le Gouvernement ukrainien doit rétablir le contrôle sur ce territoire ».

M. Cohen a jugé « inacceptables » les mesures russes qui entravent le processus de paix, quatre jours seulement après l’élection présidentielle en Ukraine.  « Nous nous félicitons de l’engagement exprimé par le Président élu Zelensky de mettre en œuvre les accords de Minsk et de redoubler d’efforts pour soutenir les citoyens ukrainiens vivant dans les territoires contrôlés par la Russie.  Si la Russie était vraiment intéressée par le bien-être des citoyens russes ukrainiens, elle saisirait ce moment pour tracer une nouvelle voie dans les relations russo-ukrainiennes et chercherait à collaborer avec le Président Porochenko et son successeur pour promouvoir la paix.  Au lieu de cela, la Russie alimente un conflit qui a déjà coûté la vie à plus de 13 000 personnes », a argué le délégué américain.

Les États-Unis se sont dits prêts à soutenir les efforts de l’Ukraine visant à rétablir le contrôle de son gouvernement sur tout le territoire se trouvant à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  « Nous affirmons une nouvelle fois que nos sanctions liées au Donbass resteront en vigueur jusqu’à ce que la Russie retire ses forces de l’est de l’Ukraine et applique les accords de Minsk. »   Le représentant a ajouté que les sanctions américaines liées à la Crimée resteraient en vigueur jusqu’à ce que la Russie redonne à l’Ukraine le contrôle de la péninsule.

M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS YABRA (République dominicaine) a exhorté les parties à réaffirmer leur attachement au multilatéralisme et à s’abstenir de toute mesure susceptible d’accroître les tensions.  Après avoir pris note du bon déroulement des élections en Ukraine, le représentant a salué l’engagement du Président élu à vouloir relancer la mise en œuvre des accords de Minsk.  Le représentant s’est ensuite félicité de la solidarité démontrée par les Nations Unies en vue d’aider la population civile à surmonter les difficultés qui se posent dans l’est de l’Ukraine.  Sa délégation a, en conclusion, invité toutes les parties à s’engager dans un dialogue dans le cadre actuel du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral.

Pour Mme THANDEKILE TSHABALALA (Afrique du Sud), il est urgent que les hostilités cessent dans l’est de l’Ukraine, d’autant plus que les tensions en cours exacerbent la situation humanitaire sur le terrain.  Les parties doivent veiller à une désescalade rapide des tensions, a-t-elle exigé, ajoutant que tout progrès passe par le respect de leurs engagements respectifs dans le cadre des accords de Minsk.  Elle a également appelé les parties à ne prendre aucune mesure qui pourrait faire escalader les tensions et déstabiliser davantage la situation sur le terrain.  De plus, la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine doit pouvoir travailler sans subir d’entrave à sa mobilité ou à son accès, conformément à son mandat, a demandé la représentante.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a estimé que les accords de Minsk restent la seule voie pour arriver à une solution politique durable de ce conflit et a condamné la mesure unilatérale de la Russie de faciliter l’octroi de la nationalité russe aux populations résidant dans certaines régions des oblasts ukrainiens de Louhansk et Donetsk.  La Belgique attend de toutes les parties qu’elles s’abstiennent des mesures unilatérales et qu’elles mettent rapidement en œuvre ces accords et honorent leurs engagements.  Elle soutient les efforts menés par le Groupe de contact trilatéral, l’OSCE ainsi qu’en format Normandie et appelle les parties à respecter le cessez-le-feu et le mandat de la Mission spéciale d’observation.  Elles doivent permettre à cette mission un accès sûr et sans entrave à tout le territoire ukrainien, y compris le long de la frontière entre l’Ukraine et la Russie et à la Crimée.  La Belgique appelle en outre les parties à dépasser leurs divergences et à s’investir pleinement dans la reprise du dialogue indispensable pour arriver à une paix juste et durable.

Constatant la difficulté de la situation humanitaire et le fait que la population civile des deux côtés de la ligne de contact souffre de la présence d’armes lourdes, ce qui est contraire aux accords de Minsk, la représentante a appelé à un retrait complet de ces armes, à un désengagement des troupes des zones désignées, et à y autoriser un accès humanitaire.  Pour la Belgique, la récente élection présidentielle en Ukraine a été une épreuve réussie pour la démocratie ukrainienne.  Elle félicite le peuple ukrainien pour cette démonstration de maturité démocratique et l’encourage à poursuivre le processus de réforme et la mise en œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a dit que les mécanismes comme le Groupe de contact trilatéral, le format Normandie et les accords de Minsk sont autant d’approches qui peuvent conduire à la paix en Ukraine.  Il a déploré le fait que le processus de paix en Ukraine soit au point mort, avant de féliciter le pays pour les dernières élections qui, a-t-il souhaité, permettront de relancer le dialogue.  Il a aussi invité toutes les parties à privilégier la paix.  Après avoir salué la baisse de la violence, il s’est inquiété de la situation humanitaire qui ne cesse de s’aggraver.  Le représentant a demandé que le personnel humanitaire puisse accéder aux zones dans le besoin.  La Guinée équatoriale demande aussi aux parties en conflit d’assurer la protection des populations civiles, notamment les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.  Pour la délégation, la solution à cette crise ne peut être trouvée que par le dialogue. 

M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a exhorté les parties à s’abstenir de toute provocation susceptible de retarder la mise en œuvre des accords de Minsk, en faveur de laquelle elles doivent œuvrer.  Il leur a également demandé de privilégier la recherche d’une solution globale par le biais de l’Article 43 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit que les États Membres de l’ONU « s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l’assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a dit condamner fermement la décision russe de faciliter l’obtention de la citoyenneté russe aux ressortissants ukrainiens vivant dans les zones de Donetsk et Louhansk sous contrôle russe.  Selon lui, la Fédération de Russie essaye de faire monter les tensions avec l’Ukraine quelques jours seulement après l’élection présidentielle dans ce pays.  La Pologne a relevé que le droit international ne permet pas à un État de prendre des mesures de naturalisation en masse de ressortissants d’un pays tiers résidant dans ce pays.  Il s’agit, selon le délégué, d’un « acte illégal de coercition contre l’Ukraine », et cela sape la mise en œuvre des accords de Minsk de 2014 et 2015. 

La Pologne note que ce n’est pas la première fois que la Fédération de Russie prend de telles mesures illégales contre des pays de la région, rappelant que la mesure de « passeportisation » avait déjà été expérimentée en Géorgie, dans les régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.  Le représentant a appelé la communauté internationale à ne pas cautionner cette « cascade de violations » du droit internationale de la part de la Fédération de Russie. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a constaté avec regret que « des divergences d’interprétation compromettent la mise en œuvre de l’accord de Minsk, en format Normandie, signé le 12 février 2015 ».  En effet, la situation sur le terrain reste caractérisée par des violations récurrentes du cessez-le-feu et des entraves à la circulation de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE.  Le représentant a également regretté le climat de méfiance entre les parties ukrainiennes qui constitue, à ses yeux, un obstacle majeur susceptible d’annihiler les efforts de la communauté internationale qui visent le retour de la paix dans le Donbass.  Il a donc appelé toutes les parties à la retenue et les a exhortées à la mise en œuvre dudit accord afin de sauver de nombreuses vies humaines et d’éviter la destruction d’infrastructures civiles essentielles à la fourniture des services sociaux de base aux populations en détresse.  Il a enfin réaffirmé l’appui de la Côte d’Ivoire à toutes les actions et initiatives visant à trouver une issue politique négociée à la crise en Ukraine.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) s’est déclaré préoccupé non seulement de la décision des autorités russes d’accorder la citoyenneté russe à des résidents de Donetsk et Louhansk, mais aussi de la loi adoptée par le Gouvernement ukrainien qui vise à renforcer l’utilisation de la langue ukrainienne, ce qui pourrait porter préjudice aux minorités ethniques dans le pays.  Il faut que les parties réaffirment leur engagement en faveur de la mise en œuvre des accords de Minsk, a-t-il recommandé.  Enfin, le représentant a tenu à rappeler que la population civile, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées, continue d’être la principale victime de ce conflit. 

M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que la Chine avait toujours respecté la souveraineté territoriale de tous les gouvernements, y compris celle de l’Ukraine.  La Chine, a-t-il ajouté, s’oppose à toute ingérence de quelle que force extérieure que ce soit.  Il a estimé que la situation stagnait dans l’est de l’Ukraine du fait de la non-application des accords de Minsk.  Il faut donc faire baisser les tensions par la voie du dialogue et assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés du pays, a plaidé le représentant chinois.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a jugé urgent pour les parties de s’abstenir de toutes actions susceptibles d’être perçues comme des provocations.  Il les a également appelées à mettre pleinement en œuvre la résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité ainsi que les accords de Minsk.  La solution à la crise, a-t-il affirmé, reste exclusivement politique et devrait être trouvée dans le cadre d’un dialogue inclusif et direct. 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a rappelé que le conflit en Ukraine avait déjà fait 13 000 morts et qu’aujourd’hui, trois millions et demi de personnes avaient besoin d’assistance humanitaire.  « Nous sommes ici parce que la Fédération de Russie a déployé des troupes en Ukraine et y a tenu un référendum illégal. »  Le représentant a aussi rappelé que des navires ukrainiens avaient été attaqués par la Fédération de Russie dans la mer d’Azov.  Selon lui, tous ceux qui estiment que l’intégrité territoriale est importante devraient donc demander à la Fédération de Russie de mettre fin à ces actes. 

Il a en outre déploré la décision russe d’octroyer des passeports russes aux citoyens ukrainiens.  Le Royaume-Uni a invité la Fédération de Russie à se focaliser sur la mise en œuvre des accords de Minsk que le Conseil de sécurité avait entérinés.  Le mois dernier a marqué le cinquième anniversaire de l’annexion illégale de la Crimée, avec comme conséquences des détentions arbitraires, des sévices et d’autres exactions dont sont victimes les Ukrainiens, s’est désolé le représentant.  Il a ensuite félicité le nouveau Président ukrainien, soulignant la volonté du Royaume-Uni de travailler avec lui, et invitant la Fédération de Russie à faire de même pour ramener le calme dans le pays.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit qu’il n’était pas surpris de la convocation de cette réunion, facilitée par l’Allemagne, mais qu’elle était l’occasion de dire des choses que l’Ukraine n’aura pas envie d’entendre.  « Après avoir écouté nos collègues occidentaux, on pourrait avoir l’impression que la Russie force les habitants du Donbass à changer de citoyenneté », a observé le représentant.  Aussi a-t-il souhaité raconter une autre version de cette histoire.  Le Président russe, a-t-il reconnu, a signé un décret qui permet aux habitants de Donetsk et de Louhansk qui le souhaitent d’être naturalisés russes par le biais d’une procédure simplifiée.  Il a dénombré 334 000 personnes qui auraient fait des demandes de passeports russes, « un chiffre témoignant de la forte demande parmi les citoyens ukrainiens pour échapper aux conditions de vie insupportables qui sont les leurs dans le Donbass », où, depuis 2017, le blocus économique n’a fait que « se durcir et s’institutionnaliser ».  « Dès lors, nous n’avons fait que répondre aux aspirations de ces populations », s’est justifié le représentant, qui a dénoncé les privations qui ont été imposées à celles-ci. 

Alors que rien n’a changé depuis cinq ans, a-t-il déploré, les résidents de Donetsk et Louhansk ont, à son sens, le droit d’obtenir une protection sociale, des soins de santé et le respect de leurs libertés individuelles fondamentales.  Aujourd’hui, les Occidentaux font preuve de « mauvaise foi » en accusant la Russie de tous les maux, a-t-il lancé.  La décision du Président Putin s’inscrit aussi dans le cadre de l’allègement des mesures migratoires qui permet à chaque État européen souverain de décider à qui il souhaite accorder la citoyenneté de son pays, a-t-il encore argué.  M. Nebenzia a précisé, en conclusion, que ces nouveaux citoyens russes pourront conserver leur citoyenneté ukrainienne. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a ouvertement exprimé sa « fascination » pour la diplomatie russe.  En Ukraine, il y a un nouveau président, que vous auriez pu féliciter en saisissant l’occasion pour relancer la mise en œuvre des accords de Minsk ou pour remettre en liberté les 24 marins capturés en mer d’Azov.  « Mais non », au lendemain de l’élection de M. Volodymyr Zelensky, « vous le menacez », a observé le représentant.  « En Russie, on ne manque jamais d’être cynique », a-t-il poursuivi, en faisant remarquer que l’entrée en vigueur de la décision du Président Putin coïncidait avec la toute première Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix, qui a été célébrée hier, le 24 avril 2019.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a accusé la « diplomatie subversive russe » de vouloir de nouveau manipuler les gens et déformer les faits.  Selon lui, ce pays utilise un double langage en blâmant les autres.  Le représentant a donc dit vouloir « convoquer l’histoire », rappelant qu’alors qu’un pays de la région était bombardé par l’armée russe, le Ministre des affaires étrangères russe avait déclaré que « les bombardiers russes jetaient non pas des bombes, mais des vivres aux populations affamées ».  Il a donc jugé « cynique » que l’offre de passeport soit assimilée à une mesure humanitaire, avant de dire que le décret du Président russe est une interférence de plus de la Fédération de Russie dans les affaires intérieures d’un État indépendant, tout en constituant une violation des engagements de ce pays en vertu des accords de Minsk. 

Le représentant a indiqué que le refus de la partie russe de permettre un cessez-le-feu à Pâques n’est pas accidentel, le Kremlin ayant même violé délibérément le droit international humanitaire qui interdit à des autorités occupant un territoire étranger de modifier la citoyenneté des habitants du lieu.  Selon lui, c’est parce que la Fédération de Russie ne peut plus nier la présence de ses militaires et mercenaires dans le Donbass que le pays change le discours qu’il avait depuis cinq ans.  Ainsi, on passe de « nous ne sommes pas présents » à « ce sont nos citoyens là-bas ».  M. Yelchenko a dit qu’on avait déjà entendu ce langage avant la Deuxième Guerre mondiale, ensuite en Géorgie: « on sait où ce slogan mène ».  Il a ainsi rappelé qu’en 2006 déjà, 90% des résidents de l’Ossétie du Sud avaient aussi la citoyenneté russe. 

En 2008, avec le début des hostilités, le Président russe avait relevé que des citoyens russes résidant la région en conflit mourraient et prévenu que cela ne devait pas rester sans conséquence pour les auteurs de ces meurtres.  « Vous connaissez le suite », a-t-il lancé aux membres du Conseil.  Le délégué a expliqué que la distribution de passeports russes dans le Donbass risquait donc d’être utilisée plus tard pour légitimer une présence militaire russe sous le prétexte de la protection de futurs citoyens russes.  Il a accusé le Kremlin d’appliquer le scénario expérimenté en Géorgie et de tenter ainsi de justifier une occupation de ces territoires pour ensuite « démembrer l’Ukraine ». 

Le représentant ukrainien a donc demandé au Conseil de sécurité de choisir entre « terminer la réunion sans décision », pour entendre comme à l’accoutumée l’expression par les délégations de « profondes inquiétudes », ou alors « appeler les deux parties à respecter les accords de Minsk ».  Il a dit que « tant que la majorité des membres du Conseil ne prennent pas une décision claire, même si celle-ci est décriée par la Fédération de Russie, le comportement agressif de leur voisin ne prendra jamais fin ». 

« Est-ce que les dirigeants russes se rendent comptent qu’il s’agit d’une bombe à retardement? » a lancé le délégué tout en imaginant qu’ils en sont probablement conscients, et qu’ils le font même exprès, puisque « la mise en œuvre des accords de Minsk n’a jamais été leur objectif ».  L’Ukraine invite donc le Conseil de sécurité à prendre de nouvelles sanctions ciblées, a dit le représentant, expliquant que cela poussera la partie russe à mettre en œuvre les accords de Minsk.  Pour lui aussi, cette « passeportisation illégale des citoyens ukrainiens » est en fait la reconnaissance de l’annexion russe, a-t-il argué en ironisant sur le fait que les Russes sont en porte à faux avec leur propre propagande qui faisait croire qu’ils ne sont pas présents en Ukraine.  De plus, la distribution « humanitaire » de passeports est généralement le prélude à de nouvelles annexions, a-t-il remarqué. 

Le représentant a donc affirmé que l’Ukraine ferait de son mieux pour protéger les droits de ses citoyens vivant dans les territoires occupés.  Le décret d’hier du Président russe est illégal de l’avis de l’Ukraine qui ne reconnaît aucune conséquence de cet acte.  Selon la délégation, le Conseil de sécurité doit déclarer que ce décret est nul et de nul effet.  Le représentant a donc demandé l’annulation dudit décret.  Il a enfin demandé au Représentant spécial de l’OSCE si la décision russe allait faciliter ou entraver la mise en œuvre des accords de Minsk, avant de demander à Mme Mueller si ce décret russe faciliterait l’assistance humanitaire dans l’est de l’Ukraine.

Le représentant de la Fédération de Russie, reprenant la parole, s’est demandé comment le Président avait pu se procurer ce « manuel diplomatique secret », au sujet duquel il a promis de donner d’autres détails ultérieurement.  « Rien de nouveau aujourd’hui, a-t-il assuré, mais il paraît que la Russie aurait perturbé la trêve de Pâques. »  Pourquoi n’y a-t-il pas plus de réconciliation à l’occasion de cette fête? a-t-il demandé à son collègue ukrainien.  Il a rappelé que le peuple ukrainien avait rejeté massivement tout ce qu’avait fait le Président Porochenko, estimant que ce peuple était « fatigué de cette politique d’accusation » contre la Russie.  Selon M. Nebenzia, la clef de ce conflit se trouve à Kiev, et non à Moscou.  « Quant aux fleurs que nous aurions pu envoyer au Président élu, il est un peu tôt pour le faire, vu les signaux pour le moins contradictoires qu’il a envoyés jusqu’à présent à la Fédération de Russie. »  Le représentant a affirmé qu’« un certain nombre de pays européens naturalisent des Ukrainiens ».  Il s’est donc demandé pour quelle raison cela poserait un problème que la Russie fasse de même, avec leur consentement, et pour des raisons humanitaires.

« Où se posent les obstacles les plus importants en Ukraine: dans la partie russe ou la partie sous contrôle gouvernemental? » a demandé le représentant de l’Allemagne.

Le Chef de la Mission spéciale d’observation, à qui était adressée la question, a répondu que l’accès dans les zones qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement était limité. 

La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires a rappelé en conclusion que l’assistance humanitaire ne devait être en aucun cas politisée mais au contraire être fondée sur les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. 

 

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