En cours au Siège de l'ONU

8502e séance – matin
CS/13764

Conseil de sécurité: en Haïti, la « fin du maintien de la paix est à portée de main », malgré l’« incertitude politique » et la « fragilité économique »

« La fin du maintien de la paix en Haïti est à portée de main », a affirmé, ce matin, au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, en soulignant toutefois que la « fluidité politique » et la « fragilité économique » dans le pays justifient le maintien d’une présence de l’ONU après le retrait, le 15 octobre, de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH).

Présentant le dernier rapport sur les activités de la Mission, le haut fonctionnaire a indiqué que les progrès observés en Haïti, ces trois derniers mois, dans certains domaines sont tempérés par « une fragilité et une stagnation » dans d’autres.  « Tandis que les efforts pour améliorer la situation sécuritaire ont abouti à des résultats mitigés, l’incertitude politique s’est poursuivie avec la chute du Gouvernement », a-t-il précisé.

Si aucune violence n’a émaillé les manifestations depuis les soulèvements de février dernier, qui avaient fait 41 morts et 100 blessés et conduit à la restriction des libertés individuelles, des affrontements entre gangs rivaux, reflets probables de conflits d’intérêts criminels, continuent de perturber la vie des quartiers sud de Port-au-Prince et de provoquer des incidents isolés dans les régions du nord et d’Artibonite, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.

Néanmoins, la Police nationale haïtienne, appuyée par la MINUJUSTH, continue de démontrer sa capacité de répondre aux menaces sécuritaires, s’est félicité M. Lacroix.  De plus, la réactivation le 12 mars, par le Président Moïse, de la Commission nationale pour le désarmement, le démantèlement et la réintégration marque une étape importante vers l’appropriation nationale des efforts en vue de réduire la violence.

Mais la vie politique reste mouvementée, comme l’illustre la « séquence tumultueuse » en date du 18 mars dernier, au cours de laquelle le Gouvernement du Premier Ministre Jean-Henry Céant a été visé par une motion de censure à la chambre basse du Parlement.  « Le Président Jovenel Moïse a initié des consultations pour former son troisième gouvernement depuis qu’il a pris ses fonctions en février 2017, et nommé Jean-Michel Lapin comme Premier Ministre par intérim », a expliqué le Secrétaire général adjoint.

« Les manifestations de ces derniers mois », a reconnu M. Bocchit Edmond, Ministre des affaires étrangères et des cultes d’Haïti, « ont mis en évidence les étapes cruciales à franchir, notamment la nécessité impérieuse de renforcer la lutte contre l’insécurité et la corruption multiforme, et d’améliorer substantiellement, et sans délai, les conditions de vie de tous les segments de la population ».

Cette instabilité politique n’est pas sans conséquences sur le plan économique, comme en témoigne le sort du prêt consenti le 8 mars par le Fonds monétaire international (FMI), d’un montant de 229 millions de dollars, et qui était porteur d’optimisme dans une économie en berne, marquée par une inflation de 17% et une dépréciation de la devise nationale.  Or, ce prêt ne se matérialisera pas avant qu’un nouveau gouvernement ne soit formé, a expliqué le Secrétaire général adjoint.

Préoccupé par le fait que « l’opposition radicale » ait cherché à faire démissionner le Président Jovenel Moïse, le Chef de la délégation de l’Union européenne (UE), M. João Pedro Vale de Almeida, a noté que parallèlement d’autres acteurs politiques et la société civile appellent à « un véritable dialogue national qui, après plusieurs tentatives infructueuses, tarde toujours à se mettre en place ».

Un dialogue constructif et inclusif qui devra se dérouler entre les dirigeants gouvernementaux de tous les horizons politiques haïtiens, la société civile, les organisations confessionnelles et le secteur privé, « afin de trouver des solutions durables à la crise politique et économique actuelle », a précisé la délégation des États-Unis, suivie par la Belgique, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la Pologne ou encore la Fédération de Russie.  Le Ministre haïtien des affaires étrangères a d’ailleurs affirmé qu’une requête d’assistance technique a été émise par le Comité de facilitation du dialogue national pour la mise à disposition d’un expert « chevronné » des Nations Unies.

La plupart des membres du Conseil ont approuvé la recommandation du Secrétaire général de remplacer la MINUJUSTH par une mission politique spéciale sous la forme d’un « petit bureau consultatif stratégique » pour aider Haïti à répondre à ses besoins les plus urgents.

L’état de droit, la sécurité, le développement et aussi les droits de l’homme devront continuer de faire l’objet d’un accompagnement de la part de l’ONU, ont considéré les membres du Conseil à la suite de M. Lacroix.  La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a souligné qu’établir les responsabilités pour les actes de violence est tout aussi essentiel pour la stabilité et le développement durable d’Haïti. 

« Malgré un meilleur professionnalisme, la Police nationale haïtienne a commis de graves violations, voire des exécutions sommaires, sans vraiment avoir répondu de ses actes, en dépit d’enquêtes.  En 2018, seuls 12% des cas confirmés avaient fait l’objet d’une procédure judiciaire et aucune mesure n’a été prise dans les affaires les plus emblématiques », a dénoncé Mme Bachelet.  Parallèlement, les détentions préventives illégales se banalisent, conduisant à une explosion de la population carcérale, avec pour corollaire des violations des droits de l’homme, a-t-elle analysé.

Le sort des femmes, confrontées à des obstacles dans leur accès aux services sociaux, à l’éducation et à la santé, avec l’un des taux les plus élevés de mortalité maternelle « au monde », a fait l’objet d’une intervention de Mme Lune Viaud, la Directrice exécutive de l’ONG « Zanmi Lasante ».  Elle a alerté sur le fléau des violences sexuelles, « un sujet dont personne ne veut parler » et réclamé la fin de l’impunité, la modernisation du Code pénal, l’adoption d’une « loi exhaustive » et des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique à la notion de « consentement ».  Le Canada a insisté pour que la future mission politique spéciale soit dotée d’une « forte capacité de conseil en égalité en genre ». 

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (MINUJUSTH) S/2019/198

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a indiqué que les progrès observés en Haïti dans certains domaines sont tempérés par une fragilité et une stagnation dans d’autres.  « Tandis que les efforts pour améliorer la situation sécuritaire ont abouti à des résultats mitigés, l’incertitude politique s’est poursuivie avec la chute du Gouvernement », a-t-il précisé.  Aucune manifestation émaillée de violences n’a eu lieu depuis les 10 jours de soulèvement de février dernier, qui avaient fait 41 morts et 100 blessés et conduit à la restriction des libertés individuelles.  Les appels répétés à la mobilisation lancés par l’opposition et les groupes activistes à la population, qui exigent la démission du Président, ont été peu suivis.  « Néanmoins, des affrontements entre gangs rivaux, reflets probables de conflits d’intérêts criminels, continuent de perturber la vie dans les quartiers sud de Port-au-Prince et à provoquer des incidents isolés dans les régions du nord et d’Artibonite », a relevé le haut fonctionnaire.  Dans ce contexte, il a vigoureusement condamné l’attaque du 27 mars perpétrée par des éléments armés contre le convoi de l’Ambassadeur chilien qui se rendait auprès d’une ONG chilienne à Croix de Bouquets.  L’attaque a fait un mort et trois blessés. 

Au cours de la période à l’examen, la Police nationale haïtienne a continué de démontrer sa capacité de gérer les menaces sécuritaires dans le pays, y compris au travers de la planification et la mise en œuvre des opérations antigangs, avec un soutien limité de la MINUJUSTH.  En outre, la réactivation, le 12 mars, par le Président Moïse, de la Commission nationale pour le désarmement, le démantèlement et la réintégration est une étape importante vers l’appropriation nationale des efforts en vue de réduire la violence.  Sur le plan politique, le 18, lors d’une « séquence tumultueuse », le Gouvernement du Premier Ministre Céant a été visé par une motion de censure à la chambre basse du Parlement, avec 93 votes en faveur, 6 contre et 3 abstentions, après l’échec d’une « session d’interpellation » à réunir le quorum nécessaire.  « Le Président Moïse a initié des consultations pour former son troisième gouvernement depuis qu’il a pris ses fonctions en février 2017, et a nommé le Ministre Jean-Michel Lapin comme Premier Ministre par intérim », a expliqué le Secrétaire général adjoint.

Sur le plan socioéconomique, un accord conclu le 8 mars dernier entre le Fonds monétaire international, le Gouvernement haïtien et la Banque centrale d’Haïti était initialement porteur d’optimisme dans une économie en berne, marquée par une inflation de 17% et une dépréciation de la devise nationale.  Le prêt consenti sur trois ans, d’un montant de 229 millions de dollars, a été envisagé pour venir en aide aux segments les plus vulnérables de la population et promouvoir la réforme de la gouvernance et les mesures anticorruption.  « Toutefois, ce prêt ne se concrétisera pas tant qu’un nouveau gouvernement ne sera pas formé.  Il en va de même pour la présentation au Parlement du budget provisionnel de l’État pour l’exercice 2018-2019 et de la Loi électorale d’octobre », a mis en garde M. Lacroix.  Sur une note plus encourageante, l’établissement, par le Président Moïse, d’une commission de facilitation pour un dialogue interhaïtien a le potentiel pour revitaliser la cohésion nationale, a-t-il estimé. 

Pour le haut fonctionnaire, la fin du maintien de la paix en Haïti est à portée de main.  « Dans cette perspective, afin de créer les conditions d’une transition réussie, la MINUJUSTH continuera de mettre en œuvre son mandat pour poursuivre et ancrer les progrès dans la mise en œuvre des critères de référence.  Alors que l’évolution de la situation en Haïti depuis juillet dernier a confirmé la fluidité politique et la fragilité économique du pays, nous ne pouvons perdre de vue les progrès réalisés tout récemment dans le renforcement des institutions du pays, avec la Police nationale au premier plan », a résumé le Secrétaire général adjoint.  Le plan de développement stratégique quinquennal de la Police nationale haïtienne pour 2017-2021 est sur la bonne voie.  Le ratio officier de police pour 1 000 habitants se situe à 1,32 proche de la cible de 1,45, et le pourcentage de personnel de la PNH présent dans les régions a dépassé les 35%, s’est-il félicité.

M. Lacroix a déclaré que le Secrétariat de l’ONU appuie le souhait des dirigeants haïtiens de mettre fin au maintien de la paix en Haïti et au mandat de la MINUJUSTH en octobre prochain, et de prendre en charge la sécurité du pays et la responsabilité qui va de pair.  Simultanément, le Secrétaire général recommande de continuer à accompagner Haïti « avec bons offices, droits de l’homme et capacités de conseil », recommandation qui se fonde sur une évaluation des besoins les plus pressants, a nuancé le haut fonctionnaire.  « Nous estimons que le petit bureau consultatif stratégique préconisé dans le rapport constitue la configuration idéale pour répondre à de tels besoins en Haïti à ce stade », a-t-il ajouté.  Si les recommandations du Secrétaire général sont approuvées, les travaux de la MINUJUSTH au cours des six prochains mois seront consacrés à l’appui aux priorités des dirigeants et du peuple haïtiens.  Simultanément, a-t-il dit, nous cesserions certaines activités progressivement, retirerions la présence opérationnelle de la police et préparerions une « transition en douceur » vers la présence postmaintien de la paix.  L’engagement du Conseil de sécurité et des pays de la région au cours de cette période sera crucial, a estimé le haut fonctionnaire en conclusion, avant de se féliciter de la demande faite par le Gouvernement haïtien d’accéder au Fonds pour la consolidation de la paix. 

Haïti, a dit Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, est un pays bien différent de ce qu’il était en 2004 quand les soldats de la paix des Nations Unies ont été déployés.  Mais, a-t-elle prévenu, des problèmes structurels graves persistent.  Les revendications sociales, la corruption, la faiblesse des institutions constituent les principaux obstacles à la réalisation des droits de l’homme en Haïti.  Ce sont d’ailleurs les problèmes de pauvreté, de manque d’accès aux services sociaux de base et de criminalité qui ont enclenché des troubles de plus en plus violents depuis le mois de juillet dernier.  Au moins 60 personnes ont été tuées jusqu’ici et entre le 7 et le 15 février de cette année, la manifestation la plus longue et la plus violente a presqu’entièrement paralysé le pays, aggravant la situation dans les hôpitaux et dans les prisons, et rétrécissant l’accès à l’eau, à la nourriture et aux médicaments.

Les autorités haïtiennes ont répondu par des mesures pour faire baisser les prix, augmenter les salaires, lutter contre la corruption et agir dans l’affaire PetroCaribe.  Il faut s’en féliciter, a dit Mme Bachelet, mais établir les responsabilités pour les actes de violence et assurer un dialogue constructif et inclusif entre les différents acteurs de la société haïtienne est également essentiel pour la stabilité et le développement durable.  Malgré un meilleur professionnalisme, la Police nationale haïtienne a commis de graves violations des droits de l’homme, voire des exécutions sommaires, sans vraiment avoir répondu de ses actes, malgré les enquêtes.  En 2018, seuls 12% des cas confirmés de violations des droits de l’homme avaient fait l’objet d’une procédure judiciaire et aucune mesure n’a été prise contre les affaires les plus emblématiques. 

La faiblesse du système judiciaire a aussi un impact négatif sur le système pénitentiaire, a poursuivi Mme Bachelet.  Plus de 75% des détenus sont en détention préventive pour une moyenne de 1 100 jours, soit bien plus que la moyenne fixée par la loi.  En conséquence, les prisons sont surpeuplées et caractérisées par des traitements dégradants et inhumains, l’absence de conditions sanitaires élémentaires et le manque d’accès des détenus à un avocat.  L’établissement des responsabilités, a insisté Mme Bachelet, doit être perçu comme une mesure efficace pour renforcer la confiance dans les institutions.  Consolider le lit de l’état de droit est un moyen de prévenir les violations des droits de l’homme et de réaliser une paix durable.

Mme Bachelet a appelé les autorités à profiter de la création du nouveau Ministère des droits de l’homme et de la lutte contre la pauvreté pour veiller au leadership tant attendu par le Comité interministériel des droits de l’homme qui vient d’ailleurs d’avancer dans l’élaboration d’un plan national d’action.  Mme Bachelet a voulu que ce plan donne lieu à une feuille de route globale et réaliste pour renforcer les droits de l’homme en Haïti.  La Haute Commissaire s’est aussi félicitée de l’augmentation sensible du budget du Bureau de l’Ombudsman et des efforts de ce dernier pour consolider sa présence dans tout le pays.  Elle n’a pas oublié de dénoncer les actes d’intimidation contre la société civile et d’appeler toutes les parties à renforcer le système de protection des droits de l’homme.

Mme LUNE VIAUD, Directrice exécutive de l’ONG « Zanmi Lasante », travaillant dans le secteur de la santé, a fait le point sur la situation des femmes et des filles en Haïti.  Ces 30 dernières années, Haïti a connu des problèmes importants, dont le séisme de 2010 et l’épidémie de choléra, mais, parallèlement, a enregistré des changements positifs, comme en attestent le réseau routier, l’accès aux services de santé et une meilleure collaboration entre les organisations locales et leurs partenaires étrangers.

Pourtant aujourd’hui, les femmes haïtiennes sont toujours confrontées à des obstacles à leur accès aux services sociaux, à l’éducation et à la santé, ce dont témoigne l’un des taux les plus élevés au monde de mortalité maternelle, soit 359 décès pour 100 000 accouchements.  Accoucher ne saurait être une peine de mort, s’est indignée l’intervenante.

Les cancers sont un autre facteur qui touche essentiellement les femmes qui représentent 75% des malades.  Mme Viaud a précisé que Zanmi Lasante, en collaboration avec le Ministère de la santé, offre depuis près de 20 ans des soins gratuits aux malades du cancer sur tout le territoire haïtien.  Pour elle, les difficultés d’accès des Haïtiennes aux soins de santé reproductive et au traitement du cancer sont un problème majeur pour le développement.  Elle a demandé aux membres du Conseil de sécurité de renforcer le lien entre développement durable, paix et sécurité.

Mme Viaud a également abordé la question de la violence sexuelle et de la violence à l’encontre des femmes, qui reste « une lutte silencieuse », un sujet dont personne ne veut parler alors qu’il peut changer la vie d’une femme.  Elle a précisé que plus de 40% des victimes de ces violences ont moins de 25 ans et beaucoup d’entre elles ont moins de 15 ans.  C’est pourquoi Zanmi Lasante exige la fin de l’impunité, l’adoption d’une loi exhaustive et des campagnes de sensibilisation du public à cette problématique et à la notion du consentement.  Le Code pénal, a-t-elle insisté, doit évoluer pour se rapprocher davantage des normes internationales et faire des violences sexuelles un acte criminel.  Mme Viaud s’est également dite inquiète de l’insuffisance des services à l’intention des victimes.  Elle a plaidé pour une plus forte participation politique des femmes et a demandé au Conseil de ne pas perdre de vue les points qu’elle a soulevés dans les discussions qu’il tiendra sur le mandat de la MINUJUSTH.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré qu’en Haïti, des changements positifs ont été observés, se félicitant que la Police nationale haïtienne ait pris des mesures pour imposer une discipline systématique aux policiers accusés d’avoir commis des abus ou des fraudes.  Des améliorations ont également été apportées aux conditions encore très problématiques de détention et des efforts ont été faits pour pourvoir les postes au sein de la justice haïtienne.  Se félicitant des progrès accomplis dans la promotion du respect des droits de l’homme, le représentant a confirmé l’engagement de son pays à continuer de travailler avec le Gouvernement haïtien pour s’attaquer davantage aux défis majeurs du pays.  « Il s’agit notamment d’allégations d’assassinats et de recours excessif à la force par la police, de détentions arbitraires, de conditions de détention pénibles et dangereuses, d’un pouvoir judiciaire corrompu et soumis à des influences extérieures, d’attaques physiques contre des journalistes, de corruption généralisée et d’impunité, et de traite d’êtres humains, dont le travail forcé. »

Le représentant a dit partager l’opinion du Secrétaire général selon laquelle Haïti suit une trajectoire positive, alors que nous nous préparons au renouvellement final du mandat de MINUJUSTH.  La mission politique spéciale recommandée devrait inclure un pilier « droits de l’homme » qui puisse consolider les progrès réalisés par la MINUJUSTH.  « Nous prévoyons un renouvellement du mandat de la MINUJUSTH pour une période de six mois jusqu’au 15 octobre 2019, un calendrier conforme à la stratégie de sortie sur deux ans et à l’évaluation du Secrétaire général », a ajouté M. Cohen.  Comme l’indique le rapport du Secrétaire général, à moins que le Gouvernement ne rencontre de difficultés de plus en plus grandes à faire face à la crise, la Police nationale sera en mesure d’assumer pleinement ses responsabilités d’ici au 15 octobre 2019.  

Cependant, le représentant a jugé que le Conseil ne devrait pas faire le lien entre la transition prévue pour la MINUJUSTH et les élections législatives et locales en Haïti prévues en octobre 2019.  De manière générale, le représentant a encouragé le Président haïtien et les représentants élus à œuvrer ensemble à la formation d’un nouveau gouvernement qui servira le peuple haïtien le plus rapidement possible, appuyant un dialogue constructif et inclusif entre les dirigeants gouvernementaux de tous les horizons politiques haïtiens, la société civile, les organisations confessionnelles et le secteur privé, afin de trouver des solutions durables à la crise politique et économique actuelle.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que, même si Haïti a connu des semaines de tensions, il est crucial que celles-ci ne remettent pas en cause les progrès accomplis ces dernières années.  Les manifestations violentes qui ont eu lieu soulignent la nécessité de poursuivre les réformes institutionnelles.  L’instabilité politique ne peut trouver de solution qu’à travers un dialogue interne inclusif pour faire face aux défis socioéconomiques.  Les élections sont prévues en octobre mais beaucoup d’incertitudes subsistent, a noté le représentant, en réitérant l’importance d’adopter rapidement la loi électorale et de mettre à jour les listes électorales pour ouvrir la voie à des élections crédibles, en temps opportun, et inclusives.  S’agissant des droits humains, M. Pecsteen de Buytswerve a salué la nomination d’un Ministre délégué aux droits de l’homme et à la lutte contre la pauvreté ainsi que la parution du premier rapport public du Bureau du médiateur national pour les droits de l’homme.  La Belgique appelle les autorités à renforcer davantage les capacités de l’inspection générale de la Police nationale et à mettre en œuvre son plan en réponse aux recommandations du Conseil des droits de l’homme.

La Belgique, a encore dit le représentant, souligne l’importance d’une continuité et d’une transition en douceur pendant la phase de retrait de la MINUSTAH.  Elle appuie la recommandation du Secrétaire général sur la future présence de l’ONU en Haïti par le truchement d’une mission politique spéciale.  M. Pecsteen de Buytswerve s’est dit convaincu de la nécessité d’une composante droits de l’homme forte dans cette future mission et a demandé qu’un accent soit mis sur la promotion de la participation des femmes.  Le futur mandat devrait également inclure des mécanismes d’évaluation réguliers des objectifs et des résultats atteints, notamment au moyen d’indicateurs spécifiques.

M. LÉON HOUADJA KACOU ADOM (Côte d’Ivoire) a salué l’élaboration du plan d’action national sur les droits de l’homme, conformément à la recommandation du Conseil des droits de l’homme, le lancement du nouveau plan d’action contre la détention provisoire prolongée, et l’adoption du projet de code pénal et du projet de procédure pénale destinés à pallier certaines insuffisances structurelles.  Il s’est cependant dit préoccupé par les conditions de détention dans les prisons et la persistance des activités des gangs armés, exhortant les autorités à redoubler d’efforts pour répondre aux problèmes majeurs relatifs à la surpopulation carcérale.  Il a dit apprécier les efforts fournis par le Gouvernement pour la mise en œuvre du plan national pour l’égalité femmes-hommes et du plan de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2027), qui s’inscrivent dans le cadre de la politique de promotion de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes.  Il a par ailleurs constaté que la situation sociopolitique en Haïti est marquée par la récurrence des contestations sociales.  Il a donc appelé à des mesures multisectorielles d’urgence pour restaurer et renforcer la confiance de la population dans les institutions publiques et attirer les investissements.  Il a appuyé, en conclusion, les recommandations du Secrétaire général sur l’après-MINUJUSTH.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé le lien historique entre son pays et Haïti, qui l’oblige à un engagement commun sur le plan bilatéral.  Au niveau multilatéral, il s’est félicité de ce que le Conseil reconnaisse la nécessité d’apporter le soutien nécessaire à la stabilisation et à la reconstruction d’Haïti.  L’accent doit maintenant être mis sur l’accompagnement, la formation de la Police nationale et l’édification des institutions nationales notamment judiciaires.  Le représentant a également pris note des succès dans la lutte contre la violence intracommunautaire, grâce à la MINUJUSTH, et a mis en avant la pertinence des investissements dans la jeunesse haïtienne qui est « le moteur du développement de l’île ».

Il a appelé à préserver les acquis et à faire preuve de la plus grande prudence dans toute décision sur la future présence de l’ONU à Haïti.  Seuls 49% des facteurs repris dans le rapport du Secrétaire général ont été satisfaits à ce stade, a-t-il prévenu.  Les conditions d’un appui budgétaire adéquat ne sont pas réunies et la réforme du secteur pénitentiaire n’est pas terminée.  Les avancées législatives ne suffisent toujours pas à lever les obstacles à l’accès à la justice, pour ne citer que ce domaine.  Haïti n’a pas non plus les mécanismes qu’il faut pour faire face à l’impact des changements climatiques ou aux épidémies, étant donné que seulement 13% des fonds nécessaires à l’assistance humanitaire ont été débloqués.  Pour toutes ces raisons, la République dominicaine appelle à une révision de la feuille de route et du calendrier proposés par le Secrétaire général.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a noté les avancées qu’a connues Haïti ces dernières années avec le soutien des Nations Unies, mais s’est inquiété de la volatilité politique, de la fragilité institutionnelle et de la stagnation économique, qui ont exacerbé les tensions sociales et la situation humanitaire.  Il a salué les initiatives du Président Moïse pour promouvoir le dialogue national, ainsi que le pacte national de gouvernabilité, souhaitant que ces efforts s’accompagnent de la lutte contre la corruption et l’impunité.  Parmi les autres avancées, il a salué le renforcement des capacités opérationnelles de la Police nationale, ainsi que les mécanismes de réduction de la violence communautaire et les programmes de gestion des armes et munitions.  Le représentant a souhaité voir aboutir le plan national de droits de l’homme et approuver les projets de textes législatifs visant à renforcer l’accès à la justice.  Il a aussi salué la première série d’évaluation des prisons par la Direction de l’Agence pénitentiaire.

Le processus de sortie et de transition de la MINUJUSTH doit prendre en compte les conditions de sécurité sur le terrain et la capacité générale d’Haïti de garantir la stabilité sur son territoire, a poursuivi le représentant, soucieux de ne pas mettre en péril les progrès réalisés.  La nouvelle mission, a-t-il recommandé, devra continuer les efforts de la MINUJUSTH pour renforcer l’état de droit et les capacités de la Police nationale, réduire la violence communautaire, mener à bien les réformes du système de justice, et garantir la protection des droits de l’homme.  Il a approuvé la proposition du Secrétaire général de donner à cette mission la forme d’un bureau d’évaluation stratégique, qui travaille de manière intégrée avec l’équipe de pays, tandis que le groupe d’évaluation de l’ECOSOC et la CCP doivent continuer de jouer un rôle important dans cette nouvelle architecture. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est félicité des succès obtenus au cours des 15 dernières années en Haïti, en particulier dans la professionnalisation de la Police nationale haïtienne et de son corollaire, la baisse considérable de la criminalité, qui doit également beaucoup au concours de la MINUJUSTH.  Il s’est également félicité du recul de l’épidémie de choléra, des nominations de haut niveau dans l’appareil judiciaire et de la Loi portant « création, organisation et fonctionnement » du Conseil national d’assistance juridique.  Mais des défis demeurent, a-t-il dit, en particulier l’organisation des élections législatives en octobre, qui exigera des efforts de la part des autorités haïtiennes.  Le représentant a également exprimé sa préoccupation face à la surpopulation carcérale, qui se traduit par une aggravation des violations des droits de l’homme.  Il a appuyé les recommandations du Secrétaire général sur l’avenir de la MINUJUSTH.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) s’est dit préoccupé par la dégradation de la situation sécuritaire en Haïti et a regretté que les récentes violences risquent de mettre en cause le bon déroulement des élections prévues pour octobre.  Ces évènements soulignent, a-t-il dit, l’impératif de la réconciliation.  Le représentant a donc soutenu l’appel du Secrétaire général à un dialogue inclusif entre Haïtiens.  L’ONU, a-t-il estimé, doit désormais se concentrer sur les moyens de réunir toutes les parties qui s’opposent pour parvenir à un accord qui serve les intérêts du peuple d’Haïti.

Le représentant a dit avoir pris note des propositions du Secrétaire général sur l’avenir de la MINUJUSTH et son remplacement par une mission politique spéciale.  Le Conseil, a-t-il conseillé, doit suivre de près la situation sur le terrain et l’évaluer régulièrement, en particulier à l’approche des élections d’octobre.  Le soutien des Nations Unies, avant, pendant et après les élections sera nécessaire.  Il faudra veiller à ce que la transition entre le retrait de la MINUJUSTH et la mission politique spéciale se fasse sans heurt.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a repris à son compte l’appel lancé par la Belgique pour renforcer l’accès de femmes à la justice, des femmes qui doivent être pleinement autonomisées.  Il s’est ensuite félicité de la nomination d’un coordonnateur des droits de la personne de haut niveau au sein du pouvoir exécutif, en se disant inquiet des allégations de violations perpétrées par la Police nationale haïtienne lors des manifestations d’octobre et de novembre, sans compter les problèmes posés par la surpopulation carcérale.  Il a appuyé la proposition du Secrétaire général qui consiste à remplacer la MINUJSTH par une mission politique spéciale et a jugé légitimes les attentes de la République dominicaine qui souhaite que la transition se déroule sans heurt.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a dit apprécier les efforts de la Police nationale haïtienne pour gérer les situations violentes et a souligné l’importance d’éviter une escalade de la violence en Haïti.  Très inquiet de la situation humanitaire dans ce pays, le représentant a rappelé que 27% de la population est toujours en situation de crise et que 5,5% se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire urgente.  Il a estimé que le Gouvernement d’Haïti devait prendre la direction des opérations et faire le lien avec tous les intervenants.  Une autre priorité est le respect de l’état de droit, qui nécessite une accélération des réformes structurelles et une amélioration des conditions de vie de la population.  Le Gouvernement devrait, a-t-il recommandé, prendre des mesures concrètes pour enquêter sur les affaires connues afin de gagner la confiance du public.  Il a misé sur un dialogue national et sur les élections à venir pour renforcer la démocratie en Haïti. 

Enfin, le représentant a dit que l’Indonésie soutiendrait pleinement la mise en œuvre du mandat de la MINUJUSTH, pour contribuer à un environnement plus stable et plus sûr.  L’Indonésie a envoyé deux femmes dans la police et huit autres vont arriver.  Le représentant a indiqué soutenir la recommandation du Secrétaire général sur le déploiement d’une mission politique spéciale, dont le mandat sera de fournir des bons offices et de conseiller le Gouvernement d’Haïti sur des questions spécifiques.

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France) « nous sommes à un moment charnière » de la relation entre l’ONU et Haïti.  La fin de la MINUJUSTH approche alors qu’Haïti reste confronté à de nombreux défis politiques, économiques et sociaux qui requièrent non seulement un engagement de chaque instant des autorités haïtiennes, mais aussi un soutien robuste de la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité.  C’est dans ce contexte que la France soutient pleinement la recommandation du Secrétaire général d’une mission politique spéciale.  Cette transition tourne ainsi la page des opérations de maintien de la paix et ouvre un nouveau chapitre dans la coopération ONU-Haïti, a estimé Mme Gueguen.

Deux points méritent, selon elle, l’attention du Conseil, à commencer par l’instabilité politique et économique.  Elle a rappelé que plus d’un quart de la population se trouve dans l’insécurité alimentaire et que les Haïtiens demandent un meilleur accès aux services de base.  Après les manifestations de février et les violences « inacceptables » qui ont été commises, elle a appelé tous les acteurs politiques haïtiens à condamner le recours à la violence et à adopter une approche constructive, y compris dans le cadre de la mission de bons offices de la Représentante spéciale. 

Beaucoup reste à faire pour construire des institutions solides et le cadre législatif nécessaire à l’enracinement de l’état de droit, a poursuivi la représentante, qui a appelé les autorités haïtiennes à mener les réformes nécessaires, y compris en termes de lutte contre la corruption et l’impunité.

Si des progrès ont été réalisés sur le front des violences communautaires, et ce, grâce à la MINUJUSTH, des violations des droits de l’homme persistent.  La représentante a donc exigé des enquêtes crédibles et des poursuites judiciaires.  Elle a voulu que l’on poursuive sur la voie tracée par la MINUSTAH et la MINUJUSTH.  La transition vers une mission politique sera l’occasion de focaliser les efforts des Nations Unies sur les secteurs où la valeur ajoutée de l’ONU est démontrée comme la construction de l’état de droit, y compris le système pénitentiaire, le suivi de la situation des droits de l’homme ou encore la réduction de la violence au sein des communautés.  Outre cette mission politique spéciale, c’est l’ensemble du système onusien, en particulier l’équipe pays, qui va s’adapter pour répondre aux besoins d’Haïti, a conclu la représentante.

Pour Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), seul un dialogue permettra une sortie de crise en Haïti.  Elle a insisté sur l’importance de la lutte contre la corruption, en particulier dans l’affaire PetroCaribe, ainsi que sur la promotion de mesures économiques pour améliorer la situation actuelle.  Préoccupée par les dernières violences, elle a regretté que malgré la mise à niveau de la Police nationale, il y ait eu des morts et une tension persistante.  Elle a souligné le lien intrinsèque entre développement et droits de l’homme et encouragé le renforcement de la coopération entre le Gouvernement haïtien et la société civile.  Nous espérons, a avoué la représentante, que le Président Moïse et son nouveau gouvernement feront tout leur possible pour sortir de l’impasse, en lançant un dialogue politique inclusif.  Relevant l’échéance électorale d’octobre, elle a appelé les autorités haïtiennes à en faire des élections libres, justes et transparentes et à respecter le calendrier électoral.  La représentante s’est demandé si la Police nationale pourra véritablement prendre le relais de la MINUJUSTH.

S’agissant de la situation humanitaire, elle a encouragé le Gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les agences onusiennes et les partenaires internationaux pour que l’assistance humanitaire puisse réellement parvenir aux deux millions d’Haïtiens dans le besoin.  À cet égard, elle a regretté le sous-financement de l’appel humanitaire et a soutenu le plan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui donne la priorité aux groupes les plus vulnérables.  Pour la représentante, la mission politique spéciale qui doit remplacer la MINUJUSTH doit comprendre des composantes « démocratie, état de droit et droits de l’homme » pour aider au mieux les autorités haïtiennes dans leurs efforts de reconstruction.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a exprimé un « sentiment très mitigé » s’agissant de la situation en Haïti.  D’un côté, l’optimisme est de mise quant à l’appropriation nationale de l’avenir du pays.  De l’autre, les troubles sécuritaires et la répression des manifestations révèlent un mécontentement au sein de la population vis-à-vis des autorités.  Si le droit à la liberté d’expression est inaliénable, il doit cependant s’exercer dans le respect de la loi, a souligné le représentant.  Selon lui, le seul moyen d’apaiser les tensions, c’est un dialogue national inclusif.  La question qui se pose aujourd’hui pour l’avenir d’Haïti, c’est de savoir quelle forme d’assistance internationale serait la plus efficace, a analysé la délégation.  Nous soutenons depuis longtemps que la situation en Haïti ne constitue pas une menace à la paix et à la sécurité internationales, a-t-elle rappelé.  C’est la raison pour laquelle la Fédération de Russie s’est abstenue lors du vote de la résolution 2410 (2018), qui prorogeait le mandat de la MINUJSUTH en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  « Nous n’avons pas changé d’avis à ce sujet », a ajouté le représentant.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a souligné l’impasse politique en Haïti, mentionnant par exemple le peu de sessions parlementaires tenues et de lois adoptées en 2018, ou encore l’absence de nomination d’un nouveau premier ministre.  Le mécontentement populaire doit s’exprimer en respectant l’ordre public, a-t-il demandé, souhaitant que tout se déroule de manière pacifique et que le Gouvernement d’Haïti réponde aux griefs de la population avec modération.  S’inquiétant aussi de la situation humanitaire dans le pays, il a diagnostiqué un manque d’attention aux risques humanitaires et a appelé à augmenter les efforts pour la fourniture de l’aide nécessaire.

La Guinée équatoriale appuie le renouvellement du mandat de la MINUJUSTH pour six mois, avant de revoir les options possibles le 15 octobre, a dit le représentant.  À notre avis, a-t-il poursuivi, la présence des Nations Unies est essentielle en Haïti pour appuyer le processus de reconstruction institutionnelle, ce qui peut se faire par le biais de missions politiques spéciales et non de maintien de la paix.  Il a prôné une transition en douceur et bien menée qui permette de maintenir une forte présence politique de l’ONU en Haïti, ce qui nécessite une approche progressive. 

M. WU HAITAO (Chine) a relevé la complexité de la situation politique et économique qui prévaut en Haïti et a espéré que le Gouvernement haïtien sera en mesure de lancer un dialogue national inclusif pour lever les antagonismes.  Saluant le travail de la MINUJUSTH et de la Représentante spéciale, le représentant a appuyé la proposition du Secrétaire général visant à mettre en place une feuille de route pour le retrait de la mission.  En ce qui concerne la transition vers une mission politique spéciale, il a encouragé le Secrétariat de l’ONU, le Conseil de sécurité et le Gouvernement haïtien à engager des discussions approfondies sur les termes et les modalités de cette transition.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a retenu des interventions que la paix, la sécurité et le développement durable ne sont pas possibles quand les droits de l’homme sont massivement violés et que la promotion de ces droits est essentielle pour prévenir la résurgence du conflit.  Le débat a montré, a insisté le représentant, pourquoi le Conseil de sécurité doit traiter des droits de l’homme dans l’exécution de son mandat qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales.  Il a parlé d’une situation fragile en Haïti marquée par la violence accrue des gangs armés, les violations des droits de l’homme commises par des officiers de police et les problèmes structurels comme la situation dans les prisons. 

Il a donc exhorté le Gouvernement haïtien à lancer un dialogue national constructif et inclusif et à accélérer les réformes structurelles, l’encourageant à poursuivre ses discussions avec le Fonds pour la consolidation de la paix.  Haïti a toujours besoin de notre appui, a estimé le représentant, en songeant à une présence politique robuste des Nations Unies, comme le suggère le Secrétaire général.  Le mandat de la mission devrait inclure la protection des droits de l’homme, dont les droits de la femme et son autonomisation, un travail sur la police, les prisons et la justice, à l’aide d’un contingent international de police, des conseils stratégiques pour réduire la violence communautaire.  Il a insisté sur une transition sans heurt entre la MINUJUTH et la nouvelle mission parce qu’« il nous faut un nouveau départ, lequel est essentiel pour bâtir la confiance dès le premier jour ».

Se tournant vers le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, le représentant a demandé: pensez-vous que les élections auront bien lieu en octobre?  Sans la MINUJUSTH, comment faire pour assurer la stabilité pendant cette période sensible?  Qu’en est-il de la capacité réelle de la Police nationale haïtienne de prévenir la résurgence de la violence de manière proportionnée?  Avez-vous des recommandations sur les effectifs de la mission politique spéciale?  Enfin, que veut dire le Secrétaire général quand il parle d’une période de liquidation distincte pour la MINUJUSTH?

À la Haute Commissaire aux droits de l’homme, le représentant a demandé: comment nous, au Conseil, pourrions-nous contribuer aux efforts du Gouvernement haïtien pour améliorer la situation des droits de l’homme et lutter contre l’impunité? 

M. BOCCHIT EDMOND, Ministre des affaires étrangères et des cultes d’Haïti, a estimé que les avancées réalisées dans le cadre du mandat de la MINUJUSTH permettent à son pays d’opter aujourd’hui pour une nouvelle présence des Nations Unies en Haïti, autre qu’une opération de maintien de maintien de la paix.  Le Gouvernement, a-t-il dit, souhaite ardemment que le nouveau rôle des Nations Unies puisse demeurer cohérent avec l’évolution du contexte général du pays, ainsi que les besoins en termes de sécurité, de justice, de stabilité et de développement durable.  Autant dire, « bien évidemment », a souligné le Ministre, que l’apport substantiel et ordonné des Nations Unies, de ses agences spécialisées, de ses fonds et programmes et de tous les partenaires internationaux, continuera d’être indispensable.  Le Ministre a ensuite passé en revue, en en citant de larges extraits, le rapport du Secrétaire général dont celui qui dit « les autorités haïtiennes ont exprimé leur appui au déploiement d’une mission politique spéciale au titre du Chapitre VI de la Charte, destinée à accompagner les priorités en cours dans des domaines précis tels que l’état de droit, la sécurité, les droits de l’homme et le développement, pendant une période transitoire, de façon que Haïti ne figure plus à terme sur la liste des questions dont le Conseil de sécurité est saisi ».

Les manifestations de ces derniers mois, a poursuivi le Ministre, ont mis en évidence les étapes cruciales à franchir, notamment la nécessité impérieuse de renforcer la lutte contre l’insécurité et la corruption multiforme, et d’améliorer substantiellement et sans délai, les conditions de vie de tous les segments de la population.  Le Ministre a indiqué que son Président a réitéré l’appel inconditionnel à un dialogue constructif et inclusif entre tous les acteurs de la vie nationale et a obtenu que l’ONU y joue un rôle d’observateur.  Une requête d’assistance technique a d’ailleurs été émise par le Comité de facilitation du dialogue national pour la mise à disposition d’un expert « chevronné » des Nations Unies.  La réactivation de la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion, a encore expliqué le Ministre, a donné l’élan nécessaire à l’élaboration d’une stratégie nationale de contrôle de la circulation des armes et d’appui aux jeunes vulnérables et susceptibles d’être recrutés par des bandes organisés.  À ce titre, un appui des Nations Unies, dans le cadre de la mission politique spéciale, est fortement souhaité par le Gouvernement.  L’année 2019, a conclu le Ministre, constitue pour Haïti une année charnière.  L’organisation des prochaines élections législatives dans un environnement sécuritaire apaisé sera particulièrement cruciale.  Il a espéré que l’ONU et les principaux partenaires internationaux ne manqueront pas d’apporter leur appui concret aux priorités définies par les autorités nationales, en vue de la sécurité, de la stabilité, de la promotion des investissements directs étrangers et du développement à long terme.

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a dit la fierté de son pays d’avoir contribué aux nombreux progrès réalisés dans le secteur de la sécurité, de la gouvernance, de la justice et des droits de l’homme en Haïti.  Il a promis que le Canada poursuivra son appui au développement d’Haïti et souligné la nécessité d’aider le pays à améliorer la gouvernance et l’état de droit, notamment à travers la lutte contre la corruption et l’impunité, comme fondement du contrat social, de la stabilité et de la croissance pour tous.  Nous devons également travailler de façon plus intégrée en utilisant tous les instruments de consolidation de la paix, la diplomatie, la médiation, l’appui sécuritaire et le développement pour un impact plus inclusif et plus durable.  Nos efforts doivent promouvoir des solutions politiques aux tensions et conflits sous-jacents.  C’est cette approche, a souligné le représentant, que nous entendons promouvoir si le Canada a la chance de siéger au Conseil en 2021-2022.

Le représentant a appuyé la recommandation du Secrétaire général d’établir une mission politique spéciale pour prendre le relais de la MINUJUSTH.  Les objectifs qui n’ont pas pu être atteints par cette dernière doivent être le point de départ de la première.  Il a insisté pour que la nouvelle mission soit dotée d’une forte capacité de conseil en égalité en genre.  Pour que cette expertise ne soit pas un simple ajout secondaire, les conseillers en genre doivent faire partie des contributions budgétaires des Nations Unies.  Cela permettra d’améliorer l’inclusion des femmes haïtiennes dans tous les volets du dialogue national et des processus de réforme, a-t-il conclu.

M. MARTÍN GARCIÁ MORITÁN (Argentine) a salué le dernier rapport du Secrétaire général et en particulier l’évaluation stratégique exhaustive et inclusive de la situation en Haïti, qui recommande un calendrier de retrait de la MINUJUSTH.  Les progrès dans la situation socioéconomique restent essentiels pour la stabilité à long terme, a-t-il rappelé.  Le représentant s’est aussi félicité de la recommandation du Secrétaire général de créer une mission politique spéciale, dotée des capacités politiques et d’évaluation nécessaires, pour continuer de soutenir les efforts menés par le pays en vue d’une paix durable.  Il a plaidé pour une transition basée sur l’accomplissement progressif du mandat de la Mission, pour éviter un retrait anticipé qui pourrait mettre en péril les efforts des 15 dernières années.

La Mission, a-t-il ajouté, devra mener le processus de transition et d’établissement de la mission d’évaluation stratégique en coopération avec le Gouvernement d’Haïti, en respectant les priorités nationales et selon le principe d’appropriation nationale du processus de consolidation de la paix.  Soulignant que les autorités haïtiennes se sont montrées favorables à une mission politique spéciale en vertu du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, il a considéré que ladite mission devrait appuyer les actions haïtiennes dirigées vers le développement socioéconomique pendant la période de transition, en coordination avec l’équipe de pays des Nations Unies en Haïti, la CCP et l’ECOSOC.  L’Argentine, a assuré le représentant, maintiendra sa coopération bilatérale avec Haïti et enverra un personnel politique à la nouvelle mission.

M. JOÃO PEDRO VALE DE ALMEIDA, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE), a constaté qu’Haïti est passé d’une situation de fragilité latente à une crise politique et économique à part entière depuis juillet dernier.  Il s’est dit préoccupé par le fait que « l’opposition radicale » ait cherché à faire démissionner le Président Moïse alors que d’autres acteurs politiques et la société civile appellent à un véritable dialogue national qui, malheureusement, après plusieurs tentatives infructueuses, tarde toujours à se mettre en place.

Pour l’Union européenne, le Président Moïse et son nouveau gouvernement doivent impérativement s’engager à un dialogue politique profond, inclusif et sincère qui puisse identifier et mettre en œuvre les solutions politiques qui s’imposent pour sortir de l’impasse actuelle.  L’Union européenne, a dit son représentant, insiste en outre sur la participation significative et équitable des femmes à ce processus.  De plus, les élections législatives doivent avoir lieu dans les délais prévus, a poursuivi le représentant, expliquant que le respect de la légitimité des institutions démocratiquement élues et du cycle électoral apparaît, en parallèle et en complémentarité avec le dialogue national, comme l’une des conditions incontournables du fonctionnement de la démocratie en Haïti. 

Des réformes structurelles sont urgentes pour redresser l’économie et les finances du pays et pour permettre un développement socioéconomique proprement inclusif.  Le représentant a souligné que l’Union européenne demeure un partenaire fidèle d’Haïti et reste déterminée à soutenir le pays dans cette période sensible.  Elle reste disponible pour poursuivre sa coopération au développement.

Mais l’Union européenne, a poursuivi le représentant, est préoccupée par l’incapacité persistante de la Police nationale haïtienne à contrôler la violence liée aux gangs.  Elle s’interroge sur la capacité de la Police à mener des opérations efficaces après le retrait de la MINUJUSTH.  Il est donc essentiel de compléter le travail de renforcement et de professionnalisation de la Police nationale, tout en préservant son autonomie et sa neutralité politique.  Il faut dans le même temps insister sur la réforme et le renforcement de la justice et du système pénitentiaire, ainsi que sur la consolidation des droits de l’homme.

Le départ de la MINUJUSTH est prévu le mois même où les élections sont censées avoir lieu, a remarqué le représentant, en rappelant que celles-ci correspondent toujours à une période d’instabilité en Haïti.  C’est donc une source additionnelle de préoccupation.  Tout en saluant la contribution de la MINUJUSTH, le représentant a estimé que les causes structurelles de l’instabilité dans le pays n’ont pas été surmontées à ce jour et que la situation politique et sécuritaire reste très fragile.  Une transition graduelle de la MINUSTAH et le plein exercice par la Police nationale haïtienne de ses responsabilités sont « fondamentaux ».

Reprenant la parole, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a déclaré que le renforcement des soutiens bilatéraux vis-à-vis d’Haïti sera d’une importance cruciale à l’avenir.  S’agissant des incidents de la Saline, il a souligné qu’il revient aux autorités de poursuivre et de conclure les enquêtes en cours.  Il a espéré que la participation des femmes serait de mise lors des prochaines consultations locales et consultatives.

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a, quant à elle, déclaré que son Bureau continuerait de coopérer avec le Gouvernement haïtien.  Elle a promis de voir dans quelle mesure où il pourra appuyer la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.