Syrie: réuni d’urgence, le Conseil de sécurité débat de la reconnaissance unilatérale par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur le Golan
Réuni d’urgence à la demande de la République arabe syrienne pour une séance houleuse, le Conseil de sécurité a, ce soir, été informé de la situation dans le Golan, au lendemain de la décision du Gouvernement des États-Unis de reconnaître unilatéralement, le 25 mars dernier, la souveraineté d’Israël sur ce territoire syrien occupé, selon les résolutions pertinentes des Nations Unies.
« Nous espérons que les derniers développements ne seront pas utilisés comme excuse pour prendre des mesures de nature à saper la stabilité relative de la situation au Golan et au-delà », a déclaré la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, qui a rappelé que la position de l’ONU sur la question est reflétée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, dont les 242 (1967) et 497 (1981).
Si le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a noté que le cessez-le-feu entre Israël et la Syrie est maintenu, en dépit d’un certain nombre de violations de l’Accord de 1974 sur le dégagement des forces, les États-Unis ont en revanche dénoncé la présence « quotidienne » des Forces armées syriennes dans la zone de séparation, que surveille la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD).
« Les États-Unis et ce Conseil ne peuvent accepter comme une nouvelle norme la présence syrienne dans la zone de séparation », a argué le représentant américain qui a appelé la Fédération de Russie à user de son influence auprès du « régime d’Assad » pour contraindre ses forces à s’en retirer « immédiatement ». Le représentant russe a tout simplement jugé « inacceptable » que la dynamique positive observée jusqu’ici dans le Golan soit torpillée par des mesures unilatérales qui, a-t-il dénoncé, sapent l’assainissement politique en Syrie et représentent un obstacle majeur à la normalisation des relations entre Israël et les États arabes.
À en croire le représentant des États-Unis, la décision du Président Donald Trump de reconnaître la souveraineté sur le Golan n’affecte pas l’Accord sur le dégagement, pas plus qu’elle ne porte atteinte au mandat de la FNUOD. D’une importance cruciale sur les plans stratégique et sécuritaire pour l’État d’Israël, cette décision, a analysé le représentant américain, peut contribuer à la stabilité. Il a exhorté le Conseil de sécurité à ne pas « fermer les yeux sur les menaces du régime syrien, qui commet des atrocités, et de l’Iran et d’acteurs terroristes, dont le Hezbollah, qui cherchent à utiliser le plateau du Golan pour lancer des attaques contre Israël ».
« Le Golan syrien occupé », a corrigé son homologue de la République arabe syrienne, en rejetant les termes « hauteurs » et « plateau », un champ lexical qui trahirait selon lui l’enjeu stratégique que ce territoire recouvre aux yeux d’Israël. Les États-Unis sont un vaste pays, alors pourquoi ne cèderaient-ils pas un ou deux États, comme la Caroline du Nord ou la Caroline du Sud, « la terre natale de Lindsay Graham », a-t-il ironisé.
« Ce qui est pris par la force sera repris par la force », a mis en garde le délégué syrien, en ajoutant qu’Israël verra « comment nous recouvrerons les terres qui nous appartiennent ». Pour lui, le « papier » signé par le Président américain et dont il a « fait cadeau » au Premier Ministre israélien n’a aucune valeur et « sonne le glas du rôle de médiateur » des États-Unis, qu’il a qualifiés de « pays ennemi », « hors-la-loi ».
Son homologue d’Israël s’est inscrit en faux contre cette lecture, remerciant pour sa part les États-Unis d’avoir reconnu la souveraineté « éternelle » de son pays sur le Golan, garant de sa « survie ». À qui l’ONU compte-t-elle « céder » le Golan? s’est-il interrogé. « Aux factions jihadistes, aux milices chiites? » Le délégué a avancé que le Président syrien lui-même aurait appelé le Hezbollah à utiliser ce « plateau » pour attaquer Israël.
« N’avez-vous pas honte? Où étiez-vous lorsque votre gouvernement gazait des enfants? Ou étiez-vous lorsqu’il lançait des barils d’explosifs contre la population? N’avez-vous pas honte!? » s’est emporté le délégué israélien, qui a accusé son collègue syrien de complicité dans le « meurtre » de plusieurs centaines de milliers de Syriens. « Honte à vous, Israël! » lui a rétorqué le représentant de la Syrie, en l’accusant de présenter l’occupation du Golan comme une nécessité sécuritaire au mépris de l’Histoire.
Comme tous les autres membres du Conseil, à l’exception des États-Unis, la France a indiqué qu’elle ne reconnaissait « absolument pas » la souveraineté israélienne sur le Golan. « Toute tentative de s’écarter du droit international et des résolutions de ce Conseil pour y substituer des décisions unilatérales est vouée à l’échec », a-t-elle prévenu.
Jugeant inopportune la tenue de cette réunion, qui répond à une demande « profondément cynique » de la Syrie, l’Allemagne –opposée à l’annexion du Golan–, a dénoncé les « crimes atroces » d’un « régime » qui s’en prend à son propre peuple, jusqu’à utiliser contre lui des armes chimiques à maintes reprises. L’ONU, « organisation dont mon pays est un membre fondateur », est née des cendres de la Seconde Guerre mondiale provoquée par la « lecture politique erronée » de l’Allemagne nazie, a rétorqué le représentant de la Syrie.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé comment le Conseil de sécurité a été amené, par sa résolution 350 (1974), à établir la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD). La situation au Golan est restée relativement calme jusqu’à l’éclatement du conflit en Syrie en 2011, a-t-elle expliqué.
Le Secrétaire général a pris note de la proclamation officielle en date du 25 mars du Président des États-Unis, M. Donald Trump, qui a reconnu la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien occupé, ainsi que des réactions des États Membres face à cette décision.
Mme DiCarlo a tenu à réitérer la déclaration du Secrétaire général selon laquelle « la position de l’ONU sur le Golan est connue et claire ». Cette position est reflétée dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment 242 (1967) et 497 (1981), et de l’Assemblée générale.
« Nous espérons que les développements récents ne seront pas utilisés comme excuse pour prendre des mesures qui pourraient saper la stabilité relative de la situation au Golan et au-delà », a dit la Secrétaire générale adjointe. « Nous continuerons de suivre de près les développements sur le terrain et tiendrons le Conseil informé, comme il conviendra », a-t-elle encore assuré.
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. JEAN-PIERRE LACROIX, a fait le point sur la situation dans la zone d’opération de la FNUOD au cours de ces trois derniers mois. Le cessez-le-feu entre Israël et la Syrie est maintenu, en dépit d’un certain nombre de violations de l’Accord sur le dégagement des forces de 1974, observées par la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) qui en a informé les parties. Les tirs de missiles et de roquettes qui ont eu lieu les 29 novembre, 20 janvier et 11 février montrent le risque d’escalade dans la zone. Pour M. Lacroix, il est essentiel que toutes les parties respectent l’Accord sur le dégagement à tout moment pour pouvoir maintenir la stabilité dans le Golan. Il a également insisté sur l’importance pour les parties de rester en liaison avec la FNUOD et a appelé le Conseil de sécurité à soutenir les efforts pour sensibiliser les deux parties et les acteurs régionaux au risque d’escalade et à la nécessité de maintenir le cessez-le-feu qui tient depuis longtemps la Syrie et Israël.
Le Secrétaire général adjoint est également revenu sur le retour progressif et la pleine reprise des opérations de la FNUOD dans le secteur bravo, y compris des patrouilles et des visites d’évaluation. La Force a également progressé dans la remise en état et la réoccupation de certains postes vacants. Mais le Groupe d’observateurs ne sera pas maintenu dans la zone de séparation, tant que les conditions ne le permettront pas.
La FNUOD continue d’utiliser régulièrement le point de passage de Quneitra, qui a rouvert en octobre 2018, pour transporter des équipements et du personnel entre les secteurs alpha et bravo. Ce point de passage est important pour la mise en œuvre efficace du mandat de la mission, a-t-il précisé.
La fin du redéploiement et la reprise des opérations de la FNUOD dans le sud de la zone d’opérations seront facilités par le déploiement auprès de la mission d’une nouvelle compagnie mécanisée en juillet de cette année pour occuper les positions 85 et 68, a encore expliqué M. Lacroix.
Il en a profité pour assurer aux membres du Conseil et aux pays contributeurs de troupes que le retour graduel de la mission dans le secteur bravo se fait, en gardant toujours à l’esprit la sécurité du personnel de la FNUOD et du Groupe d’observateurs. Il a reconnu que le personnel de l’ONU était exposé à une menace significative et continue dans la zone d’opérations de la FNUOD où il reste des explosifs de guerre et de potentielles « cellules dormantes » de groupes armés, y compris de groupes terroristes. La FNUOD, en consultation avec les parties, continue d’évaluer la situation dans la zone de séparation pour voir si les conditions permettent son retour aux postes laissés vacants.
Pour le Secrétaire général adjoint, on ne saurait trop insister sur le soutien et la coopération des parties avec la FNUOD. Il est essentiel que le matériel et les technologies nécessaires puissent être déployés sans problème et rapidement, et la coopération d’Israël et de la Syrie reste cruciale à cet égard. Une telle coopération est également critique pour garantir la liberté de mouvement et l’accès aux positions des Nations Unies dans la zone d’opérations et pour réduire les retards et les programmes rencontrés par le personnel de l’ONU à la barrière technique vers les postes d’observation. La pleine utilisation du point de passage de Quneitra est essentielle surtout au moment où la mission accroît ses opérations dans le secteur bravo.
M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a rappelé que le mandat de la FNUOD est parfaitement clair: il ne doit y avoir aucune activité militaire dans la zone de séparation, y compris des opérations militaires des Forces armées syriennes. Or, la présence quotidienne de ces forces dans la zone de séparation réduit la zone tampon « essentielle » pour atténuer les tensions entre les parties et maintenir la paix. C’est une violation de l’Accord sur le dégagement et une menace au cessez-le-feu conclu en 1973. « Les États-Unis et ce Conseil ne peuvent accepter comme une nouvelle norme la présence syrienne dans la zone de séparation », a-t-il argué. Par conséquent, les États-Unis appellent la Fédération de Russie à user de son influence auprès du « régime d’Assad » pour contraindre les forces syriennes à respecter l’Accord sur le dégagement des forces et à se retirer « immédiatement » de la zone de séparation. Les activités militaires syriennes dans et autour de cette zone ont provoqué des malentendus et des hostilités avec Israël et mis les soldats de la paix de la FNUOD en danger, a poursuivi M. Hunter.
Les États-Unis, a-t-il poursuivi, sont également alarmés par les informations faisant état de la présence du Hezbollah dans la zone de séparation, « ce qui accroît encore le potentiel des hostilités ». Il n’y a aura aucune chance entre la Syrie et Israël tant que le Hezbollah sera présent dans la zone de séparation, lui qui a démontré sa volonté de risquer la vie de ses compatriotes libanais pour attaquer Israël et lui « qui n’a aucun scrupule à mettre en danger la vie du peuple syrien ». Comme nous l’avons déjà dit, a martelé le représentant, les États-Unis appuient fermement et affirment le droit souverain d’Israël à la légitime défense. Les événements récents montrent clairement que les activités des Forces armées syriennes dans le secteur bravo vont au-delà de celles convenues dans l’Accord sur le dégagement. Le représentant a donc encouragé la FNUOD et le Groupe d’observateurs du Golan à reprendre les inspections dans les zones de limitation du secteur bravo dès que possible.
Le 25 mars, a-t-il rappelé, le Président Trump a signé une proclamation affirmant que les États-Unis reconnaissent que le plateau du Golan fait partie de l’État d’Israël. « Cette annonce n’affecte pas l’Accord sur le dégagement de 1974, et nous ne pensons pas non plus qu’elle porte atteinte au mandat de la FNUOD », a-t-il argué. La Force continue de jouer un rôle vital dans le maintien de la stabilité entre Israël et la Syrie, principalement en veillant à ce que la zone de séparation soit une zone tampon sans présence ni activité militaire autres que celles de la FNUOD. Cette décision, a estimé le représentant, revêt une importance cruciale sur les plans stratégique et sécuritaire pour l’État d’Israël. Elle peut contribuer à la stabilité et « comme nous l’avons dit hier, laisser à des régimes comme ceux de la Syrie et de l’Iran le contrôle du plateau du Golan serait fermer les yeux sur les menaces du régime syrien qui commet des atrocités, et de l’Iran et d’acteurs terroristes, dont le Hezbollah, qui cherchent à utiliser le plateau du Golan pour lancer des attaques contre Israël.
Depuis des décennies, a conclu le représentant, les habitants du plateau du Golan sont soumis à la même administration et aux mêmes lois que le reste d’Israël. La déclaration du Président Trump ne fait que constater les « circonstances uniques » qui justifient la reconnaissance de la souveraineté israélienne. « Pour être clair, les États-Unis soutiennent l’objectif d’une paix sûre et durable entre Israël et tous ses voisins, y compris la Syrie. Une telle paix devrait être réalisée par des discussions directes. Or Israël n’a pas pour le moment de partenaire pour la paix en Syrie. »
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souligné que le plateau du Golan est un territoire syrien occupé par Israël, une situation qui va à l’encontre des décisions du Conseil de sécurité. Il a déploré la décision américaine de reconnaître la souveraineté israélienne sur le Golan et a appuyé le droit de la Syrie d’exercer sa souveraineté et de protéger son intégrité territoriale. Le représentant a salué le travail de la FNUOD, y voyant une rare source de stabilité dans la région. Il faut la préserver et le Conseil doit s’y atteler, a-t-il dit. Il a appelé les parties à faire preuve de retenue et à éviter toute escalade des tensions. L’occupation israélienne des territoires arabes est une menace constante à la paix et à la sécurité dans la région et au-delà, a-t-il souligné.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que le Golan est occupé par Israël depuis 1967 et, qu’en 1981, ce pays a pris la décision d’annexer ce territoire, une décision jamais reconnue par le Royaume-Uni. La représentante a rappelé les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, dont la 497 (1981), qui affirmait que l’annexion du Golan était « nulle et non avenue ». La décision des États-Unis de reconnaître la souveraineté israélienne sur ce territoire n’a donc aucun fondement juridique. La représentante a appelé la Syrie, l’Iran et le Hezbollah à ne prendre aucune mesure susceptible de menacer les civils. La résolution 242 (1967), qui consacre le principe « terre contre paix », est une bonne base pour résoudre le conflit entre Israël et ses voisins arabes, dont la Syrie, a estimé Mme Pierce. Elle s’est félicitée des efforts déployés par les États-Unis en faveur du processus de paix, appelant ce pays à présenter dans les meilleurs délais son plan pour lui ménager des chances de succès. Elle a conclu en renouvelant son soutien à la FNUOD et en se disant prête à discuter des modalités de la prorogation de son mandat, qui expire au mois de juin.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a souligné à son tour que le plateau du Golan est un territoire occupé par Israël et qu’une annexion par la force est illégale, en vertu du droit international, dont la Charte des Nations Unies et la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité. Le règlement de la question du Golan ne peut être trouvé que dans des négociations entre les parties au conflit, conformément au droit international. La représentante a exprimé son plein appui à la FNUOD et à son rôle critique dans la stabilisation de la région. Elle s’est donc dite préoccupée par les activités militaires dans la zone de séparation et alarmée par les tirs répétés de missiles, de roquettes et d’armes lourdes et par la présence accrue des Forces armées syriennes. Toutes ces activités sont des violations claires de l’Accord sur le dégagement des forces et constituent une menace au cessez-le-feu et à la sécurité du personnel de la Force, a-t-elle martelé. En attendant le rétablissement de la Force dans toute la zone de séparation, il est crucial, a conclu la représentante, que les parties facilitent le renforcement de ses capacités et lui permette de mener ses opérations sans restriction administrative.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a souligné que grâce aux efforts de la Syrie déployés sous la houlette russe, la situation dans le Golan syrien, durant l’été 2017, a pu être stabilisée. Les problèmes et la présence de différents groupes armés et terroristes dans la zone de séparation ont pu être éliminés et les principaux acteurs ont pu garantir le fonctionnement adéquat de la FNUOD, grâce notamment à la contribution de la police russe. Le point de passage de Quneitra a pu être rétabli, traçant la voie pour le retour à la situation d’avant crise, et des activités de déminage ont pu être menées.
Le représentant a donc jugé inacceptable que cette dynamique positive soit torpillée par des mesures unilatérales qui, a-t-il dénoncé, sapent les mesures d’assainissement politique en Syrie et représentent un obstacle majeur à la normalisation des relations entre Israël et les États arabes.
Il a dénoncé le fait que les États-Unis aient officiellement reconnu la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien, y voyant un mépris du droit international et une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité. C’est aussi contraire au principe « terre contre paix » et à l’Initiative de paix. Pour la Fédération de Russie, le plateau du Golan est un territoire syrien occupé puis annexé illégalement par Israël.
Le représentant a appelé à des négociations directes, préoccupé par une décision qui hypothèque la possibilité de trouver une issue au conflit et qui risque au contraire d’exacerber encore les tensions dans la région. Cette décision, s’est-il alarmé, a tout un « éventail déplorable » de mesures unilatérales adoptées par les États-Unis ces deniers temps. Il a cité le retrait du Plan d’action global commun sur le nucléaire iranien, la violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, sans oublier l’accord pour la création d’une armée au Kosovo.
Le représentant a appelé les États-Unis et « ceux à qui viendrait l’idée de suivre ce mauvais exemple », à revenir sur cette « décision agressive » et à respecter la Charte afin de garantir le bon fonctionnement des relations internationales. Il a prévenu que les décisions arbitraires et contraires au droit international sont vouées à l’échec. Le statut du Golan syrien demeure inchangé car il a été consacré par les résolutions du Conseil de sécurité. Le représentant a appelé les États-Unis à préserver leur rôle de médiateur « impartial » pour pouvoir véritablement contribuer à la recherche d’une issue au conflit au Moyen-Orient.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a exhorté les parties à éviter de commettre des actions contraires à l’Accord sur le dégagement. Saluant le rôle stabilisateur de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD), il a estimé que le retour progressif au secteur bravo doit rester une priorité. Il également souligné que la sécurité et l’intégrité physique du personnel de la FNUOD doivent être garanties. Il est inadmissible d’acquérir des territoires par la force, a conclu le représentant.
M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS YABRA (République dominicaine) s’est déclaré préoccupé par le regain de tensions constaté dans la zone de déploiement de la FNUOD, appelant les parties à cesser les hostilités et à se retirer du secteur. Il a tenu à réitérer la position de son pays sur le respect de l’intégrité territoriale des États et le règlement pacifique des conflits, des principes « fondamentaux » et conformes à l’« inadmissibilité » de l’acquisition par la force de territoires, en l’occurrence le Golan syrien occupé. Il s’est élevé contre les violations unilatérales du droit international.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué que la position belge par rapport au Golan reste inchangée: nous ne considérons pas la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés par Israël depuis juin 1967, y compris le plateau du Golan et nous ne considérons ces territoires comme faisant partie du territoire de l’État d’Israël. L’acquisition de territoire par la force est illégale au titre du droit international, a martelé le représentant qui a réitéré ses vives préoccupations quant aux conséquences plus larges de la reconnaissance de l’annexion illégale, notamment dans la région.
Passant à la FNUOD, qui « joue un rôle indispensable en préservant la stabilité régionale », le représentant s’est préoccupé des violations du cessez-le-feu. Il a appelé les parties au conflit et la FNUOD à établir une meilleure communication afin de créer davantage de confiance et prévenir toute détérioration de la situation. M. Pecsteen de Buytswerve s’est aussi préoccupé de la menace significative posée par la présence de munitions non explosées, de restes de guerre explosifs et de mines, en particulier dans la partie sud de la zone de séparation. Il a jugé indispensable que les parties soutiennent tous les efforts de la FNUOD à cet égard.
En conclusion, il a dit ne pouvoir accepter des situations où la loi est imposée par la force et la voie de fait. Il revient au Conseil, a-t-il dit, de s’opposer à des actes unilatéraux qui sapent non seulement l’ordre juridique international mais également toute perspective de paix.
M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est opposé à l’annexion du Golan syrien, contraire au droit international même s’il a estimé que la présence des forces syriennes dans la zone de séparation peut être une source de préoccupation pour Israël. La tenue de cette séance, a-t-il lancé, répond à une demande « profondément cynique » de la Syrie. Damas, s’est-il expliqué, se rend, depuis huit ans, coupable de violations répétées du droit international et s’en prend à son propre peuple, jusqu’à recourir à maintes reprises à des armes chimiques. À la lumière des « informations horribles », des « crimes atroces », ou encore de conditions de détention inhumaines en Syrie, nous ne pouvons que nous étonner de cette réunion, a tranché le représentant.
Mme NICHOLA NAKULUNGA SABELO (Afrique du Sud) s’est déclarée profondément préoccupée par la décision que vient de prendre un membre du Conseil de sécurité de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien, jugeant que cette action unilatérale ne contribue en rien à une solution pacifique à long terme au conflit au Moyen-Orient. Après avoir rappelé les termes de la résolution 497 (1981), elle a affirmé que cette décision illustre l’échec du Conseil de sécurité face aux violations continues de ses propres résolutions. Si le Conseil de sécurité parlait d’un autre pays qui aurait commis des violations aussi flagrantes, il n’aurait pas hésité à agir. Le Conseil pratique une politique à géométrie variable, a dénoncé la représentante.
M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que le cessez-le-feu dans le Golan syrien a tenu jusqu’à présent, malgré des violations dans la zone de déploiement de la FNUOD. Il a salué le rôle constructif joué par la Force, qui cherche à préserver ce cessez-le-feu. Il a rappelé, à son tour, que le Golan est reconnu par la communauté internationale comme un territoire occupé, une série de résolutions du Conseil de sécurité exhortant d’ailleurs Israël à s’en retirer.
M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit rester préoccupé par l’escalade des tensions engendrées par de nombreuses violations de l’Accord sur le dégagement de 1974 et a exhorté les parties à mettre un terme à leurs opérations dans la zone de séparation et à y retirer tout matériel militaire et tout personnel armé. Il a aussi souligné l’importance, pour elles, de maintenir une collaboration étroite avec la FNUOD afin d’éviter une aggravation de la situation le long de la ligne de cessez-le-feu et de créer les conditions du retour de cette Force sur les positions abandonnées en 2014. La Côte d’Ivoire exhorte aussi les parties à œuvrer pour la levée des restrictions imposées en matière de circulation de la Force et à coopérer étroitement avec la mission onusienne pour mener à bien les opérations de déminage et de dépollution dans la zone concernée.
« Ces territoires occupés par Israël depuis 1967 n’appartiennent pas à Israël », a déclaré M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale), en se référant aux résolutions sur les hauteurs du Golan adoptées tant par l’Assemblée générale que par le Conseil de sécurité. Toute action unilatérale qui chercherait à modifier cet état de fait ne ferait qu’alimenter les conflits dans la région. Le représentant a noté que le contexte opérationnel de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) a évolué au cours des derniers mois depuis que la Syrie a récupéré des territoires occupés par des groupes armés. Selon lui, le Conseil doit insister auprès des parties pour qu’elles reconnaissent que la FNUOD doit pouvoir continuer d’utiliser le point de passage de Quneitra sans aucune restriction. De même, il faut que le Gouvernement syrien et les groupes armés qui opèrent dans la zone de séparation fassent en sorte que leurs actions n’aient pas d’impact de l’autre côté de la frontière et que le Gouvernement israélien s’abstienne de violer l’Accord sur le dégagement.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est inquiété de l’escale des tensions entre les parties à l’Accord sur le désengagement des forces et les a appelées à en respecter les termes et à préserver le cessez-le-feu. La pleine coopération avec l’ONU est nécessaire pour éviter toute escalade, a dit le représentant qui a appelé à une reprise totale des activités de la FNUOD dans le secteur bravo. Le représentant a rejeté catégoriquement la décision des États-Unis de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien, avertissant que cela risque de miner le cessez-le-feu, d’exacerber les tensions et de remettre en doute la crédibilité du Conseil de sécurité. Il a appelé les parties à respecter le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité, et à coopérer pour rétablir la paix au Moyen-Orient.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a indiqué que son pays ne reconnaît absolument pas la souveraineté israélienne sur le Golan, laquelle est contraire au droit international. « Toute tentative de s’écarter du droit international et des résolutions de ce Conseil pour y substituer des décisions unilatérales est vouée à l’échec. » Elle a appelé le Conseil à veiller sur les principes fondamentaux qui conditionnent la paix et la sécurité internationales et regretté que la décision américaine affaiblisse l’action collective du Conseil.
Dans un contexte tendu, à l’heure où les risques d’escalade régionale sont élevés, le rôle de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) est essentiel, a-t-elle dit. Elle a salué les efforts de la Force en vue d’un redéploiement progressif à l’est de la ligne de cessez-le-feu et réitéré son attachement à la liberté de mouvement de la Force.
La déléguée a appelé le Conseil à éviter que les derniers développements ne fassent peser une incertitude sur l’avenir de la FNUOD. « Les membres de ce Conseil doivent donc répéter sans ambiguïté leur attachement à son mandat. » Mme Gueguen a appelé les parties à respecter la totalité de leurs engagements au titre de l’Accord sur le dégagement de 1974 et à permettre le déploiement des équipements et des personnels requis. Le rôle de la Force pour préserver le cessez-le-feu et prévenir une escalade des tensions doit être préservé et renforcé, a conclu la déléguée de la France.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dit avoir demandé la tenue de cette réunion après la décision unilatérale du Président des États-Unis de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien occupé. Nous adressons demain, a-t-il annoncé, une lettre à la présidence du Conseil décrivant dans le détail la réalité du déploiement de la FNUOD dans le Golan. Mais notre thème d’aujourd’hui n’est pas la FNUOD, c’est la tentative d’annexion d’une terre syrienne. Le représentant a insisté sur le fait que ce territoire s’appelle le « Golan syrien occupé », et non les « hauteurs » ou le « plateau » du Golan, des termes stratégiques qui traduisent la volonté d’Israël de les conquérir. Il ne s’agit pas d’un plateau, a argué le représentant. La région a aussi des vallées et des rivières et au moment où débutait cette séance, Israël effectuait un bombardement aérien contre Alep, avec des dégâts matériels.
Le représentant a lu les mots d’une petite syrienne originaire d’un village du Golan occupé et brandi sa photo. Il a condamné la déclaration du Président des États-Unis sur le statut juridique du Golan syrien occupé, affirmant que le papier qu’il a signé le 25 mars et dont « il a fait cadeau » au Premier Ministre israélien est sans fondement. Ces pratiques américaines révèlent des « tendances dangereuses », puisqu’elles remettent en cause le droit international et « humilient » les Nations Unies, en faisant fi de leurs résolutions pertinentes, comme la résolution 497 (1981). Aucune administration américaine n’avait jusqu’ici nié l’occupation israélienne du Golan syrien. Ce comportement unilatéral, cette « gifle cinglante » montre que Washington n’accorde plus aucune valeur à l’ONU et « sonne le glas » de son rôle de médiateur au Moyen-Orient, a tranché le représentant.
Nous voyons dans les réactions des États Membres et des membres du Conseil de sécurité, s’est-il réjoui, le signe rassurant que les États-Unis et Israël sont dans l’illégalité. Aux yeux du peuple syrien, les États-Unis sont devenus « un pays ennemi, hors-la-loi, occupant nos terres ». Le représentant a accusé ce pays de détruire les infrastructures syriennes, de soutenir les terroristes, d’imposer un embargo et de s’en prendre militairement à son pays. La question que nous posons aujourd’hui à la conscience de l’humanité est: « Avez-vous regardé de près les conséquences véritables de cette violation américaine des résolutions? » Si le Conseil de sécurité avait fait front dès le départ, on n’en serait pas arrivé à ce « stade de mépris » du droit international. Cela a été une « négligence dangereuse », a tonné le représentant en prévenant « ce qui est pris par la force sera repris par la force ». Réitérant que le Golan syrien occupé « nous appartient », M. Ja’afari a affirmé que jamais il ne sera « un pion dans le jeu électoral » qui se joue d’un côté comme de l’autre.
Après tout, le territoire américain est vaste, a-t-il poursuivi. Les États-Unis pourraient faire cadeau à Israël d’un État ou deux, comme la Caroline du Sud et la Caroline du Nord, « l’État de Lindsey Graham ». Le représentant a ensuite rejeté les propos de l’Allemagne et non du « régime allemand », qui a tenté de faire dévier cette réunion de son sujet et qui s’est éloigné du protocole diplomatique en vigueur dans une telle enceinte. L’ONU, a-t-il souligné, est née des cendres de la Seconde Guerre mondiale, une guerre provoquée par la « lecture politique faussée » de l’Allemagne nazie. J’ai passé des années dans cette Organisation et je trouve honteux que nous ne puissions pas en respecter les règles, s’est-il emporté.
M. DANNY BEN YOSEF DANON (Israël) a souligné que le Golan a toujours été un territoire israélien et a remercié les États-Unis de l’avoir reconnu. Il a salué l’engagement sincère de ce pays et sa volonté de garantir la sécurité et le droit à la légitime défense d’Israël. Il a invité les autres États Membres à reconnaître le Golan comme une partie intégrante d’Israël. Le représentant est revenu sur l’historique de cette terre, soulignant que depuis 1967, le plateau du Golan garantit la survie d’Israël. Il a rappelé le début de la guerre lancée en 1973, par la Syrie, le jour même du Yom Kippour. Depuis le Golan, Israël a pu observer les manœuvres de la Syrie et lancer sa contre-attaque.
Interpelant directement le représentant de la Syrie, le délégué israélien l’a accusé d’être complice du meurtre de plusieurs centaines de milliers de Syriens. « N’avez-vous pas honte? Où étiez-vous lorsque votre gouvernement gazait des enfants? Ou étiez-vous lorsqu’il lançait des barils d’explosifs contre la population? N’avez-vous pas honte!? » Et à qui l’ONU compte « donner » le Golan? Aux factions jihadistes, aux milices shiites? Le représentant a affirmé que le Président syrien a lui-même dit que le Hezbollah devrait utiliser le plateau du Golan pour cibler Israël.
Le représentant a rappelé qu’en février 2018, l’Iran avait lancé un drone vers Israël à partir de la Syrie, après avoir lancé, en janvier 2018, un missile sol-sol à moyenne portée vers les nord d’Israël, également à partir de la Syrie. Le régime syrien, qui ne représente même plus son peuple, se laisse faire par son marionnettiste, l’Iran, a-t-il ironisé. La communauté internationale pense-t-elle vraiment qu’Israël cèderait le plateau du Golan à un dictateur criminel? La souveraineté d’Israël sur le Golan est « éternelle », la présence des Juifs y remontant à des millénaires. Le plateau du Golan est inséparable d’Israël et la reconnaissance internationale de sa souveraineté est garante de la stabilité.
Reprenant la parole, la représentante du Royaume-Uni est venue à la rescousse de son collègue de l’Allemagne, qui représente un pays partenaire défendant les principes de la Charte des Nations Unies. Nous savons tous comment est née l’ONU mais aujourd’hui ce sont les autorités syriennes qui ne respectent ni les valeurs des Nations Unies ni l’interdiction des armes chimiques et qui affament « leur propre peuple ».
Son homologue de la Syrie a tenu à préciser qu’il a fait référence à l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale et qu’il s’est adressé à son collègue allemand et pas à son pays. Il y a, a-t-il dit, une leçon importante à tirer du fait que 14 des 15 membres du Conseil de sécurité ont rappelé aujourd’hui que l’annexion du Golan syrien est illégale. Si un mathématicien pouvait calculer le nombre d’heures consacrées à l’occupation israélienne de terres arabes, nous serions déjà millionnaires, s’est exclamé le représentant. « À chaque fois qu’un Israélien est au pied du mur, il y a un Américain pour l’aider. »
Le représentant a dénoncé le « spectacle de marionnettes » auquel s’est livré le représentant israélien et lui a retourné son injonction: « Honte à vous, Israël! » Il a accusé ce pays de présenter l’occupation du Golan comme une nécessité sécuritaire, tout en ignorant l’histoire. « Soit nous respectons le droit, soit nous revenons à la loi de la jungle. » Le Golan syrien occupé appartient à la Syrie et ne pas reconnaître un droit mène à une guerre. Souhaitez-vous vivre en paix, en acceptant le principe « terre contre paix » ou préférez-vous rejeter la paix? a demandé le représentant. Certains veulent nous mettre à terre mais Israël verra comment nous recouvrerons les terres qui nous appartiennent, a prévenu le représentant.
« Je n’ai jamais pensé que je serais un jour d’accord avec la Syrie », a lancé à son tour le représentant d’Israël, qui a convenu que « l’ONU est obsédée par Israël ». Il suffit en effet de compter le nombre de déclarations et de résolutions dont Israël fait l’objet. Le représentant a estimé que si la même attention était accordée à la Syrie, la situation dans ce pays ne serait pas celle qu’elle est aujourd’hui. S’adressant au peuple syrien, il a affirmé que « le jour viendra où vous aurez un gouvernement qui accordera une véritable attention à vos droits. Nous pensons à vous et nous prions pour vous ».