Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour la Libye souligne « l’occasion cruciale » que représente la Conférence nationale prévue en avril
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye a expliqué, ce matin, au Conseil de sécurité que la Conférence nationale, prévue le mois prochain est une « occasion cruciale » de mettre fin à une période de transition de huit ans et une situation qui a atteint un « point critique ».
Par visioconférence à partir de Tripoli, M. Ghassam Salamé a averti que si l’occasion que représente la Conférence nationale n’est pas saisie, il n’y aura que deux options possibles: l’impasse ou le conflit. Le peuple libyen, qui souhaite « ardemment » l’unification des institutions du pays, se heurte à des puissances qui ont profité du chaos et de la division et qui sont réticentes à aller de l’avant.
Prévue du 14 au 16 avril, en Libye, la Conférence nationale, a expliqué M. Salamé, doit être l’occasion d’établir une feuille de route pour mettre un terme à la période de transition, grâce à l’organisation des élections législatives et présidentielle, et de faire des recommandations sur la manière de traiter du projet de constitution élaborée par l’Assemblée constituante.
La Libye a, également aujourd’hui, dit placer beaucoup d’espoir dans la Conférence nationale pour mettre un terme au « bras de fer » entre les parties et mettre sur pied un gouvernement qui placerait l’intérêt suprême des citoyens au-dessus de tout, en rejetant les divisions.
« Les urnes sont le seul moyen de sortir de cette crise », a martelé la Libye, qui a dénoncé les pays et les acteurs libyens qui cherchent à pérenniser le statu quo, la peur et le terrorisme ». Le pouvoir, a-t-elle insisté, est une mission qui exige que l’on soit comptable de ses actes et que l’on lance une lutte sans merci contre la corruption.
Le Représentant spécial a d’ailleurs indiqué qu’après deux cycles de pourparlers, facilités par la Mission de l’ONU, le Premier Ministre Faiez Mustafa Serraj et le général Khalifa Haftar se sont mis d’accord sur le fait que la Libye doit être un État civil gouverné démocratiquement, jouissant d’un contrôle totalement civil de l’armée et d’une transition pacifique du pouvoir. Ils se sont aussi accordés sur la nécessité d’unifier les institutions du pays et sur la tenue des élections avant la fin de l’année. Rien de nouveau, à l’exception, a souligné le Représentant spécial, de « l’engagement sincère » de traduire ces mots en « fin de la période de transition par des élections ». Auparavant, il s’était ému de l’aggravation des tensions dans le pays, après l’exposé du Président du Comité des sanctions prévues par la résolution 1970 (2011).
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
Par visioconférence à partir de Tripoli, M. GHASSAN SALAMÉ, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a déclaré d’emblée que la situation en Libye a atteint « un point critique ». Nous travaillons, a-t-il dit, pour prévenir l’escalade des tensions et aller vers la stabilité et un « pacte politique » susceptible de mettre un terme à la crise. Le 13 janvier, a indiqué le Représentant spécial, les forces du général Khalifa Haftar sont entrées pacifiquement à Sabha, une arrivée largement perçue comme une évolution positive et stabilisatrice. Lorsque ces forces se sont dirigées pour prendre le contrôle de Mourzouq dans le sud-ouest, elles se sont heurtées à l’opposition active de la communauté tébou et des groupes armés associés, causant 18 morts et 29 blessés. Quelque 90 maisons ont été incendiées dans des représailles menées par les forces tribales commandées par l’« Armée nationale libyenne (ANL) ».
L’ANL a, dans une large mesure, apporté sécurité et stabilité dans le sud du pays mais il est difficile de dire combien de temps cette campagne peut durer compte tenu des lignes de réapprovisionnement et des ressources financières limitées du Gouvernement parallèle. La mobilisation de l’ANL à Joufra et ses patrouilles vers Syrte ont conduit à des tensions avec les forces de Misrata qui demeurent positionnées à Syrte après les opérations contre Daech. À l’est, les fusils se sont tus à Derna mais alors que les informations se multiplient sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
Dans l’ouest, les forces locales se sont mobilisées contre les tensions et, jusqu’à présent, aucune partie ne semble prête à lancer une attaque. Mais, a alerté le Représentant spécial, il y a un véritable risque de mauvais calcul ou la menace de voir les forces extrémistes se lancer dans des escarmouches dans l’espoir d’attirer les autres dans une confrontation plus grave. Si le cessez-le-feu continue d’être respecté à Tripoli, le plan de sécurité pour le Grand Tripoli n’est que partiellement mis en œuvre.
Après deux cycles de pourparlers préparatoires, facilités par la Mission de l’ONU, le Premier Ministre Faiez Mustafa Serraj et le général Khalifa Haftar se sont mis d’accord sur le fait que la Libye doit être un État civil gouverné démocratiquement, jouissant d’un contrôle totalement civil de l’armée et d’une transition pacifique du pouvoir. Les parties se sont aussi accordées sur la nécessité d’unifier les institutions du pays et sur la tenue des élections avant la fin de l’année. Rien de nouveau, à l’exception, a souligné le Représentant spécial, de « l’engagement sincère » de traduire ses mots en « fin de la période de transition par des élections ».
Au titre des bonnes nouvelles, M. Salamé a annoncé que la plateforme de l’ONU à Benghazi était presqu’ouverte et que des discussions étaient en cours pour en ouvrir une autre à Sabha. Quant à « l’économie de prédation », il s’est dit encouragé par les mesures prises pour enrayer la contrebande, précisant que le 7 février, le Procureur de la République a lancé plus de 100 mandats d’arrêt contre des individus accusés de trafic de pétrole et ordonné la confiscation de 115 stations d’essence. La contrebande de pétrole représente plus de 750 millions de dollars par an, a-t-il insisté.
Le Représentant spécial a aussi alerté que les infrastructures libyennes continuent de se détériorer à un rythme alarmant, marquées notamment par une érosion des services de base. De plus, la production d’eau est particulièrement précaire, le bras occidental de la grande rivière artificielle, qui est la principale source d’eau pour le nord-ouest du pays, étant en danger imminent de s’assécher.
Après avoir rappelé le lancement, le 5 février, du plan humanitaire pour la Libye d’un montant de 202 millions de dollars, M. Salamé s’est penché sur la situation économique « mixte » du pays. Il a expliqué que la réouverture du champ de pétrole de Charara, avec l’appui « crucial » de l’ONU, avait permis d’augmenter la production pour atteindre 1,2 million de barils par jour. Les frais de conversion de devises, ainsi que la libéralisation des possibilités d’acheter des devises, continuent de générer des revenus et de renforcer le dinar. Il a toutefois averti que ces progrès risquent d’être de courte durée à moins de lancer d’authentiques réformes économiques. Ces réformes, a-t-il précisé, nécessitent une dévaluation directe de la monnaie et la levée des subventions qui « consomment » presque 10% du budget national. Le processus d’audit national doit d’ailleurs bientôt commencer, a-t-il ajouté.
Sur le plan électoral, M. Salamé a salué les efforts du Comité central, qui gère les conseils électoraux municipaux, et la tenue, le 30 mars, de neuf élections dans le sud et l’ouest du pays. Il a aussi appelé le Gouvernement à fournir les fonds nécessaires à l’opérationnalisation de la Haute Commission nationale électorale pour préparer les élections nationales.
Le représentant spécial a aussi parlé de la tenue, du 14 au 16 avril, en Libye, de la Conférence nationale, y voyant une occasion cruciale pour mettre un terme à la période de transition commencée, il y a huit ans. Évoquant les efforts déployés par la MANUL pour assurer un engagement aussi large que possible en faveur du processus politique, M. Salamé a souligné que le peuple libyen désire ardemment l’unification des institutions du pays. Cependant, il fait face à des forces puissantes qui ont matériellement profité du chaos et de la division du pays et qui sont, de ce fait, réfractaires à œuvrer en faveur de l’unification.
M. Salamé a averti que si l’occasion que représente la Conférence nationale n’est pas saisie, il n’y aura que deux options possibles: un statu quo prolongé ou le conflit. Et ce statu quo prolongé pourrait déboucher sur un conflit. Tout échec à faire avancer le processus politique serait la démonstration absolue que le pays est entièrement contrôlé par les forces armées, a-t-il mis en garde. Mais aujourd’hui, a-t-il tempéré, nous avons la capacité de nous reculer du bord du précipice.
Il a notamment expliqué que la Conférence nationale sera l’occasion de décider d’appuyer le Charte nationale, issue du processus consultatif entourant la Conférence nationale, et d’établir une feuille de route pour mettre un terme à la période de transition, grâce à la tenue d’élections parlementaires et présidentielle. Elle doit également formuler des recommandations au sujet du projet de constitution élaboré par l’Assemblée chargée de rédiger la Constitution.
Les jours à venir seront fondamentaux pour les années à venir en Libye et pour la région dans son ensemble, a-t-il souligné, appelant les Libyens à éviter tout acte d’obstruction. Il s’est notamment inquiété de la hausse notable de la « militarisation » des plateformes médiatiques pour en faire des outils d’incitation. Cela est en train de déchirer le tissu social déjà fragile de la Libye, a-t-il alerté, avant d’exhorter tous les acteurs à s’abstenir d’avoir recours à toute rhétorique inflammatoire ou aliénante. Il a aussi appelé la communauté internationale à faire pression sur les parties pour prévenir l’irruption de conflit et achever, de manière pacifique, la période de transition en Libye.
M. JÜRGEN SCHULZ, Président du Comité créé en vertu de la résolution 1970 (2011) portant embargo sur les armes, interdiction de voyager et gel des avoirs, a déclaré qu’après l’adoption de la résolution 2441 (2018), le Secrétaire général a nommé, le 2 janvier dernier, six membres du Groupe d’experts créé par la résolution 1973 (2011). Le 8 février, le Groupe a organisé des consultations informelles et a adopté son programme de travail dont le Comité a été informé. Les domaines d’intervention prévoient l’embargo sur les armes, les groupes armés et leurs tentatives d’exporter illicitement du pétrole et le gel des avoirs.
Durant la période à l’examen, le Comité, a indiqué son Président, a approuvé une demande d’exemption sur l’embargo des armes présentée par Malte. Le Comité ne s’est pas non plus opposé aux deux demandes d’exemption sur l’embargo présentées par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Il a également reçu une demande a posteriori des Pays-Bas. L’examen de quatre demandes supplémentaires de la Libye est en cours. Le Comité examine par ailleurs une demande de directives sur l’embargo sur les armes présentée par la MANUL.
S’agissant du gel des avoirs, le Comité a donné des directives au Liban et pour ce qui est de l’interdiction de voyager, il a approuvé une dérogation pour Mme Aisha Kadhafi. Il a aussi approuvé l’extension de la dérogation accordée à M. Sayyid Mohammed Qadhaf Al-Dam et a reçu une information préliminaire du Groupe concernant un possible cas de non-respect de l’interdiction de voyager par un individu qui s’est rendu en Égypte via la Tunisie.
Pendant la période à l’examen, le Comité a répondu à une communication de la Libye concernant des tentatives d’exporter illicitement du pétrole et demandé à la Libye des informations pour pouvoir identifier un individu particulier. Le Comité a aussi reçu un rapport de mise en œuvre du Maroc. Mon Comité, a conclu M. Schultz, est en train d’organiser une visite dans toutes les zones agréées de la Libye.
La crise libyenne alarme tout le continent africain, a avoué M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée-Équatoriale) en parlant d’un pays contrôlé par des groupes armés, des mafias et des terroristes. Il a appelé à une solution durable, insistant sur la nature « politique » de ladite solution. Le moment est venu de réfléchir à de nouvelles formes d’action et c’est la raison pour laquelle les dirigeants africains ont décidé, à l’issue de leur Sommet annuel, en janvier dernier, de prendre ce dossier en main, aux côtés des Nations Unies. Leur objectif, a expliqué le représentant, est de permettre l’organisation des élections présidentielle et législatives avant la fin de cette année. Ils ont d’ailleurs encouragé la convocation d’un forum national inclusif, au premier semestre de cette année
Mme NICHOLA NAKULUNGA SABELO (Afrique du Sud) a appuyé l’action de la MANUL et s’est dite encouragée par l’appui qu’elle apporte à la convocation de la Conférence nationale. Elle a exhorté les pays de la région à continuer de faire pression pour que les parties parviennent à un accord négocié. Elle s’est inquiétée de la situation humanitaire et a exhorté les bailleurs de fonds à se mobiliser. La représentante a jugé nécessaire d’assurer une application stricte des sanctions, estimant toutefois qu’elles doivent d’abord et avant tout viser à créer un environnement propice à la paix.
M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a souligné que la solution doit être consensuelle. Il a dit placer un grand espoir dans la Conférence nationale pour mettre un terme au « bras de fer » entre les parties libyennes et mettre sur pied un gouvernement qui placerait l’intérêt suprême des citoyens au-dessus, en rejetant les divisions. Le représentant a dénoncé les pays et les acteurs libyens qui cherchent à pérenniser le statu quo, la peur et le terrorisme. Les urnes, a-t-il martelé, sont le seul moyen de sortir de la crise. Le pouvoir est une mission qui exige que l’on soit comptable de ses actes et que l’on lance une lutte sans merci contre la corruption. Le représentant a d’ailleurs affirmé que le Gouvernement d’entente nationale travaille sans relâche pour relever les défis économiques. Des réformes ont été lancées alors que le Ministère de l’intérieur a initié plusieurs programmes pour unifier et professionnaliser les institutions chargées de la sécurité et lutter contre le terrorisme. Le représentant a conclu en appelant le Conseil de sécurité à apporter un appui unanime au Représentant spécial et aux parties libyennes et à l’organisation d’une conférence nationale inclusive pour mettre fin à la crise.