En cours au Siège de l'ONU

8454e séance – matin
CS/13684

Syrie: face au risque d’escalade, les efforts humanitaires au long cours doivent être pleinement financés, exhorte le Secrétaire général adjoint

S’il est urgent de répondre aux besoins vitaux « immédiats » des Syriens, il faut également veiller à ce que les programmes humanitaires du Plan d’intervention de 2019 soient bien financés, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, pour qui la Conférence des donateurs de Bruxelles les 13 et 14 mars sera un « indicateur décisif ».

M. Mark Lowcock était venu présenter la situation humanitaire en Syrie au cours du mois écoulé, qui a été marquée par une recrudescence des hostilités à Edleb, alors que les seuils de violence étaient restés relativement bas depuis la création, dans cette ville du nord-est du pays, d’une zone démilitarisée en septembre 2018 sous l’égide de la Turquie et de la Fédération de Russie.  La faute aux affrontements que s’y livrent des groupes armés non étatiques pour en prendre le contrôle, a-t-il précisé.

Le haut fonctionnaire a en effet mis en garde contre le « risque d’escalade », qui aurait « des conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire », en insistant sur l’importance d’éviter « à tout prix » une offensive militaire dans la région.  Un appel repris à son compte par la France, qui a exhorté le Conseil à se mobiliser pour préserver le cessez-le-feu sur le long terme, conformément aux engagements pris lors du Sommet quadripartite d’Istanbul. 

Outre qu’elle menace les conditions de vie des civils vivant dans cette zone, où plus de deux millions de Syriens sont privés de nourriture, d’eau et de soins de santé, ce regain de violences, consécutif aux allégations d’utilisation d’armes chimiques par des groupes armés à Alep, et au contrôle total de la province d’Edleb par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham, constitue une sérieuse entrave au processus de paix en cours, a analysé la Côte d’Ivoire.

Au campement de Roukban, le long de la frontière syro-jordanienne, la situation humanitaire de 42 000 personnes reste également alarmante, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, en expliquant que ce camp de fortune n’avait pas vu de convoi humanitaire depuis le début du mois de novembre dernier.  M. Lowcock a donc vigoureusement plaidé pour l’envoi d’un deuxième convoi, en expliquant que des arrangements avaient été conclus à cette fin entre l’ONU et les autorités syriennes, de nature à répondre aux préoccupations sécuritaires de celles-ci comme à celles de la Fédération de Russie.

La surveillance nécessaire au bon déroulement de la prochaine livraison sera renforcée, du site de déchargement jusqu’aux points de distribution, avec environ 250 membres du personnel des Nations Unies et du Croissant-Rouge arabe syrien à bord du convoi.  Il a été convenu, a ajouté M. Lowcock, que de l’entrée de la zone d’exclusion de 55 kilomètres jusqu’au site de déchargement, « une zone tampon de 5 kilomètres sera créée entre les groupes armés présents dans la zone et le convoi en vue d’éviter toute interférence ».  Les préparatifs sont en cours pour le chargement des camions qui doit se faire d’ici à la fin de la semaine, pour un départ le 5 février, a précisé le haut fonctionnaire.

Du Koweït aux États-Unis, en passant par le Pérou et la Pologne, les appels se sont multipliés pour que ce convoi puisse parvenir à destination le plus rapidement possible et ainsi atteindre Roukban.  La France a déploré que « le régime puisse encore, après plus de deux mois de discussions, en retarder l’acheminement ».

D’une manière générale, il a été beaucoup question aujourd’hui de « politisation » et d’instrumentalisation de l’aide humanitaire.  La Fédération de Russie s’est ainsi déclarée hostile à toute « approche sélective », en affirmant qu’elle n’avait eu de cesse de répondre favorablement aux besoins humanitaires en Syrie.  Elle en a voulu pour preuve la prorogation, le mois dernier, du mécanisme d’aide humanitaire transfrontière.  De son côté, le Royaume-Uni a considéré qu’empêcher des acteurs humanitaires de rester à proximité des zones difficiles d’accès –une décision que la délégation a imputée à Damas–, constituait une forme de politisation de l’aide. 

« Depuis le début de la guerre terroriste en Syrie, mon gouvernement n’a épargné aucun effort pour remédier à la situation humanitaire », a assuré pour sa part le représentant de la Syrie.  Selon lui, toutefois, de meilleurs résultats auraient pu être obtenus si certains acteurs, y compris « des délégations porte-plumes », avaient respecté le principe d’impartialité.  « L’aide humanitaire n’est pas un instrument de subjugation politique », a-t-il estimé, en balayant les « informations fallacieuses » susceptibles « d’induire en erreur dans le dossier syrien »: il a cité celles, « fabriquées de toutes pièces », relatives « à des enfants à Alep », ou bien encore « les mensonges proférés par les Casques blancs ». 

Considérant, à l’instar de certains membres du Conseil, que la solution humanitaire passe avant tout par la recherche d’une solution politique du conflit, le délégué syrien a demandé la fin de la présence dans son pays « des forces américaines, françaises, britanniques et turques », qui soutiendraient des éléments terroristes et entraveraient l’accès humanitaire.

M. Lowcock a demandé en conclusion que toutes les parties facilitent l’accès humanitaire de l’ONU et de ses partenaires -un accès sûr, régulier et durable- afin qu’ils puissent effectuer des évaluations supplémentaires, répondre aux besoins de tous les secteurs et mesurer l’impact des interventions.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

« Le peuple syrien est accablé par un hiver difficile, marqué par des températures glaciales, des chutes de neige et des pluies diluviennes qui détruisent des abris et provoquent le déplacement de dizaines de milliers de personnes », a commencé par dire M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires.  Ils sont des millions à vivre sous des tentes ou des bâches ou dans des immeubles endommagés, sans électricité ni chauffage.  Depuis la fin 2018, l’ONU et ses partenaires ont levé des fonds pour aider les Syriens à affronter l’hiver en fournissant à travers tout le pays des articles de première nécessité, a-t-il indiqué, en précisant que le montant obtenu jusqu’à présent atteignait 81 millions de dollars, ce qui permet de venir en aide à 1,2 million de personnes jusqu’à présent. 

À Edleb, les conditions météorologiques sont difficiles, sans compter le risque d’escalade militaire qui plane toujours.  Si l’accord de septembre entre la Russie et la Turquie a été suivi d’une baisse significative des combats au sol et des frappes aériennes, janvier a été marqué par une recrudescence des combats entre groupes armés non étatiques, a mis en garde le haut fonctionnaire.  « Je réitère aujourd’hui l’importance de maintenir [cet accord] et rappelle qu’une opération militaire à grande échelle à Edleb aurait des conséquences humanitaires catastrophiques », a insisté le Secrétaire général adjoint. 

Par ailleurs, 42 000 personnes demeurent coincées à Roukban, le long de la frontière syro-jordanienne.  Les conditions de vie dans le campement de fortune sur place continuent de se détériorer depuis que le dernier convoi humanitaire est parvenu dans la région, début novembre.  « Il est donc essentiel que les parties concernées soutiennent l’envoi d’un deuxième convoi à destination de Roukban. » L’ONU s’est engagée à faire en sorte que cela soit possible, notamment en répondant aux préoccupations sécuritaires exprimées par la Fédération de Russie et le Gouvernement syrien et en surveillant les modalités de distribution de l’aide, a rappelé M. Lowcock.

La surveillance sera encore renforcée, du site de déchargement jusqu’aux points de distribution, avec environ 250 membres du personnel des Nations Unies et du Croissant-Rouge arabe syrien à bord du convoi, a précisé le Secrétaire général adjoint.  Il a été convenu, a-t-il ajouté, que de l’entrée de la zone d’exclusion de 55 kilomètres jusqu’au site de déchargement, « une zone tampon de 5 kilomètres sera créée entre les groupes armés présents dans la zone et le convoi afin d’éviter toute interférence ».  Le 27 janvier, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a-t-il dit, a reçu l’approbation verbale du Ministère des affaires étrangères à Damas pour que le convoi puisse se mettre en route.  Des garanties de sécurité ont également été reçues de la part de la Fédération de Russie et des forces de la coalition internationale.  « Les préparatifs sont en cours pour le chargement des camions d’ici à la fin de la semaine et leur départ pour le 5 février.  Nous appelons toutes les parties à veiller à ce que cela se fasse sans plus tarder. »

Dans le nord-est du pays, le Secrétaire général adjoint s’est dit préoccupé par l’impact humanitaire des opérations militaires en cours dans le sud-est de Deïr el-Zor, où des milliers de personnes ont été déplacées et un nombre inconnu de personnes restent piégées par l’EIIL.  « Les raids aériens et combats au sol en continu ont fait de nombreuses victimes civiles et endommagé des infrastructures essentielles », a déploré le haut fonctionnaire.  Par ailleurs, depuis décembre, quelque 20 000 personnes –dont la plupart des femmes et des enfants– ont été déplacées de la région de Hajin vers le camp el-Hol dans la province de Hassaké et 25 enfants seraient décédés.  « Une fois de plus, j’appelle toutes les parties à faire tout leur possible pour protéger les civils et garantir la liberté de mouvement de tous. »

« Nous avons souvent signalé au Conseil, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, le risque inacceptable posé par les mines, les munitions non explosées et d’autres dangers liés aux explosifs en Syrie. »  Il s’est donc dit heureux de pouvoir confirmer que le Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) a lancé, hier, son premier projet à Damas, après l’ouverture de son bureau l’an dernier.  Environ 25 jeunes Syriens suivent actuellement une formation en matière de sensibilisation aux dangers des explosifs.  L’UNMAS reste prêt à se déployer et à apporter son aide lors de l’action humanitaire antimines à Raqqa, si un tel déploiement était autorisé par les autorités, a précisé M. Lowcock.

En consultation avec le Gouvernement et conformément aux principes humanitaires, nous finalisons actuellement notre aperçu des besoins humanitaires pour 2019, a-t-il relevé.  « Nous travaillons pour que notre plan d’intervention humanitaire soit terminé avant la prochaine conférence de Bruxelles. »  Le suivi et l’évaluation restent au cœur de nos efforts.  Par exemple, au cours du dernier trimestre 2018, l’ONU a, avec l’accord du Gouvernement, effectué près de 1 000 missions en Syrie, dont 75% à des fins de suivi et d’évaluation, ce qui permet de rendre compte de manière crédible aux donateurs de la manière dont leur argent est utilisé.

Le haut fonctionnaire a terminé son intervention en rappelant quelques priorités actuelles au sujet desquelles il a sollicité l’aide des États Membres.  Tout d’abord, leur soutien est indispensable pour veiller à ce que les parties respectent et protègent les civils, en accordant une attention particulière au nord-ouest et au nord-est du pays.  « Une fois encore, une offensive militaire complète à Edleb et dans les environs doit être évitée à tout prix. »  Ensuite, le convoi humanitaire à destination de Roukban doit pouvoir poursuivre sa route comme prévu.  De plus, toutes les parties doivent faciliter un accès humanitaire sûr, régulier et durable, afin que l’OCHA et ses partenaires puissent effectuer des évaluations supplémentaires, répondre aux besoins de tous les secteurs et surveiller l’impact des interventions.  Enfin, le Secrétaire général adjoint a souligné l’importance non seulement de financer les besoins vitaux immédiats de la Syrie, mais aussi de veiller à ce que les programmes humanitaires du Plan d’intervention humanitaire de 2019 soient bien financés. « La conférence des 13 et 14 mars à Bruxelles constituera un indicateur décisif à cet égard », a-t-il affirmé.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), s’exprimant au nom des trois pays porte-plumes des résolutions sur la situation humanitaire en Syrie (Allemagne, Belgique et Koweït), a indiqué que, d’après des statistiques de l’ONU, près de 12 millions de personnes auraient besoin d’une assistance humanitaire, dont 5 millions d’enfants.  Avec plus de 5,6 millions de réfugiés syriens enregistrés dans les pays voisins, dont 2,5 millions d’enfants, et près d’1 million de personnes dans des zones difficiles d’accès, il a insisté sur le fait que ces chiffres alarmants cachent des histoires tragiques de souffrance de civils syriens qui sont devenus victimes de l’un des plus grands conflits de notre époque.  Fort de ce constat, il a exhorté les parties au conflit et la communauté internationale à travailler ensemble pour améliorer la situation et l’accès humanitaire en Syrie.

Passant en revue les nombreux défis humanitaires à relever sur le terrain, le représentant a notamment cité les obstacles bureaucratiques et sécuritaires qui entravent l’accès, exigeant qu’ils soient levés sans plus tarder, d’autant plus que la Syrie connaît un hiver très rude qui exacerbe les conditions de vie difficiles et qui a fait des victimes civiles au cours des dernières semaines.  Il a également évoqué les souffrances des 42 000 personnes vivant dans le camp de Roukban dont la survie dépend de l’assistance humanitaire, en particulier les femmes et les enfants qui représentent 80% de la population du camp.  Un accès humanitaire immédiat, sûr et sans entrave pour le dernier convoi est impératif, a-t-il tranché.

Protéger les civils non seulement du conflit mais aussi des violations des droits de l’homme reste l’un des plus grands défis à relever en Syrie, a-t-il poursuivi, en insistant sur le respect de l’accord pour un cessez-le feu dans la province d’Edleb, négocié par la Fédération de Russie et la Turquie.  La recrudescence des combats dans plusieurs parties de la Syrie au cours des dernières semaines a multiplié les déplacements internes et la destruction d’infrastructures civiles, ce qui a amené le représentant à exiger, de toutes les parties au conflit, de garantir la protection des civils et de leurs infrastructures et de respecter toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 2286 (2016) sur la protection des hôpitaux et centres de soins.

Enfin, il a réaffirmé le soutien des trois pays porte-plumes au travail du Mécanisme international impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie.  Il a également souligné que tout retour de réfugiés syriens dans leur patrie doit être volontaire, sûr et digne, conformément aux conditions fixées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a demandé un accès humanitaire constant et complet dans l’ensemble du pays et exhorté les autorités syriennes à accorder toutes les autorisations nécessaires à cette fin.  Il s’est dit encouragé par le déploiement attendu d’un second convoi à Roukban et a appelé l’ONU à faciliter le départ de Roukban des personnes qui souhaitent regagner leurs foyers.  Le régime syrien continue de faire fi des résolutions du Conseil, a-t-il regretté, en exhortant ce dernier à rester vigilant et à demander des comptes aux autorités syriennes.

Ls États-Unis, a-t-il poursuivi, sont prêts à coopérer, avec l’ONU notamment, pour alléger les souffrances humanitaires en Syrie.  La campagne contre Daech n’est pas achevée, a affirmé le délégué, en appelant la coalition internationale à poursuivre ses efforts et à faire en sorte que la défaite de Daech soit « définitive ».  Enfin, le représentant a indiqué que son pays suivait attentivement la situation à Edleb où il souhaite voir préserver le cessez-le-feu, qui bénéficie à trois millions de personnes, sous peine de « conséquences catastrophiques ».

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a souligné l’urgence de répondre aux besoins humanitaires en Syrie et exhorté les parties à ne pas entraver les efforts menés pour y répondre, dans l’esprit de la résolution 2449 (2018).  L’absence d’une solution politique ne peut qu’aggraver la situation humanitaire en Syrie, a-t-il poursuivi avant d’appuyer un processus politique emmené par les Syriens eux-mêmes et respectant pleinement la souveraineté du pays.  Mettant en garde contre toute escalade du conflit, le délégué a réitéré son appel aux parties pour qu’elles cessent toute attaque contre les civils, y compris les infrastructures, et plaidé pour que l’accord de cessez-le-feu soit préservé.  « Il y a eu trop de souffrances, depuis trop longtemps, donnons une chance à la paix », a conclu M. Djani.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est déclaré inquiet de l’escalade constatée en janvier à Edleb, où l’opposition a été écartée de plusieurs zones.  Le nombre de violations du cessez-le-feu n’a cessé d’augmenter, plus d’un millier depuis septembre, a souligné le représentant, pour qui un tel phénomène ne permettra pas de trouver une solution durable et viable pour protéger les populations locales.  « L’évolution de la situation nous a donné raison », a-t-il fait valoir.  Il faut éviter un scénario où les populations pourraient sympathiser avec les groupes armés sur place, a prévenu la délégation russe, qui s’est déclarée hostile à une « approche sélective » et à toute « politisation » de la situation humanitaire sur place.

« Nous n’avons eu de cesse de répondre favorablement aux besoins humanitaires en Syrie », a assuré M. Nebenzia, qui en a voulu pour preuve la prorogation, le mois dernier, du mécanisme d’aide humanitaire transfrontière.  Dans les zones libérées des terroristes, les populations retrouvent une vie normale, a-t-il encore observé, affirmant que des dizaines de milliers de personnes ont pu rentrer en Syrie par les points de passage ouverts grâce à l’intervention de la Fédération de Russie.  Par ailleurs, outre les efforts de désescalade, il est important d’œuvrer à la mise en place du comité constitutionnel, a préconisé le représentant, qui s’est dit convaincu que la rencontre des pays garants du processus d’Astana en février serait une occasion de faire des progrès en ce sens.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a prévenu qu’il serait « irresponsable de banaliser la situation en Syrie » et appelé à rester pleinement mobilisé autour de trois priorités essentielles: le maintien du cessez-le-feu à Edleb et la protection des civils; la garantie des accès humanitaires; et une solution politique durable en Syrie.  L’accord russo-turc sur Edleb a permis d’éviter une offensive qui aurait eu des conséquences humanitaires, migratoires et sécuritaires désastreuses dans toute la région, et qui aurait éloigné encore un peu plus la perspective d’une solution politique, a-t-il rappelé.  Alors que les groupes radicaux cherchent plus que jamais à dominer la zone, la France exhorte le Conseil à se mobiliser pour préserver le cessez-le-feu sur le long terme, conformément aux engagements pris lors du Sommet quadripartite d’Istanbul.

En ce qui concerne la garantie d’accès humanitaire sur l’ensemble du territoire syrien, la France note que « le régime syrien poursuit inlassablement sa stratégie d’instrumentalisation politique de l’aide ».  En effet, a expliqué le délégué, en relevant que le régime soumet la moindre des activités et le moindre des déplacements des organisations humanitaires à des autorisations délivrées au compte-gouttes.  Il a particulièrement déploré le fait que le régime puisse encore, après plus de deux mois de discussions, retarder l’acheminement du nouveau convoi à destination du camp de Roukban où plus de 40 000 personnes vivent dans des conditions abominables.  La France invite donc les acteurs ayant de l’influence sur le régime à garantir un accès humanitaire sûr, complet, sans entrave et durable sur l’ensemble du territoire syrien.  Et dans les zones en dehors du contrôle du régime, il est primordial que l’ensemble de la communauté internationale poursuive ses efforts à destination des populations dont la situation est de plus en plus incertaine, notamment au nord-est et au nord-ouest.

Enfin, la France affirme qu’il n’y aura pas de solution humanitaire durable sans un processus politique crédible, sous la supervision des Nations Unies.  M. Delattre a également précisé que l’aide humanitaire est distincte de la reconstruction.  L’aide humanitaire est un impératif immédiat, soumis à des principes de stricte neutralité, d’impartialité et d’indépendance, tandis que la reconstruction ne sera envisageable que lorsqu’une transition politique irréversible, crédible et inclusive sera engagée.  Selon la France, seules des avancées crédibles dans le processus politique permettront de parvenir à une amélioration durable de la situation humanitaire et, à terme, rendront possible le retour volontaire, sûr et digne des réfugiés.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé que 11,7 millions de Syriens ont besoin d’une aide humanitaire et souligné la nécessité d’éviter une nouvelle tragédie humanitaire à Edleb.  Il a ensuite fermement condamné tout acte de terrorisme et souligné l’importance de traduire en justice les auteurs de tels actes.  Combattre le fléau du terrorisme ne saurait constituer une justification suffisante pour mettre en danger trois millions de personnes, a-t-il déclaré.  Le délégué a exhorté les autorités syriennes à accorder les autorisations nécessaires pour améliorer la situation humanitaire à Roukban.  Enfin, le délégué a souhaité que le Plan humanitaire pour la Syrie soit doté de ressources pérennes et résolument plaidé pour une solution politique.

M. ZHAOXU MA (Chine) a indiqué que la situation sécuritaire en Syrie continue de se stabiliser, tandis que l’ONU et ses partenaires poursuivent l’évaluation des besoins humanitaires.  Mais, a-t-il précisé, pour qu’une aide puisse être apportée aux populations en détresse, les parties doivent maintenir des normes sécuritaires minimales dans les zones de conflit « en gardant à l’esprit l’avenir de leur pays ».  Le représentant a en outre encouragé les acteurs humanitaires à observer scrupuleusement les principes directeurs qui prévalent dans la distribution de l’aide. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé par la résurgence des combats dans le nord-ouest de la Syrie, qui semblait progressivement retrouver la paix après la signature de l’Accord sur la « zone démilitarisée » par la Fédération de Russie et la Turquie.  Cette escalade militaire, consécutive aux allégations d’utilisation d’armes chimiques par des groupes armés à Alep, et au contrôle total de la province d’Edleb par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham, constitue une sérieuse entrave au processus de paix en cours, a-t-il noté, sans compter qu’elle menace les conditions de vie des civils vivant dans cette zone où plus de deux millions sont privés de nourriture, d’eau et de soins de santé.  D’autres parties du territoire ont également besoin d’assistance humanitaire, a ajouté le représentant. 

« La Côte d’Ivoire condamne les attaques et menaces continues contre les civils, ainsi que les restrictions imposées à leur liberté de circulation sur toute l’étendue du territoire syrien. »  M. Ipo a rappelé la nécessité de garantir un accès humanitaire sûr, rapide, sans entrave et durable en vue d’apporter l’aide nécessaire aux populations en détresse en Syrie.  À cet égard, il a salué le renouvellement pour un an, par le Conseil de sécurité le 13 décembre 2018, du Mécanisme de surveillance de l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière.  Il a également salué les efforts de l’Union européenne qui a adopté un budget de 1,6 milliard d’euros consacrés à l’aide humanitaire en 2019, dont une partie servira à faire face à la crise syrienne.  La Côte d’Ivoire, a-t-il conclu, exhorte toutes les parties à la cessation des hostilités et au strict respect des dispositions de l’Accord instituant une zone démilitarisée dans la province d’Edleb.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a salué l’aide transfrontalière apportée à la Syrie, une approche sans laquelle l’ONU n’aurait pas atteint certaines populations.  La délégation invite l’OCHA à travailler de concert avec les autorités syriennes afin de faciliter la délivrance rapide des autorisations pour que les convois puissent parvenir sur les sites où l’assistance humanitaire est la plus nécessaire.

Le représentant a jugé difficile de faire des progrès dans le domaine humanitaire en Syrie sans au préalable en faire sur le front politique.  Il a donc réitéré l’importance de mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) et la feuille de route pour un avenir politique en Syrie.  Il a ensuite plaidé pour la mise en place du comité constitutionnel, ce qui serait « une étape vers la bonne direction pour un accord politique durable et négocié en Syrie ».  L’Afrique du Sud affirme que la seule solution durable au conflit est une solution politique négociée, par l’entremise d’un dialogue dirigé par les Syriens, et visant une transition qui respecte le vœu du peuple syrien et garantisse la protection de tous les Syriens.  Enfin, l’Afrique du Sud se dit opposée à tout appel au changement de régime ou à toute intervention militaire en Syrie, et à toute action contraire à la Charte des Nations Unies. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) s’est préoccupée de l’impact du conflit armé sur les civils dans plusieurs parties de la Syrie, et notamment dans le nord-ouest et le nord-est du pays.  Elle a insisté pour que toute opération militaire, y compris celles visant à combattre le terrorisme, soit menée dans le respect du droit international et du droit international humanitaire, afin d’éviter les conséquences négatives sur les civils.  Et ceux qui se détournent de la protection des civils doivent être tenus pour responsables, a-t-elle exigé. 

Face au risque d’escalade et de catastrophe humanitaire dans la région d’Edleb, la représentante a appelé toutes les parties au conflit à respecter le cessez-le-feu et à laisser un accès sûr et sans entrave à tous les acteurs humanitaires, et ce, sur tout le territoire syrien.  Les autorités syriennes doivent, a-t-elle précisé, donner le droit d’accès aux humanitaires voulant se rendre notamment dans la région de Roukban.  Enfin, elle a rappelé qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit en Syrie et qu’un accord politique reste la seule voie vers la paix, ce qui passe par une réelle transition politique, comme prévu par la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et le Communiqué de Genève.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est dit préoccupé de la recrudescence des incidents violents à Edleb, où les populations locales sont prises en otage par les groupes armés locaux.  Mais gardons à l’esprit que le cessez-le-feu doit être préservé à tout prix et que toute offensive militaire peut avoir des conséquences humanitaires catastrophiques.   En 2018, l’ONU a demandé aux autorités syriennes de mener 1 382 convois humanitaires, mais la moitié n’a pas été autorisée, ce qui est « inacceptable », a observé le représentant.  Selon lui, un tiers des personnes à aider se trouve dans des zones difficiles d’accès, précisément parce que le régime syrien n’a pas permis aux acteurs humanitaires de rester sur place.  C’est une forme de politisation de l’aide, a accusé la délégation britannique.  Il a rappelé, en conclusion, que son pays avait contribué à hauteur de 3,5 milliards de dollars depuis 2012 à l’aide humanitaire en Syrie et avait encore versé 450 millions de plus lors de la dernière Conférence de Bruxelles. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a plaidé pour un accès humanitaire sans entrave en Syrie et appelé les parties à la retenue pour protéger les civils.  Le délégué a souligné les conditions de vie très difficiles dans le camp de Roukban, des enfants étant récemment morts de froid.  Il a en conséquence demandé le bon acheminement des convois humanitaires, conformément à la résolution 2449 (2018).  Le retrait progressif de Syrie des troupes des États-Unis ne doit pas se traduire par des affrontements accrus, a-t-il déclaré.  Enfin, il a rappelé le bilan de la guerre et les « horreurs » commises en Syrie et demandé une solution diplomatique, dans le droit fil de la résolution 2254 (2015).

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a dit partager les préoccupations exprimées aujourd’hui sur le sort des populations civiles en situation de détresse humanitaire.  Il a souligné les défis qui se posent consécutivement aux déplacements de population, avant de lancer un appel aux parties au conflit pour qu’elles prennent les mesures conformes au droit international humanitaire pour garantir la sécurité des civils et respecter leur dignité.  Chacun doit être libre de pouvoir se rendre là où il le souhaite pour jouir de la sécurité, a-t-il insisté.

S’agissant de la situation dans le camp de Roukban, le délégué a déploré les conditions de vie sur place, qui exigent, selon lui, l’envoi d’un convoi humanitaire.  Il s’est donc tourné vers les autorités syriennes pour qu’elles permettent à l’assistance de bénéficier à tous ceux qui en ont besoin.  Après avoir rendu hommage aux femmes syriennes, le représentant a souligné qu’il ne sera possible de trouver une solution à la crise humanitaire qu’après être parvenu à un règlement politique négocié. 

« Depuis le début de la guerre terroriste en Syrie, mon gouvernement n’a épargné aucun effort pour remédier à la situation humanitaire », a déclaré M. BASHAR JA’AFARI (Syrie).  Il a mentionné les mesures prises à cette fin, faisant valoir qu’aucun travailleur humanitaire n’avait été menacé en Syrie.  Les soldats syriens ont payé de leur vie la protection ainsi offerte, a-t-il ajouté. Il a souhaité que le développement durable devienne maintenant une réalité en Syrie, en rappelant les huit résolutions adoptées par le Conseil sur la situation humanitaire.  Ces huit textes ne permettent pas d’alléger les souffrances, tant il convient de remédier aux causes profondes desdites souffrances, a expliqué le délégué.

Selon M. Ja’afari, de meilleurs résultats auraient pu être atteints si certains acteurs, y compris des délégations porte-plumes, avaient respecté le principe d’impartialité.  « L’aide humanitaire n’est pas un instrument de subjugation politique. »  M. Ja’afari a mis en garde contre les informations fallacieuses susceptibles « d’induire en erreur dans le dossier syrien », en rappelant « les informations fabriquées de toutes pièces relatives à des enfants à Alep » ou bien encore « les mensonges propagés par les Casques blancs ».  Le délégué a souligné la nécessité de respecter l’indépendance et la souveraineté de la Syrie lors de toute intervention humanitaire et dénoncé les acteurs hostiles qui veulent violer ladite souveraineté.

Il faut mettre un terme à la présence des forces américaines, françaises, britanniques et turques en Syrie qui soutiennent des éléments terroristes et entravent l’accès humanitaire, a-t-il affirmé.  Le délégué a en outre fustigé le véritable « terrorisme économique » perpétré par les États-Unis contre « des pays comme le sien ».  Enfin, évoquant le récent déplacement de l’Envoyé spécial en Syrie, M. Ja’afari a plaidé pour une solution politique, prévoyant la fin de la présence de toute force étrangère illégitime et l’élimination du terrorisme en Syrie. 

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