Sommet sur les ODD: les dirigeants du monde présentent des mesures pour la décennie d’action, sous le regard des jeunes qui « demanderont des comptes »
En clôturant le Sommet sur le suivi de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Président de l’Assemblée générale a rappelé que les objectifs de développement durable (ODD) visent à « garantir aux personnes du monde entier d’avoir les mêmes chances non seulement de survivre, mais également de prospérer ».
Alors qu’il mettait fin au premier Forum politique de haut niveau pour le développement durable placé sous les auspices de l’Assemblée générale, M. Tijjani Muhammad-Bande a estimé que l’engagement exprimé par les dirigeants du monde à cette occasion, matérialisé par une Déclaration politique adoptée hier, n’est que le début des efforts que le monde attend. En parlant de la « décennie d’action » à venir, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina J. Mohammed, a promis que l’ONU allait y mettre du sien pour la concrétisation des objectifs.
« Nous n’allons plus prendre vos promesses pour argent comptant », a toutefois prévenu Mme Trisha Shetty, une jeune représentante de la société civile, en expliquant que sa génération attend désormais des actions. « Nous demanderons des comptes », à la fois aux dirigeants et aux jeunes qui entendent s’engager, a-t-elle dit, car pour l’instant, les jeunes considèrent que les dirigeants du monde ont échoué dans la tenue de leurs engagements ambitieux de 2015. Il est, selon Mme Shetty, important de changer dès à présent de cap. C’est aussi le message transmis par un jeune poète, M. Ameer Brown, qui a déclamé un texte empreint de lyrisme dans lequel il a recensé les problèmes d’aujourd’hui et évoqué les espoirs d’un monde meilleur.
Pour convaincre de leur détermination à réaliser le Programme 2030, les dirigeants ont, à travers une succession de « dialogues », présenté les mesures prises ou envisagées pour pouvoir atteindre les ODD dans les temps voulus. En plus du « plan mondial » qu’il est nécessaire de suivre, comme recommandé par le roi des Pays-Bas, de nombreux dirigeants et notamment la Première Ministre de l’Islande, ont insisté sur le fait que le développement durable ne pourra être une réalité sans « coopération entre toutes les parties prenantes ». Le Président du Kenya a souligné, par exemple, l’importance du partage d’expériences, des financements et des transferts de technologies.
Cet appel à des partenariats a été maintes fois repris, même si le Président des Seychelles a souligné que la multiplicité des partenariats peut aussi constituer un obstacle quand il faut mobiliser plusieurs acteurs pour un projet commun, alors que chacun d’eux a des priorités qui lui sont propres. C’est pourquoi « il faut s’écarter des solutions habituelles et trouver des approches innovantes », a proposé la Présidente de la Géorgie en rappelant la nécessité de combler le fossé des 37 000 milliards de dollars qui manquent pour la mise en œuvre des ODD.
C’est dans ce sens qu’a été lancé le « Global Deal », a expliqué le Premier Ministre de la Suède qui a parlé d’une initiative visant, entre autres, à renforcer le dialogue social, à créer des emplois décents et à réduire les inégalités. Cette solidarité internationale a permis de mobiliser 2 100 chambres de commerce du monde entier et donc 10 millions d’entreprises pour investir dans le développement durable, a souligné le Secrétaire général de la Chambre de commerce internationale (CCI), même s’il a déploré les cadres politiques et réglementaires dissonants qui constituent un obstacle à l’implication du secteur des affaires dans les questions de développement durable au niveau local.
L’appropriation locale des ODD est pourtant cruciale, ont fait remarquer les orateurs. Pour l’Administrateur du PNUD, réaliser les objectifs au niveau local est la clef pour la réussite de tout le Programme 2030. Les « ODD appartiennent à tous », a relevé le Président de l’Assemblée générale, en souhaitant que les ODD soient davantage intégrés dans les plans nationaux de développement et que la mobilisation de ressources et des investissements engendre une accélération des progrès.
Parlant des financements, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a insisté sur la mobilisation des ressources nationales par les pays du Sud, tout en appelant les pays du Nord à lutter contre les flux financiers illicites. Le Président du Kazakhstan a demandé que les ressources financières dédiées aux ODD soient dépensées « de manière raisonnable », et que l’on accorde davantage d’appui aux pays à revenu intermédiaire qui comptent près de 5 milliards d’habitants.
Le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda a, pour sa part, mis l’accent sur l’importance de l’aide publique au développement (APD), en plaidant pour le développement de nouveaux instruments financiers adaptés au contexte de la crise climatique. À ce propos, dans un plaidoyer émouvant en faveur des petits États insulaires en développement (PEID), le Président de Saint Vincent-et-les Grenadines a demandé qu’une attention spéciale soit accordée à ces pays, rappelant aux dirigeants du monde que « nous nous sommes de la même famille ». C’est aussi parce que les gens sont au cœur des ODD que l’Égypte, comme l’a expliqué son Président, a adopté une stratégie nationale de développement qui s’appuie sur des « investissements dans l’être humain ».
Avant la séance de clôture, le Forum a entendu des dizaines de dirigeants dans le cadre d’un débat général entamé hier. Le Forum a décidé que le Président de l’Assemblée générale préparerait un rapport sur ces travaux.
Le prochain Forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous les auspices de l’Assemblée générale, aura lieu dans quatre ans.
FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE (Suite)
Dialogues des dirigeants
Accélérer la réalisation des objectifs de développement durable: les points d’entrée importants
Après avoir énuméré les réalisations du Gouvernement islandais pour intégrer le Programme de développement durable à l’horizon 2030 dans le programme d’action national, Mme KATRÍN JAKOBSDÓTTIR, Première Ministre de l’Islande, co-modératrice de la discussion, a mis en garde que les Objectifs de développement durable (ODD) ne seront pas atteints sans coopération ni sans coordination entre toutes les parties prenantes. Elle a fait valoir à cet égard l’exemple de son pays, l’Islande, qui œuvre en ce sens. Pour sa part, le Président du Costa Rica, M. CARLOS ALVARADO QUESADA, l’autre modérateur de ce dialogue, a insisté sur l’importance d’accélérer la mise en œuvre des ODD pour arriver, avant 2030, à ne laisser personne sur le bord de la route. Le Président a invité les pays à donner des exemples concrets des actions qu’ils mènent pour accélérer la réalisation des ODD.
M. ABDEL FATAH EL-SISI, Président de l’Égypte, tout en reconnaissant que beaucoup reste à faire dans son pays sur les plans économique et social, a fait valoir la stratégie nationale égyptienne basée sur des programmes très ambitieux qui ont permis d’améliorer la situation des Égyptiens de façon générale, « parce que nous investissons dans l’être humain », a précisé le Chef d’État. Pour accélérer la réalisation des ODD, il faut des financements qui correspondent aux aspirations du pays et qui ne soient pas soumis à des conditions politiques ou autres, a-t-il recommandé. Le Président el-Sisi a aussi souligné l’importance du renforcement des capacités nationales et humaines.
Planifier les activités de développement avec soin et faire place aux nouvelles idées, sont les grandes lignes proposées par le Président du Monténégro, M. MILO DUKANOVIĆ, qui a énuméré plusieurs « points d’entrée », dont la réforme de la gouvernance, les échanges de données fiables entre l’ONU et les services statistiques nationaux, l’adoption d’une approche stratégique sectorielle et horizontale, et l’élaboration d’un modèle de développement national.
Pour sa part, le Président de la Sierra Leone, M. JULIUS MAADA BIO, a dit que son gouvernement se concentre d’abord sur les objectifs 4 et 16, qui ont trait respectivement à l’éducation de qualité gratuite et l’accès à la justice. Il a précisé que 21% du budget sont consacrés à l’éducation et que 2 millions d’enfants ont été scolarisés en Sierra Leone. La réforme économique menée dans le pays vise à augmenter les revenus nationaux par l’inclusion financière, l’accès aux crédits, la réforme du secteur commercial, a-t-il ajouté. Il a toutefois souligné la nécessité pour la communauté internationale de mettre en œuvre une plus grande coopération afin de mieux combattre le blanchiment d’argent et les évasions fiscales à l’échelle mondiale.
M. UHURU KENYATTA, Président du Kenya, a indiqué que son pays ambitionnait de devenir à moyen terme un pays à revenu intermédiaire. Pour y parvenir, le Gouvernement fait de l’éducation gratuite pour tous une priorité nationale, a dit le Président en signalant les partenariats solides noués avec toutes les parties prenantes nationales et internationales. M. Kenyatta a notamment souligné l’importance du partage d’expériences, des financements et des transferts de technologies, insistant pour que celles-ci soient largement diffusées pour accélérer la mise en œuvre des ODD.
Pour M. TANETI MAAMAU, Président de Kiribati, accélérer la réalisation des ODD exige un plan d’action détaillé avec des indicateurs, en particulier des indicateurs pour mesurer les besoins de financement. C’est aussi l’idée développée par le Roi WILLEM-ALEXANDER des Pays-Bas pour lequel réaliser les ODD nécessite un « plan mondial ». Ce plan devrait prévoir de faire diminuer la consommation mondiale et de redoubler d’efforts pour être inclusif, a-t-il précisé. Notant que plus de 5 milliards de personnes n’ont pas accès à la justice dans le monde, le souverain a indiqué qu’avec l’Argentine, les Pays-Bas ont lancé un projet d’accès à la justice, en particulier pour les femmes, pour que celles-ci puissent jouir de leurs droits, notamment les droits sexuel et procréatif.
M. MARTÍN VIZCARRA CORNEJO, Président du Pérou, a de son côté misé sur la lutte contre la corruption pour accélérer la réalisation des ODD. La Colombie et le Pérou ont signé un mémorandum de lutte contre ce fléau, a-t-il signalé, avant de rappeler que la lutte contre la corruption doit se faire dans le cadre de l’état de droit.
Dans un plaidoyer émouvant en faveur des petits États insulaires en développement (PEID), M. RALPH GONSALVES, Président de Saint Vincent-et-les Grenadines, a décrété qu’on ne pouvait plus continuer comme par le passé. Les PEID souffrent de vulnérabilités spécifiques qui demandent une attention spéciale et non des actions isolées, a-t-il expliqué. Il a demandé « une sorte de loi internationale » pour aider ces pays à faire face à la situation car, a-t-il argué, « c’est dans l’intérêt de tous, du monde entier et de chacun de nous ». Il faut faire face à ces menaces, ensemble, a prêché le Président en soulignant que « nous sommes de la même famille ». De l’avis du Président Gonsalves, « être un PEID n’est pas un cadeau ». Il y a des solutions à leurs problèmes, a-t-il assuré, en citant les initiatives climatiques et en reconnaissant que le Programme 2030 offre de nouvelles possibilités « pour nous transformer, pour travailler ensemble ».
Dans la même ligne que le roi des Pays-Bas, le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. QU DONGYU a préconisé de transformer le mode de production et de consommation actuel pour assurer notre alimentation. La FAO travaille pour faire face aux besoins alimentaires de 2 milliards de personnes, a-t-il indiqué. Dans le même temps, nous devons aussi faire face à toutes les difficultés écologiques, les changements climatiques, la durabilité, sinon beaucoup de personnes resteront sur le côté, a-t-il prévenu. Il a souligné l’importance d’améliorer le sort des agriculteurs, d’où la nécessité d’adopter des méthodes au niveau mondial pour faire face aux problèmes rencontrés par les agriculteurs du monde entier.
Au nom de la société civile, Mme PAULA GIOIA, La Via Campesina, a parlé en tant qu’éleveur d’abeilles. « Nous sommes quelque 200 millions de personnes dans le monde et nous sommes un maillon essentiel pour réaliser les ODD. » Ce secteur offre des possibilités pour accélérer le développement durable, en particulier pour atteindre l’objectif « faim zéro » et l’autosuffisance alimentaire, a-t-elle fait remarquer. Mme Gioia a donc plaidé pour la protection de la production d’abeilles, notamment en mettant en oeuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (DNUDP). La représentante a aussi demandé de défendre les familles d’agriculteurs et de considérer les personnes et la nature avant la recherche du profit.
« Accélération » semble être le mot du jour, a dit la Première Ministre de l’Islande pour résumer ce premier dialogue de la journée. Elle a souligné que cela nécessite des actions concrètes. Il faut aussi « avoir le peuple avec nous », a-t-elle dit: le peuple doit savoir que les ODD sont un outil public essentiel de développement, et de changement. « Il faut avoir la volonté de changer », a conclu le Président du Costa Rica.
Mesures permettant de favoriser les progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable
Ce dialogue a permis aux dirigeants d’examiner comment la gouvernance, l’économie et les finances, l’action individuelle et collective, ainsi que la science et la technologie, peuvent être utilisés dans des alliances et des partenariats stratégiques pour conduire à des transformations en faveur du développement durable.
Le Président de la Finlande, M. SAULI NIINISTÖ, a assuré que la présidence de l’Union européenne que son pays assume en ce moment est justement placée sous le signe de la « durabilité ». Le Président, l’un des animateurs du dialogue, a déclaré que l’objectif de la Finlande est clair: intégrer les Objectifs de développement durable (ODD) dans le budget national et mettre en œuvre les priorités nationales, notamment la neutralité en carbone d’ici à 2035.
Le second animateur de la discussion, le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda, M. GASTON BROWNE, a estimé pour sa part que les partenariats sont essentiels pour réaliser les ODD. Dans ce contexte, il est important, a-t-il dit, de reconnaître l’importance de l’aide publique au développement (APD) et de créer de nouveaux instruments financiers adaptés au contexte de la crise climatique.
Une mesure similaire a été proposée par le Président du Kazakhstan, M. KASSYM-JOMART TOKAYEV, qui a demandé que les ressources financières dédiées aux ODD soient dépensées « de manière raisonnable », et que l’on accorde davantage d’appui aux pays à revenu intermédiaire qui comptent près de 5 milliards d’habitants. Il a également appelé à la création d’un centre interrégional des Nations Unies au Kazakhstan, afin notamment de servir de plateforme de mise en œuvre des ODD en Asie centrale.
Au-delà de cette approche sous-régionale, le Président du Gouvernement de la Macédoine du Nord, M. ZORAN ZAEV, a insisté sur des partenariats impliquant tous les pays et toutes les parties prenantes. Son propre pays a déjà défini cinq priorités de développement et entend réduire les inégalités en assurant le financement des municipalités, a-t-il indiqué. Même approche pour l’Espagne dont le Chef du Gouvernement, M. PEDRO SÁNCHEZ PÉREZ-CASTEJÔN, a expliqué que les autorités ont identifié des actions pouvant favoriser la réalisation des ODD au niveau national, avec au centre des efforts la lutte contre la pauvreté, les changements climatiques, entre autres.
Le Premier Ministre du Tadjikistan, M. KOKHIR RASULZODA, a quant à lui insisté sur un véritable partenariat mondial, piloté par l’ONU avec l’ambition d’arriver à un développement durable pour tous. En attendant, le Premier Ministre d’Irlande, M. LEO VARADKAR, a promis que son pays allait poursuivre son soutien aux pays les moins avancés (PMA), notamment ceux en proie aux effets néfastes des changements climatiques. Il a fait le vœu de garder ce cap si son pays était élu au Conseil de sécurité l’an prochain.
M. ANDREW HOLNESS, le Premier Ministre de la Jamaïque, s’est réjoui du fait que son pays ait réduit sa dette publique de 40%. Néanmoins, du fait de son statut de PEID, la Jamaïque reste vulnérable aux effets des changements climatiques, a-t-il rappelé.
Après les interventions des chefs d’État, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Mme VERA SONGWE, s’exprimant au nom des cinq commissions économiques de l’ONU, a insisté sur la mobilisation des ressources nationales par les pays du Sud. Elle a également demandé que les pays du Nord s’engagent à lutter contre les flux financiers illicites et contribuent aux efforts pour récupérer les fonds indûment sortis des pays du Sud: ces fonds doivent pouvoir servir au financement des programmes sociaux. Mme Songwe a aussi mis l’accent sur les jeunes du monde en tant que facteur clef de développement, à condition de les outiller avec les technologies adéquates. Ensuite, Mme Songwe a mis l’accent sur l’égalité des genres, avant de terminer en insistant l’importance du numérique comme levier de mise en œuvre des ODD.
La représentante du grand groupe des affaires a justement clamé que son groupe apporte la technologie et l’innovation aux sociétés du monde. Elle est aussi revenue sur l’égalité des sexes, « afin de faire contribuer toute l’humanité et non pas seulement la moitié ».
Réaliser les objectifs de développement durable à l’échelle locale
La comodératrice, Mme KOLINDA GRABAR-KITAROVIĆ, Présidente de la Croatie, a partagé l’expérience de son pays où la collaboration est systématique entre le Gouvernement et les collectivités locales. C’est ce qui explique, selon elle, le rythme différent du développement entre la Croatie et les pays de la région. La Présidente a aussi vanté les mérites de la forte décentralisation mise en place en Croatie où environ 1 400 projets sont menés dans le cadre d’un programme de développement communautaire. En outre, a-t-elle fait valoir, le pays a adopté le « développement intelligent » pour les 1 246 îles du pays qui ne sont pas toutes habitées. L’autre défi est la sensibilisation des jeunes générations, a-t-elle indiqué.
Pour la comodératrice, Mme SHEIKH HASINA, Première Ministre du Bangladesh, réaliser les ODD à l’échelle locale nécessite des stratégies et des efforts au niveau local ainsi que des approches inclusives au niveau local. Quels sont les défis que rencontrent les collectivités pour réaliser les objectifs de développement durable? Comment adapter les stratégies nationales pour les personnes marginalisées? C’est à ces questions que les participants devaient répondre.
Le Roi Mswati III d’Eswatini a assuré que 60% des ODD avaient été intégrés dans le plan national de développement, mais que pour réaliser tous les objectifs, il faut encore mobiliser les ressources. Le roi a saisi cette occasion pour inviter l’assistance à participer à la prochaine conférence des donateurs en vue de lever des fonds pour financer la mise en œuvre du Programme 2030 à Eswatini.
Abordant le sujet de l’appropriation au niveau local, nécessaire pour la réalisation locale des ODD, le Président des Palaos, M. THOMAS ESANG REMENGESAU JR., a estimé qu’il fallait des données ventilées pour y parvenir et donc un renforcement des capacités et institutions chargées des statistiques dans chaque pays. Le Président a fait appel aux pays partenaires du sien pour qu’ils fassent preuve de plus de solidarité afin de permettre aux habitants des Palaos de « réaliser leurs rêves ».
C’est d’ailleurs le « bonheur national » qui est mesuré dans mon pays, a dit le Premier Ministre du Bhoutan, M. LOTAY TSHERING, en expliquant que la politique à cet égard se fonde sur les valeurs nationales et, en particulier, l’accès de tous à l’éducation et la santé de qualité. Par exemple, les enseignants bhoutanais sont payés 60% de plus en moyenne par rapport aux autres professions. Le Premier Ministre a aussi mentionné l’existence de la Commission du bonheur national qui travaille dans 13 domaines pour réaliser les objectifs fixés d’ici à 2023. Le Premier Ministre a demandé à l’ONU d’accorder une attention particulière à l’objectif 17 relatif aux partenariats, « au moment où le Bhoutan va entrer dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire ».
M. TUILAEPA AIONO SAILELE MALIELEGAOI, Premier Ministre de Samoa, a dit que, pour accélérer la mise en œuvre des ODD au niveau local, le Samoa se base sur les synergies existantes et utilise au mieux les ressources disponibles. Comme les intervenants précédents, le Premier Ministre a souligné l’importance d’une approche centrée sur l’être humain et fondée sur les droits de l’homme et l’inclusion.
C’est un appui prévisible et durable de la société civile et du secteur privé qu’il faut pour réaliser les ODD à l’échelle locale, a ensuite prôné l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. ACHIM STEINER, pour qui réaliser les objectifs au niveau local est la clef pour la réussite de tout le Programme 2030.
La Présidente de l’Union interparlementaire, Mme GABRIELA CUEVAS BARRON, a plaidé avant tout pour l’inclusion des femmes, des jeunes et des personnes marginalisées. Elle a également mis l’accent sur l’allocation de ressources budgétaires suffisantes aux projets de développement locaux, avant de soutenir le rôle des parlementaires, en particulier les femmes qui occupent ces fonctions.
Partenariats pour le développement durable
Au cours de cette session, les dirigeants prenant part à ce premier Forum politique de haut niveau sous les auspices de l’Assemblée générale ont discuté des progrès accomplis et des perspectives dans le cadre des partenariats pour le développement durable.
En effet, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 avait appelé à un partenariat mondial revitalisé, travaillant dans un esprit de solidarité mondiale, en particulier avec les plus pauvres et les plus vulnérables. Les gouvernements du monde entier s’emploient ainsi à mobiliser les moyens nécessaires à sa mise en œuvre, appuyés par les politiques et actions concrètes décrites dans le Programme d’action d’Addis-Abeba et dans le Programme 2030. C’est ainsi qu’un nombre croissant de partenariats multipartites ont été créés entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile, le système des Nations Unies et d’autres parties prenantes concernées, afin de s’acquitter de cette responsabilité collective.
Comme l’a dit l’animatrice en début du dialogue, « le temps est à l’action et aux résultats et on a besoin de partenariats cohérents ». Mme SAHLE-WORK ZEWDE, Présidente de l’Éthiopie , a ainsi évoqué la « stratégie verte » choisie par son pays pour se projeter vers l’avenir. Et pour mettre en œuvre cette vision, le pays a besoin de fonds et du soutien des partenariats internationaux, a-t-elle réclamé.
Dans le cas des Seychelles, son Président, M. DANNY FAURE, a indiqué que l’accent avait été mis sur l’« économie bleue ». Le pays entend également tirer parti d’une bonne gestion de l’environnement, notamment les milieux marins. Le Président Faure a souligné l’importance de la multiplicité des partenariats, tout en reconnaissant que cela peut aussi constituer un obstacle quand il faut mobiliser plusieurs acteurs pour un projet commun alors que chacun d’eux a des priorités qui lui sont propres.
C’est pourquoi « il faut s’écarter des solutions habituelles et trouver des approches innovantes », a proposé la Présidente de la Géorgie, Mme SALOME ZOURABICHVILI. Elle a rappelé la nécessité de combler le fossé des 37 000 milliards de dollars qui manquent pour la mise en œuvre des ODD. Lui emboîtant le pas, le Premier Ministre de Cabo Verde, M. JOSÉ ULISSES CORREIA E SILVA, a plaidé pour des partenariats qui aident justement à mobiliser les fonds en faveur des pays en développement. C’est dans ce sens qu’a été lancé le « Global Deal », a expliqué le Premier Ministre de la Suède, M. STEFAN LÖFVEN, qui a souligné que cette initiative vise, entre autres, à renforcer le dialogue social, promouvoir des emplois décents et réduire les inégalités. Il a aussi rappelé avoir lancé, il y a deux jours, avec le Premier Ministre de l’Inde, une initiative de dirigeants en faveur de la transition industrielle. Il sera question de renforcer le partage des technologies entre le Nord et le Sud.
De son côté, M. IGOR DODON, Président de Moldova, a choisi de parler de la stabilité politique, comme condition du développement durable. Il a salué le fait que la population du pays ait désormais un Gouvernement qu’il a lui-même choisi pour mener à bien la gestion des affaires publiques. Il a plaidé pour que le pays puisse désormais se focaliser sur son développement en réglant au préalable le conflit de Transnistrie.
Le Président de la Roumanie, M. KLAUS WERNER IOHANNIS, a parlé des partenariats bénéfiques conclus entre son gouvernement et le secteur privé dans le cadre de la mise en œuvre des ODD, alors que le Premier Ministre de la Tchéquie, M. ANDREJ BABIŠ, a présenté une plateforme en ligne qui favorise la participation de toutes les parties prenantes à la mise place des ODD. Il a affirmé à cette occasion que la pierre angulaire du partenariat international est le multilatéralisme.
Le Premier Ministre de Madagascar, M. CHRISTIAN NTSAY, a pour sa part mentionné les projets que les autorités entendent mettre sur pied dans les prochaines années, avant de préciser que le pays compte sur la solidarité internationale pour atteindre les ODD. Cette solidarité internationale a permis de mobiliser 2 100 chambres de commerce du monde entier, a souligné le Secrétaire général de la Chambre de commerce internationale (CCI), M. JOHN DENTON. Ainsi, s’est réjoui M. Denton, ce sont plus de 10 millions d’entreprises qui peuvent investir dans le développement durable. Il a néanmoins déploré les cadres politiques et réglementaires dissonants qui constituent un obstacle à l’implication du secteur des affaires dans les questions de développement durable.
Dans la même veine, la Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI), Mme SHARAN BURROW, a dénoncé un modèle économique mondial qui délaisse les travailleurs, ceux-ci devant évoluer dans un contexte déshumanisant. Mme Burrow a en effet rappelé que 60% des travailleurs du monde sont employés dans le secteur informel. C’est pour « arranger le système » qu’elle a plaidé pour « un nouveau contrat en faveur des travailleurs », appuyé par l’ONU. Ainsi, on aura des emplois décents et des programmes de protection sociale qui prennent en compte les femmes et les jeunes, a-t-elle espéré, tout en mettant en garde les gouvernements qui s’escriment à museler la voix des travailleurs, créant ainsi des frustrations qui peuvent dégénérer en conflits sociaux.
Pour le Président de la Banque africaine de développement (BAD), M. AKINWUMI ADESINA, le monde est pris dans une véritable « course contre la montre pour réaliser les ODD et l’Afrique ne doit pas échouer ». C’est dans ce contexte que M. Adesina a indiqué comment la BAD entendait accompagner le continent, par exemple en soutenant les efforts pour assurer la connexion de 16 millions de gens à l’électricité, ou encore en doublant son financement climatique qui atteindra les 25 milliards de dollars d’ici à 2025. Il est aussi question d’augmenter les fonds destinés à soutenir les initiatives féminines, car « quand les femmes gagnent, c’est toute l’Afrique qui gagne ». Selon le Président de la BAD, « nous avons encore le temps d’atteindre les ODD si l’on agit maintenant ».
La Vision 2020-2030
Le modérateur de ce dernier dialogue, M. MUHAMMAD JUSUF KALLA, Vice-Président de l’Indonésie, a déclaré que les 10 prochaines années devraient voir l’accélération de la réalisation des ODD après avoir énuméré les réalisations de son pays. « Nous devons commencer aujourd’hui », a-t-il exhorté. L’autre modérateur, M. CARMELO ABELA, Ministre des affaires étrangères et de la promotion du commerce de Malte, a recommandé de prendre des mesures dès maintenant pour ne laisser personne sur le côté. L’Union européenne, a ajouté le Ministre, a décidé par exemple de mener une politique économique à faible émission de carbone. Il s’est dit convaincu que la voie du succès repose sur la coopération entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile dans de nombreux domaines. Dans ce contexte, « quelles mesures complémentaires doivent être prises pour aller plus vite » ?
De l’avis du Président de la Lettonie, M. EGILS LEVITS, il faut bien concevoir ce qui peut être fait durant la « décennie d’action » et éviter de surestimer les possibilités. L’Estonie travaille en vue de réaliser quatre changements fondamentaux: réduire les émissions de gaz à effet de serre, réorienter l’éducation en fonction des besoins du futur, réduire l’exclusion d’ici à 2028, en particulier chez les groupes marginaux, les femmes et les personnes handicapées, et enfin, renforcer la confiance dans le système judiciaire et les médias. Pour être développé, on a besoin de pensée critique et de l’état de droit, a ajouté le Président.
Le Premier Ministre de la Malaisie, M. MAHATHIR BIN MOHAMAD, s’est, de son côté, plaint de devoir dépenser beaucoup d’argent pour lutter contre la pollution et nettoyer la masse de déchets envoyés par d’autres pays. Les nations riches ne doivent pas envoyer leurs déchets, en particulier les déchets plastiques, dans les pays pauvres car le nettoyage coûte très cher, a-t-il insisté. « C’est injuste », a dénoncé le Premier Ministre. « De plus, c’est dangereux pour la santé et l’environnement. » M. bin Mohamad a donc espéré que les scientifiques trouveront un moyen de détruire la quantité de plastique utilisée dans le monde. Toujours dans le domaine de l’environnement, M. bin Mohamad s’est prévalu du fait que 54% du territoire de la Malaisie est couvert de forêts.
Réaliser les ODD demande l’élaboration de plan stratégique de développement, a plaidé le Chef du Gouvernement d’Andorre, M. XAVIER ESPOT ZAMORA, en mentionnant celui dont l’Andorre vient de se doter. Il faut assurer que le monde soit toujours habitable dans 10 ans, a souhaité M. Zamora, avant de signaler que son pays accueillerait, en 2020, le prochain sommet ibéro-américain sur le développement durable. Notre vision est de résoudre les grands problèmes actuels, en particulier la crise climatique, a-t-il dit en expliquant que, sur le plan national, le Gouvernement a fait adopter la loi de transition énergétique.
M. AZALI ASSOUMANI, Président de l’Union des Comores, a lui aussi dévoilé l’objectif de la stratégie de développement des Comores qui vise la croissance économique durable et inclusive et la stabilité financière. La société civile doit avoir un rôle important dans la réalisation des ODD, a-t-il ajouté. Le Président a également souligné l’importance de la lutte contre la corruption en vue notamment du développement du secteur privé.
Le Président de la Hongrie, M. JÁNOS ÁDER, a pour sa part estimé qu’aucun objectif de développement durable ne peut être atteint sans une bonne gestion de l’eau. La Hongrie est touchée par les « trois drames de l’eau »: trop d’eau à cause des inondations, ou peu d’eau car 10% du territoire du pays est menacé par la sécheresse, et une eau polluée à 90% en Hongrie. C’est pourquoi la Hongrie organise la troisième édition du Sommet de l’eau, en octobre prochain, afin de trouver des solutions pour prévenir la crise de l’eau à l’échelle mondiale.
Le Premier Ministre de l’Arménie, M. NIKOL PASHINYAN, qui a vigoureusement plaidé en faveur des investissements privés nationaux et internationaux pour stimuler l’économie, dans les secteurs des mines et du tourisme par exemple, a estimé que l’exclusion est l’un des principaux obstacles au développement. Il a ainsi défendu le rôle et la participation des femmes dans l’administration et le secteur privé comme facteur de développement.
Un sujet cher à la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme PHUMZILE MLAMBO-NGCUKA, qui a exhorté les dirigeants à prendre des mesures en vue d’éliminer toutes les lois discriminatoires contre les femmes et les autres groupes marginalisés. Les politiques sociales doivent être renforcées, a-t-elle aussi exigé. La responsable a ensuite préconisé d’utiliser la science et la technologie pour réaliser les ODD, tout en demandant aux dirigeants mondiaux de se poser des questions, notamment sur les dépenses militaires.
Toujours sur la question de l’inclusion, M. JOSÉ VIERA, Directeur général de l’Union mondiale des personnes malvoyantes, a déclaré que la première étape dans la réalisation des ODD est de veiller à inclure effectivement tous les groupes sociaux, y compris des personnes malvoyantes. Le développement n’est pas durable s’il n’est pas inclusif et ouvert à tous, a-t-il jugé. M. Viera a demandé des mesures concrètes garantissant les droits des personnes handicapées comme des mesures fiscales et l’allocation de ressources en faveur du développement des personnes handicapées. L’inclusion et l’accessibilité sont deux composantes essentielles des ODD, a-t-il renchéri.
Dans sa conclusion, le Ministre des affaires étrangères de Malte a déclaré que le rapport mondial sur le développement durable du groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes conclut que l’espoir est encore possible pour réaliser le bien-être et éradiquer la pauvreté. Cela demande un changement fondamental et urgent dans les relations entre les peuples et la nature et la réduction significative des inégalités sociales et de genre entre les sociétés et en leur sein.
Comme nous entamons la « décennie d’action et de réalisations en faveur du développement durable », nous devons élever notre ambition et intensifier nos efforts pour atteindre ceux qui sont laissés sur le côté, a recommandé M. Abela. La science doit éclairer nos politiques de développement, nos motivations et nos actions, a-t-il aussi préconisé. Pour l’avenir, a-t-il ajouté, nous devons poursuivre un Programme 2030 axé sur la résilience et en tenant compte des risques. Il ne faut pas en effet que les catastrophes naturelles inversent la tendance au progrès dans les pays touchés par les changements climatiques, a dit le Ministre qui a invité à tirer parti du multilatéralisme inclusif qui a conduit à l’adoption du Programme 2030. Il a en même temps appelé à mobiliser les gouvernements, à tous les niveaux, et à suivre une approche centrée sur la société tout entière.