En cours au Siège de l'ONU

Soixante-treizième session -
Dialogue interactif sur l’harmonie avec la nature, matin & après-midi
AG/12138

L’Assemblée générale se penche sur le rôle de l’éducation dans la protection de la Terre nourricière

L’Assemblée générale a commémoré aujourd’hui le dixième anniversaire de la Journée internationale de la Terre nourricière autour de la table ronde qu’elle dresse depuis neuf ans pour deviser sur l’harmonie avec la nature*, et en particulier, cette année, sur « la Terre nourricière dans l’éducation et les changements climatiques ». 

Pour la Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, cette commémoration doit être une « journée de réflexion et d’engagement », laquelle s’est d’ailleurs déclinée en deux dialogues sur « l’éducation en harmonie avec la nature » et « l’action climatique en harmonie avec la nature ».

Notre terre est en danger et il est temps de réparer ses cycles de vie, s’est alarmée la Présidente, en évoquant quelques défis comme la déforestation, la pollution atmosphérique et la disparition des espèces vivantes.  Depuis 1968, pas moins de 60% des vertébrés ont disparu et nous vivons aujourd’hui une crise climatique qui affecte des millions de gens dans le monde, comme on l’a vu récemment avec les ravages de l’ouragan Idai au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe.  Mme Espinosa Garcés a milité pour un équilibre entre le développement économique et la protection de la nature, l’un des grands défis de notre génération mais aussi une preuve de solidarité avec les générations futures.  Il faut un système basé sur les notions de complémentarité, d’équité et de solidarité, a renchéri la Vice-Ministre de l’environnement de la Bolivie, Mme Cynthia Silva Maturana, qui a plaidé pour un modèle alternatif de développement respectueux de la nature. 

Le représentant de l’Inde a surtout insisté sur l’éducation car « une population éduquée et consciente de son empreinte écologique sera mieux équipée et mieux disposée à faire face aux problèmes de la planète.  Il a placé beaucoup d’espoirs dans les « millenials », ces jeunes nés entre 1981 et 1996, qui sont plus ouverts aux questions environnementales.  Aujourd’hui, a acquiescé son homologue du Bangladesh, ce sont les enfants qui lancent un appel à l’action contre les changements climatiques.  Il a vu dans les manifestations organisées par les jeunes dans le monde entier « un signe d’encouragement ».  Nous pouvons nous appuyer sur la quatrième révolution industrielle pour transformer nos systèmes éducatifs et permettre aux enfants de mieux lutter contre les changements climatiques, a-t-il estimé.

L’éducation est déjà mise à contribution: en Inde, plus de 300 millions d’apprenants dans 1,3 million d’écoles et plus de 600 universités ont des modules obligatoires sur l’environnement et les changements climatiques.  Le représentant indien a exhorté les écrivains, les scénaristes et les éditeurs de jeux électroniques à se faire les promoteurs de ces questions.  Son homologue de l’Équateur a aussi estimé que l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) pourrait dispenser davantage de cours sur le sujet. 

« Rien n’est jamais perdu tant qu’on n’y renonce pas », a souligné Mme Markie Miller de « Toledoans for Safe Water », militante de « la justice climatique » et de la protection du lac Érie, seule source d’eau pour 11 millions de personnes dans l’Ohio et le Michigan.  Nous n’abandonnerons jamais la Terre nourricière, a-t-elle lancé, en parlant d’une planète qui comme la personne humaine a des droits, lesquels sont reconnus dans les lois équatoriennes.  La Cour suprême de la Colombie, a ajouté la Présidente de l’Assemblée générale, a même consacré les droits de la forêt amazonienne.

Les résultats de cette commémoration seront incorporés dans des documents qui seront soumis au prochain Forum politique de haut niveau sur le développement durable.

*A/RES/73/235

DIALOGUE INTERACTIF DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CONSACRÉ À L’HARMONIE AVEC LA NATURE À L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA TERRE NOURRICIÈRE

Déclarations

Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS (Équateur), Présidente de l’Assemblée générale, a tout d’abord demandé une minute de silence en mémoire des victimes des attentats du week-end dernier à Sri Lanka.  Elle a ensuite rappelé que nous célébrons aujourd’hui la dixième édition de la Journée internationale de la Terre nourricière.  Selon elle, cette célébration doit être une « journée de réflexion et d’engagement ».  Elle a évoqué quelques défis de la protection de l’environnement, notamment la déforestation, la pollution atmosphérique et la disparition des espèces vivantes.  Depuis 1968, a-t-elle affirmé, 60% des vertébrés ont disparu et nous vivons aujourd’hui une crise climatique qui affecte des millions de gens dans le monde, comme les ravages de l’ouragan Idai au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe.  Notre terre est en danger et il est temps de réparer ses cycles de vie, a pressé la Présidente en soulignant que plusieurs États ont déjà reconnu que la nature a des droits comme l’homme.  L’Équateur l’a reconnu dans ses lois, la Bolivie est l’un des chantres du concept de « terre nourricière », alors que la Cour suprême de la Colombie a statué et reconnu que la forêt amazonienne a les mêmes droits que les êtres humains.  

Mme Espinosa Garcés a milité pour un équilibre entre le développement économique et la protection de la nature.  Il s’agit là, a-t-elle admis, d’un des grands défis de notre génération et d’une preuve de solidarité avec les générations futures.  Il y a deux sujets qui méritent notre attention, a-t-elle poursuivi.  Le premier est l’éducation, qui est cruciale pour offrir des compétences et des capacités aux jeunes et créer « l’avenir que nous voulons ».  Cela permettra aux générations futures d’assurer leur part de responsabilité et d’être conscientes qu’elles font déjà partie de la solution.  Le second point important est de reconnaître que les changements climatiques sont un défi vital.  Les États se doivent donc de renforcer leurs efforts et cela exige des responsabilités partagées avec le secteur privé et la société civile, y compris les peuples autochtones.  En résumé, la Présidente a estimé que « prendre soin de la nature revient à prendre soin des gens ».  Elle a voulu que l’on « retisse le lien avec la Terre nourricière qui nous a donné la vie ».  Elle a terminé en citant le philosophe Albert Camus qui disait: « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. »

Mme CYNTHIA SILVA MATURANA, Vice-Ministre de l’environnement, de la biodiversité, des changements climatiques et de la gestion forestière et du développement de la Bolivie, a rappelé que c’est son pays qui avait lancé l’appel à la proclamation de la Journée internationale de la Terre nourricière.  Un dialogue sur l’harmonie avec la nature dans le cadre des Nations Unies est une occasion de réfléchir à un modèle alternatif de développement respectueux de la nature, a-t-elle estimé, en plaidant pour un système basé sur les notions de complémentarité, d’équité et de solidarité.  C’est dans cet esprit que la Bolivie a adopté, en 2012, une loi sur le respect de la Terre nourricière, a fait valoir la Vice-Ministre, qui a considéré que la planète a des droits au même titre que la personne.  Nous espérons également tirer des enseignements des échanges qui se tiendront aujourd’hui, a-t-elle ajouté.  Elle s’est désolée de l’affaiblissement du multilatéralisme et du stade crucial que la communauté internationale a atteint sur le plan environnemental.  Elle a encouragé la société civile à travailler à un avenir meilleur et à imaginer des modèles économiques autres que le libéralisme pour tenir compte de la relation « organique » entre l’homme et la nature.

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a rappelé que les cultures anciennes nous montrent comment les communautés vivaient en harmonie avec la nature, dans une tradition de révérence aux éléments constitutifs des écosystèmes, tirant leurs moyens de subsistance de la nature tout en protégeant l’environnement qui la maintient.  L’essence de la civilisation indienne a toujours été l’harmonie avec la nature.  La plus vieille image de la fascination, de l’amour et de la révérence de l’homme pour la nature peut être trouvée sur une peinture rupestre de 10 000 ans à Bhimbetka, dans le centre du pays.  Des oiseaux, des animaux et des hommes sont dépeints vivant en harmonie avec la nature.  Sur le plan historique, la conservation de la nature et des ressources naturelles a été un aspect inné du psychisme et de la foi en Inde.  Un exemple de pratique traditionnelle, qui a fait une contribution profonde à la préservation des villages, est d’avoir créé des « bosquets sacrés » dédiés aux divinités locales. 

Transmettre de telles valeurs de révérence et d’engagement, par l’éducation de chaque génération successive, est favorable à l’avenir durable de notre planète et de sa propre survie.  Une population éduquée et consciente de son empreinte écologique sera mieux équipée et mieux disposée à faire face aux problèmes de la planète, a dit le représentant, qui a relevé que les « millenials », ces jeunes nés entre 1981 et 1996, sont plus ouverts aux questions d’environnement justement grâce à l’éducation qu’ils ont reçue.  De ce fait, ils devraient avoir un plus grand impact.

Ces dernières années, l’Inde a adopté des politiques plus audacieuses sur l’éducation à l’environnement et aux changements climatiques.  En 1991, la Cour suprême du pays a donné des directives, lesquelles ont été renforcées en 2003 par de nouvelles directives ciblant le secteur de l’enseignement.  Désormais, plus de 300 millions d’apprenants dans 1,3 million d’écoles et plus de 600 universités ont des modules obligatoires sur l’environnement et les changements climatiques.  M. Akbaruddin a également invité les écrivains à se focaliser sur des histoires de changement climatique, soulignant en outre que les films peuvent aussi en parler.  Étant donné que les jeux électroniques prennent de l’ampleur, les éditeurs de ces jeux pourraient également intégrer des questions liées aux changements climatiques.  Il a souhaité que l’éducation climatique soit plus personnalisée et plus expérimentale et présentée de manière ludique.  L’éducation est un atout et une force multiplicatrice de l’action climatique.  Le représentant s’est félicité du fait que des signes montrent que la prochaine génération sera mieux éduquée et plus engagée à réduire son empreinte écologique.  Un effort sur l’éducation nous rendra tous plus à même d’agir rapidement contre les causes des changements climatiques, plus disposés à en atténuer les dégâts et mieux capables de nous adapter à ses conséquences.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) s’est joint aux États qui reconnaissent que la nature a des droits, en soulignant que le concept d’harmonie avec la nature figure au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il s’est déclaré convaincu que cette notion doit faire l’objet d’une sensibilisation dans le cadre des programmes éducatifs, pour que la jeunesse apprenne à respecter la faune et la flore.  Il a d’ailleurs estimé que l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) pourrait dispenser davantage de cours sur le sujet.  L’harmonie avec la nature, a-t-il souligné, est nécessaire pour faire face aux changements climatiques, dont les effets affaiblissent la capacité des pays à se doter de modèles économiquement viables, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.  « Gardons à l’esprit les principes d’équité et de responsabilités communes mais différenciées, ainsi que la nécessité d’accroître les moyens des pays en développement », a souligné M. Gallegos, en conclusion.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a salué le fait qu’aujourd’hui, un appel à l’action est lancé par les enfants contre les changements climatiques.  Les générations futures doivent hériter d’une terre « équilibrée » et, en l’occurrence, les manifestations de jeunes à travers le monde doivent être prises comme un signe d’encouragement.  Il faut des mesures qui aillent au-delà des efforts d’atténuation car il faut véritablement changer les modes de production et de consommation.  L’Accord de Paris nous guide et le quatrième objectif de développement durable confirme notre engagement en faveur d’une éducation de qualité.  Nos systèmes éducatifs doivent inculquer à nos enfants l’utilisation rationnelle des ressources naturelles.  Nous pouvons nous appuyer sur la quatrième révolution industrielle pour transformer nos systèmes éducatifs et permettre aux enfants de mieux lutter contre les changements climatiques.

Au Bangladesh, a poursuivi M. Bin Momen, les populations ont toujours eu une relation intrinsèque avec la nature malgré la vulnérabilité du pays face aux changements climatiques.  Le Gouvernement est décidé à mobiliser les jeunes contre ce fléau et les manuels scolaires du primaire et du secondaire ont déjà intégré cette réalité depuis 2010.  Le représentant s’est enorgueilli que son pays soit le premier à voir en circulation des sacs plastiques biodégradables.  Le pays entend désormais sensibiliser ses entrepreneurs pour qu’ils tiennent compte de la préservation de l’environnement dans leurs investissements.  Le représentant a conclu en soulignant que la lutte contre les changements climatiques est l’une des priorités du Premier Ministre du Bangladesh.

Mme MARKIE MILLER, de « Toledoans for Safe Water », a dit avoir vu, en 2014, ce que veut dire « être vulnérable à une catastrophe écologique ».  Pendant trois jours, 500 000 personnes dans l’Ohio et le Michigan ont perdu l’accès à l’eau.  Les résidents d’une ville entière et les communautés voisines n’ont pu ni boire, ni se laver, ni « même toucher de l’eau ».  Ils se sont retrouvés piégés dans une situation pourtant largement évitable et se sont donc mobilisés pour obtenir l’adoption d’une loi sur la protection du lac Érié, seule source d’eau pour 11 millions de personnes.  En promouvant la « déclaration des droits du lac Erié », a expliqué l’oratrice, nous voulons que les pollueurs, à savoir les entreprises, les gouvernements et les individus, soient comptables de leurs actes puisqu’ils profitent de leurs activités malgré la détérioration « notoire » des écosystèmes vitaux.  « La justice climatique », a-t-elle ajouté, ne pourra être réalisée que lorsque nous prendrons la décision consciente et humaine de nous mobiliser pour elle.  Aujourd’hui, a relevé l’activiste, la « déclaration des droits du lac Erié » est en danger car le « système » peut s’y opposer mais le monde doit agir pour les droits de la nature et bien comprendre ce que les habitants de Tolède ont appris à leurs dépens.  « Rien n’est jamais perdu tant qu’on n’y renonce pas et nous n’abandonnerons jamais ni le lac Erié ni la Terre nourricière ».

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