En cours au Siège de l'ONU

Soixante-treizième session,
71e et 72e séances plénières, matin & après-midi
AG/12128

Discrimination raciale et traite des esclaves: l’Assemblée générale se penche sur les « étranges fruits » du populisme

« Les mots sont puissants.  Les mots peuvent tuer.  “Vous êtes des sous-hommes.”  “Vous êtes des rats.”  “Vous êtes des cafards qui doivent être exterminés.”  Ces mots renvoient à certains des pires crimes de l’histoire humaine: esclavage, décimation des peuples autochtones, Holocauste, apartheid. » 

C’est en ces termes que la Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, a ouvert, ce matin, la séance de l’Assemblée, réunie à l’occasion de la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, et qui aura vu les orateurs dénoncer, le Secrétaire général en tête, ces « étranges fruits qui bourgeonnent de nouveau aux arbres du populisme », selon l’expression employée par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme en référence à la célèbre chanson de Billie Holiday. 

Dans un contexte tragique, marqué notamment par les attaques contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, il y a deux semaines, et contre une synagogue, à Pittsburgh, aux États-Unis, l’an dernier, Mme Garcés a dénoncé le fait que des « populistes » exploitent les doléances légitimes de ceux qui se sentent abandonnés.  « Nous ne devons pas légitimer les mensonges populistes, il nous faut repousser ceux qui blâment les migrants pour nos problèmes, tout en veillant à ce que le nationalisme à courte vue ne fasse pas dérailler les solutions à mettre en œuvre au niveau mondial », a martelé la Présidente. 

« Les discours de haine ont pénétré le débat public, se propageant comme un feu de forêt par le biais des médias sociaux et de la radio, nous les voyons se répandre tant dans les démocraties libérales que dans les États autoritaires », a renchéri le Secrétaire général, M. António Guterres, qui a annoncé avoir demandé à son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, d’élaborer une stratégie et un plan d’action pour combattre les discours de haine. 

M. Guterres a souligné la nécessité de remédier aux fractures et à la polarisation et de rejeter les figures politiques qui exploitent les différences pour des gains électoraux.  « Mais, a-t-il ajouté, nous devons aussi nous demander pourquoi tellement de personnes se sentent exclues et pourquoi elles sont tentées de se tourner vers des messages d’intolérance. »  Comme antidote, M. Guterres a lui aussi évoqué la solidarité qui s’est exprimée à Pittsburgh, « théâtre de la plus grave attaque antisémite de l’histoire des États-Unis », et à Christchurch.  « Nous partageons une humanité commune.  Nous sommes tous égaux.  Nous devons veiller sur le bien-être de chacun », a-t-il exhorté.

La Haut-Commissaire adjointe, Mme Kate Gilmore, s’est, elle, lancée dans un vibrant plaidoyer pour faire pièce au racisme.  « Dans la nécessaire quête des droits humains pour tous, il n’y a ni Nord ni Sud, ni Ouest ni Est, il y a uniquement l’humain et l’inhumain.  Les droits humains sont pour les meilleurs et les pires d’entre nous, pour chacun d’entre nous à l’exception d’aucun d’entre nous. »

De son côté, pointant le nombre accru d’organisations prônant ouvertement la supériorité des races, le Président du Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, M. Nourredine Amir, a appelé les États à se doter de législations adéquates pour les combattre efficacement.  Le populisme et les idéologies suprémacistes fondées sur la supériorité raciale ne sont pas un simple exercice de la liberté d’expression mais des vecteurs de la division, a-t-il martelé, tout en avertissant que la haine raciale et la propagation du discours nationaliste et populiste ne prospèrent que sur le laxisme explicite ou implicite des États ou leur absence de vigilance.

Allant encore plus loin, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume, a affirmé que de nombreux États nient l’existence même des discriminations raciales.  Elle a néanmoins souligné « l’exemplarité » de la réaction de la Première Ministre de Nouvelle-Zélande, Mme Jacinda Arden, après le massacre de Christchurch.  Cette attaque a été au cœur de nombreuses interventions, dont celle de la Malaisie, qui l’a imputée à la montée des « sentiments nationalistes et des idéologies extrémistes », qui s’enracinent dans le « un choc des ignorances », selon l’expression d’Edward Saïd.  Cette attaque nous rappelle combien est dangereuse l’absence de compréhension de l’islam comme religion de paix, a renchéri son homologue de l’Indonésie. 

L’Assemblée générale a également tenu une séance l’après-midi, empreinte de la même gravité, pour marquer la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, l’occasion également pour la Présidente de l’Assemblée générale d’alerter qu’à l’heure actuelle, quelque 40 millions de personnes sont soumises à l’esclavage moderne, dont 71% de femmes et d’enfants.  M. Guterres a aussi souligné la nécessité de porter, « haut et fort », la voix de celles et ceux qui se sont levés contre leurs oppresseurs, « de Zumbi dos Palmares au Brésil; de Nanny, la reine des Marrons de Jamaïque; de la reine Nzinga des royaumes du Ndongo et de Matamba de ce qui est aujourd’hui l’Angola; de Harriet Tubman aux Etats-Unis et de tellement d’autres ».

Alors que cette Journée était placée, cette année, sous le signe des arts, l’Assemblée générale a entendu M. Christopher Cozier, artiste et lauréat du prix Prince Claus, indiquer que les artistes dans la région des Caraïbes sont toujours influencés par un passé marqué par l’esclavage.  Dès lors, « comment pouvons-nous devenir des sanctuaires, des lieux sûrs, pour l’imagination humaine, après avoir été de simples corps pour l’esclavage »?

Convaincu que les arts ont la capacité de faire sentir les « cicatrices » de cette tragédie, San Marin, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, a aussi souligné le rôle très important qu’ils jouent pour révéler les traces latentes de l’histoire et appeler à réaliser un monde plus juste.  « Après la fin de la traite, de nombreux artistes nous ont aidé à faire face à notre passé », a d’ailleurs expliqué la déléguée des États-Unis, en mentionnant l’écrivain Maya Angelou parmi les artistes ayant parlé de l’espoir des esclaves et des blessures morales laissées par ce fléau.  L’art est un droit universel et un outil précieux pour la justice, a-t-elle conclu. 

De son côté, le Nigéria, au nom du Groupe des États d’Afrique, a parlé de l’initiative « Door of Return », lancée dans le but de faire de 2019 « l’année du renouveau culturel, philosophique, historique et spirituel qui aidera les populations d’ascendance africaine à renouer avec l’Afrique ».

ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

Réunion commémorative à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale

« Les mots sont puissants.  Les mots peuvent tuer.  “Vous êtes des sous-hommes.”  “Vous êtes des rats.”  “Vous êtes des cafards qui doivent être exterminés.”  Ces mots renvoient à certains des pires crimes de l’histoire humaine: esclavage, décimation des peuples autochtones, Holocauste, apartheid », a énuméré Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de l’Assemblée générale.  Elle a rappelé que c’est le meurtre de 69 manifestants pacifiques à Sharpeville, en Afrique du Sud, le 1er mars 1960, qui avait décidé l’Assemblée générale à proclamer la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.  Quelques années plus tard, a-t-elle poursuivi, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est entrée en vigueur.  Cet instrument juridiquement contraignant a permis d’appuyer le combat contre le racisme aux niveaux national et international, a souligné Mme Garcés, qui a toutefois noté qu’il n’avait pas été possible de tenir la promesse du « jamais plus ». 

Le massacre de Srebrenica ou le génocide au Rwanda sont des crimes dont nous devrions avoir honte, mais ils ne sont pas arrivés par accident, a affirmé la Présidente: « Ils font partie d’un continuum raciste qui débute par de petites choses, comme les stéréotypes, les regards suspicieux, les questions comme “D’où venez-vous vraiment?”  Ces micro-agressions ne conduisent pas toujours à des violations des droits de l’homme, mais peuvent leur être propices. »  Mme Garcés a dénoncé le fait que des « populistes » exploitent les doléances légitimes de ceux qui se sentent abandonnés.  Nous ne devons pas légitimer les mensonges populistes, et il nous faut repousser ceux qui blâment les migrants pour nos problèmes, tout en veillant à ce que le nationalisme à courte vue ne fasse pas dérailler les solutions à mettre en œuvre au niveau mondial.  « Le multilatéralisme nous rend plus forts, pas plus faibles », a tranché la Présidente. 

Le racisme, a-t-elle analysé, a toujours récupéré le discours du moment, de la pseudo-justification religieuse de l’oppression coloniale à la doctrine pseudo-scientifique nazie de la supériorité raciale, et la liberté d’expression a été instrumentalisée pour disséminer la haine.  « La liberté d’expression est un droit humain fondamental.  C’est un instrument puissant pour combattre le racisme.  Cependant, troller n’est pas soutenir la liberté d’expression, mais l’étouffer au contraire », a-t-elle déclaré.  Après avoir salué la Première Ministre de la Nouvelle-Zélande pour avoir combattu la haine au lendemain de l’attaque terroriste de Christchurch, Mme Garcés a pris note de l’annonce faite par le Secrétaire général d’élaborer une stratégie à l’échelle du système contre les discours de haine. 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a indiqué que la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale est l’occasion de mettre fin au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance, y compris la discrimination sociale et ethnique, la haine antisémite et antimusulmane.  Le massacre dans les deux mosquées de Nouvelle-Zélande est la dernière tragédie trouvant sa racine dans un tel poison, a-t-il dit, avant de rappeler sa visite effectuée dans un centre islamique musulman de New York pour montrer sa solidarité.  Soulignant qu’aucun pays n’est immunisé contre la haine raciale et religieuse, il s’est dit profondément préoccupé par la montée actuelle de la xénophobie, du racisme et de l’intolérance, de plus en plus alimentés par les idéologies nationalistes et populistes. 

« Les discours de haine ont pénétré le débat public, se propageant comme un incendie par le biais des médias sociaux et de la radio.  Nous les voyons se répandre tant dans les démocraties libérales que dans les États autoritaires », s’est-il inquiété.  Il a également dénoncé ces « forces sombres » qui sapent les valeurs démocratiques, la stabilité sociale et la paix et stigmatisent les femmes, les minorités, les migrants et les réfugiés.  « Lorsque des personnes sont attaquées, physiquement, verbalement ou sur les médias sociaux, en raison de leur race, de leur religion ou ethnicité, c’est toute la société qui s’en trouve diminuée, a-t-il alerté.  Il est crucial pour nous tous de nous donner la main, de nous lever et de défendre les principes d’égalité et de dignité humaine. »

Le Secrétaire général a ensuite annoncé avoir demandé à son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, de rassembler le système de l’ONU afin d’élaborer une stratégie et un plan d’action pour combattre les discours de haine.

M. Guterres a souligné la nécessité de remédier aux failles et à la polarisation si prévalentes aujourd’hui, de nourrir une compréhension mutuelle afin de faire de la diversité un succès et de rejeter les figures politiques qui exploitent les différences pour des gains électoraux.  « Mais, a-t-il ajouté, nous devons aussi nous demander pourquoi tellement de personnes se sentent exclues et pourquoi elles sont tentées de se tourner vers des messages d’intolérance.  Nous devons engager chacun afin de démanteler la notion délétère et spécieuse de supériorité raciale. »

Préoccupé par la persistance et même la montée d’une pensée néonazie et du suprémacisme blanc, M. Guterres a appelé à mettre un terme à de tels mensonges « une bonne fois pour toutes ».  Il a souligné que la promotion de droits humains universels doit être au centre des efforts, y compris en appuyant les législations antidiscriminatoires et en encourageant les leaders politiques et religieux à s’exprimer contre l’intolérance, les stéréotypes discriminatoires et les discours de haine.  « Réfléchissons aujourd’hui sur la manière dont nous pouvons tous promouvoir la non-discrimination dans chaque pays et à chaque niveau. »  Après les atrocités commises en Nouvelle-Zélande, il a indiqué que les fidèles d’une mosquée en Angleterre avaient été surpris de voir un homme blanc porteur d’une pancarte qui disait: « Vous êtes mes amis.  Je monterai la garde pendant que vous prierez. »  Il a évoqué également la solidarité qui s’est exprimée à Pittsburgh, théâtre de la plus grave attaque antisémite de l’histoire des États-Unis.  « Nous partageons une humanité commune.  Nous sommes tous égaux.  Nous devons veiller sur le bien-être de chacun », a-t-il exhorté.

Mme KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a rappelé l’intersectionnalité du racisme et des discriminations en raison de l’âge, de la pauvreté, de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle, qui frappent de manière redoublée les femmes d’ascendance africaine, les peuples autochtones défendant leurs terres ou bien ceux qui fuient la guerre et cherchent à exercer leur droit d’asile.  Le racisme est une entrave évidente à la participation de tous au développement durable, en semant violence et ressentiment.  Les populistes d’aujourd’hui exploitent ce mépris, a-t-elle dit.  « Comment pouvons-nous tolérer un seul instant que le racisme gaspille notre plus précieuse ressource: le talent, les capacités et le courage de chacun? »

Dans la nécessaire quête des droits humains pour tous, il n’y a ni Nord ni Sud, ni Ouest ni Est, il y a uniquement l’humain et l’inhumain, a-t-elle poursuivi.  « Tu n’as pas à être comme moi pour respecter mes droits.  Je n’ai pas à être comme toi pour protéger tes droits.  Les droits humains ne sont pas un concours de beauté ou une récompense; ils sont pour les meilleurs et les pires d’entre nous, pour chacun d’entre nous à l’exception d’aucun d’entre nous, pour l’inclusion de tous et dans l’intérêt de tous. »

Rappelant ce vers d’une chanson de Billy Holliday sur les « étranges fruits » et le « sang sur les feuilles » des arbres du sud des États-Unis, Mme Gilmore a dénoncé ces « étranges fruits » qui bourgeonnent à nouveau « aux arbres du populisme »: emprisonnement de journalistes appartenant à des minorités, détention arbitraire de dissidents politiques, assassinat de fidèles, rejet des réfugiés « à nos frontières » ou bien encore harcèlement des enfants en raison de leur identité. 

« En cette Journée pour l’élimination de la discrimination raciale, puissent ces Nations Unies véritablement se lever pour ce qu’elles croient et ce pourquoi elles ont été créées: les droits humains pour tous », a conclu la Haut-Commissaire adjointe. 

M. NOURREDINE AMIR, Président du Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, a rappelé que l’article 4 de la Convention sur la discrimination raciale condamne toute propagande et toute organisation qui s’inspirent d’idées ou de théories fondées sur la supériorité d’une race ou qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciale.  Cet article, a-t-il expliqué, pénalise toute diffusion et toute incitation ainsi que toute assistance apportée à des activités racistes, « dont leur financement ».  Il oblige aussi les États à déclarer illégales et à interdire ces organisations, ainsi que les activités qui incitent à la discrimination raciale, et à en criminaliser la participation. 

M. Amir a constaté que ces dernières années, le populisme national était porté par un discours raciste véhiculé par des hommes politiques ou des figures publiques.  Il a aussi pointé l’augmentation du nombre d’organisations qui se livrent à la défense des intérêts identitaires et qui prônent ouvertement la supériorité des races ou des groupes ethniques ou nationaux par rapport à d’autres.  Ces groupes, a-t-il dénoncé, alimentent et incitent à la haine raciale, se livrent de manière ouverte à des parades quasi militaire ainsi qu’à des actes de violence raciste.  « L’actualité de ces derniers jours et derniers mois en est en même temps une preuve et une épreuve », a-t-il dit.

Il a également averti que ces comportements, « de plus en plus ouverts », restent trop souvent impunis, déplorant en outre que certains États ne soient pas dotés de législations adéquates pour les combattre efficacement.  « Le populisme et les idéologies suprémacistes fondées sur la supériorité raciale ne sont pas un simple exercice de la liberté d’expression, de pensée ou d’association, une simple expression de la défense de son héritage culturel ou d’intérêts économiques de certains groupes ethniques ou nationaux qui seraient menacés par d’autres, ni encore un courant politique ordinaire.  Ce sont, a-t-il averti, des vecteurs de la division et une menace pour la cohésion sociale. »

Pour luter et contenir ces phénomènes, le Président du Comité a appelé les États parties à la Convention à marcher sur les deux jambes: la prévention et la répression.  En ce qui concerne la prévention, il a notamment mis l’accent sur l’éducation.  Les différents niveaux de parcours scolaires doivent enseigner non seulement des notions des droits de l’homme mais aussi la promotion de la tolérance, du mieux vivre ensemble, de la connaissance de l’autre, l’acceptation des différences, dans le but, a-t-il expliqué, de combattre et de déconstruire les préjugés raciaux qui conduisent à la discrimination raciale ou au racisme, et promouvoir le respect de tous dans l’égalité et la justice.  L’éducation doit se poursuivre à travers la sensibilisation régulière des populations aux valeurs de la tolérance et de bonne entente afin de bâtir une confiance mutuelle.  Hélas, le Comité a constaté que ces efforts ne sont pas toujours au rendez-vous ou demeurent insuffisants. 

S’agissant de la répression, M. Amir a averti que la réaction « trop timide » des États parties est susceptible de faire le lit de l’impunité face à de tels comportements de haine raciale et de propagation du discours nationaliste et populiste.  Ceux-ci ne peuvent donc prospérer que sur le laxisme explicite ou implicite des États ou leur absence de vigilance, a-t-il signalé.  M. Amir a appelé les États à adopter les lois nécessaires pour prévenir et combattre ces phénomènes, et à être fermes dans leur application.  Il a aussi insisté sur une plus grande sensibilisation et responsabilisation des médias et de leurs responsables.  Il est impératif que ceux-ci comprennent les enjeux essentiels de la lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, a-t-il dit.  Il a également appelé les États à assurer, « qu’en aucun cas, sous aucun prétexte », les droits des minorités ne soient érodés ou compromis.

Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a rappelé le drame de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et a appelé les Nations Unies et les États Membres à agir de manière urgente contre les idéologies raciales et suprémacistes.  Le racisme tue de manière directe, et tue aussi indirectement par le biais d’institutions et de structures qui méritent également d’être examinées.  Elle s’est alarmée du fait que la diabolisation ethno-nationaliste des personnes considérées comme étrangères conduit à des pratiques discriminatoires dans de nombreux États.  Ces politiques, a-t-elle dénoncé, appuient l’exclusion structurelle par la suppression des électeurs, et l’adoption d’amendements constitutionnels et législatifs visant à exclure certains groupes, portant ainsi atteinte aux droits des femmes et des minorités.  Elle s’est également inquiétée du fait que de nombreux États nient l’existence d’une telle discrimination et ne font pas assez pour traiter de l’ampleur et de l’étendue de la discrimination raciale et de l’intolérance.  Soulignant l’exemplarité de la réaction de la Première Ministre de Nouvelle-Zélande, Mme Jacinda Arden, après le massacre de Christchurch, Mme Achiume a dit que la lutte contre la discrimination raciale et l’intolérance ne devrait pas être une lutte menée principalement par les victimes mais par tout le monde, en particulier les personnes profitant de leur situation de domination.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria) a indiqué que son groupe était préoccupé du fait que des mouvements racistes extrémistes fondés sur des idéologies qui cherchent à promouvoir des programmes populistes et nationalistes se répandent dans différentes parties du monde.  Tout mouvement nationaliste populiste devrait être condamné, a-t-il estimé.  Il a insisté sur le rôle important des médias sur cette question, pour ensuite souligner la nécessité de promouvoir l’utilisation des technologies de l’information et de télécommunication pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.  Le représentant a aussi appelé les États à lutter contre les idéologies extrémistes en ligne et à veiller à la responsabilisation des entreprises technologiques.  Le Groupe appelle également la communauté internationale et l’ONU à soutenir la mise en œuvre du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes.

En outre, le Groupe est préoccupé du fait que la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée de 2001 ait été retirée de la liste des 20 principaux accomplissements du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme depuis l’adoption de la Déclaration de Vienne.  Dans ce contexte, le Groupe demande au Secrétaire général et au Haut-Commissaire aux droits de l’homme à donner les ressources nécessaires pour l’accomplissement efficace des mandats du Groupe de travail intergouvernemental sur la mise en œuvre de la Déclaration de Durban, le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, le Groupe d’éminents experts indépendants sur la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

S’exprimant au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, M. VILIAMI VA’INGA TŌNĒ (Tonga) s’est alarmé du nombre de régions du monde dans lesquelles prospèrent des mouvements islamophobes, xénophobes et extrémistes qui se fondent sur des idéologies populistes, nationalistes et suprémacistes.  « Les attaques terroristes de Christchurch, qui ont coûté leur vie à 50 personnes, dépeignent les fléaux du racisme et de la discrimination raciale, ainsi que des idéologies suprémacistes extrêmes », a-t-il dit.  Le représentant a ensuite rappelé l’engagement des 57 États membres du Groupe en faveur de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, de la Déclaration de Durban et de son programme d’action.  « Les yeux du monde, en particulier ceux de victimes innocentes de violences et de discrimination insensées fondées sur la race, nous regardent aujourd’hui », a mis en garde M. Tōnē.  Pour lui, la célébration de cette Journée ne marque pas seulement nos succès collectifs en vue d’éliminer la discrimination raciale, elle est aussi l’occasion de réaffirmer notre préoccupation commune et nos efforts en cours pour atténuer et contrecarrer la montée des populismes nationalistes et des idéologies suprémacistes et extrémistes. 

Mme MILICA PEJANOVIĆ ĐURIŠIĆ (Monténégro), au nom du Groupe des États d’Europe orientale, a rappelé que cette Journée est l’occasion d’un renouvellement des engagements politiques pour mettre fin aux discriminations raciales et défendre les droits humains.  Cela doit être la priorité de tous les pays, a-t-elle dit, tout en constatant que beaucoup reste encore à faire.  Elle a en effet jugé préoccupantes la prolifération des partis d’extrême droite et la persistance des idéologies extrémistes qui, a-t-elle souligné, ne doivent pas être admissibles.  En conclusion, la déléguée a encouragé l’inclusion et la diversité. 

S’exprimant au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, M. DAMIANO BELEFFI (San Marin) a constaté que, depuis l’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, des progrès notables avaient été accomplis, mais que le racisme demeure toujours un défi majeur aujourd’hui.  Il a ensuite souligné que toute doctrine de supériorité raciale doit être rejetée et condamnée, de telles doctrines promouvant la marginalisation, l’exclusion et les pratiques répressives qui portent atteinte aux individus sur la base de leur race, de leur ethnicité et de leur nationalité.  Pour le représentant, il est donc crucial que les États Membres s’acquittent pleinement de leurs obligations en vertu de la Convention, tout en mettant l’accent sur l’éducation et la sensibilisation pour contrer la prolifération des discours racistes et discriminatoires et promouvoir les échanges interculturels, la prise de conscience et le respect mutuel.  « Nous devons rester alertes », a-t-il ajouté.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a réitéré la ferme volonté de sa délégation à lutter contre la discrimination raciale.  Rappelant l’histoire de son pays, il a déclaré: « Nous avons parcouru un long chemin, mais le racisme reste un défi permanent. »  Le représentant a exprimé son soutien à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine 2015-2024.  Le délégué, qui a mis en garde contre les dangers du discours de haine, a souligné l’importance de poursuivre les auteurs de crimes motivés par la haine et de sensibiliser les gouvernements de manière proactive.  Il a déploré que certains États continuent de cibler des personnes en raison de leur race ou de leur religion.  La lutte contre le racisme et l’extrémisme génère des avantages sociaux à de nombreux niveaux, a estimé le représentant.

M. JOHN KYOVI MUTUA (Kenya) a indiqué que les discours de haine ont toujours cours dans son pays, avant de dénoncer les discriminations frappant les migrants.  Tous les êtres humains sont libres et égaux en droits, a-t-il dit, avant de rejeter catégoriquement toute idéologie de supériorité raciale.  Il a appelé à la vigilance de la communauté internationale face à l’intolérance et à l’amélioration de la protection apportée aux réfugiés.  Enfin, il a loué le rôle joué par la société civile contre les discriminations sociales.

M. MOHD SUHAIMI AHMAD TAJUDDIN (Malaisie) a évoqué les récentes attaques odieuses commises en plein service religieux contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande et contre une synagogue aux États-Unis.  Il a imputé la tragédie de Christchurch à la montée des « sentiments nationalistes et des idéologies extrémistes ».  Comme l’a écrit Edward Saïd, ces sentiments extrêmes s’enracinent dans « un choc des ignorances », a-t-il expliqué.  « Le manque de connaissances à propos d’autres communautés raciales et religieuses a indéniablement contribué à nourrir la haine et l’animosité. »  Dans un tel contexte, il a appelé à embrasser la diversité et à promouvoir le dialogue interculturel et interconfessionnel.  Enfin, le délégué a expliqué que son pays s’emploie à inculquer les valeurs de la modération, du respect et de la tolérance. 

M. MOHAMMAD KURNIADI KOBA (Indonésie) a condamné le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations et présenté ses condoléances aux familles des victimes des attaques de Christchurch et au Gouvernement de la Nouvelle-Zélande.  Les attaques de Christchurch nous rappellent les périls du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance, a-t-il dit.  « Cela nous rappelle combien est dangereuse l’absence de compréhension de l’islam comme religion de paix. »  À cette aune, le délégué a souligné la nécessité de s’abstenir de toute déclaration contreproductive et de prévenir tout « choc des civilisations ».

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a regretté que la Déclaration de Durban et son plan d’action ne soient toujours pas mis en œuvre.  Il faut adopter de nouvelles mesures pratiques pour éliminer les manifestations et les causes du racisme, de la discrimination raciale et du sous-développement.  L’accès à la culture, l’éducation et la santé permet de vivre de façon digne indépendamment de la couleur de sa peau, a ajouté la représentante.  Cuba, qui s’est engagée à éliminer toute forme de discrimination raciale, est fière de son patrimoine et de son héritage africain, a-t-elle affirmé. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a affirmé que les attaques contre les lieux de culte, comme à Christchurch, rappellent la nécessité de lutter sans relâche contre le racisme et la discrimination raciale.  La représentante s’est inquiétée du fait que les discours de haine se propagent dans le monde.  Les Émirats arabes unis appuient les voix modérées religieuses qui combattent l’extrémisme et le terrorisme.  C’est notre priorité nationale, a ajouté la représentante, qui a indiqué que l’année 2019 est l’année nationale de la tolérance aux Émirats arabes unis.  Son coup d’envoi a d’ailleurs été donné avec la visite du pape François. 

COMMÉMORATION DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE ET DE LA TRAITE TRANSATLANTIQUE DES ESCLAVES

Séance commémorative de l’Assemblée générale à l’occasion de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves

Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de l’Assemblée générale, a rappelé le sort des hommes, des femmes et des enfants arrachés de leurs foyers en Afrique pour alimenter des siècles d’esclavage et de traite transatlantique des esclaves.  Ils avaient subi les horreurs de l’exploitation et de l’exclusion, a dénoncé la Présidente, qui a indiqué que cette Journée internationale de commémoration sert à rendre hommage aux victimes, en particulier les femmes.  Mais en dépit de leur souffrance, elles ont contribué à préserver la dignité de leurs communautés et combattu au sein de mouvements abolitionnistes.  Mme Garcés a cité l’exemple de Harriet Tubman, qui a consacré sa vie à la cause abolitionniste. 

La Présidente de l’Assemblée générale a ensuite parlé des quelque 40 millions de personnes qui sont soumises, à l’heure actuelle, à l’esclavage moderne, dont des femmes et des enfants constituent environ 71% des victimes.  Les causes structurelles de cette exploitation doivent être traitées, a exhorté la Présidente, qui a notamment dénoncé le racisme, « un affront à la dignité des personnes d’ascendance africaine ».  « La sensibilisation, l’éducation et la réflexion avec un œil critique sont fondamentales », a souligné Mme Garcés qui a appelé à l’inclusion des jeunes dans toutes les initiatives sur la commémoration de la traite transatlantique des esclaves.

« Les personnes réduites en esclavage luttaient contre un système dont elles savaient qu’il était mauvais.  Elles ont résisté.  En de nombreuses occasions, elles ont sacrifié leur vie pour la cause de la liberté et de la dignité », a affirmé M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.  « Nous nous rappelons ici, non seulement de la domination d’individus contre leur volonté, mais aussi de l’esprit invincible qui a poussé les opprimés à se révolter. »

Il s’est dit inspiré par leur remarquable résilience et souligné la nécessité de raconter les histoires de celles et ceux qui se sont levés contre leurs oppresseurs, « de Zumbi dos Palmares au Brésil; de Nanny, la reine des Marrons de Jamaïque; de la reine Nzinga des royaumes du Ndongo et de Matamba de ce qui est aujourd’hui l’Angola; de Harriet Tubman aux États-Unis et de tellement d’autres ».

En cette Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, portons leur message haut et fort, a-t-il affirmé.  « Pour lutter contre le racisme.  Pour combattre la xénophobie.  Pour mettre fin à la marginalisation sociale et politique.  Pour garantir la dignité de tous et de chacun. »

Enfin, le Secrétaire général a appelé à se lever contre les anciennes et nouvelles formes d’esclavage, en sensibilisant les consciences sur les dangers du racisme et en garantissant la justice et des opportunités pour toutes les personnes d’ascendance africaine. 

M. CHRISTOPHER COZIER, artiste et lauréat du prix Prince Claus, a expliqué qu’il n’avait pas beaucoup d’expérience quand il s’agit de prendre la parole en public sans le support de l’image.  Souvent pour un artiste, une œuvre doit trouver sa place dans un environnement propice, a-t-il souligné.  Or, souvent, a-t-il dit, lorsque nous pensons aux commémorations de l’esclavage, nous pensons à des monuments et des statues, mais ce qui nous intéresse, c’est ce qui se passe « dans les rues et dans les cours d’immeuble », la musique, les carnavals, ou encore les pratiques culturelles.  Le carnaval à Trinidad et les célébrations en Jamaïque exaltent les liens entre individus et communautés, le « soi » et la différence. 

Il a rappelé le rôle des artistes dans la région des Caraïbes, notant qu’ils sont toujours influencés par un passé marqué par l’esclavage.  Il a cité la « loi de la lanterne » en vigueur au XIXsiècle qui faisait obligation aux Africains et aux « gens de couleur libres » de se déplacer la nuit munie d’une lanterne, « afin d’être visibles ».  Il a fait un lien entre cette pratiques et les notions modernes d’assemblée et de revendication de l’espace public.  Mener la lutte au travers de l’histoire de l’esclavage crée une prise de conscience et une empathie qui doivent être maintenues, a-t-il souligné.

M. Cozier a ensuite indiqué qu’au début des années 90, il avait eu la chance d’interviewer un artiste de la Barbade qui avait créé des bustes de personnalités célèbres, intellectuels et écrivains, et que même s’il s’agissait d’un travail qui s’inscrit dans une perspective conceptuelle, il exaltait la singularité humaine.  Lors d’un séminaire, il a été frappé par la persistance de la pensée de Henry Sylvester Williams, un partisan du mouvement panafricain. 

Pour nous, a-t-il ajouté, le grand défi, c’est de savoir comment « rester sur la bonne voie », étant donné l’influence acquise au cours de notre histoire, « comment pouvons-nous devenir des sanctuaires, des lieux sûrs, pour l’imagination humaine », après avoir été de simples corps pour l’esclavage?

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. TIJJANI MUHAMMAD BANDE (Nigéria) a attiré l’attention sur les nombreux exemples d’expression artistique, dont la musique, la dance ou encore l’architecture, qui aident à rappeler l’histoire et les conséquences de la traite transatlantique des esclaves.  Le représentant a aussi parlé de l’Arche du retour dédiée à la mémoire des millions de victimes africaines de la traite transatlantique des esclaves et qui nous exhorte à « reconnaître cette tragédie, examiner l’héritage et à ne pas oublier ».  Les présidents et les chefs de gouvernement africains, au cours de leur sommet en février dernier, ont en outre rappelé les conséquences de la traite transatlantique, l’industrialisation du racisme, la dépossession, la discrimination et la déshumanisation.  Ils ont également rappelé l’esprit de résistance à la traite des esclaves et ont réaffirmé leur engagement à unir le peuple africain dans une Afrique intégrée, en forgeant des liens économiques, sociaux, politiques et culturels avec les populations d’ascendance africaine. 

Les dirigeants africains, a-t-il poursuivi, ont aussi exhorté les populations d’ascendance africaine à faire de 2019 l’année de la reconnaissance et de leur engagement envers leurs identités africaines dans le but de forger des initiatives ambitieuses et pratiques qui aideraient à bâtir l’unité et à offrir de la prospérité au peuple africain.  De nombreuses initiatives ont été programmées par la diaspora et l’Union africaine dont, cette année, l’initiative « Door of return », dont l’objectif est de favoriser le développement de l’Afrique dans les domaines du tourisme, des infrastructures et de l’énergie renouvelable.  L’année 2019 devrait être l’année du renouveau culturel, philosophique, historique et spirituel qui dopera l’énergie et aidera les populations d’ascendance africaine à renouer avec l’Afrique et réciproquement, a-t-il affirmé.

S’exprimant au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, M. VILIAMI VA’INGA TŌNĒ (Tonga) a rappelé que le thème retenu cette année pour la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves attire l’attention sur le rôle que l’art a pu jouer dans la lutte pour l’émancipation.  Il a également rappelé que la traite transatlantique avait permis de poser la « fondation du capitalisme », générant d’immenses richesses pour l’Europe et l’Amérique.  Le représentant a reconnu les contributions des victimes de la traite et leurs descendants aux champs de la littérature, de l’art, de la culture et d’autres domaines, avant de se féliciter des efforts déployés par les États Membres, la société civile et autres parties prenantes dans la sensibilisation à la traite transatlantique et à la manière dont l’esclavage a façonné tant de nations « au travers du pouvoir des arts ».

Au nom du Groupe des États d’Europe orientale, Mme MILICA PEJANOVIĆ ĐURIŠIĆ (Monténégro) a déclaré que l’esclavage demeure une réalité pour les millions de victimes de la traite des êtres humains et du travail forcé dans le monde.  Ainsi, nous devons intensifier nos efforts pour mettre en œuvre la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et d’autres instruments internationaux pour veiller au respect de toutes les libertés fondamentales de l’homme partout dans le monde et protéger les victimes de la traite.  La représentante a aussi réaffirmé l’engagement de sa délégation à mettre en œuvre la Déclaration de Durban et contribuer à la restauration de la dignité des victimes de l’esclavage et de la traite des esclaves.   

Prenant la parole au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, M. DAMIANO BELEFFI (San Marin) a rappelé la manière dont, au travers diverses disciplines, les artistes continuent de nous raconter l’histoire de l’esclavage et de célébrer l’héritage des descendants de victimes, mais aussi de nous faire sentir les « cicatrices » de cette tragédie.  Les artistes, a dit le représentant, que ce soit par les arts visuels, la poésie, la musique et la danse, vont au-delà des archives, nous faisant ressentir et percevoir les origines et les conséquences de l’esclavage.  « Les arts ont en effet un rôle très important à jouer pour révéler les traces latentes de l’histoire dans notre société contemporaine et mettre fin aux inégalités et aux injustices, mais aussi pour nous inspirer et nous appeler à réaliser un monde plus juste », a poursuivi le délégué.  Aussi s’est-il félicité de l’exposition actuellement visible dans la salle des pas perdus, qui montre l’impact de l’esclavage à New York même, en présentant des dessins, des gravures ou encore des illustrations des épreuves subies par les victimes de l’Afrique jusqu’au Nouveau Monde, mais aussi leur résistance et leur combat en faveur de la liberté. 

Mme MARGARITA PALAU-HERNANDEZ (États-Unis) a reconnu que, depuis son érection sur le parvis du Siège de l’ONU, l’Arche du retour a permis d’aider à commémorer la mémoire des victimes de l’esclavage.  Elle a rappelé que la longue histoire de l’esclavage aux États-Unis avait conduit à la guerre civile.  Après la fin de la traite, a-t-elle poursuivi, de nombreux artistes nous ont aidé à faire face à notre passé.  L’écrivain Maya Angelou figure notamment parmi les artistes qui ont parlé de l’espoir des esclaves, ainsi que des cicatrices et des blessures morales que ce fléau a laissées.  La représentante a souligné que le droit à l’art est un droit universel, y voyant de surcroît un outil précieux pour la justice et le progrès durable.

Prenant la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. RUDOLPH MICHAEL TEN-POW (Guyana) a rappelé que, selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), plus de 40 millions de personnes, dont plus des deux tiers des femmes et des enfants, sont actuellement touchées par l’esclavage moderne sous toutes ses formes contemporaines, y compris la traite humaine, l’esclavage sexuel et la servitude domestique.  « Nous continuerons de renforcer nos efforts en vue de faire respecter davantage les obligations existant à tous les niveaux, y compris par le secteur privé, notamment grâce aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et la mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies.  Mais il y a aussi des mesures concrètes à prendre, a préconisé M. Ten-Pow.  Ainsi, en 2013, les chefs d’État de la Caraïbe ont établi une Commission des réparations de la CARICOM, dont le mandat est de préparer les dossiers de réparations judiciaires pour les communautés autochtones et d’ascendance africaine qui ont été les victimes de crimes contre l’humanité, dont l’esclavage et la traite d’esclaves.  Ce mandat est mis en œuvre par le biais du Programme des réparations judiciaires de la CARICOM, a précisé le représentant, qui a indiqué que les victimes de ces crimes et leurs descendants ont le droit légal à des réparations. 

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a déclaré qu’à l’origine du racisme, de la discrimination raciale, de l’exclusion sociale, de la pauvreté se trouve l’esclavage.  Elle a aussi affirmé que les 4,5 milliards de personnes vivant dans les pays en développement subissent de plein fouet les conséquences de la traite transatlantique.  Aujourd’hui, nous devons parler de réparation, a-t-elle souligné, et Cuba épouse la proposition de réparation des pays victimes de la traite initiée par les États des Caraïbes. 

La représentante a fait observer que les pays développés actuels ont profité de l’esclavage pour s’enrichir et établir leur domination.  Ils se sont enrichis par les différentes formes de domination issues de la traite, y compris à travers les institutions financières internationales, a-t-elle ajouté.  « Nous devons éduquer la nouvelle génération pour qu’elle n’oublie pas cette histoire », a plaidé la représentante.  Elle a ensuite indiqué que la nation cubaine est un mélange de population hispanique et africaine.  « Nous sommes très fiers de cet héritage », a clamé la déléguée qui a souligné le rôle décisif des anciens et des descendants d’esclaves dans la révolution cubaine. 

M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a indiqué que le Président Uhuru Kenyatta avait récemment organisé, en marge du Sommet de l’Union africaine, une réunion « historique » des dirigeants du monde portant sur la renaissance africaine dans le cadre de l’observation du quatre centième anniversaire de la traite transatlantique des esclaves.  Il s’est déclaré horrifié du fait qu’au XXIsiècle, des millions de personnes sont victimes de travail forcé, de servitude pour dettes, de mariage forcé et de traite, décriant en outre les informations circulant au sujet des marchés d’esclaves en Libye où des migrants africains sont vendus aux enchères.  Il a appelé le système des Nations Unies et les États Membres à continuer de faire toute la lumière, d’éduquer et d’informer sur l’existence et les conséquences des différentes formes d’esclavage moderne.

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a déclaré que cette Journée de commémoration est l’occasion de rendre hommage aux victimes de ce « système brutal de domination qu’est l’esclavage », passé et contemporain.  En effet, au Guatemala, comme dans le reste de l’Amérique latine et dans les Caraïbes, les effets persistants de l’esclavage continuent de se faire ressentir.  Le représentant a rappelé que, d’un côté, son pays œuvre à la réalisation d’une société libre et pluraliste dans laquelle chaque citoyen puisse exercer les mêmes droits, et que de l’autre, il fait face à une stratification sociale héritée de l’ère coloniale et fondée sur l’exploitation des peuples autochtones.  La délégation a ensuite estimé que les migrants contribuent à la prospérité de leurs pays d’accueil et apportent de nouvelles capacités et un nouveau dynamisme pour les économies dans lesquelles ils travaillent.  Il a rappelé qu’il incombe à la communauté internationale de remédier aux injustices et de libérer les esprits des préjugés et de l’ignorance. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.