Conseil de sécurité: la Procureure de la Cour pénale internationale demande la coopération de la Libye et des autres États pour exécuter les mandats d’arrêt
« Si des fugitifs sont autorisés à être libres, le mandat de la CPI continuera d’être entravé et tout déferrement par le Conseil de sécurité restera inefficace », a prévenu, ce matin devant le Conseil de sécurité, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, en insistant sur le nécessaire soutien des États Membres au travail de son Bureau.
Alors qu’elle présentait aux membres du Conseil de sécurité les derniers développements dans les enquêtes et poursuites engagées par la CPI au regard de la situation en Libye, elle a déploré qu’aucun des mandats d’arrêt internationaux lancés par la Chambre préliminaire à l’encontre de trois personnes -Saïf al-Islam Kadhafi, Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli et Al-Tuhamy Mohamed Khaled- n’aient été exécutés à ce jour.
Pire que cela, ces personnes, pourtant visées par des mandats d’arrêt internationaux, ont été remises en liberté. Le fils de Mouammar Kadhafi, poursuivi en tant que Premier Ministre de facto pendant la répression des manifestants en 2011, a bénéficié d’une loi d’amnistie et a été libéré le 12 avril 2016 par les autorités libyennes. Saïf al-Islam Kadhafi affirme aujourd’hui que la CPI ne peut plus connaître de son cas.
Bien que visé par deux mandats d’arrêt et suspecté de meurtre pour l’exécution de 43 personnes, Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli, commandant de la brigade Al-Saiqa - qui opère autour de Benghazi - est lui aussi libre de ses mouvements, après avoir été brièvement arrêté par l’armée libyenne puis relâché. Quant à l’ancien Chef de l’Agence de sécurité intérieure libyenne, Al-Tuhamy Mohamed Khaled, il est libre et réside à l’étranger, en dépit de la diligence du Bureau du Procureur pour obtenir son arrestation. Déplorant cet état de fait, la Procureure a tenu à rappeler que tous les États, parties ou non au Statut de Rome, ont l’obligation de coopérer avec la CPI, dans le but de mettre fin à l’impunité.
En effet la CPI, à elle seule, ne peut parvenir à l’objectif de lutte contre l’impunité, ont souligné le Pérou et les Pays-Bas, ce dernier étant l’hôte de la Cour. Car « si la justice n’est pas rendue, les auteurs de crimes se sentiront libres de commette de nouveaux crimes », a prévenu la délégation des Pays-Bas.
L’obligation de coopération s’étend à tous les États, parties ou non au Statut de Rome, a précisé la Procureure. Il est essentiel que les autorités compétentes en Libye, les pays de la région, les organisations régionales et la communauté internationale dans son ensemble coopèrent le plus possible avec la Cour, a renchéri le représentant bolivien.
Il est primordial de consolider la collaboration de « l’ensemble des États concernés », a aussi recommandé la représentante de la France, soucieuse de voir le Bureau de la Procureure bénéficier sur la durée du soutien dont il a besoin. La France et le Royaume-Uni ont également plaidé pour qu’il soit donné suite à tous les mandats d’arrêt émis par la CPI.
Le représentant de la Libye a affirmé que son pays, bien que n’étant pas partie au Statut de Rome, avait coopéré avec la CPI. Son gouvernement s’estime cependant « capable » de lutter sur le plan national contre l’impunité, même s’il prend en considération le cadre juridique international. La Libye reconnaît toutefois des « retards » dans la poursuite et la comparution des suspects devant la justice, a-t-il dit en expliquant qu’ils sont liés à des « raisons d’ordre sécuritaire ».
Le représentant de la Fédération de Russie a, pour sa part, estimé que la réputation de la CPI était « en pleine dégringolade auprès des États », prenant pour preuve le débat du 29 octobre dernier tenu à l’Assemblée générale. Il a en outre jugé son rapport « partial »: il n’apporte selon lui aucune information sur les enquêtes que mène la Cour, pas plus qu’il ne mentionne les groupes terroristes agissant en Libye, ni même les structures criminelles basées dans les pays européens et impliquées dans l’exploitation des migrants. « On nous rabâche les actes de l’armée nationale libyenne », s’est-il étonné, avant de demander une modification de la périodicité de présentation des rapports de la CPI.
Mme Bensouda avait précisé qu’en raison du caractère confidentiel des enquêtes en cours, qui portent essentiellement sur les crimes commis à l’encontre des migrants traversant la Libye, elle ne pouvait pas donner d’autres informations.
Enfin, le représentant de la Suède a rappelé que le renvoi devant la CPI est un « élément essentiel des mesures prises par le Conseil de sécurité s’agissant de la Libye, y compris du régime de sanctions en vigueur ».
LA SITUATION EN LIBYE
Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré que depuis l’émission par la Chambre préliminaire en juin 2011 des premiers mandats d’arrêt concernant les crimes commis en Libye, cette question est toujours, sept ans plus tard, une priorité de la Cour. Les enquêtes et les arrestations se poursuivent et trois nouveaux mandats d’arrêt ont même été émis. Par ailleurs, depuis le dernier rapport, la CPI a activé de nouveaux modèles de coopération avec les États et organisations impliqués dans les allégations de crimes commis à l’encontre de migrants transitant par la Libye. Elle espère que ces modèles seront répliqués dans d’autres affaires dont est saisie la Cour et que cela fera ainsi avancer la lutte contre l’impunité.
Concernant l’affaire Saïf al-Islam Kadhafi contre lequel la CPI a émis un mandat d’arrêt en juin 2011 pour les crimes contre l’humanité de meurtre et persécution, Mme Bensouda a indiqué que le motif de ce mandat était sa contribution, en tant que Premier Ministre de facto, au plan de répression appliqué en 2011 aux manifestants opposés au règne de son père, Mouammar Kadhafi. Cependant le 5 juin, l’intéressé a soulevé, dans une lettre à la Cour, une exception d’irrecevabilité, expliquant que son cas ne pouvait plus être déféré devant la CPI, suite aux procédures internes qui lui ont permis de bénéficier d’une loi d’amnistie, et d’être libéré le 12 avril 2016 de la prison d’Abu-Bakr al Siddiq à Zintan. Le Bureau du Procureur lui a répondu le 28 septembre dernier que la CPI restait et resterait compétente pour connaître de l’affaire Saïf al-Islam Kadhafi. L’affaire est toujours pendante devant la Cour; la Chambre préliminaire devrait rendre une décision sur ce sujet, a-t-elle dit.
S’agissant des enquêtes en cours, Mme Bensouda a indiqué que son Bureau continuait de suivre les comportements criminels des membres des groupes armés en Libye, dont certains commettent des crimes relevant de la compétence de la CPI. En raison de la confidentialité de ces enquêtes, elle ne peut en dire davantage à ce stade, excepté que ces enquêtes portent sur les allégations de crimes commis contre les migrants, dont des crimes sexuels, des cas de torture ou d’esclavage. Cependant, pour que ces enquêtes aboutissent, la Cour a besoin de la coopération des autres États et d’autres organisations, notamment pour la collecte d’informations sur les crimes commis contre les migrants.
Outre l’affaire du fils de Kadhafi, il y a celle de l’ancien Chef de l’Agence de sécurité intérieure libyenne, Al-Tuhamy Mohamed Khaled, sous mandat d’arrêt international lancé par la CPI en avril 2013. Or, ce mandat n’a toujours pas pu être exécuté, en dépit de la diligence de son Bureau, a regretté la Procureure. Il y a également l’affaire Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli, Commandant de la brigade Al-Saiqa qui opère autour de Benghazi. La CPI a des raisons de penser qu’il est responsable de meurtres après l’exécution de 43 personnes. La Chambre préliminaire a lancé deux mandats d’arrêt contre lui, le 15 août 2017 et le 24 janvier 2018, mais il est toujours libre, après avoir été brièvement arrêté puis libéré par l’armée nationale libyenne.
Selon les informations dont dispose la CPI, Saïf al-Islam Kadhafi et Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli se trouvent en Libye, tandis qu’Al-Tuhamy Mohamed Khaled est hors du pays. « Si les fugitifs sont autorisés à être libres, le mandat de la CPI continuera d’être entravé et tout renvoi devant la Cour par le Conseil de sécurité restera inefficace », a prévenu la Procureure, insistant sur l’obligation des États parties et non parties au Statut de Rome de coopérer avec la CPI et de prendre toutes les mesures pour arrêter et transférer ces fugitifs.
Mme SUSAN JANE DICKSON (Royaume-Uni) s’est déclarée alarmée par la hausse des violences en Libye, soulignant l’urgente nécessité de sortir de l’impasse politique actuelle. À cette fin, toutes les parties au conflit doivent dialoguer de bonne foi avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Ghassan Salamé.
La représentante a appelé à traduire en justice les auteurs de crimes de guerre, demandant à tous les États Membres d’exécuter les mandats d’arrêt. Pour sa part, le Royaume-Uni continuera de travailler en étroite coopération pour continuer de mener des enquêtes sur les crimes graves présumés commis contre des migrants en Libye, en particulier dans les centres de détention.
La délégation britannique a réaffirmé en conclusion que son gouvernement est un fervent défenseur de la CPI, auquel il continuera de prêter son soutien.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a salué l’engagement du Bureau de la Procureure à enquêter sur les allégations de graves activités criminelles en Libye et à rendre justice aux victimes d’atrocités commises dans ce pays. La Pologne soutient l’appel lancé à tous les États, aux acteurs non étatiques, aux organisations internationales et aux autres parties prenantes pour qu’ils œuvrent ensemble à ces objectifs, a-t-il dit en évoquant avec gravité les assassinats de civils, les évictions forcées, les déplacements de centaines de familles et les restrictions des accès humanitaires.
La Pologne reconnaît que l’arrestation et le transfert à la CPI des personnes frappées d’un mandat d’arrêt de la Cour représente une étape cruciale pour combattre l’impunité en Libye. Notant que l’obligation incombe en premier lieu à la Libye, il a déclaré soutenir également l’appel du Bureau de la Procureure à tous les États pour qu’ils prennent toutes les mesures possibles afin d’exécuter ces mandats et remettre les personnes concernées à la CPI en vue d’une audition juste, impartiale et publique. Pour la Pologne, une coopération entre le Bureau de la Procureure, la MANUL, le Comité du Conseil de sécurité concernant la Libye, le Bureau du Procureur général libyen et un ensemble d’États, d’organisations et de groupes de la société civile permettrait de faire progresser les efforts d’enquête et, potentiellement, de prévenir d’autres crimes et d’améliorer la situation dans le pays.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a mis les violences actuelles en Libye sur le compte d’éléments qui s’efforcent de faire échouer le processus politique. Une poignée de saboteurs ne doivent pas empêcher ce pays de parvenir à la stabilité, a-t-il considéré. Sa délégation a exprimé ensuite sa préoccupation devant le sort des migrants et des demandeurs d’asile, qui sont la proie des passeurs et des trafiquants d’êtres humains. Il s’est déclaré satisfait par l’inscription sur la liste des sanctions de six individus supplémentaires, soulignant que son gouvernement avait adopté ses propres sanctions à titre national.
M. Cohen s’est ensuite félicité de l’adoption, le mois dernier, de la résolution 2434 (2018), qui reconduit l’autorisation donnée aux États Membres de saisir et d’arraisonner des navires suspectés de transporter des migrants. Pour les États-Unis, il est important d’insister sur l’établissement des responsabilités.
En conclusion, le représentant a réitéré la préoccupation de Washington devant les examens préliminaires en cours à la CPI sur les situations en Afghanistan et dans la bande de Gaza.
Mme SHERAZ GASRI (France) a considéré que la poursuite des enquêtes par le Bureau de la Procureure requiert une coopération pleine et entière de toutes les parties prenantes, y compris des autorités libyennes, avec la Cour. À cet égard, il est primordial de consolider la collaboration de l’ensemble des États concernés, qu’ils soient parties au Statut de Rome ou non, afin d’apporter sur la durée le soutien dont le Bureau de la Procureure a besoin, a recommandé la représentante.
S’agissant des éléments du rapport relatifs aux enquêtes en cours, la France déplore la non-exécution à ce jour des mandats d’arrêt établis par la Cour, a-t-elle dit, en soulignant que Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli doit être remis aux autorités libyennes afin qu’il puisse ensuite être remis à la CPI, conformément aux obligations en matière de coopération avec la Cour. « Il doit également être donné suite aux mandats d’arrêt établis contre Saïf al-Islam Qadhafi, le fils de l’ancien dirigeant libyen, et Mohamed Khaled Al-Tuhamy », a déclaré Mme Gasri.
Elle a enfin salué l’attention de la Procureure à l’égard de la traite des êtres humains et du trafic de migrants, qui constituent une menace directe à la paix et à la stabilité en Libye. « Nous formons le vœu que l’approche « rigoureuse » adoptée par le Bureau permettra de lutter efficacement contre l’impunité des crimes commis contre les migrants », a-t-elle ajouté.
Pour la représentante, le Conseil de sécurité doit également prendre des sanctions individuelles contre ceux qui se livrent à la traite d’êtres humains ou trafic de migrants dans le cadre du régime onusien existant.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a exhorté la communauté internationale à œuvrer à la consolidation de la trêve en Libye, et a salué l’engagement du Gouvernement d’union nationale libyen dans le processus devant aboutir à des élections libres, transparentes et crédibles. Le représentant a dit apprécier les efforts du Bureau de la Procureure de la CPI et salué la qualité du travail de la Cour. Il s’est félicité de la décision de la Procureure envisagent d’élargir le champ de compétence de la Cour aux crimes commis contre les migrants, une décision qui serait justifiée selon lui à la lumière des cas avérés de torture, de viols ou de ventes de migrants. Il a engagé les autorités libyennes à s’engager dans une coopération constructive avec le Bureau de la Procureure afin de faire la lumière sur les allégations de violations graves des droits de l’homme en Libye, et s’est réjoui de la pleine coopération des autorités libyennes dans l’organisation de la première mission du Bureau de la Procureure en Libye, au début de l’année 2018.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a estimé qu’il est important que le Conseil de sécurité, en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales, continue de renvoyer à la CPI les cas relevant de sa compétence. Cependant, ce travail ne peut se faire sans la coopération des États, a-t-il précisé. Pour cette raison la délégation demande à la Libye de pleinement coopérer avec la CPI. Le Pérou, a poursuivi le représentant, souhaite que la paix et la stabilité soient ramenées en Libye. Pour y parvenir, il faut certes lutter contre le terrorisme, mais aussi avancer sur le terrain politique. Les efforts de bons offices du Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Ghassan Salamé, et de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) doivent être soutenus, a conclu le représentant.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a rappelé que l’instabilité politique, une situation sécuritaire fragile et l’effondrement de l’état de droit entretenaient un terrain fertile pour l’impunité qui bénéficie à des milices armées et à des terroristes armés. Les violations des droits de l’homme continuent d’être perpétrées contre des civils et des populations vulnérables, a-t-il déploré en citant aussi le cas des milliers de migrants et de réfugiés qui souffrent d’abus et sont détenus dans des conditions inhumaines. Sa délégation a réitéré, que pour être efficace et crédible, le Gouvernement libyen doit renforcer l’engagement et les capacités de la Libye à rétablir et promouvoir l’état de droit, à résoudre le problème d’impunité, à protéger les droits fondamentaux et à rendre justice pour les violations passées. À cette fin, le soutien de la communauté internationale demeure vital, a-t-il plaidé, de même que la réunification des autorités politiques et des forces de sécurité et de défense libyennes.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a lui aussi dit soutenir les efforts du Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Ghassan Salamé, dont les bons offices ont notamment permis de parvenir à un cessez-le-feu.
Concernant le terrain judiciaire, la délégation se félicite de la coopération du Gouvernement libyen et de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) avec la CPI. Cette coopération permettra de progresser dans les enquêtes, a estimé le représentant, avant de rappeler la complémentarité de la CPI avec les systèmes de justice nationaux.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a jugé important, pour que la CPI puisse accomplir son mandat et évite l’impunité, que les autorités compétentes en Libye, les pays de la région, les organisations régionales et la communauté internationale dans son ensemble coopèrent au maximum. Tous les États, qu’ils soient parties ou non au Statut de Rome, ont la responsabilité primordiale de faciliter les travaux de la Cour, a-t-il dit. Le représentant a exprimé ses préoccupations face aux irrégularités qui entachent l’affaire Al-Werfalli pour lequel deux mandats d’arrêt ont été émis, en 2017 et en 2018: selon des rapports du pouvoir exécutif libyen, cette personne aurait été arrêtée et sujette à une enquête d’un procureur militaire, mais elle serait libre et exercerait des fonctions comme membre du Gouvernement.
Le représentant a demandé la mise en œuvre de tous les mandats d’arrêt, avant de soulever le problème des violations des droits de l’homme des migrants et celui du financement de la Cour pour qu’elle soit en mesure de traiter ces affaires. Plusieurs États, y compris des membres permanents du Conseil de sécurité, ne sont toujours pas partie au Statut de Rome et ne contribuent pas à ses enquêtes, a-t-il relevé. Enfin, il a demandé que le rapport semestriel du Bureau de la Procureure inclue des informations sur les coûts qu’entraînent les affaires en Libye pour la CPI. Le rapport devrait aussi contenir des explications sur les dénonciations publiques dont la Cour a fait l’objet, a-t-il souhaité.
Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) s’est déclarée gravement préoccupé par les informations faisant état d’une escalade des violences et des pertes civiles à Tripoli et Derna. L’éviction forcée de la population twergha, et les enlèvements de militaires, de personnalités politiques et de la société civile, et d’étrangers sont un autre motif de préoccupation, de même que le traitement réservé aux migrants en détention, victimes présumées de meurtres, de violences sexuelles et d’actes de torture. La représentante a ensuite regretté que sept ans se soient écoulés depuis la délivrance du mandat d’arrêt contre Saïf al-Islam Kadhafi et qu’il continue d’échapper à la justice.
Pareillement, sa délégation a constaté que les mandats d’arrêt contre Al-Werfalli et Al-Tuhamy n’ont toujours pas été exécutés, particulièrement à la lumière des informations faisant état de multiples meurtres perpétrés par le premier, qui s’est peut-être rendu coupable de crimes de guerre.
Pour elle, le renvoi devant la CPI est un élément essentiel des mesures prises par le Conseil de sécurité s’agissant de la Libye, y compris du régime de sanctions en vigueur. Le Comité des sanctions se trouve actuellement en mission en Libye et sera de retour la semaine prochaine pour présenter ses conclusions, a annoncé la déléguée.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a rappelé que la CPI fonctionne sur le principe de subsidiarité et qu’il est donc du devoir des États de coopérer avec elle, dans le but de mettre fin à l’impunité. À elle seule, la CPI ne peut le faire, a estimé la représentante. C’est pour cette raison, que les Pays-Bas appellent la Libye, mais aussi les autres pays, à aider la Procureure à arrêter toutes les personnes visées par un mandat d’arrêt. Les Pays-Bas encouragent par ailleurs la Libye à continuer d’instruire l’affaire Abdullah al-Senoussi, un ex-responsable de la sécurité intérieure sous le régime de Mouammar Kadhafi. Mme Gregoire Van Haaren a fait valoir que si la justice n’est pas rendue, les auteurs de crimes se sentiront libres de commette de nouveaux crimes.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a déclaré que l’un des principaux obstacles au rétablissement de l’état de droit en Libye est la difficulté de lutter contre l’impunité contre les crimes graves commis dans le pays, y compris ceux dont sont victimes les migrants. Il a estimé qu’il fallait adopter une approche différente et se concentrer sur les « mesures existantes » pour appuyer le Gouvernement libyen dans ses efforts de lutte contre les groupes armés et terroristes, dans le respect de la souveraineté de ce pays. Dans ce contexte, et compte tenu des différentes affaires figurant dans le rapport, il ressort que les institutions judiciaires ne sont pas compétentes pour juger Saïf al-Islam Kadhafi, Abdullah Al-Senusi, ou Mustafa Busayf Al-Werfalli, a affirmé le représentant, qui a encouragé le Gouvernement à coopérer avec la CPI.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a déclaré qu’aucune amélioration de la situation en Libye ne semble à l’horizon. La Libye demeure un pays divisé en plusieurs zones. Mais alors que la communauté internationale devrait chercher à y ramener la paix et la stabilité, « on voit des pays chercher à avancer leurs propres agendas », a dit le représentant.
Abordant le rapport de la Procureure de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, le délégué a dit une fois de plus constater la partialité de ce rapport. « Aucune information sur les enquêtes ne nous ait apportée, en particulier sur les groupes armés qui agissent dans le pays. Par exemple, rien n’est dit sur la récente explosion de deux automobiles autour d’une mosquée. Au lieu de désigner ces groupes, on nous rabâche les actes de l’armée nationale libyenne », a-t-il dit.
Il a également déclaré comprendre que la CPI s’intéresse à la question des migrants. « Mais on sait aussi que des structures criminelles impliquées dans l’exploitation de ces migrants existent et sont basées dans les pays européens. Le rapport n’y fait aucune mention », a encore affirmé le représentant.
« Sachant que la réputation de la CPI est en pleine dégringolade auprès des États, comme le montre le débat du 29 octobre dernier à l’Assemblée générale, et compte tenu du fait que les enquêtes n’avancent pas, la Fédération de Russie est d’avis qu’il faudrait modifier la périodicité de présentation des rapports de la CPI devant le Conseil de sécurité », a plaidé le représentant.
M. LEULSEGED TADESE ABEBE (Éthiopie) a déploré que les couches les plus vulnérables de la population –femmes et enfants–, mais aussi les migrants, soient les premières victimes de la situation dangereuse qui prévaut actuellement en Libye. La communauté internationale devrait continuer de renforcer les capacités des institutions étatiques libyennes, en particulier l’appareil judiciaire et les agences d’application des lois en vue de faire respecter l’état de droit.
Dans ce contexte, la communauté internationale devrait également fournir un soutien de long terme et une stratégie coordonnée de consolidation des institutions étatiques pour promouvoir un environnement sûr. Seul un dialogue politique dirigé par les Libyens et facilité par l’ONU pourra permettre de parvenir à une transition crédible en Libye, a ajouté le représentant.
M. MA ZHAOXU (Chine) a dit être très préoccupé par la situation en Libye. La Chine appuie tout effort visant à ramener la paix et la stabilité. Il est essentiel que tous les Libyens s’engagent dans un dialogue interlibyen pour parvenir aux objectifs de paix, de stabilité et de développement. Le rôle de la communauté internationale doit être d’aider ce pays à parvenir à cet objectif et de respecter sa souveraineté et son intégrité territoriale, a dit le représentant. Concernant la CPI, il a brièvement indiqué que la position de son pays n’avait pas changé.
M. GIUMA M. M. FARES (Libye) a déclaré que « nous sommes réunis ici pour la lutte contre l’impunité, or le Statut de Rome a créé une complémentarité des juridictions nationales et internationales pour juger des crimes graves ». C’est pourquoi, a-t-il assuré, la Libye a coopéré jusqu’à présent avec la CPI alors même qu’elle n’est pas partie à ce Statut. Il est exact qu’un retard a été enregistré dans la poursuite et la comparution des suspects devant la justice libyenne, a dit le représentant. « La raison est d’ordre sécuritaire », a-t-il assuré, en expliquant que tous les États en conflit la subissent.
Néanmoins, des décisions de justice ont permis de juger, d’incarcérer ou de remettre en liberté un certain nombre d’accusés, a affirmé le délégué, en soulignant que le système judiciaire libyen pourrait être capable de mener les enquêtes et de faire respecter l’état de droit s’il bénéficiait du soutien nécessaire. Il faut éliminer les facteurs qui mènent à la commission de crimes et les avoirs de terroristes, et éradiquer tous les groupes qui œuvrent à la déstabilisation, a souligné M. Fares.
Il a insisté, en conclusion, quant au fait que son gouvernement, qui prend en considération le cadre juridique international et national, s’estime capable de lutter contre l’impunité.