Abyei: le Conseil de sécurité proroge le mandat de la FISNUA jusqu’au 15 avril 2019 et demande des « progrès mesurables » sur la démarcation de la frontière
Constatant que la situation qui règne à Abyei et le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud continue de menacer gravement la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a, cet après-midi, décidé de proroger jusqu’au 15 avril 2019 le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA). « La présente prorogation sera la dernière », précise le texte, « à moins que » le Soudan et le Soudan du Sud ne prennent un certain nombre de mesures relatives à la démarcation de leur frontière.
En adoptant à l’unanimité de ses 15 membres la résolution 2438 (2018), présentée par la délégation des États-Unis et commentée par les représentants soudanais et sud-soudanais, le Conseil a en outre décidé de maintenir l’effectif maximum autorisé de la Force à 4 500 militaires jusqu’au 15 novembre 2018, et qu’au 15 avril 2019, l’effectif maximum autorisé sera réduit de 541 hommes, à moins qu’il ne décide de proroger le mandat de la Force.
Les mesures attendues des deux parties pour accomplir « des progrès mesurables » sur la démarcation de la frontière sont précisées par la résolution, qui leur demande notamment d’obtenir une complète liberté de circulation pour toutes les patrouilles aériennes et terrestres de la FISNUA, y compris pour les atterrissages dans la zone frontalière démilitarisée et sécurisée. En outre, les parties devront approuver « 100% » des demandes de sorties au plus tard 72 heures après qu’elles ont été faites.
Elles sont également tenues d’établir la base d’opérations d’Abou Qoussa/Wunkur, laquelle doit accueillir le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, et de parachever l’accord sur l’emplacement des bases d’opérations de Soumaya/Wierayen et de Safaha/Kiir Adem.
Le Gouvernement sud-soudanais, poursuit le Conseil, mettra en place une équipe de haut niveau chargée de sensibiliser la population afin que la FISNUA puisse effectuer des déplacements par voie terrestre dans la zone frontalière démilitarisée et sécurisée depuis Gok Machar et que les bases d’opérations du Mécanisme conjoint puissent être établies.
Il faudra également organiser au moins deux réunions pour les questions politiques et la sécurité pendant la période couverte par le mandat, sur la définition d’orientations claires pour le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, et sur le retrait complet des deux parties de la zone frontalière démilitarisée et sécurisée.
Un calendrier, stipule encore le Conseil, devra être établi et commencé d’être appliqué afin de vérifier, conjointement avec la FISNUA, que les 10 points de passage à travers la frontière sont opérationnels, et de garantir la libre circulation de part et d’autre. Chaque pays établira des bureaux des douanes et des migrations pour au moins deux des quatre points de passage à ouvrir pendant la phase 1 entre le Soudan et le Soudan du Sud.
Dernière mesure exigée par le Conseil: les parties doivent tenir au moins deux réunions de la Commission frontalière mixte et du Comité mixte de démarcation, dont une avec chacun avant le 15 mars 2019, pour établir la version finale du rapport élaboré par le Comité pour la Commission, débattre de la démarcation des sections convenues de la frontière, et reprendre les pourparlers sur la démarcation de la frontière et notamment les négociations sur les zones contestées dans le cadre des accords signés.
Le représentant du Soudan du Sud a estimé que la prorogation du mandat de la FISNUA, « même pour une période de six mois et avec le niveau actuel de troupes », était « rassurante » pour les communautés d’Abyei. Il a renouvelé l’engagement de son pays à continuer d’échanger avec le Conseil, jusqu’à ce qu’une solution définitive soit enfin trouvée.
Son homologue du Soudan a également accueilli avec satisfaction la prorogation de la Force, avec laquelle Khartoum continuera de coopérer pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, a-t-il assuré. Le délégué a affirmé que son gouvernement avait toujours œuvré en faveur de l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière et ce, dès sa création en 2012, et du respect de tous les accords conclus avec le Soudan du Sud, à commencer par celui en date du 20 juin 2011.
À cette occasion, a-t-il rappelé, les deux parties s’étaient engagées à respecter les termes de l’accord jusqu’à la définition du statut final d’Abyei. Ils avaient aussi demandé qu’aucune modification ne soit apportée au mandat de la FISNUA sans l’accord des trois parties impliquées, à savoir le Soudan, le Soudan du Sud et l’Éthiopie, seul pays contributeur de troupes de la Force.
Le représentant soudanais a appelé les partenaires locaux, régionaux et internationaux à redoubler d’efforts pour consolider la stabilité d’Abyei et à se garder de toute décision contraire à cet objectif. Il a en outre appelé la communauté internationale à envisager la question d’Abyei à l’aune des relations plus larges entre le Soudan et le Soudan du Sud.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Texte du projet de résolution (S/2018/909)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses précédentes résolutions et déclarations présidentielles concernant la situation au Soudan et au Soudan du Sud, notamment ses résolutions 1990 (2011), 2024 (2011), 2032 (2011), 2046 (2012), 2047 (2012), 2075 (2012), 2104 (2013), 2126 (2013), 2156 (2014), 2179 (2014), 2205 (2015), 2230 (2015), 2251 (2015), 2287 (2016), 2318 (2016), 2352 (2017), 2386 (2017), 2412 (2018) et 2416 (2018), les déclarations présidentielles S/PRST/2012/19 et S/PRST/2013/14, ainsi que les déclarations du Président à la presse des 18 juin 2012, 21 septembre 2012, 28 septembre 2012, 6 mai 2013, 14 juin 2013, 14 février 2014, 17 mars 2014, 11 décembre 2014 et 27 novembre 2015,
Se félicitant des progrès faits dans la mise en œuvre du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière tout en notant que les mesures énoncées au paragraphe 9 de la résolution 2386 (2017) et dans la résolution 2412 (2018) n’ont pas été appliquées dans leur intégralité, et priant instamment les parties de le faire sans délai,
Soulignant que les Gouvernements soudanais et sud-soudanais doivent pleinement mettre en œuvre le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, conformément à la résolution 2046 (2012) du Conseil, à la feuille de route du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 24 avril 2012, au communiqué du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité du 31 octobre 2017, et aux décisions prises par ce dernier le 24 septembre 2018,
Se félicitant du concours que continuent de prêter aux parties le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine et la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA),
Prenant acte du rapport du Secrétaire général en date du 20 août 2018 (S/2018/778),
Constatant que la situation qui règne à Abyei et le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud continue de menacer gravement la paix et la sécurité internationales,
1. Décide de proroger jusqu’au 15 avril 2019 le mandat de la FISNUA modifié par sa résolution 2024 (2011) et le paragraphe 1 de sa résolution 2075 (2012) et décide également que la présente prorogation sera la dernière à moins que les parties prennent les mesures énoncées au paragraphe 3;
2. Décide de maintenir l’effectif maximum autorisé de la Force à 4 500 militaires jusqu’au 15 novembre 2018, et décide également qu’au 15 avril 2019, l’effectif maximum autorisé sera réduit de 541 hommes, à moins qu’il ne décide de proroger le mandat modifié par la résolution 2024 (2011) et le paragraphe 1 de la résolution 2075 (2012), conformément aux paragraphes 1 et 3;
3. Considère que les deux parties doivent également accomplir des progrès mesurables sur la démarcation de la frontière et notamment veiller à ce que les mesures suivantes soient prises:
1) FISNUA et patrouilles du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière: continuer de demander des autorisations permanentes et obtenir une complète liberté de circulation pour toutes les patrouilles aériennes et terrestres de la FISNUA, y compris pour les atterrissages dans la zone frontalière démilitarisée et sécurisée, et continuer d’obtenir l’approbation de 100% des demandes de sorties au plus tard 72 heures après qu’elles ont été faites;
2) Bases d’opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière: établir la base d’opérations d’Abou Qoussa/Wunkur et parachever l’accord sur l’emplacement des bases d’opérations de Soumaya/Wierayen et de Safaha/Kiir Adem;
3) Le Gouvernement sud-soudanais mettra en place une équipe de haut niveau, en coordination avec le Comité technique spécial de la zone des 14 miles, chargée de sensibiliser la population afin que la FISNUA puisse effectuer des déplacements par voie terrestre dans la zone frontalière démilitarisée et sécurisée depuis Gok Machar et que les bases d’opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière puissent être établies, conformément à l’objectif 2;
4) Organiser au moins deux réunions du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité pendant la période couverte par le mandat, en vue de définir des orientations claires pour le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, et au sujet du retrait complet des deux parties de la zone frontalière démilitarisée et sécurisée;
5) Couloirs de passage de la frontière: établir un calendrier et commencer à l’appliquer afin de vérifier, conjointement avec la FISNUA, que les 10 points de passage sont opérationnels, et de garantir la libre circulation à travers la frontière;
6) Douanes et migrations: chaque pays établira des bureaux des douanes et des migrations pour au moins deux des quatre points de passage à ouvrir pendant la phase 1 entre le Soudan et le Soudan du Sud;
7) Tenir au moins deux réunions de la Commission frontalière mixte et du Comité mixte de démarcation, dont une avec chacun avant le 15 mars 2019, pour établir la version finale du rapport élaboré par le Comité pour la Commission, débattre de la démarcation des sections convenues de la frontière, conformément à la décision du 5 mars 2018 prise par le Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité, et reprendre les pourparlers sur la démarcation de la frontière et notamment les négociations sur les zones contestées dans le cadre des accords signés;
4. Prie instamment le Secrétaire général de l’informer de tout progrès fait dans l’application des mesures prises aux termes du paragraphe 3, par écrit, au plus tard le 15 mars 2019;
5. Décide de rester activement saisi de la question.