RDC: Pour la Représentante spéciale du Secrétaire général, le niveau de confiance en prévision des élections de décembre doit encore être consolidé
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC), Mme Leila Zerrougui, a estimé aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, que le « niveau de confiance » devait encore être consolidé pour assurer la bonne tenue des élections présidentielle et législatives du 23 décembre prochain et une transition pacifique du pouvoir, ce qui serait une première dans l’histoire de ce pays. Les délégations ont affiché certaines divergences sur l’appui que pourrait fournir la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) dans le cadre de ce processus électoral.
À l’entame de son intervention, la Représentante spéciale a rappelé que le Président Kabila avait respecté son engagement de ne pas se présenter pour un troisième mandat, une décision saluée par la majorité des délégations. Mme Zerrougui a par ailleurs noté que 6 des 25 candidats à l’élection présidentielle ont été disqualifiés, dont le sénateur Jean-Pierre Bemba.
« La publication de la liste provisoire des candidats aux élections a suscité des questionnements », a reconnu la Représentante spéciale, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) se voyant accusée d’avoir outrepassé ses prérogatives en excluant des candidatures sur la base d’interprétations de la loi électorale. « L’absence de consensus sur l’utilisation de la machine à voter et la non publication de la liste définitive du fichier électoral demeurent deux sujets de discorde majeurs. »
Alors que nombre de délégations ont regretté que le Président de la CENI ne se soit pas exprimé comme prévu ce matin devant le Conseil, la Représentante spéciale a souligné le danger que représente pour la crédibilité du processus un manque de confiance envers cette commission. « Toute impression que la CENI a outrepassé son mandat en déterminant l’éligibilité des candidats ne fera que saper la confiance dans le processus. »
Mme Zerrougui a espéré que les décisions de la Cour constitutionnelle dissiperont toute ambigüité et ramèneront la confiance – « l’application rigoureuse de la Constitution et de la loi électorale étant essentielle pour aller de l’avant ». Enfin, elle a appelé à la levée de l’interdiction générale des manifestations publiques et à la promotion de la liberté de réunion.
S’exprimant à son tour, Mgr Marcel Utembi, Président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), s’il a salué le « pas significatif » constitué par le dépôt des candidatures aux élections, a prévenu que la « joie présente sera illusoire et éphémère » si les questions en suspens ne sont pas réglées avant la tenue des scrutins.
« Des élections biaisées nous maintiendraient dans la crise », a-t-il insisté. À cette aune, il a jugé impératif d’œuvrer à la recherche d’un consensus sur l’utilisation, ou non, de la machine à voter. De son côté, la porte-parole de « Rien sans les femmes », Mme Solange Lwashiga Furaha, a plaidé pour un plus grand nombre de candidates femmes, qui représentent moins de 15% des candidats aux prochaines élections, comme en 2006.
La délégation des États-Unis n’a pas fait mystère de son scepticisme en notant plusieurs « signaux alarmants ». « À moins de quatre mois des scrutins, comment la CENI acheminera-t-elle le matériel électoral dans plus de 90 000 bureaux de vote? Y aura-t-il suffisamment de machines à voter ou les autorités vont-elles devoir prolonger le vote de plusieurs jours, voire plusieurs semaines? Les autorités peuvent-elles recharger des machines à voter avec seulement une autonomie de 12 heures? », a demandé la déléguée.
Elle a exhorté les autorités congolaises à laisser les électeurs utiliser des bulletins de vote en papier, « une méthode de vote fiable et transparente ». « Ces bulletins ont été assez bons pour faire élire le Président Kabila, ils devraient être suffisamment fiables pour élire son successeur », a-t-elle argué.
Le délégué congolais s’est employé à dissiper ces doutes, en insistant sur la campagne de sensibilisation de la CENI sur l’utilisation desdites machines. « Bien qu’appelée à tort machine à voter, celle-ci ne votera pas en lieu et place de l’électeur », a-t-il expliqué, précisant que cette machine a pour vocation d’imprimer le bulletin de vote que l’électeur devra glisser dans l’urne.
Il a mentionné les mesures prises par son gouvernement en vue de la « décrispation » du climat politique, en rapport avec la libération des prisonniers dits politiques. S’agissant d’un appui financier et logistique aux élections, le délégué a souhaité que l’apport des partenaires soit sans conditionnalité et respecte la souveraineté de la RDC.
« Le processus électoral en RDC a beaucoup souffert de nombreuses ingérences et interférences de l’extérieur, comme c’est encore le cas aujourd’hui », a-t-il déploré. Même son de cloche du côté de la Fédération de Russie qui a demandé que l’appui de la MONUSCO respecte strictement son mandat.
« Il n’y a rien d’insultant pour la souveraineté de la RDC à ce que la CENI accepte le soutien logistique de la MONUSCO », a rétorqué la déléguée des États-Unis, en regrettant que la RDC gaspille des ressources précieuses pour se doter de capacités déjà disponibles.
« Il est troublant que le Président Kabila et la CENI refusent cette assistance », a-t-elle dit. Son homologue de la France a, elle, dit respecter pleinement la décision de la RDC de prendre en charge le financement et la logistique de l’organisation des élections, tout en rappelant « néanmoins que la MONUSCO se tient à la disposition du pays pour lui fournir un appui logistique en cas de besoin. »
LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Déclarations
« Alors que les préparatifs se poursuivent en vue de la tenue des prochaines élections présidentielle et législatives nationales et provinciales, des progrès tangibles ont été enregistrés pour respecter les étapes critiques inscrites dans le calendrier de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) », a indiqué Mme LEILA ZERROUGUI, Représentante spéciale du Secrétaire général. L’ensemble des partis politiques et groupements -de la majorité présidentielle et de l’opposition- ont déposé des candidatures pour les trois scrutins dans les délais prévus, alors que les élections sont prévues le 23 décembre prochain.
Elle a rappelé que le Président Kabila a respecté son engagement de ne pas se présenter pour un troisième mandat –M. Emmanuel Ramazani Shadary ayant été désigné candidat unique de la majorité présidentielle– et que M. Moïse Katumbi n’a pas été en mesure de soumettre sa candidature, n’ayant pu entrer dans le pays avant le 8 août. Des demandes ont été formulées allant de la saisine du Conseil d’État à l’autorisation de sa candidature. Elle a indiqué que 6 des 25 candidats à l’élection présidentielle ont été disqualifiés pour des raisons variées, dont le sénateur M. Jean-Pierre Bemba. La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) continue d’apporter un appui technique et se tient prête à fournir un soutien logistique en cas de demande, a-t-elle dit, ajoutant que les autorités congolaises ont formulé le souhait d’organiser les élections sans appui extérieur.
Malgré ces progrès, la période à venir sera marquée par des contestations, a déclaré Mme Zerrougui. La publication de la liste provisoire des candidats aux élections a suscité des questionnements, la CENI se voyant accusée d’avoir outrepassé ses prérogatives en excluant des candidatures sur la base d’interprétations de la loi électorale, ce qui relèverait de la compétence de la Cour constitutionnelle. « L’absence de consensus sur l’utilisation de la machine à voter et la non publication de la liste définitive du fichier électoral demeurent deux sujets de discorde majeurs. »
La crédibilité du processus demeure une source de préoccupation, a indiqué la Représentante spéciale, ajoutant qu’un manque de confiance envers la CENI ou les décisions prises par la Cour constitutionnelle ne pourront qu’aviver les tensions. « Toute impression que la CENI a outrepassé son mandat en déterminant l’éligibilité des candidats ne fera que saper la confiance dans le processus. » Mme Zerrougui a espéré que les décisions de la Cour dissiperont toute ambigüité et ramèneront la confiance – « l’application rigoureuse de la Constitution et de la loi électorale étant essentielle pour aller de l’avant ». Elle a ensuite appelé à la levée de l’interdiction générale des manifestations publiques et à la promotion de la liberté de réunion.
La détérioration sécuritaire dans l’est de la RDC est préoccupante, les groupes armés ayant le potentiel de perturber les préparatifs et le déroulement des élections, a déclaré Mme Zerrougui. Si la sécurité des élections est de la responsabilité première des autorités, la MONUSCO restera pleinement engagée pour appuyer les autorités congolaises en vue de remédier aux activités de ces groupes, a-t-elle dit.
« Alors qu’il ne reste que quatre mois avant la tenue des élections, il est clair que les niveaux nécessaires de confiance et de consensus autour des questions clefs doivent être consolidés », a déclaré Mme Zerrougui, en demandant la participation libre de tous les Congolais à toutes les étapes du processus électoral. Enfin, elle a demandé que les élections du 23 décembre soient crédibles et pacifiques, en vue de permettre la transition pacifique du pouvoir en RDC.
Mgr MARCEL UTEMBI, Président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a déclaré que l’organisation au nom de laquelle il s’est exprimé a pris acte du « pas significatif » déjà franchi dans le cadre du processus électoral, à savoir le dépôt des candidatures aux élections législatives et présidentielle, dépôt qui s’est déroulé « dans l’ensemble » dans un climat apaisé et « dans un esprit patriotique ». Mais il a prévenu que la « joie présente sera illusoire et éphémère » si les questions en suspens ne sont pas réglées avant la tenue des scrutins. Des élections biaisées nous maintiendraient dans la crise, a-t-il insisté, avant de faire état des problèmes majeurs qui continuent de se poser. Pour la CENCO, a dit M. Utembi, il est impératif de publier le plus rapidement possible les listes des personnes « enrôlées » « sans empreintes digitales ». En outre, il faut œuvrer à la recherche d’un consensus sur l’utilisation, ou non, de la machine à voter, en favorisant les consultations entre la CENI, la CENCO, la majorité et l’opposition, et en sollicitant un groupe d’experts indépendants pour en vérifier le fonctionnement. Enfin, a préconisé le Président, il faut maintenant mettre en œuvre les mesures de décrispation de l’Accord de la Saint-Sylvestre. Pour sa part, la CENCO envisage de déployer « à long terme » un millier d’observateurs, ainsi qu’un certain nombre d’observateurs « à court terme ».
Mme SOLANGE LWASHIGA FURAHA, porte-parole de « Rien sans les femmes », un mouvement de la société civile, a rappelé que lors des élections de 2006 en RDC, les femmes représentaient moins de 15% des candidates. Les femmes congolaises sont restées néanmoins mobilisées, en tant qu’électrices et observatrices, a-t-elle dit. La période 2010-2016, en revanche, a été marquée par une démobilisation des femmes, en raison des us et coutumes et de considérations politiques, a poursuivi la porte-parole, avant de souligner l’ampleur de la crise politique de 2016 autour de la légitimité de l’actuel Président. Elle a indiqué que la proportion des candidatures féminines pour les prochaines élections n’a pas évolué depuis 2011.
L’action de notre mouvement est de remettre une pétition à l’Assemblée en vue de rendre contraignante des candidatures de femmes, a—elle déclaré. Malheureusement, les partis acceptent les femmes dans leurs rangs mais sans garantir leur élection, a-t-elle poursuivi. Elle a aussi déploré que la majorité de la société congolaise soit réticente au vote des femmes, le manque de consensus autour de la machine à voter étant un autre défi de taille.
La porte-parole a fustigé le fait que les donateurs apportant des « financements externes » veulent souvent influencer le processus électoral, avant de mentionner les risques sécuritaires entourant ledit processus. Enfin, elle a demandé à ce Conseil d’inciter le Gouvernement congolais à garantir des élections apaisées et crédibles, dans le respect de la résolution 1325 (2000), de réactiver le soutien logistique de la MONUSCO aux prochaines élections et d’appuyer son mouvement pour une mobilisation des femmes congolaises et pour que celles-ci soient plus facilement éligibles.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) s’est félicitée qu’une étape importante ait été franchie avec l’annonce que le Président Kabila ne se représentera pas à la présidentielle pour briguer un troisième mandat. Cependant, nous ne pouvons nier les « signaux alarmants » et les « questions restées sans réponse ». « À moins de quatre mois des scrutins, comment la CENI acheminera-t-elle le matériel électoral dans plus de 90 000 bureaux de vote? Y aura-t-il suffisamment de machines à voter ou les autorités vont-elles devoir prolonger le vote de plusieurs jours, voire plusieurs semaines? Les autorités peuvent-elles recharger des machines à voter avec seulement une autonomie de 12 heures? Les organisateurs ont-ils testé de manière approfondie les machines? Les électeurs, dont beaucoup n’ont jamais utilisé un écran tactile, sauront-ils les utiliser? Les organisateurs préparent-ils des bulletins de vote imprimés en guise de sauvegarde si les machines à voter électroniques échouent? », s’est demandée Mme Haley.
Dans ce contexte, les autorités congolaises devraient permettre à la MONUSCO de fournir un soutien logistique et technique, a-t-elle estimé. Les autorités congolaises devraient également laisser les électeurs utiliser des bulletins de vote en papier, « une méthode de vote fiable, testée, transparente et facile à utiliser ». « Les bulletins de vote en papier ont été assez bons pour faire élire le Président Kabila, ils devraient être suffisamment fiables pour élire son successeur. »
« J’ai eu l’occasion de rencontrer le Président Kabila l’année dernière. S’il était ici aujourd’hui, je lui dirais qu’il est admirable que le Gouvernement de la RDC veuille s’autofinancer et subvenir à ses besoins, mais est-ce faisable? Est-ce réaliste? Est-ce même nécessaire? », a lancé Mme Haley. Il n’y a rien d’insultant pour la souveraineté de la RDC à ce que la CENI accepte le soutien logistique de la MONUSCO, a-t-elle estimé, regrettant que la RDC gaspille des ressources précieuses pour se doter de capacités déjà disponibles, alors que son gouvernement et d’autres organismes consacrent des dizaines de millions de dollars à une aide humanitaire vitale pour leur pays. « Il est troublant que le Président Kabila et la CENI refusent cette assistance. » Assurant respecter la RDC en tant qu’État Membre souverain des Nations Unies, elle a parlé de « suspicion » lorsque « le Gouvernement congolais refuse l’assistance qui permettrait d’organiser des élections libres, équitables et crédibles, tout en continuant d’accepter l’aide humanitaire que beaucoup d’entre nous continuent de leur donner ».
En outre, la déléguée s’est déclarée profondément préoccupée de la décision prise le 24 août par la CENI de disqualifier certains candidats à l’élection présidentielle pour des raisons apparemment politiques. Ce n’est pas ainsi qu’un processus électoral ou une commission électorale indépendante devrait fonctionner, a-t-elle tranché. Elle a félicité les candidats qui estiment avoir été injustement exclus pour avoir utilisé la procédure d’appel qui leur était proposée. En respectant les règles du processus national, les organisations de l’opposition et de la société civile renforcent le degré d’indépendance perdu par la CENI pendant le mandat de M. Nangaa. La déléguée a plaidé pour un espace politique qui permette aux candidats de faire campagne, aux citoyens de se rassembler et aux membres de l’opposition de parler librement, sans crainte. Il ne peut y avoir de violence, d’intimidation, de harcèlement ou de silence de l’opposition. Les partis politiques doivent pouvoir être compétitifs sur un pied d’égalité. Nous ne connaîtrons jamais la volonté du peuple congolais sans un environnement propice aux élections, a insisté la déléguée. « Choisissez des élections libres, équitables et crédibles le 23 décembre. Choisissez une transition pacifique au pouvoir en janvier 2019. Et, ce faisant, choisissez un avenir meilleur pour des générations de congolais à venir. »
Les élections du 23 décembre 2018 constituent un moment historique pour la RDC, a estimé Mme ANNE GUEGUEN (France). « Ces élections sont celles du peuple congolais », et la France, a-t-elle dit, réaffirme son plein respect de la souveraineté en RDC. Elle encourage le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement du processus électoral, ainsi que la tenue d´élections libres, inclusives et transparentes, dans le respect du calendrier et de la Constitution.
La représentante a précisé deux conditions indispensables à cela, à savoir un climat de confiance et un climat pacifique. Le premier nécessite l’ouverture de l’espace politique et démocratique et le respect des libertés fondamentales -à commencer par la liberté d’expression et de manifestation-, ainsi que la libération des prisonniers politiques et la participation des femmes au processus politique. Mme Gueguen a également exigé le respect du calendrier électoral. Elle a salué la décision du Président Kabila de ne pas se représenter.
La France respecte pleinement la décision de la RDC de prendre en charge le financement et la logistique de l’organisation des élections, mais elle rappelle néanmoins que la MONUSCO se tient à la disposition du pays pour lui fournir un appui logistique en cas de besoin. La France renouvelle son appel à la CENI à créer un plus large consensus sur l’utilisation des machines à voter et à mettre en œuvre les recommandations faites par l’Organisation internationale de la Francophonie dans son audit de juin dernier, à commencer par la publication du fichier électoral, alors que 6,6 millions de personnes y sont inscrites sans empreinte digitale, un point technique qui représente « un enjeu de crédibilité pour l’ensemble du processus ».
En ce qui concerne l’instauration d’un climat pacifique, Mme Gueguen a exprimé ses préoccupations par rapport à la situation sécuritaire et humanitaire en RDC, notamment les tensions dans les Kasaï et dans le Nord et au Sud-Kivu, où une nouvelle épidémie d’Ebola s’est déclarée le 1er août dans le territoire de Beni. Elle a salué les déploiements de la MONSUCO dans les zones de violence et a insisté sur la nécessité de continuer à reconfigurer cette Force pour renforcer la protection des civils. À court terme, la priorité de la MONUSCO devrait être la sécurisation des élections à venir et leur soutien logistique, si les autorités congolaises le souhaitent.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a insisté sur la nécessité de tenir en décembre prochain des élections crédibles, pacifiques et inclusives. Il a salué la décision du Président Joseph Kabila de ne pas se représenter. Il est crucial, a ajouté le représentant, que le Conseil de sécurité reste informé du processus électoral et continue de soutenir les parties congolaises. À cet égard, il est urgent de définir une date pour tester les machines à voter, a estimé la délégation, qui a favorablement accueilli la proposition de la CENCO pour qu’un groupe d’experts indépendants vérifie les machines en question. Le représentant a ajouté qu’il faut favoriser la participation des femmes et des jeunes, qui contribuent à une « paix pérenne » et à l’avènement d’un « avenir commun ».
M. ALEXANDER A. VOLGAREV (Fédération de Russie) a déploré que le Président de la CENI ne se soit pas exprimé aujourd’hui devant le Conseil. Il a pris note de la conclusion du processus d’enregistrement des candidatures pour l’élection présidentielle. La désignation de M. Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat unique de la majorité présidentielle est un bon signal, a-t-il dit, en exhortant l’opposition à s’abstenir de toute action négative. Le délégué russe a dit respecter la décision des autorités congolaises de ne compter que sur leurs propres ressources pour assurer le déroulement du processus électoral. L’appui de la MONUSCO doit se faire dans le strict respect de son mandat, a-t-il insisté, ajoutant que la protection des civils doit être menée sans ingérence dans les affaires intérieures du pays. « Les élections ne sont pas la panacée », a conclu le représentant.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a salué la décision du Président Kabila de ne pas briguer un troisième mandat, ainsi que le renforcement de l’engagement de la CENI et des partis politiques. Il a également salué la création de cours d’appel provinciales supplémentaires. Cependant, « beaucoup reste à faire en vue de la tenue d’élections libres, crédibles, transparentes et pacifiques », et la confiance des parties dans la CENI et dans les préparatifs de ces élections est essentielle pour leur succès, a-t-il estimé. Parmi les questions toujours en suspens, le représentant a soulevé celle de la livraison en temps voulu, du stockage et de la distribution des machines à voter ainsi que de leur utilisation, ou encore celle des modalités de l’audit citoyen du fichier électoral. Les Pays-Bas encouragent toutes les parties à engager le dialogue afin de résoudre ces difficultés.
Satisfait de voir que le Gouvernement congolais a versé une partie du budget électoral, le représentant a estimé qu’il n’en est pas moins essentiel que les fonds restants soient transférés dans les temps, demandant au passage à M. Nangaa, le Président de la CENI, s’il pensait que le budget électoral allait être couvert. Il a réaffirmé la volonté de la communauté internationale d’apporter son soutien logistique.
Les Pays-Bas insistent à nouveau sur l’importance de la mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre, ce qui relève de toutes les parties congolaises qui l’ont signé. « Cet accord constitue la seule voie possible pour que le scrutin soit accepté par l’ensemble de la population congolaise. » Insistant également sur l’impératif d’un processus électoral inclusif, le représentant est revenu sur les six candidats « jugés non éligibles par la CENI », et a demandé aux parties de faire preuve de la plus grande retenue pendant la durée d’éventuelles procédures d’appel. Sa délégation demande aussi la libération de tous les prisonniers politiques, y compris les cas emblématiques, citant notamment le cas des cinq membres de Filimbi. Le représentant a aussi appelé tous les partis à intensifier leurs efforts en vue d’inclure les femmes congolaises dans ce processus.
Pour ce qui est de la volonté de la communauté internationale de soutenir le peuple congolais, le représentant a estimé qu’outre le processus électoral, la lutte contre la nouvelle épidémie d’Ebola dans l’est du pays nécessite un tel soutien. En conclusion il a affirmé que la visite du Conseil de sécurité en RDC, en octobre prochain, sera une visite de solidarité avec le peuple congolais qui aura lieu à un moment clef.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a insisté sur le respect de l’Accord du 31 décembre 2016 par toutes les parties. Il a déclaré que le processus électoral en cours, dirigé par les nationaux, doit tenir compte de la souveraineté nationale, l’indépendance politique, l’intégrité territoriale et l’unité de la RDC. Le Kazakhstan invite les autorités nationales à continuer de mettre en œuvre des mesures qui vont créer des conditions idoines pour des élections crédibles. Il faut également faire des efforts pour établir un dialogue intercongolais constructif, afin de faire des progrès politiques et instaurer la confiance vis-à-vis du processus électoral, y compris son aspect technique. Il a aussi demandé aux autotriés d’assurer la sécurité durant les élections, avec le soutien de la MONUSCO.
M. LIE CHENG (Chine) a toujours considéré qu’une solution politique est le seul moyen de régler la situation en RDC. Tout en fournissant une aide à la RDC, la communauté internationale doit s’efforcer de respecter la souveraineté de ce pays, de même que la MONUSCO dans le cadre de ses opérations, a souligné le représentant. Il s’est en outre félicité de la tenue, les 3 et 4 septembre à Beijing, du Forum sur la coopération sino-africaine destiné à renforcer la coopération de son pays avec l’Afrique.
M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a estimé que le processus électoral en RDC entre dans sa phase finale, avant de saluer la décision du Président congolais, M. Joseph Kabila, de respecter la Constitution et l’Accord de la Saint-Sylvestre, et de quitter ses fonctions à la fin de l’année. Alors que la tenue des élections est cruciale pour garantir la stabilité de la RDC, le Gouvernement, la CENI et toutes les parties prenantes doivent œuvrer à la tenue, le 23 décembre, des scrutins, a encouragé le représentant. Dans ce contexte, une coopération étroite avec la société civile, en particulier les organisations de femmes, sera nécessaire. Pour sa délégation, la mise en œuvre efficace de l’Accord du 31 décembre 2016, en particulier des mesures de renforcement de la confiance et du respect du calendrier électoral, sont également indispensables pour organiser un processus pacifique et crédible.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a salué l’annonce du Président Kabila de respecter la Constitution de son pays en ne se présentant pas à l’élection présidentielle. Il est maintenant temps, a-t-il souligné, de faire face aux défis techniques restant. Il faut notamment renforcer les efforts pour garantir la pleine participation des femmes au processus politique, a-t-il plaidé, se disant à ce propos déçu de voir que peu de femmes sont candidates aux élections provinciales et législatives. Il a donc appelé à créer des conditions qui permettraient aux femmes de participer activement au processus à venir et de voter le jour des élections.
Pour la Suède, les préparatifs techniques ne sont pas suffisants pour assurer des élections libres, justes et crédibles. Il a souhaité que soient trouvées des solutions à la situation sécuritaire actuelle, dénonçant un niveau élevé de violence, y compris de violence sexuelle et sexiste, et autres violations et abus des droits de l’homme. Il faut aussi, a-t-il poursuivi, ouvrir l’espace politique aux partis et à la société civile, tout en respectant la liberté de parole et d’assemblée. Dans ce contexte, il a jugé cruciale la mise en œuvre de mesures de renforcement de la confiance, comme les mesures contenues dans l’Accord de décembre 2016. Le représentant a rappelé que le monde attend de la RDC des élections crédibles et inclusives en décembre, menant à un transfert démocratique et pacifique du pouvoir. Il s’est enfin dit préoccupé de l’épidémie d’Ebola qui touche le Nord-Kivu, dans un contexte sécuritaire difficile, et dans une région abritant plus d’un million de déplacés.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a salué les efforts consentis en RDC en vue de respecter le calendrier électoral. « Nous espérons que tous les candidats autorisés par la loi électorale pourront participer aux élections. » Elle a demandé à la communauté internationale de renforcer les capacités du pays, dans le respect de sa souveraineté. La déléguée a ensuite souhaité la pleine mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre 2016. Elle a exhorté les partis congolais à coopérer pour assurer une pleine participation des femmes aux élections. « Tant que les femmes ne seront pas au cœur du processus de paix, nous ne parviendrons pas à une paix pérenne. » Enfin, elle a souligné l’importance de remédier à l’une des causes profondes du conflit en RDC, qui est le manque de contrôle du pays sur ses ressources naturelles.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est félicité des mesures prises récemment dans le cadre du processus électoral en RDC, marqué par l’enregistrement des candidats aux élections législatives et présidentielle. Il a encouragé toutes les parties prenantes congolaises à créer les conditions nécessaires au déroulement des élections dans les conditions de transparence, de crédibilité et d’inclusivité requises. Il a lui aussi réaffirmé que la mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre, notamment les mesures de confiance, ainsi que le respect des droits fondamentaux et du calendrier électoral, est essentielle pour la tenue d’élections pacifiques et crédibles le 23 décembre. Enfin, le représentant a encouragé le Gouvernement congolais et la CENI à formuler une demande d’appui logistique et technique à la MONUSCO.
« La RDC est à la croisée des chemins », a indiqué M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale), en invitant le Conseil à suivre de très près la situation dans ce pays. Il a remercié le Président Kabila pour avoir contribué à la conclusion du processus de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, qui est en soi une étape historique. Il a recommandé aux acteurs congolais d’œuvrer pour assurer une première transition pacifique du pouvoir en RDC. Des mesures devront être prises, notamment par la MONUSCO, contre les fauteurs de troubles, a-t-il dit, en appelant à la tenue d’élections pacifiques et crédibles. Le délégué a demandé le règlement des difficultés liées aux machines de vote et à l’établissement des listes électorales, sous peine de compromettre gravement le processus. Enfin, il s’est félicité de la prochaine visite du Conseil en RDC, prévue en octobre prochain.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que « nous sommes à un tournant » s’agissant du processus électoral, avant de se dire déçu que la CENI n’ait pas pu participer à cette séance. La représentante a ensuite souscrit aux déclarations de la Bolivie et de la Guinée équatoriale relatives à la participation des femmes. À la suite de plusieurs autres membres du Conseil, Mme Pierce s’est félicitée de la décision du Président Kabila de ne pas se représenter à l’élection du 23 décembre. Selon elle, le processus électoral devrait être transparent et répondre aux attentes de la société civile. La déléguée a regretté que la CENI ait refusé la proposition d’appui logistique et technique faite par la MONUSCO pour l’organisation du scrutin. Elle s’est aussi dite préoccupée de la méfiance de plusieurs partis politiques à la suite de la publication de la liste de candidats aux élections.
M. IGNACE GATA MAVITA WA LUFUTA (République démocratique du Congo) a expliqué que la CENI a réceptionné 19 437 dossiers de candidatures pour les élections provinciales, 15 222 pour les élections législatives et 25 pour l’élection présidentielle. Pour cette dernière, « le Président Kabila a tenu sa parole, se conformant ainsi à sa déclaration de respecter la Constitution du pays ». Il a précisé que 6 candidatures ont été déclarées irrecevables par la CENI sur les 25 de la présidentielle. Pour M. Mavita, « le processus a atteint aujourd’hui sa vitesse de croisière et nous rapproche de plus en plus de son point d’arrivée ».
Le représentant a ensuite tenu à répondre aux cinq questions que se posent certains membres du Conseil de sécurité. Ainsi sur la question de la machine à voter, il a expliqué que la CENI est consciente des appréhensions que soulèvent certains membres du Conseil et les Congolais. C’est pour faire face à cette situation, et renforcer la confiance et dissiper le doute, que la CENI a entrepris depuis plusieurs mois une campagne de sensibilisation et de vulgarisation sur l’utilisation des dites machines. Il a rappelé ce qui avait été « déjà souligné devant votre Conseil, lors de la réunion du 21 juillet 2018 », à savoir que « bien qu’appelée à tort machine à voter, celle-ci ne votera pas en lieu et place de l’électeur ». Son rôle est plutôt d’imprimer le bulletin de vote que l’électeur sera appelé à glisser dans l’urne.
Concernant les six millions d’électeurs enregistrés sans empreintes digitales, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui a constaté cette situation en faisant l’audit du fichier électoral, a formulé des recommandations pour l’amélioration dudit fichier. M. Mavita a souligné les conclusions de l’OIF, pour qui la présence d’électeurs sans empreintes à hauteur de 16,6%, repartis sur l’ensemble du territoire national, ne remet pas pour autant en cause, conformément à la loi, leur qualité d’électeur.
S’agissant des questions relatives au financement des élections et de la logistique, le délégué a rassuré sur la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts engagés pour conduire le processus jusqu’à son terme. Il a garanti que le pays reste ouvert aux apports d’autres partenaires, pourvu que ceux-ci soient sans conditionnalités et se fassent dans le respect de sa souveraineté.
Quant à la décrispation du climat politique, M. Mavita a assuré que le Gouvernement a déjà pris une série de mesures pour répondre aux exigences formulées dans l’Accord politique du 31 décembre 2016, en rapport avec la libération des prisonniers dits politiques. Ceux qui faisaient partie de cette catégorie ont été effectivement mis en liberté, et les cas pendants, dits emblématiques, concernent des personnes qui se sont rendues coupables d’infractions de droit commun. Et « les pouvoirs publics ne peuvent interférer dans ce genre de situation sans violer la Constitution en créant dans le pays une justice à double vitesse », a-t-il justifié.
Pour les élections du 23 décembre, le Gouvernement attend de tous les acteurs politiques du pays qu’ils puissent accompagner ce processus de manière constructive par des actions positives. Le Gouvernement attend aussi le même comportement des partenaires internationaux. M. Mavita a affirmé que le processus électoral en RDC a beaucoup souffert de nombreuses ingérences et interférences de l’extérieur, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Cet état de choses, a-t-il ajouté, n’a pas nécessairement fait avancer le processus qui a eu, entre autres, pour conséquences le report des élections. Il a regretté que l’on fasse porter la responsabilité de ce report à une seule personne: le Président Kabila. Ce processus a aussi souffert de la « crise de confiance entretenue par des suspicions qui ont été inoculées aux Congolais, si bien que ceux-ci se sont mis à douter d’eux-mêmes, au point de se comporter en sceptiques devant la promesse solennelle de respecter la Constitution faite par le chef de l’État ». La RDC estime que « la communauté internationale qui a sa part de responsabilité dans cette situation doit apporter un langage mesuré et posé pour aider à dissiper cette crise au stade actuel du processus ». En outre, les contributions positives pour l’amélioration du processus sont les bienvenues, a déclaré M. Mavita, tout en précisant qu’elles doivent se faire dans « le respect mutuel entre partenaires ».