Darfour: face à des membres divisés, la Procureure de la CPI dénonce le manque de coopération de certains États et prie le Conseil de sécurité d’agir
L’obligation générale de coopérer a été au cœur de l’exposé semestriel de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, qui, ce matin, a exhorté le Conseil de sécurité à prendre des mesures concrètes face à certains États qui se refusent à arrêter et à transférer à la CPI les suspects liés à la situation au Darfour, lorsque ces derniers se trouvent sur leur territoire.
Mme Bensouda a visé l’Ouganda, le Tchad et la Jordanie, où le Président Omar el-Béchir du Soudan, qui figure parmi les cinq suspects faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, a effectué différentes visites officielles au courant de l’année 2017. La Cour, a-t-elle précisé, a pris acte de leur manque de coopération et initié des procédures en vertu de l’Article 87(7) du Statut de Rome.
La Procureure a dénoncé « une situation intenable » et demandé au Conseil d’agir de façon appropriée suite à toute notification émanant de la Cour concernant les États qui ne se plient pas à la règle.
« Le statut officiel de M. el-Béchir ne justifie en rien l’échec d’un État Partie au Statut de Rome à arrêter et à transférer un suspect qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la CPI », a-t-elle insisté.
« Treize ans après le renvoi de la situation au Darfour à la CPI, les victimes de crimes, dont la gravité a poussé le Conseil sécurité à saisir la Cour, attendent toujours que les auteurs comparaissent en justice. Pendant combien de temps encore les victimes de ces allégations d’atrocités commises au Darfour devront-elles souffrir en silence ou attendre que leur tourment soit reconnu par des résultats concrets? » s’est impatientée Mme Bensouda.
L’appel de la Procureure a été appuyé par le Royaume-Uni qui a, lui aussi, prié le Conseil de sécurité d’agir face aux manquements de certains États Parties au Statut de Rome vis-à-vis de la Cour. « Il est inacceptable que les victimes des crimes internationaux commis au Darfour attendent toujours que justice soit faite », se sont indignés les Pays-Bas.
Pour les États-Unis, le fait que le Président el-Béchir continue d’être reçu à l’étranger en visite officielle contribue à diminuer l’ampleur des chefs d’accusation qui pèsent contre lui.
« La France refuse de voir se banaliser le refus de coopération de la part d’États Membres des Nations Unies », a renchéri cette délégation qui a réitéré sa proposition visant à ce que les États dont la Cour a constaté qu’ils manquent à leur obligation de coopérer soient invités à s’exprimer devant le Conseil de sécurité. « Il reviendra ainsi au Conseil de déterminer, sur la base de cet échange, des suites à donner. »
En revanche, le représentant de l’Éthiopie, qui a vivement dénoncé le ton employé par la Procureure à l’égard de « l’un des dirigeants les plus respectés » du continent africain, a appelé à suspendre les procédures en cours contre le Président el-Béchir, le dossier de la CPI étant « si faible » que ce n’est pas logique de le maintenir. « Au vu du rôle constructif du Gouvernement soudanais, il est plus que temps pour le Conseil de sécurité de réexaminer avec sérieux la question du Soudan et de la CPI », a-t-il argué. Même son de cloche du côté du Koweït pour qui le Conseil devrait tenir compte de la stabilité croissante au Darfour alors qu’il examine ce dossier.
Insistant sur l’immunité des hauts fonctionnaires de l’État en droit international, la Guinée équatoriale a, dans le même esprit, estimé que « ce n’est pas un hasard » si plusieurs pays, dont certains sont même parties au Statut de Rome, ne coopèrent pas avec la CPI à ce sujet ». La Chine a souligné qu’un chef d’État bénéficie de l’immunité due à son rang et ne la perd pas, même s’il est convoqué devant la CPI.
La Fédération de Russie a en outre relevé que la résolution 1593 (2005) stipule que les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome ne sont pas requis de répondre aux appels de la Cour. La situation qui en découle est que la confiance en la CPI faiblit inexorablement et que la Cour s’avère être un organe qui ne peut s’acquitter des tâches que lui a conférées le Conseil de sécurité, a-t-il affirmé.
Le représentant du Soudan a ainsi fait observer que son pays n’avait aucun devoir à l’égard de la CPI, n’étant pas partie au Statut de Rome. Dénonçant tour à tour la « corruption ambiante », « une détestable sélectivité », et une cour politisée, il a rappelé qu’en janvier dernier, le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine avait demandé un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) au sujet de l’immunité des chefs d’État.
De plus, le représentant soudanais a dénoncé les « mensonges » contenus dans le rapport du Secrétaire général, au sujet de bombardements dans le Jebel Marra ou encore de l’usage d’armes chimiques, avertissant que « l’ingérence de la Cour dans les affaires intérieures soudanaises » met en danger la stabilité au Soudan et au Darfour et incite les groupes armés à commettre davantage d’exactions contre les populations civiles.
Ces propos virulents ont poussé la Procureure à répondre au Soudan, « pour la première fois en deux ans », « en raison du ton hostile et irrespectueux de la délégation », qui de surcroît la visait personnellement. Ce manque de respect vis-à-vis du Conseil, de la CPI et des victimes témoigne selon elle d’un mépris de la justice internationale.
L’ironie veut que ce soit au sein même du Conseil de sécurité, qui a renvoyé le dossier du Darfour à la CPI, qu’elle se rapproche le plus d’un dialogue avec le Soudan, a conclu Mme Bensouda, avant d’inviter Khartoum à dialoguer avec son Bureau sur la remise de tous les suspects à la CPI.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Déclarations
Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a constaté que 13 ans après le renvoi de la situation au Darfour à la CPI, les victimes de crimes, dont la gravité a poussé le Conseil de sécurité à saisir la Cour, attendent toujours que les auteurs comparaissent en justice. Pendant combien de temps encore les victimes de ces allégations d’atrocités commises au Darfour devront-elles souffrir en silence ou attendre que leur tourment soit reconnu par des résultats concrets? s’est-elle impatientée.
Elle a indiqué qu’en dépit de la résolution 1593 (2005), le Gouvernement du Soudan refuse non seulement de coopérer avec la Cour, mais la dénonce aussi publiquement en formulant des allégations sans fondement dans le but, a-t-elle déploré, de détourner l’attention des véritables enjeux et de son échec à honorer ses obligations. Et de telles intransigeances ont même été formulées devant le Conseil de sécurité où les discours respectueux sont censés prévaloir, a-t-elle déploré.
Aujourd’hui, a affirmé Mme Bensouda, « je veux rassurer les victimes au Darfour que mon Bureau ne les a pas oubliées, ni abandonnées ». Elle a rappelé que les preuves rassemblées avaient permis d’émettre des mandats d’arrêt contre cinq suspects. Des progrès notables ont été réalisés pour rassembler d’autres éléments de preuve, grâce, notamment, à la coopération d’un certain nombre d’États et au « sacrifice » de nombreuses personnes.
Elle a exhorté le Conseil de sécurité à prendre des mesures concrètes face à l’échec des États concernés à arrêter et à transférer à la CPI les suspects liés à la situation au Darfour, lorsque ces derniers se trouvent sur leur territoire. Elle s’est dite encouragée par les efforts déployés par certains de ses membres, y compris des membres permanents, pour trouver une issue à l’impasse, avant de citer les noms des cinq personne qui sont l’objet d’un mandat d’arrêt, à savoir: MM. Omar El-Béchir, Ahmad Harun et Abdel Hussein, tous trois de hauts représentants du Gouvernement, M. Ali Kushayb, un dirigeant militaire, et M. Abdallah Banda, un dirigeant de la rébellion. Ces personnes, a-t-elle rappelé, sont accusées d’avoir commis de multiples crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
La Procureure a ensuite indiqué que les enquêtes menées par le Bureau avaient enregistré des avancées notables grâce au témoignage de témoins supplémentaires. Face au besoin de financement supplémentaire, elle a appelé le Conseil de sécurité à renforcer l’appui financier accordé par l’ONU à son Bureau. Elle l’a également engagé à faciliter un dialogue entre le Bureau et le Gouvernement du Soudan, notamment pour discuter de l’envoi de missions d’enquête au Darfour.
Poursuivant, Mme Bensouda a fait savoir que la Chambre préliminaire II de la CPI avait initié des procédures en vertu de l’Article 87(7) du Statut de Rome, l’Ouganda et le Tchad n’ayant pas arrêté et transféré M. El-Béchir lors de ses visites officielles dans ces pays en novembre et en décembre 2017, respectivement. Ces deux pays avaient déjà été renvoyés par la CPI au Conseil de sécurité pour avoir échoué à l’arrêter dans le passé, mais aucune action n’avait été prise. Cette situation, a-t-elle dénoncé, est « intenable », et le Conseil doit assumer ses responsabilités et prendre des actions appropriées suite à toute notification émanant de la Cour concernant les États qui ne se plient pas à la règle. Elle a ensuite indiqué que des procédures sont également en cours concernant l’échec de la Jordanie à appréhender M. El-Béchir en mars 2017, rappelant que la Chambre préliminaire avait déjà décidé de renvoyer cette situation au Conseil de sécurité. Le statut officiel de M. El-Béchir ne justifie en rien l’échec d’un État Partie à arrêter et à transférer un suspect qui est l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la CPI, a-t-elle souligné, avant d’indiquer que des audiences sont prévues les 10, 11, et 12 septembre 2018. Elle s’est également dite encouragée par le fait que l’Union africaine ait notifié la Chambre préliminaire de son acceptation de l’invitation à soumettre ses observations, d’autant plus que 35 de ses 55 membres sont parties au Statut de Rome.
La Procureure a aussi noté que la question des immunités officielles des personnes qui sont l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI avait été débattue lors du Sommet de l’Union africaine, en janvier 2018, et a salué les efforts déployés par l’Union africaine pour interagir de manière constructive avec la Chambre préliminaire sur cette question.
Mme Bensouda a ensuite salué les efforts continus des parties impliquées dans le processus de paix au Darfour, s’inquiétant toutefois des accrochages intermittents qui continuent d’y être signalés, notamment dans le Jebel Marra. Elle a souligné que la paix et la stabilité ne pourront être rétablies au Darfour qui si l’on répond aux causes sous-jacentes du conflit, notamment en mettant un terme à l’impunité et en rendant justice aux victimes. Les efforts collectifs allant dans ce sens se poursuivront, a-t-elle assuré.
Elle a ensuite engagé le Conseil de sécurité à jouer un rôle plus actif, et à appuyer les enquêtes de son Bureau en en facilitant le financement par l’ONU et en l’aidant à obtenir la coopération du Soudan. Elle l’a aussi appelé à fournir son appui pour assurer l’arrestation et le transfert des suspects du Darfour.
La Procureure a averti que « la persistance du statu quo actuel ne fera que saper davantage la confiance du public envers la justice pénale internationale au Darfour, ainsi qu’envers le Conseil de sécurité ». Nous devons travailler ensemble, dans le cadre de nos mandats respectifs pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 1593 (2005), a-t-elle souligné.
Mme SUSAN JANE DICKSON (Royaume-Uni) a dit être encouragée de voir que les tensions ont baissé au Darfour, à l’exception des heurts au Jebel Marra où le Gouvernement du Soudan empêche la MINUAD d’accéder. Elle a noté que les retours des populations chez elles sont parfois de courte durée du fait des activités de groupes et milices armés.
Elle a déploré la persistance de la violence sexuelle qui affecte surtout les femmes. La représente a dit que l’absence de progrès dans le processus de paix est une source de déstabilisation, c’est pourquoi toutes les parties doivent s’engager en faveur de la paix.
En adoptant la résolution 1593 (2005), le Conseil de sécurité s’était engagé à appuyer les actions du Bureau de la Procureure. C’est pourquoi il faut que tous les États coopèrent avec lui. Une réunion en formule Arria est d’ailleurs prévue le 6 juillet prochain, convoquée par les Pays-Bas notamment, afin de tabler sur l’appui à apporter à la CPI.
Pour le Royaume-Uni, le Conseil de sécurité doit aussi envisager d’engager des actions pour faire face aux manquements de certains États Parties au Statut de Rome vis-à-vis de la Cour. Le Royaume-Uni continue d’exprimer ses frustrations de voir que des fugitifs, comme le Président soudanais Omar El-Béchir, continuent de se rendre dans d’autres pays sans aucune contrainte.
Elle a rappelé que toutes les Parties au Statut de Rome doivent remplir leur devoir et, à défaut, expliquer les raisons de leur manque de coopération. Elle a terminé en félicitant le Bureau de la Procureure pour le travail abattu.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a estimé opportun de rappeler que le cap du Conseil de sécurité doit être clair, celui de la lutte contre l’impunité des crimes commis au Darfour. C’est indispensable pour toute stabilisation à long terme au Darfour et au Soudan, a-t-elle argué. Elle a noté que l’amélioration globale de la situation sécuritaire ouvre un espace pour une telle stabilisation, ce qui est un développement encourageant. Il reste néanmoins de nombreux défis à relever, comme le cas du Jebel Marra où les populations continuent de souffrir. Selon la France, « trop de femmes sont encore victimes de violences sexuelles au Darfour », et il faut également rester attentif au sort des populations déplacées du Darfour, environ deux millions pour lesquelles des solutions durables doivent être trouvées. Cela nécessite de poursuivre des efforts pour faire cesser les combats et les violences contre les civils, en particulier au Jebel Marra, en parvenant à un accord de cessation des hostilités.
La France rappelle une fois de plus l’importance de l’obligation de coopération avec la Cour, en conformité avec les résolutions adoptées par le Conseil. Cela vaut pour la mise en œuvre du mandat d’arrêt à l’égard du Président El-Béchir, et à l’égard des quatre autres suspects identifiés par la Cour. « La France refuse de voir se banaliser le refus de coopération de la part d’États Membres des Nations Unies, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’États Parties au Statut de Rome. » Mme Gueguen a souligné que cette obligation incombe au premier chef au Soudan qui doit mettre à exécution les mandats d’arrêt contre ses ressortissants pour des faits commis sur son territoire, et coopérer avec la Cour comme l’exige la résolution 1593 (2005). Selon elle, la responsabilité de ce Conseil est claire. « Nous nous devons de donner suite aux demandes, légitimes, de la CPI afin de pouvoir accomplir pleinement son mandat. » Le Conseil doit rendre effective la coopération avec la CPI et veiller à ce qu’il soit procédé à l’exécution des mandats d’arrêt. Dans cet état d’esprit, la France réitère sa proposition visant à ce que les États dont la Cour a constaté qu’ils manquent à leur obligation de coopération soient invités à s’exprimer devant le Conseil de sécurité. « Il reviendra ainsi au Conseil de déterminer, sur la base de cet échange, des suites à donner. »
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a dénoncé le ton employé par la Procureure à l’égard de « l’un des dirigeants les plus respectés » du continent africain. On peut se douter de l’émoi qui aurait été suscité si elle avait parlé en de tels termes d’un dirigeant d’une autre région du monde. « En tant qu’Africain, cela m’attriste particulièrement, et nous restons hantés par cette politique de deux poids, deux mesures », a-t-il affirmé.
Le représentant a ensuite appelé à suspendre les procédures en cours contre le Président Omar El-Béchir et a exhorté le Conseil de sécurité à revenir sur le renvoi de cette affaire.
Il a estimé que le dossier est « si faible », que cela ne fait pas sens de vouloir le maintenir. De plus en plus d’informations se font jour qui viennent renforcer cette conviction, et cela ne fera que porter atteinte à la crédibilité du Conseil, a–t-il dit. En outre, l’évolution récente vient souligner la nécessité, pour le Conseil, de réexaminer avec sérieux sa position sur cette question.
Le représentant a insisté sur le rôle constructif joué par le Soudan en matière de lutte contre le terrorisme, la traite des êtres humains et la migration illicite, ainsi que pour traiter de tout un éventail de questions affectant la paix et la sécurité régionales. Il a aussi salué la levée des sanctions imposés au Soudan par les États-Unis, il y a deux décennies.
De plus, a-t-il enchaîné, la situation du Darfour a continué d’être caractérisée par des progrès, en raison notamment de la diminution des hostilités entre le Gouvernement soudanais et les forces rebelles et des violences intercommunautaires, ainsi que de l’amélioration continue de l’accès humanitaire dans l’ensemble de la région.
M. Alemu a appelé à adopter un changement de paradigme pour ce qui est de la situation au Darfour, le Gouvernement du Soudan ayant démontré, selon lui, sa volonté politique à répondre aux défis de la région et du pays dans son ensemble. Il a reconnu qu’il reste beaucoup à faire pour répondre aux causes sous-jacentes du conflit au Darfour et a engagé le Gouvernement soudanais à redoubler d’efforts en la matière.
De son côté, a-t-il ajouté, la communauté internationale doit faire pression sur les mouvements armés pour les contraindre à négocier avec sérieux afin de mettre un terme aux souffrances de la population. Au vu du rôle constructif du Gouvernement soudanais, il est plus que temps pour le Conseil de sécurité de réexaminer avec sérieux la question du Soudan et de la CPI, a-t-il insisté.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a plaidé en faveur du retour des déplacés du Darfour dans des conditions sûres et en conformité avec le droit international. Il a renouvelé son appui à la CPI et au Bureau de la Procureure, en lançant un appel aux États pour qu’ils fassent preuve de la coopération nécessaire, à commencer par les autorités nationales directement concernées. Il a, à ce propos, rappelé aux autorités soudanaises leur devoir d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la Cour.
De plus, le représentant a déploré que certains États Parties au Statut de Rome n’aient pas rempli leurs obligations de coopérer dans les enquêtes et procédures qui relèvent de la compétence de la CPI, en particulier celle de livrer les personnes objet d’un mandat d’arrêt.
Les cas de non-application des décisions de la Cour sapent tant sa crédibilité que celle du Conseil de sécurité quand celui-ci ne fait rien pour traiter ces situations, a relevé le représentant. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, le Pérou se félicite de l’initiative de la Nouvelle-Zélande, datant de décembre 2016, pour aborder cette problématique.
M. ZHANG DIANBIN (Chine) a salué l’amélioration de la situation au Darfour, grâce notamment à l’appui de la communauté internationale et du Gouvernement du Soudan. Il a rappelé par exemple le succès de la campagne de collecte d’armes initiée par le Gouvernement soudanais. Ces progrès montrent que le Gouvernement est prêt à assumer ses responsabilités, et la Chine espère que la communauté internationale est également disposée à reconnaître le rôle de file du Gouvernement soudanais sur les questions du Darfour, tout en lui apportant le soutien nécessaire.
La position de la Chine sur la CPI reste inchangée. « La Chine souhaite que la CPI respecte pleinement la souveraineté judiciaire du Soudan et invite le Conseil de sécurité à être attentif aux opinions de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes sur la question du Darfour. »
« La Chine estime également qu’un chef d’État bénéficie de l’immunité due à son rang. » Malgré la convocation d’un chef d’État devant la CPI, ce dernier ne perd pas son immunité, a-t-il affirmé.
Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) a fait part de sa frustration compte tenu du fait que l’ensemble des mandats d’arrêt n’ont pas été exécutés et que les suspects sont toujours en liberté. Elle a appelé le Gouvernement du Soudan à coopérer pleinement avec la Cour, mais aussi à prendre des mesures supplémentaires pour rendre justice aux victimes des crimes odieux commis au Darfour. Elle a jugé profondément préoccupant que le Président du Soudan puisse continuer d’effecteur des déplacements à l’étranger, y compris dans des États Parties au Statut de Rome qui, a-t-elle souligné, ont le devoir de coopérer avec la CPI. Elle a appelé le Conseil de sécurité à débattre des moyens à employer face à un tel manque de coopération.
La représentante s’est ensuite félicitée de la diminution du niveau de violence au Darfour, notant que les accrochages avec l’Armée de libération du Soudan-Abdul Wahid sont limités au Jebel Marra. Elle s’est toutefois inquiétée des attaques répétées contre des villages et des civils, notant par ailleurs que la violence sexuelle et sexiste demeure un problème sérieux au Darfour. Elle a appelé à répondre aux causes sous-jacentes du conflit, notamment en luttant contre la pauvreté, l’inégalité entre les sexes, l’accès inéquitable aux services sociaux, les changements climatiques, les problèmes liés à la propriété foncière et les abus des droits de l’homme. En outre, la création d’institutions d’état de droit demeure critique pour faire face aux défis qui persistent. La déléguée a ensuite appelé à fournir à la CPI un appui financier adéquat pour lui permettre de s’acquitter de son mandat.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a noté les progrès réalisés dans les enquêtes et en même temps les difficultés que rencontre le Bureau de la Procureure. Il s’est inquiété de la durée excessive de l’enquête pour une affaire concernant le Darfour, soulignant que cela aboutit à diluer les responsabilités.
Le délégué a exprimé son soutien à la CPI et a rappelé que le Conseil de sécurité, en la saisissant de la situation au Darfour, lui avait demandé non seulement d’activer sa compétence pour juger les personnes, mais aussi d’appuyer la promotion de l’état de droit, la protection des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité. Il a donc salué le Bureau de la Procureure en ce qu’il continue à informer le Conseil de sécurité sur les travaux de la Cour pour renforcer les institutions judiciaires au Soudan. Et de saluer aussi la Cour pour ses efforts qui s’ajoutent à ceux de la communauté internationale pour renforcer les processus politiques dans ce pays.
Le développement et l’avenir de la justice pénale internationale sont étroitement liés aux concepts de coopération et de complémentarité des États, a poursuivi M. Llorentty Solíz, en soulignant le caractère complémentaire de la Cour par rapport aux capacités souveraines de chaque État qui sont les premiers à assumer la responsabilité de l’administration de la justice sur leur territoire.
En conclusion, le représentant a demandé au Conseil de sécurité, et aux États Membres de l’ONU en général, d’optimiser le coût que supporte la CPI pour mener ses enquêtes et procédures. Il ne peut y avoir de dialogue sincère tant que certains pays exigent la rigueur de la justice mais ne remplissent pas eux-mêmes leurs obligations internationales, a-t-il avancé.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a adhéré à la position de l’Union africaine sur « la façon dont la CPI traite de quelques questions africaines, et en particulier la procédure relative au Président du Soudan, M. Omar El-Béchir ». La Cour, a-t-il insisté, n’est pas compétente pour inculper un président dans le plein exercice de ses fonctions, et il faut respecter le droit international relatif à l’immunité des hauts fonctionnaires des États.
Ce n’est pas un hasard si plusieurs pays, dont certains sont même parties au Statut de Rome, ne coopèrent pas avec la CPI à ce sujet, a-t-il relevé. Le fait que tant de temps ait passé depuis le début du processus prouve bien que celui-ci est dénué de fondement.
Par ailleurs, le représentant a salué « les grandes avancées politiques » au Darfour, qui améliorent la sécurité et la stabilité au Soudan. Ce pays joue selon lui un rôle très actif et positif dans la lutte contre la violence sectaire et le terrorisme.
Il a conclu que la communauté internationale doit appuyer, et non freiner, la dynamique impulsée par le Document de Doha pour la paix au Darfour.
M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a rappelé la résolution adoptée au cours du vingt-deuxième Sommet de la Ligue des États arabes en 2010, en rapport à l’affaire liée au Président soudanais Omar El-Béchir. Le représentant a ainsi dit que cette résolution rejetait « toute politisation de la justice internationale ou toute tentative de s’en servir dans le but de déstabiliser des États ».
Il a rappelé que ce Président est encore en exercice et jouit donc de l’immunité due à son rang, et c’est d’ailleurs pourquoi des organisations internationales telles que la Ligue des États arabes, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et l’Union africaine n’ont pas approuvé la démarche de la CPI.
Le représentant a aussi souligné que la stabilité grandissante au Darfour est un élément positif et que le Conseil de sécurité devrait tenir compte de cette réalité alors qu’elle examine la situation au Darfour.
Il a enfin rappelé l’importance du respect de la souveraineté des États.
Des centaines de milliers de personnes ont été tuées pendant le conflit au Darfour, a noté M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis). Des millions de personnes déplacées ne peuvent toujours pas regagner leur foyer et risquent d’être attaquées dans les camps de déplacés. Il s’est préoccupé du fait que des violences intercommunautaires éclatent aussi en dehors du Jebel Marra, pour ensuite avertir que les mauvaises récoltes et les pénuries de carburant risquent de provoquer une reprise des violences. Il a appelé le Gouvernement soudanais à faire preuve de modération et à autoriser la MINUAD, les travailleurs humanitaires et les médias à accéder aux zones où les civils sont les plus vulnérables. De plus, a-t-il poursuivi, il est honteux que la violence sexuelle, notamment commises par le personnel en uniforme, persiste et soit niée par le Gouvernement soudanais en dépit d’éléments de preuves concrets. « Cette culture d’impunité doit cesser », a-t-il insisté.
Le représentant s’est en revanche félicité des progrès réalisés par le Gouvernement soudanais pour mettre un terme aux bombardements aériens, tout en reconnaissant que des progrès supplémentaires sont nécessaires. Il a salué l’arrestation, par les autorités soudanaises, de l’ancien commandant janjaouid, s’inquiétant toutefois du manque de transparence de son procès militaire. Il a dénoncé le fait que les suspects qui sont l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI restent en liberté. Il s’est notamment dit déçu que le Président El-Béchir continue de se déplacer à l’étranger pour des visites officielles. Qu’il soit ainsi reçu ne contribue qu’à diminuer l’ampleur des chefs d’accusation qui pèsent contre lui, s’est-il inquiété, notant qu’au Cambodge et en Sierra Leone, les dirigeants accusés d’avoir commis des crimes similaires avaient été contraints de se présenter à la justice. « Un Soudan qui respecte l’état de droit, les droits de l’homme et qui brise le cycle de l’impunité sera prospère et pacifique », a–t-il affirmé.
Le représentant s’est par ailleurs inquiété des activités de la CPI eu égard à la situation en Afghanistan, notamment en l’absence d’un renvoi par le Conseil de sécurité.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a salué les engagements du Soudan en faveur de la stabilité du Darfour et sa coopération avec l’Union africaine et l’ONU. Ces résultats n’auraient pu être atteints sans le respect de l’appropriation nationale et de la souveraineté et indépendance du Soudan, a expliqué le délégué.
Il a invité le Soudan à travailler en bonne intelligence avec la MINUAD et l’équipe de pays des Nations Unies en vue de faire prospérer la paix, faire face aux causes profondes des conflits et parvenir à la paix et la prospérité pour tous les Soudanais.
Pour le Kazakhstan, la seule voie vers une paix durable au Darfour est le Document de Doha pour la paix au Darfour, et c’est pourquoi la CPI doit se joindre aux efforts régionaux et internationaux pour atteindre les résultats visés par ce document, tout en soutenant les capacités du Soudan à promouvoir l’état de droit, faire face à l’impunité et protéger les droits de l’homme.
Le Kazakhstan invite également la CPI à tenir compte de la position unifiée de l’Union africaine sur la question du Darfour et à établir un dialogue avec le Comité ministériel à composition non limitée des ministres des affaires étrangères de l’Union africaine sur la CPI.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) s’est dit préoccupé par les rapports faisant état d’affrontements, d’attaques contre des villages et de bombardements aériens dans la zone du Jebel Marra, et par leur impact sur la population civile. Même si le nombre de personnes déplacées au Darfour a diminué, « le problème est toujours là et requiert toute notre attention », a-t-il souligné. Compte tenu du manque de soins, d’écoles et d’emplois, il faut empêcher tout retour forcé.
S’inquiétant encore de la situation des droits de l’homme au Darfour, le représentant a recommandé de surveiller de près la violence sexuelle et sexiste, ainsi que les détentions arbitraires. Le retrait projeté de la MINUAD devrait être compensé par une présence accrue des équipes de pays des Nations Unies et une plus grande coopération avec toutes les parties prenantes.
En conclusion, a assuré M. Lewicki, la Pologne appuie le mandat de la CPI au Darfour.
M. ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a noté avec satisfaction la situation de paix et de stabilité relative que connaît la région du Darfour, après plusieurs années de crise. La Côte d’Ivoire invite la communauté internationale à œuvrer pour une consolidation de ces progrès et soutient le processus politique en cours. Elle encourage le Gouvernement soudanais à redoubler d’efforts, en vue de s’attaquer davantage aux causes profondes du conflit.
Fermement attachée au respect des droits de l’homme, la Côte d’Ivoire est d’avis que la lutte contre l’impunité est un aspect important du processus de réconciliation nationale et que la recherche d’une paix durable reste tributaire d’une reddition de comptes pour les personnes coupables de crimes graves et de violation des droits de l’homme.
À cet égard, le représentant a réitéré l’appréciation de sa délégation des efforts du Bureau de la Procureure qui encourage les autorités soudanaises à faire la lumière sur les allégations de violations des droits de l’homme et de traduire les responsables de ces crimes devant les juridictions compétentes.
Compte tenu des difficultés toujours rencontrées par le Gouvernement soudanais pour mettre en place des institutions garantes de l’état de droit, de la justice et de la sécurité, la Côte d’Ivoire encourage la communauté internationale à apporter son aide à la mise en place d’institutions fortes capables de relever ces défis.
Elle félicite le Gouvernement soudanais pour les avancées notables enregistrées en termes de sécurité et de stabilité. Elle salue en outre la prise en compte de ces progrès dans la réorientation de l’action des Nations Unies, à l’exception de la zone du Jebel Marra, vers la consolidation de la paix, le développement et le relèvement.
Réaffirmant son plein soutien à la CPI, M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a regretté que 13 ans après avoir déferré la situation au Darfour devant la Cour, aucun des suspects n’ait été traduit en justice. Il a rappelé que les charges contre eux vont du génocide aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en citant notamment le cas d’Abdallah Banda, accusé de l’attaque contre la Mission de l’Union africaine ou Soudan du Nord qui a couté la vie à 12 Casques bleus.
Sa délégation déplore que le Gouvernement soudanais n’ait pas arrêté tous ces suspects pour les renvoyer devant la CPI, mais également que certains d’entre eux, y compris le Président soudanais Omar El-Béchir, puissent voyager sans entraves dans certains pays. « Encore plus désolant est le fait que certains États Parties n’ait pas arrêté le Président soudanais lorsqu’il s’y est rendu », a estimé le représentant qui a appelé tous les États Parties à respecter leurs obligations sous la résolution 1593 (2005), à savoir de pleinement coopérer avec la CPI.
Le deuxième point évoqué par M. van Oosterom a trait au principe de responsabilité qui n’est toujours pas respecté au Darfour, rendant hommage au passage aux familles de victimes présentes aujourd’hui dans la salle du Conseil de sécurité. Constatant la baisse récente de la violence sur place, il s’est dit néanmoins préoccupé par les violations des droits de l’homme et l’impunité qui y sont toujours présentes.
Pour sa délégation, c’est au Gouvernement soudanais et au Conseil de sécurité de faire respecter ce principe, car « aucune paix ne peut se construire sur l’impunité ».
Pour que la Cour puisse fonctionner, elle doit pouvoir compter sur la coopération des États et des organisations régionales et internationales, a poursuivi le représentant qui a regretté qu’à ce jour cela n’est toujours pas le cas. « Il est inacceptable que les victimes des crimes internationaux commis au Darfour attendent depuis 13 ans »; « il est inacceptable que les victimes des crimes internationaux commis au Darfour attendent que le Conseil fasse en sorte que ses propres décisions soient correctement appliquées » et « il est inacceptable que les victimes des crimes internationaux commis au Darfour attendent toujours que justice soit faite », s’est indigné le représentant.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a noté que le rapport de la Procureure de la CPI n’avait pas beaucoup évolué, celui-ci contenant surtout un inventaire des déplacements à l’étranger effectué par le Président soudanais Omar El-Béchir, ainsi que des citations du Secrétaire général et des comptes rendus de séances du Conseil de sécurité.
Il a relevé que la CPI continuait de s’adresser aux États pour arrêter les suspects contre lesquels elle a émis des mandats d’arrêt, notamment le Président soudanais Omar El-Béchir, et cela dans le respect de la résolution 1593 (2005). Or, a-t-il fait observer, ce texte stipule que les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome ne sont pas requis de répondre à ses appels, une précision réclamée par les États-Unis.
Il a noté que l’immunité des représentants était une des normes les plus importantes du droit international coutumier et que l’immunité personnelle des plus hauts représentants de l’État ne prévoyait pas d’exception eu égard au droit commun. Il a noté que plusieurs États refusaient d’exécuter le mandat de la CPI, mais n’étant pas partie au Statut de Rome, leurs actions étaient donc en conformité avec la résolution 1593 (2005). La situation qui en découle est que la confiance en la CPI faiblit inexorablement et que la Cour s’avère être un organe qui ne peut s’acquitter des tâches que lui a conférées le Conseil de sécurité, a-t-il affirmé.
M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a dit que son pays n’avait aucun devoir à l’égard de la CPI, puisque celui-ci n’était pas partie au Statut de Rome. Il a précisé que son pays était du reste engagé pour la lutte contre l’impunité dans l’optique de la stabilité du Darfour, « une région en proie à un confit tirant à sa fin ». Il a dit que le suspect Abdul Hussein est un nom entendu aujourd’hui pour la première fois par sa délégation.
Il a aussi rappelé que l’Union africaine avait toujours été engagée dans la lutte contre l’impunité, comme le montre l’adhésion de la majorité de ses membres au Statut de Rome, même si ces États ont toujours critiqué les pratiques de la Cour, notamment celles du Bureau de la CPI.
Selon le représentant, l’idée de création d’un régime pénal international en 2002 est aujourd’hui mise à mal par la « corruption ambiante ». « Ce régime juridique récent a fait montre d’une détestable sélectivité. » L’Union africaine a ainsi réagi en voyant que le Bureau de l’ancien Procureur avait concentré ses poursuites sur des pays africains.
C’est ainsi que la Cour a essayé de faire interpeller un chef d’État en fonctions, une chose jamais vue auparavant dans le monde, a-t-il dit. Selon le représentant du Soudan, le travail de la Cour est entaché de politisation et de sélectivité ainsi que l’ont montré des télégrammes de Wikileaks. « Il a affirmé que l’ancien Procureur Louis Moreno Ocampo est un homme corrompu qui a plongé la CPI dans l’embarras. »
Le représentant a en outre fait part d’une polémique sur la légalité et la légitimité de l’Article 13 b du Statut de Rome qui prévoit la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité. Il a également rappelé qu’en janvier dernier, le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine avait demandé un avis juridique à la Cour internationale de Justice (CIJ) au sujet de l’immunité des chefs d’État.
Pour le Soudan, les différents rapports sur le Darfour semblent peu clairs et contiennent des informations erronées, a estimé le délégué soudanais. Il a par exemple parlé de « mensonges » au sujet de bombardements dans le Jebel Marra ou encore de l’usage d’armes chimiques.
Il a, du reste, invité le Conseil de sécurité à demander des comptes au Bureau de la Procureure. L’ingérence de la Cour dans les affaires intérieures soudanaises met en danger la stabilité au Soudan et au Darfour et incite les groupes armés à commettre davantage d’exactions contre les populations civiles, a dit le représentant.
Le délégué a estimé que le Bureau de la Procureure est sorti de son mandat dans ce rapport censé examiner la question du Darfour. Le paragraphe 33, par exemple, évoque des manifestations à Khartoum et des arrestations de manifestants à travers le pays.
« Il ne faut pas se leurrer, la justice internationale abonde en politiques de deux poids, deux mesures », a insisté le représentant de l’Éthiopie lors d’une reprise de parole. Mais, a-t-il dit, la position de son pays ne doit pas être interprétée comme cherchant à favoriser l’impunité. L’Union africaine est d’ailleurs la seule organisation au monde dont la Charte prévoit la possibilité de s’ingérer dans les affaires internes des États membres en cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
Ayant commis une erreur une fois, le Conseil semble persister à ne pas vouloir rectifier l’erreur commise, alors qu’il ne dispose d’aucun argument valable, a-t-il ensuite regretté. Il a aussi précisé que les objections formulées à l’encontre de la Procureure étaient en lien avec la forme et le style de sa présentation, pas avec sa substance. La faute revient au Conseil, pas à la Procureure, a-t-il insisté, avant de réclamer le retrait du renvoi. Il a par ailleurs appuyé les préoccupations du Soudan au sujet des propos du Sénégal relayés par les Pays-Bas.
À son tour, la Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, a noté que « c’est la première fois en deux ans qu’elle répond à l’intervention du Soudan », mais qu’elle s’y voyait contrainte « en raison du ton hostile et irrespectueux de la délégation » qui de surcroît la visait personnellement. L’ironie veut que ce soit au sein même du Conseil de sécurité, qui a renvoyé l’affaire du Darfour à la CPI, qu’elle se rapproche le plus d’un dialogue avec le Soudan. Elle a invité ce pays à dialoguer sur la remise de tous les suspects à la CPI.
La CPI et son Bureau sont entièrement indépendants et veillent au respect de procédures équitables, a assuré Mme Bensouda, regrettant notamment les accusations de conspiration sans fondement. Ce manque de respect vis-à-vis du Conseil, de la CPI et des victimes témoigne également d’un mépris de la justice internationale, a-t-elle déploré. Elle a espéré que les efforts de la CPI et de son Bureau permettront de rendre justice aux victimes du conflit au Darfour, soulignant que les preuves impliquant le Président soudanais abondent.
Au lieu de proférer les mêmes accusations et insultes, le Soudan devrait transférer les suspects à Cour pour que la vérité puisse être établie, a recommandé la Procureure. Elle a notamment incité Khartoum à s’inspirer du procès de Radovan Karadžić par le TPIY, appréhendé 16 ans après la livraison du mandat d’arrêt et condamné l’an dernier à la perpétuité. « Ne vous arrêtez pas dans votre quête pour la justice. Je n’arrêterai pas ces efforts, et mon Bureau est déterminé à poursuivre sa mission », a-t-elle conclu.