8288e séance – après-midi
CS/13382

Mali: le Conseil de sécurité est saisi de recommandations propres à maximiser le rôle joué par la MINUSMA à l’appui de l’Accord pour la paix

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a présenté, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, les recommandations du Secrétaire général concernant le renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dans un contexte marqué par la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, la tenue prochaine de l’élection présidentielle et une situation sécuritaire toujours préoccupante, notamment dans le centre du pays.

Introduisant le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, M. Jean-Pierre Lacroix a indiqué que les ajustements proposés portent notamment sur le renforcement de l’appui apporté par la MINUSMA à la mise en œuvre de l’Accord et du processus de paix.

Le Secrétaire général a tenu compte des conclusions formulées à l’issue de l’examen stratégique indépendant mené par Mme Ellen Margrethe Løj au cours du premier trimestre de 2018, et qui porte sur le recentrage, la priorisation et la mise en œuvre des tâches mandatées de la MINUSMA.  

Bien que les 12 mois qui se sont écoulés depuis l’adoption de la résolution 2364 (2017) aient été les plus encourageants en termes d’avancées dans le processus de paix, celles-ci demeurent encore insuffisantes et interviennent après trois années marquées par des retards et des obstacles persistants dans sa mise en œuvre.  M. Lacroix a déploré qu’au cours de l’année écoulée, certaines étapes importantes pour pérenniser le processus de paix et renforcer le dialogue politique n’aient pas pu aboutir, à l’instar de la charte pour la réconciliation nationale et de la réforme constitutionnelle qui a été reportée à après l’élection présidentielle.

Aussi la Mission devra-t-elle examiner son empreinte physique à la lumière des priorités politiques, en tenant compte des contraintes liées à son théâtre opérationnel et des défis liés à la mobilisation de ressources pour l’action de l’ONU au Mali.  Il conviendra également, a ajouté M. Lacroix, d’adopter une approche adaptée en matière de protection des civils.

À l’instar du Royaume-Uni et des Pays-Bas, les délégations ont été nombreuses à manifester leur impatience face à l’état d’avancement de l’Accord, dont les retards « indéniables » ont d’ailleurs été reconnus par le Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Mali, M. Tiéman Hubert Coulibaly.  « Force est de constater qu’une large partie des engagements pris n’a toujours pas été mise en œuvre », a renchéri la France.  Son représentant a indiqué avoir commencé un travail d’identification des responsables qui nuisent à l’application de l’Accord sur le terrain, dans le cadre du régime de sanctions. 

« Il convient de se demander pendant combien temps encore il nous sera possible d’appuyer cette Mission sans effort significatif de la part des parties », a mis en garde la délégation des États-Unis pour qui « le nombre de morts et les progrès limités sur le terrain démontrent qu’il faut réfléchir avec soin à ce que l’on exige de la Mission ».

Les délégations avaient notamment à l’esprit le lourd tribut payé par les Casques bleus qui ont été 101 à trouver la mort depuis le déploiement de la MINUSMA.  La Côte d’Ivoire a d’ailleurs souhaité voir celle-ci dotée de capacités logistiques nécessaires à la prévention des attaques et à la protection des convois. 

Le Ministre du Mali a toutefois averti que la reconfiguration proposée risque de créer « un vide sécuritaire » pouvant compromettre les progrès réalisés dans le processus de paix et la stabilité régionale.  Il a d’ailleurs marqué sa préférence pour le maintien et le renforcement du dispositif actuel, notamment au vu des défis liés à l’organisation et à la sécurisation des élections présidentielle, législatives et régionales qui doivent se tenir entre juillet 2018 et août 2019.  À tour de rôle, les délégations ont reconnu de l’importance cruciale de cette étape pour le pays, se faisant l’écho des propos de M. Lacroix pour qui « l’élection présidentielle doit constituer un jalon dans la consolidation de la démocratie malienne ».

Le Secrétaire général adjoint a précisé que la MINUSMA continuera d’appuyer les autorités maliennes et les acteurs politiques, notamment à travers un soutien logistique et technique et en contribuant à la sécurisation des opérations électorales.  Il a néanmoins souligné que les Nations Unies ne sont pas en mesure de certifier les résultats de l’élection, cette activité ne faisant pas partie du mandat de la MINUSMA.

Le Ministre malien a sollicité un appui « conséquent » de la MINUSMA dans ces domaines, assurant en outre que des dispositions matérielles et logistiques ont été prises pour assurer un scrutin libre, fiable et apaisé et qu’un cadre de concertation a aussi été mis en place incluant les partis politiques de la majorité présidentielle, du centre, de l’opposition et de la société civile.

Au cours de son intervention, M. Lacroix a par ailleurs fait savoir que face à la situation préoccupante dans le centre du Mali, le Secrétaire général préconise une « mobilisation commune pour la paix » qui servirait de catalyseur en vue de renforcer le caractère inclusif du processus politique, avant et après les élections.  L’objectif premier de cette initiative, a-t-il expliqué, serait de réaffirmer la centralité de l’Accord de paix et de souligner l’attachement des Nations Unies aux mécanismes prévus par l’Accord, notamment le Comité de suivi présidé par l’Algérie.

La Suède a plaidé pour le renforcement des efforts déployés par l’ONU et les autorités maliennes, se disant favorable à un plan pleinement intégré qui prenne en compte la nature multidimensionnelle des défis dans la région.  Le représentant des Pays-Bas a toutefois estimé que le rôle joué par la MINUSMA dans le centre du Mali ne doit pas affecter sa mission première dans le nord.

Cette réunion s’est déroulée avec un ballon de football placé au centre de l’hémicycle, face au Président dont le pays, la Fédération de Russie, accueille la coupe du monde de football 2018.  « Le sport est un moyen d’unir les peuples, j’espère que ce ballon nous permettra de parler d’une seule voix pendant ce mois », a-t-il dit.

LA SITUATION AU MALI

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2018/273)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a indiqué que les 12 mois qui se sont écoulés depuis l’adoption de la résolution 2364 (2017) ont été les plus encourageants en termes d’avancées dans le processus de paix.  Parallèlement, le contexte sécuritaire est demeuré volatile, s’est-il inquiété, donnant lieu à de nombreuses pertes en vies humaines, dont 101 Casques bleus.  Parmi les avancées dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, il a cité la mise en place des autorités intérimaires dans les cinq régions du Nord-Mali, le renforcement du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao et sa mise en place à Kidal et à Tombouctou, ainsi que le démarrage de la phase du préenregistrement pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration, ainsi que l’intégration des combattants.

Le Secrétaire général adjoint a indiqué que bien que ces avancées soient porteuses d’espoir pour l’avenir du processus de paix, elles demeurent encore insuffisantes et interviennent après trois années marquées par des retards et des obstacles persistants dans sa mise en œuvre.  Il a aussi déploré qu’au cours de l’année écoulée, certaines étapes importantes pour pérenniser le processus de paix et renforcer le dialogue politique n’aient pas pu aboutir.  Il a notamment parlé de la Charte pour la réconciliation nationale et de la réforme constitutionnelle qui a été reportée à après l’élection présidentielle.  En outre, l’implication des femmes dans le processus de paix demeure insuffisante, a-t-il ajouté.

M. Lacroix a aussi signalé que les deux dernières semaines ont été marquées par des tensions préoccupantes sur le plan politique, alimentées par l’approche de l’élection présidentielle.  Il a notamment regretté les violences qui ont émaillé les manifestations du 2 juin à Bamako, tout en notant que le déroulement pacifique de la marche du 8 juin augure d’un apaisement « qu’il convient de conforter ».

« L’élection présidentielle est une étape cruciale et doit constituer un jalon dans la consolidation de la démocratie malienne », a poursuivi M. Lacroix.  Il a précisé que la MINUSMA continuera d’appuyer les autorités maliennes et les acteurs politiques, notamment à travers un soutien logistique et technique et en contribuant à la sécurisation des opérations électorales.  Il a fait savoir que les missions de bons offices du Représentant spécial avaient contribué à la révision de la loi électorale, à faciliter le dialogue entre les acteurs politiques et à désamorcer les tensions au lendemain des manifestations de l’opposition du 2 juin. Il a ensuite souligné que les Nations Unies ne sont pas en mesure de certifier les résultats de l’élection, cette activité ne faisant pas partie du mandat de la MINUSMA.

Poursuivant, le Secrétaire général adjoint a indiqué qu’au lendemain de l’élection, l’attention devra être portée sur la mobilisation de tous les acteurs afin de générer de nouvelles avancées dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles clefs.  Il s’est félicité de ce que le premier rapport de l’Observateur indépendant souligne l’importance, pour les parties, de concentrer leurs efforts sur la création d’une nouvelle architecture de gouvernance pour le Mali, la reconstitution et le redéploiement d’une armée nationale représentative et la création d’une zone de développement pour le nord.

M. Lacroix a ensuite évoqué la situation préoccupante dans le centre du Mali qui, a-t-il indiqué, « met en exergue le déficit de dialogue politique et les défis posés à la gouvernance démocratique et territoriale ».  Il a fait savoir que le Secrétaire général préconise une mobilisation commune pour la paix qui servirait de catalyseur en vue de renforcer le caractère inclusif du processus politique, avant et après l’élection.  L’objectif premier de cette initiative, a-t-il expliqué, serait de réaffirmer la centralité de l’Accord de paix et de souligner l’attachement des Nations Unies aux mécanismes prévus par l’Accord, notamment le Comité de suivi présidé par l’Algérie.  Elle pourrait aussi couvrir la question des réformes institutionnelles clefs susmentionnées.

Le Secrétaire général adjoint a indiqué que pour mieux appuyer une approche stratégique intégrée au niveau politique, les Nations Unies devront améliorer l’intégration au niveau opérationnel en mettant à profit les avantages comparatifs de ses agences, fonds et programmes.  À l’issue d’un examen stratégique de la MINUSMA, il a été conseillé que l’équipe de pays prenne les devants pour ce qui est des questions humanitaires, du redressement, du développement et des efforts de consolidation de la paix, et aide par ailleurs le Gouvernement à améliorer la fourniture de services sociaux de base.  Les efforts déployés par l’ONU pour prévenir l’extrémisme violent devraient également ressortir d’une stratégie intersectorielle.

Le Secrétaire général recommande d’apporter plusieurs ajustements au mandat de la MINUSMA afin de renforcer son rôle d’appui à la mise en œuvre de l’Accord et du processus de paix, a relevé M. Lacroix.  La Mission devra également examiner son empreinte physique à la lumière des priorités politiques, en tenant compte des contraintes liées à son théâtre opérationnel et des défis liés à la mobilisation de ressources pour l’action de l’ONU au Mali.  Il conviendra également d’adopter une approche adaptée en matière de protection des civils, notamment dans le centre du pays où la situation est complexe.

Il a assuré que tout changement dans la configuration de la MINUSMA sera évalué avec soin et qu’un calendrier sera élaboré pour privilégier une approche séquencée.  L’appui de la MINUSMA doit être l’objet d’examens réguliers sur la base des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, ainsi que des réformes de gouvernance et politiques.  En outre, vu la conjoncture critique au Mali, l’ONU compte intensifier ses efforts de suivi, notamment en utilisant des points de références consolidés issus de l’Accord, de l’initiative de paix et du plan de mise en œuvre des recommandations issues de l’examen stratégique.

Enfin, M. Lacroix a fait part de son appui aux efforts du G5 Sahel, tout en dénonçant les violations éhontées des droits de l’homme qui auraient été commises le 19 mai, à Boulkessi, par des éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes (FAMa)) opérant sous son égide.  La MINUSMA appuie les enquêtes en cours qui ont été lancées par les autorités maliennes et du G5 Sahel.

Le soutien à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit demeurer notre priorité à tous au Mali, a déclaré M. ANTOINE IGNACE MICHON (France).  Trois ans après sa signature, force est de constater qu’une large majorité des engagements pris n’ont toujours pas été mis en œuvre.  Or, « il ne saurait y avoir de stabilité durable au Mali et plus largement au Sahel sans une pleine mise en œuvre de l’Accord ».  Le représentant a tout de même noté avec satisfaction la mobilisation du Premier Ministre malien et les progrès réalisés au cours des derniers mois.

La responsabilité de la communauté internationale, conformément aux termes mêmes de l’Accord de paix, est de prendre les mesures nécessaires pour encourager les parties à se conformer à leurs engagements, a rappelé M. Michon.  La France, a-t-il indiqué, a commencé un travail d’identification de responsables qui nuisent à l’application de l’accord sur le terrain, dans le cadre du régime de sanctions.  « L’absence de mise en œuvre des engagements contenus dans la dernière feuille de route nous conduirait à devoir élargir le champ des personnes visées par de telles mesures », a-t-il averti.

En outre, la France partage pleinement les préoccupations estimées à l’égard de la situation dans le centre du Mali.  Le représentant s’est dit préoccupé par les allégations faisant état de divers cas de violations des droits de l'homme dans le cadre d’opérations antiterroristes menées par les forces maliennes.  C’est pourquoi les recommandations formulées par la MINUSMA dans le cadre de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme doivent être pleinement appliquées.

Quant aux cycles électoraux à venir, ils marqueront une étape importante pour la démocratie malienne, a estimé M. Michon.  Le scrutin présidentiel doit se dérouler de manière apaisée, crédible et transparente.  Les actions menées par le Gouvernement pour renforcer la crédibilité du processus électoral sur le plan technique vont dans le bon sens, a-t-il souligné.

Face à ces nombreux enjeux, le renouvellement du mandat de la MINUSMA pour 12 mois supplémentaires est, à ses yeux, « absolument essentiel ».  Il faut tout faire pour que la Mission dispose des capacités nécessaires à l’exercice de son mandat et encourager les efforts visant à réduire son exposition sécuritaire, par des mesures ciblées et coordonnées avec l’ensemble des acteurs sur place.      

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a souligné la nécessité de donner un nouvel élan au processus politique malien, qui passe par l’élaboration d’un pacte pour la paix basé sur des critères clairs.  « Notre patience s’épuise. »  Il a appelé les autorités maliennes à assurer un processus électoral et un dialogue politique inclusif, en laissant l’espace au débat et aux voix dissidentes.  La MINUSMA doit aider à la mise en œuvre des dispositions principales de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dont la mise en place effective d’instances et de services légitimes de l’État ou bien encore la réforme du secteur de la sécurité.

Il a précisé que le rôle joué par la Mission dans le centre du Mali ne doit pas affecter sa mission première dans le nord.  Il a ensuite préconisé une réflexion critique sur la Mission afin d’améliorer l’accomplissement de son mandat et demandé l’application des recommandations du rapport du général Carlos Alberto dos Santos Cruz.  « Vu le contexte complexe dans lequel se déroule la Mission, le cloisonnement doit être évité. »

M, ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a demandé la mise en œuvre diligente des actions prioritaires définies par le Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et jugé que l’élection présidentielle en juillet sera une étape importante dans le règlement de la crise malienne.  La MINUSMA doit s’investir dans la sécurisation de cette élection, à travers notamment un appui technique et logistique aux Forces armées maliennes.

Il a souhaité que la Mission soit dotée de capacités logistiques nécessaires à la prévention des attaques et à la protection des convois.  « Le déploiement de multiplicateurs de forces renforcerait les capacités de la MINUSMA. »  Il a salué les efforts en cours pour l’opérationnalisation de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel, jugeant qu’un partenariat renforcé entre cette Force et la Mission sera un atout précieux dans la lutte contre le terrorisme. 

Enfin, le délégué s’est dit en faveur du renouvellement du mandat de la MINUSMA.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a dit que la MINUSMA devait être dotée de moyens suffisants, avant de souligner la détérioration de la situation humanitaire au Mali.  « Mon pays a fourni 67 millions de livres sterling d’aide en 2018 », a-t-il affirmé.  Il s’est félicité des mesures prises par les parties pour mettre en œuvre certaines parties de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. 

La mise en œuvre de cet accord est néanmoins encore trop lente, a-t-il déclaré.  « Notre patience s’épuise. »  Il a demandé une participation accrue des femmes aux prochaines élections, dont il a espéré qu’elles se dérouleraient sans violence.  L’efficacité de la MINUSMA doit être garantie sur le terrain, ce qui passe par l’adoption d’une stratégie de long terme, a-t-il dit.

Enfin, il a invité tous les acteurs de la région à mettre en œuvre la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel afin d’améliorer les conditions de vie de la population et d’œuvrer au retour de la stabilité.

Mme AMY NOEL TACHCO (États-Unis) a dit être gravement préoccupée par la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire au Mali, déplorant notamment le fait que neuf Casques bleus avaient été tués ces six derniers mois et de nombreux autres blessés.  Le nombre de morts et les progrès limités sur le terrain démontrent qu’il faut réfléchir avec soin à ce que l’on exige de la Mission, a-t-elle estimé.

La représentante a souligné que le succès de l’élections présidentielle sera essentiel pour consolider les acquis au Mali et assurer l’ouverture de l’espace politique.  Elle a exhorté à résoudre les différends politiques par l’intermédiaire des mécanismes établis à cette fin.

Elle a déploré que les parties aient gâché bien trop de temps ces trois dernières années, pointant notamment le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Elle a appelé la MINUSMA à accorder davantage d’attention à la situation politique du pays.

Il convient aussi de se demander pendant combien temps encore il nous sera possible d’appuyer cette mission sans effort significatif de la part des parties, a-t-elle ajouté.  Elle a reconnu que des décisions difficiles devront être prises pour minimiser les tâches qui ne permettent pas à la MINUSMA d’appuyer l’avancement du processus de paix.

La déléguée a aussi averti que tout échec à contenir la crise dans le centre du Mali aurait un impact très grave sur la cohésion sociale du pays. La MINUSMA, a-t-elle insisté, doit accorder la priorité à l’extension de l’empreinte de son action.

La représentante s’est par ailleurs préoccupée des allégations de violations des droits de l’homme commises par les Forces armées maliennes et a appelé les autorités à enquêter et à traduire les responsables en justice.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déploré l’activité de groupes terroristes au Mali qui profitent des défaillances criantes des services de l’État malien.  Il est nécessaire d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a-t-il dit.  Le délégué a souhaité une participation massive des femmes et des jeunes aux prochaines élections. 

Il a ensuite dénoncé les violations commises par les forces maliennes, alors que celles-ci sont censées défendre la population.  Le délégué péruvien a prôné un dialogue avec les communautés locales, avant de souligner la nécessité d’améliorer l’efficacité de la Mission.

Enfin, il s’est dit en faveur du renouvellement d’un an du mandat de la MINUSMA et a noté l’environnement sécuritaire difficile dans lequel celle-ci évolue.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a souligné la complexité et la fragilité de la situation humanitaire et sécuritaire au Mali, qui s’est étendue au-delà dans la région sahélienne, en y voyant un exemple des conséquences de l’interventionnisme et des politiques de changement de régime, après le conflit en Libye en 2011. 

Il s’est dit très préoccupé par la présence de mercenaires, de trafiquants de drogue, d’armes et de personnes dans le nord et le centre du Mali qui sapent la consolidation des accords de paix.  Il a appelé la communauté internationale et le Gouvernement malien à unir leurs forces de façon cohérente et efficace pour affiner les mesures de confiance mutuelle.  Il a invité les pays ayant promis une aide financière à la MINUSMA à tenir leurs promesses. 

La communauté internationale est le principal garant de ce processus, a-t-il dit, tout en reconnaissant les efforts importants consentis par le Mali sur le plan politique.  Le délégué a aussi salué le travail du Représentant spécial et les efforts de la Mission pour s’adapter aux menaces croissantes de l’extrémisme violent et aux menaces asymétriques, sans oublier ce que fait le Service de la lutte antimines de l’ONU.

Évoquant les conclusions de l’examen stratégique indépendant de la MINUSMA, il s’est inquiété du manque de capacités matérielles dont souffre celle-ci, avant d’approuver la recommandation de donner la priorité à ses tâches politiques et stratégiques de mise en œuvre des accords de paix.

Il a aussi jugé important de poursuivre la mise en œuvre du mémorandum d’accord avec le Gouvernement malien, qui permet d’appuyer les forces armées, sans préjudice de la responsabilité principale des autorités maliennes et toujours dans l’objectif prioritaire de la protection des civils.  Il est important, a-t-il ajouté, de renforcer le mandat de la Mission en ce qui concerne l’état de droit et le désarmement, la démobilisation et la réintégration. 

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) s’est félicité des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et a appelé l’ensemble des parties à s’engager à mettre en œuvre le programme de désarmement, démobilisation et réintégration, insistant notamment sur l’importance d’assurer la stabilité à long terme du pays.  Il a espéré que l’élection prévue en juillet se dérouleront sans heurt et a encouragé la MINUSMA à apaiser les tensions entre les parties avant et après le scrutin.

Le représentant s’est ensuite inquiété de la persistance d’attaques terroristes, notamment contre la MINUSMA.  Il a appelé à fournir à la Mission les ressources dont elle a besoin.  Il s’est dit très préoccupé par la mort de plus de 40 civils pendant la période à l’examen, ainsi que par l’utilisation accrue d’engins explosifs improvisés.  La MINUSMA doit renforcer ses efforts de sensibilisation pour réduire les risques que font encourir ces engins pour la population civile.  Enfin, il a appuyé la proposition de réexaminer la priorité à accorder aux différents volets de la Mission.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a souhaité que la prochaine élection se déroule de manière inclusive et pacifique.  La mise en œuvre de l’Accord de paix doit être accélérée, a-t-elle dit, en invitant la communauté internationale à accroître ses efforts d’appui au Mali.  Elle s’est dite en faveur de toute action du Conseil contre des personnes et entités entravant la mise en œuvre de l’Accord.  Elle a déploré l’absence de loi au Mali contre les violences sexuelles contre les femmes et filles, alors que ces violences sont endémiques.

La déléguée a demandé une « revitalisation » de la présence de l’ONU dans le nord du pays et un renforcement de cette présence dans le centre.  Elle a jugé nécessaire de conduire un dialogue avec les parties non signataires de l’Accord.  Enfin, si elle a encouragé le dialogue entre la MINUSMA et la Force conjointe du G5 Sahel, elle a déclaré que ce dialogue ne doit pas affecter l’exécution du mandat de la MINUSMA.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali au cours des derniers mois, notamment avec la création des mécanismes de coordination à Kidal et à Tombouctou.  Il a jugé primordial que le candidat qui remportera l’élection présidentielle continue à donner la priorité au processus de paix. 

Le délégué a insisté sur l’importance de l’inclusion si l’on veut édifier une paix durable au Mali, s’inquiétant à cet égard des faibles progrès réalisés pour assurer l’engagement des femmes dans le processus de paix. 

Il s’est aussi dit préoccupé par le déficit de confiance entre le Gouvernement et les partis d’opposition et inquiet de la détérioration de la situation dans le centre du Mali.  Les allégations de graves violations des droits de l’homme dans le contexte de la lutte antiterroriste menée par les Forces armées maliennes a aussi beaucoup inquiété la délégation qui a appelé le Gouvernement à renforcer ses efforts de protection dans la région et à mener des enquêtes.

Venant au mandat de la MINUSMA, le représentant s’est félicité des conclusions de l’examen stratégique indépendant.  L’Accord de paix est la seule voie vers la paix et la stabilité au Mali, a-t-il souligné en insistant sur l’importance de la mise en œuvre de cet Accord.  C’est pour cela, a-t-il expliqué, que la Suède soutient l’idée du renforcement du rôle politique de la MINUSMA et du développement d’un pacte pour la paix. 

Il a également été d’accord avec la volonté d’accroître la cohérence stratégique de la présence de l’ONU au Mali.  Il a plaidé pour le renforcement des efforts tant de l’ONU que des autorités maliennes s’agissant de la situation au centre du Mali, se disant favorable à un plan pleinement intégré qui prenne en compte la nature multidimensionnelle des défis dans la région. 

Il a enfin demandé de garantir la présence des composantes civiles clefs de la Mission, arguant que la surveillance et l’établissement de rapports sur ce qui se passe sont essentiels au regard de la présence sécuritaire lourde sur le territoire.

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a déploré la détérioration de la situation dans le nord et le centre du pays.  La communauté internationale doit appuyer le Mali dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et contribuer au renforcement de ses capacités, en particulier dans la lutte contre le terrorisme, a-t-il affirmé.  Il a espéré que la prochaine élection sera couronnée de succès, avant de souligner la nécessité que les sanctions soient prises dans le strict respect des résolutions du Conseil. 

Le délégué de la Chine a salué les efforts de la Force conjointe du G5 Sahel, ainsi que l’aide apportée à celle-ci par la MINUSMA.  Il s’est dit en faveur du renouvellement du mandat de la MINUSMA et a salué les mesures récemment prises pour améliorer la sécurité des Casques bleus.  Plus de 400 Casques bleus chinois sont déployés au Mali, ce qui témoigne de l’attachement de la Chine au règlement de la situation au Mali, a-t-il conclu. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a noté que le processus de paix au Mali connaissait un nouvel élan, marqué par une accélération de la mise en œuvre de l’Accord.  Il a salué les succès des patrouilles mixtes à Kidal et à Tombouctou.  Il a appelé à assurer la tenue d’élection crédible, transparente et inclusive dans l’ensemble du pays.  Il a appelé les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à désamorcer les tensions politiques à l’approche de l’élection.

Il s’est inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays, notamment dans le centre et la région de Ménaka.  Il a appelé à combattre la menace terroriste et à renforcer la lutte contre la criminalité transnationale organisée.  Il a appuyé le mandat de la MINUSMA, insistant sur son rôle essentiel dans le pays.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a salué les progrès réalisés cette année avec le calendrier des actions prioritaires.  S’agissant des réformes en matière de sécurité et de défense, il a vu un signe positif dans le redéploiement de l’armée dans plusieurs villes du pays et la reprise de patrouilles mixtes avec les groupes armés locaux. 

Le représentant a toutefois jugé important d’avancer sur les plans économique et social.  Alors que l’Accord de paix prévoit l’établissement d’une stratégie pour le développement des régions du nord, « les dividendes de la paix, comme la fourniture de services de base, ne se sont pas matérialisés pour la population », a regretté M. Esono Mbengono.  Il a encouragé les efforts de l’observateur indépendant qui demande une plus grande participation de la société civile dans l’application de l’Accord.

À l’approche de l’élection présidentielle, il appelé les acteurs politiques au Mali à s’abstenir de tout acte susceptible d’accroître la tension et de provoquer une polarisation politique.  À ce sujet, a-t-il conclu, la MINUSMA doit continuer d’apporter un appui technique et ses bons offices pour la tenue d’élection pacifique, inclusive, juste et transparente.

Enfin, il a recommandé de promouvoir le dialogue national et « une vision commune entre les acteurs régionaux et internationaux à l’appui du processus de paix et de la stabilisation ».

Accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali demeure une priorité pour le Kazakhstan, a déclaré son représentant, M. DIDAR TEMENOV, qui, au passage, a salué la coopération croissante entre le Gouvernement malien et d’autres signataires de cet Accord.  Sa délégation encourage tous les signataires à maintenir la volonté d’aller de l’avant dans l’application de l’Accord et à ne pas perdre de vue la réconciliation nationale, la bonne gouvernance, l’accès aux services de base, la résilience, le développement économique ainsi que l’inclusion des femmes et de la jeunesse dans le processus de paix.

Le représentant a également insisté sur le fait que le scrutin présidentiel de juillet devait se dérouler de manière apaisée, juste et transparente.  Il a salué les réformes électorales proposées par le Gouvernement malien et a lancé un appel à la MINUSMA et à la communauté internationale pour qu’elles prévoient un soutien financier et technique adéquat au processus électoral.

S’agissant de la détérioration de la situation humanitaire dans le nord et le centre du pays, le délégué a demandé aux partenaires internationaux de financer le plan de réponse humanitaire pour l’année 2018.

Le Kazakhstan soutient les recommandations faites dans le cadre de l’examen stratégique indépendant relatif au mandat de la MINUSMA.  Il appuie notamment la recommandation relative à une approche sur mesure du mandat concernant la protection des civils et aux tâches prioritaires de la Mission en vue d’accroître son rôle dans l’avancement du processus de paix sur le terrain.  Constatant aussi les lacunes en termes de moyens, et plus précisément d’équipements, que connaît la Mission, le représentant a estimé que le concept de « pays contributeurs d’équipements » méritait d’être étudié.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a noté l’accélération relative de la mise en œuvre de l’Accord de paix ces derniers mois et exhorté les parties maliennes à œuvrer pour que la prochaine élection présidentielle se déroule dans le calme.  Il a néanmoins déploré la présence minimale des services de l’État dans le nord et le centre du pays.  Il n’est dès lors pas étonnant que des jeunes viennent grossir les rangs des organisations terroristes, a-t-il affirmé.

Le délégué a plaidé pour une approche politique, emmenée par les Maliens eux-mêmes, tout en convenant qu’un appui international reste nécessaire.  Il a souhaité que la MINUSMA soit dotée de moyens suffisants, notamment en hélicoptères.  Les pays qui ont pris des engagements à ce titre doivent les honorer, a-t-il affirmé.

Enfin, le représentant russe a demandé l’opérationnalisation rapide de la Force conjointe du G5 Sahel.

M. TIÉMAN HUBERT COULIBALY, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, s’est tout d’abord félicité de ce que le rapport du Secrétaire général souligne les récents progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, citant notamment le lancement des opérations du Mécanisme opérationnel de coordination à Kidal, Tombouctou et Gao; la poursuite du processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) -Intégration; l’installation des autorités intérimaires dans les régions où elles étaient attendues; la transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi portant création des collectivités territoriales des régions de Ménaka et de Taoudéni; ainsi que le début des travaux de la réforme du secteur de la sécurité.  Il s’est aussi réjoui de ce que le rapport souligne la détermination des parties maliennes à travailler ensemble pour poursuivre et intensifier la mise en œuvre de l’Accord, ajoutant que cet engagement avait été réaffirmé devant le Secrétaire général lors de sa rencontre avec les membres du Comité de suivi de l’Accord, le 30 mai, à Bamako.

Le Ministre a ensuite reconnu qu’il est « indéniable » que la mise en œuvre de l’Accord connaît quelques retards.  Dès lors que les facteurs de ce retard sont connus, a-t-il ajouté, il revient à l’ensemble des parties de travailler de bonne intelligence pour y remédier.  Il a indiqué que la situation dans le centre du pays constitue l’une des préoccupations majeures du Gouvernement au regard des attaques perpétrées par des groupes terroristes et le déficit de production agropastorale pour assurer la sécurité alimentaire.

Évoquant ensuite la tenue, le 29 juillet 2018, du premier tour de l’élection présidentielle, M. Coulibaly a sollicité un appui « conséquent » de la MINUSMA, notamment dans les domaines de la sécurité et de la logistique.  Il a aussi invité la MINUSMA à diligenter les mesures permettant au Mali de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire; protéger les populations civiles; soutenir le redéploiement de l’Administration et appuyer la fourniture des services sociaux de base.  La Mission doit aussi renforcer la coopération avec les Forces de défense et de sécurité nationales, et accélérer le soutien prévu à la Force conjointe du G5 Sahel.  Le Ministre a également souhaité que les capacités de la Mission soient renforcées en termes de formation et de moyens logistiques et opérationnels, afin de lui permettre d’exécuter pleinement son mandat.

S’agissant de la reconfiguration des forces de la MINUSMA, M. Coulibaly a marqué sa préférence pour le maintien et le renforcement du dispositif actuel au vu des défis liés à l’organisation et à la sécurisation des élections présidentielle, législatives et régionales qui doivent se tenir entre juillet 2018 et août 2019.  Il a notamment averti que la reconfiguration proposée risque de créer « un vide sécuritaire » pouvant compromettre les progrès réalisés dans le processus de paix et la stabilité régionale.  De son point de vue, dans ce contexte, l’option la plus crédible serait de diligenter l’application des dispositions pertinentes des articles 21 et 54 de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui stipulent notamment, a-t-il dit, que « le redéploiement des forces armées et de sécurité reconstituées s’effectue sous la conduite du MOC avec l’appui de la MINUSMA et la communauté internationale garante de la mise en œuvre scrupuleuse dudit Accord ».

Le Ministre a ensuite tourné son attention sur l’accroissement des cas de violation des droits de l’homme dont le rapport fait état.  Il a réaffirmé l’engagement du Mali à faire aboutir les enquêtes sur chaque cas signalé, précisant que des mesures administratives et disciplinaires ont été prises concernant les unités militaires déployées dans les régions concernées.  Il n’en a pas moins appelé au respect du principe de la présomption d’innocence pour ne pas condamner d’office les Forces de défense et de sécurité maliennes.

Revenant à la tenue, le 29 juillet, de l’élection présidentielle, M. Coulibaly a indiqué qu’un cadre de concertation avait été mis en place incluant les partis politiques de la majorité présidentielle, du centre, de l’opposition et de la société civile.  Il a assuré que des dispositions matérielles et logistiques sont prises pour assurer un scrutin libre, fiable et apaisé, citant notamment l’audit du fichier électoral, « jugé fiable par les parties prenantes », la mise à disposition de nouvelles cartes d’électeurs et la relecture de la loi électorale.  En outre, plus de 11 000 membres des Forces de défense et de sécurité seront déployés pour que l’élection se tienne dans un climat de sécurité dans l’ensemble du territoire.

Enfin, le Ministre a souhaité que la Force conjointe du G5 Sahel soit dotée d’un mandat robuste sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et d’un financement prévisible et pérenne.

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