Syrie: la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence présente au Conseil de sécurité trois points sur lesquels elle espère obtenir un progrès
Alors que s’achevait à Bruxelles la seconde Conférence sur le soutien à l’avenir de la Syrie et la région, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Ursula Mueller, a demandé, ce matin, au Conseil de sécurité la pleine application de sa résolution 2401 (2018) et présenté trois points sur lesquels elle a jugé possible de faire aujourd’hui des progrès. Il s’agit d’amener les différentes parties à respecter le droit de la guerre, de garantir un accès sûr aux convois humanitaires et enfin de cesser de retirer de tels convois les articles médicaux.
Adoptée à l’unanimité le 24 février après de longues négociations, la résolution demande une cessation des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour acheminer une aide d’urgence dans le pays. Or, deux mois après, elle n’est toujours pas mise en œuvre et les attaques contre les civils et les infrastructures civiles ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début du conflit, tandis que les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi importants, a déploré Mme Mueller, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général* en date sur la question.
Pour la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, les engagements pris à Bruxelles « ne pourraient l’être à un moment plus critique ». Mme Mueller a estimé à 5,6 millions les personnes qui ont besoin d’une aide urgente et à 13,1 millions le nombre total des personnes qui ont besoin d’assistance. « Une réponse forte des États Membres n’a jamais été aussi nécessaire », a-t-elle ajouté, en rappelant qu’après sept ans d’un conflit marqué par des escalades successives, ces besoins n’avaient jamais été aussi importants. Mais si la Conférence témoigne à ses yeux de la volonté de la communauté internationale de placer la Syrie tout en haut de son ordre du jour et de fournir une assistance vitale, Mme Mueller a toutefois demandé que ces engagements « se traduisent par des actions concrètes ».
Le premier domaine dans lequel Mme Mueller estime possible d’agir aujourd’hui concerne le droit de la guerre. « Des mesures fermes doivent être prises pour que toutes les parties respectent » ce droit, a insisté la Sous-Secrétaire générale, qui a rappelé que les civils et les infrastructures civiles devaient être protégés, et que les attaques contre les hôpitaux devaient cesser. Dans les trois premiers mois de 2018, 72 attaques contre des centres de soin ont été recensées et vérifiées par l’ONU, contre 112 pour toute l’année 2017.
« Deuxièmement, un accès sûr, constant et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin doit être garanti », a poursuivi la Coordonnatrice adjointe, qui a demandé que des convois soient autorisés chaque semaine à travers les lignes de front et qu’un accès aux zones récemment passées sous le contrôle d’une autre partie soit également autorisé. Seuls cinq convois ont pu franchir les lignes de front depuis le début de l’année et, bien que les combats aient cessé dans la Ghouta orientale désormais sous le contrôle du Gouvernement, l’ONU n’a pas été autorisée à se rendre à Douma, où vivent encore 70 000 personnes ayant besoin d’une aide d’urgence. « L’ONU a été autorisée à s’y rendre la dernière fois le 15 mars avec une aide pour 26 100 personnes seulement », a rappelé Mme Mueller.
Le troisième point concerne le retrait systématique par les autorités, à la dernière minute, des articles médicaux des convois autorisés. « Il n’y a aucune raison que ces articles autorisés soient retirés au dernier moment », a souligné Mme Mueller, qui a rappelé qu’ils peuvent sauver des vies.
La Sous-Secrétaire générale a également présenté un tableau détaillé de la situation humanitaire dans différents points du pays.
Ainsi, a-t-elle expliqué, 160 000 personnes ont fui la Ghouta orientale entre le 9 mars et le 15 avril après des semaines de combats, près de 92 000 d’entre elles s’étant rendues dans huit sites pour déplacés dans la province de Damas rural, alors que près de 45 000 sont restées sur place, l’ONU s’employant à répondre à leurs besoins. Cette assistance, seule, n’est pas suffisante, et des sites supplémentaires sont nécessaires pour accueillir les personnes déplacées, a poursuivi Mme Mueller, qui a déploré la poursuite des combats à Edleb et les restrictions à l’accès humanitaire à cette ville. La province d’Edleb est selon elle une situation « catastrophique », 400 000 personnes ayant été déplacées depuis la mi-décembre. La population déplacée d’Edleb a ainsi augmenté de 25% par rapport à l’année dernière, ce qui représente un fardeau très lourd pour les communautés hôtes. La Coordonnatrice adjointe a en outre déploré la poursuite des frappes aériennes dans la zone.
Mme Mueller a par ailleurs demandé l’accès de l’ONU dans les zones assiégées de Nachabiyé, Kafr Batna, Saqba et Hamouriyé. Elle a aussi noté une escalade de la violence préoccupante entre le Gouvernement et les groupes d’opposition non étatiques armés au nord de Homs et au sud de la province de Homs, 210 000 personnes vivant dans ces zones.
La Sous-Secrétaire générale a déploré le nombre extrêmement limité des retours à Afrin, ajoutant, qu’entre le 2 et le 4 avril, l’ONU n’avait pu faire parvenir une aide alimentaire qu’à environ 20 000 personnes. « Un accès constant aux personnes vivant à Afrin est nécessaire », a-t-elle insisté, rappelant que près de 137 000 personnes avaient été déplacées par les hostilités dans le district d’Afrin de la province d’Alep, entre mi-janvier et mi-mars.
Mme Mueller a également précisé que 100 000 personnes étaient rentrées à Raqqa, après que Daech en eut été chassé, et ce, bien que les conditions ne soient pas propices à de tels retours, en raison des mines et du manque de services de base. « Entre 70 et 80% des bâtiments de la ville ont été détruits ou endommagés », a-t-elle fait observer.
Quant aux quelque 50 000 personnes vivant à Roukban, le long de la frontière avec la Jordanie, elles ont, elles aussi, un besoin crucial d’assistance. L’ONU continue de travailler étroitement avec les États-Unis et la Fédération de Russie pour faire en sorte que les personnes dans le besoin reçoivent une aide, a expliqué Mme Mueller, qui a rappelé que la Jordanie voisine continuait de fournir des ressources en eau et en services de santé de base.
*S/2018/369