Cinquième Commission saisie d’une demande de 15,5 millions de dollars pour Umoja, « un projet qui promet des économies mais qui coûte deux fois plus cher que prévu »
La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires était saisie, ce matin, d’une demande de crédits supplémentaires de 15,5 millions de dollars pour finaliser le déploiement du progiciel de gestion intégré Umoja en 2019; Singapour jugeant « stupéfiant » qu’un projet qui promet « économies et rapidité » soit trois fois plus long et deux fois plus cher que prévu.
Umoja compte aujourd’hui 46 500 utilisateurs, répartis dans 420 sites onusiens, qui se connectent chaque jour au progiciel pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement, des voyages et des biens immobiliers de l’ONU. Lancé en 2008 pour moderniser les procédures administratives de l’Organisation, accroître son efficacité et réduire les disparités dans ses méthodes de travail, le déploiement d’Umoja était censé se terminer en 2012. Pour finaliser le projet fin 2019, le Secrétaire général demande 15 515 600 dollars supplémentaires pour mettre en œuvre la phase Umoja-Extension 2, qui représente 41% des processus du progiciel. Cette somme viendrait s’ajouter aux 62 millions de dollars déjà approuvés par l’Assemblée générale pour l’exercice 2018-2019 et porterait à 543,9 millions le coût total du projet, soit un dépassement budgétaire de plus de 295 millions.
« Il est clairement urgent de prendre des mesures correctives », se sont impatientés le Groupe des 77 et la Chine, dénonçant ces « retards à répétition » et « l’explosion des coûts ». Eu égard à l’ampleur des ressources allouées à Umoja, « l’une des initiatives de transformation les plus importantes et les plus chères jamais entreprises par l’Organisation », le Groupe a déploré les insuffisances en matière de valorisation des avantages qualitatifs et quantitatifs du progiciel. Il a notamment appelé à mener une étude de viabilité solide reflétant les « gains d’efficience réels » du projet, plutôt que des « cibles artificielles de réduction des budgets ». En ces temps d’austérité fiscale et d’incertitude, ont estimé le Groupe des 77 et la Chine, le projet doit s’astreindre à une stricte discipline financière.
Nous allons voir, a promis Singapour, comment l’efficacité promise par Umoja peut s’appliquer à lui-même et à son équipe. Avec un coût complet de 1,4 milliard de dollars, entre 2008 et 2030, on peut se demander, a avoué Singapour, si l’Assemblée générale a intérêt à s’engager une nouvelle fois dans de tels projets. Il est stupéfiant, s’est-il emporté, qu’un projet qui promet « économies et rapidité » soit trois fois plus long et deux fois plus cher que prévu.
En dépit des problèmes de mise en service et des difficultés de formation des utilisateurs, ont nuancé les États-Unis, Umoja a tout de même permis d’améliorer de manière substantielle la gestion administrative, de remplacer plus de 400 systèmes d’information, de rationaliser des processus métiers fragmentés et de donner davantage de visibilité aux données globales. Le progiciel, selon eux, demeure un élément clef des initiatives de réforme du Secrétaire général, démontrant la capacité de l’Organisation à s’adapter à de nouvelles méthodes de travail. Tout aussi enthousiaste, l’Union européenne a salué les progrès réalisés pour améliorer la gestion du projet, l’estimation de ses coûts totaux et l’évaluation des avantages quantitatifs et qualitatifs d’Umoja.
La prochaine réunion de la Commission aura lieu demain vendredi 7 décembre, à partir de 10 heures, et portera sur l’avancement des travaux de construction et de rénovation de la Commission économique pour l’Afrique à Addis-Abeba.
BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERCICE BIENNAL 2018-2019
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le dixième rapport d’étape sur le progiciel de gestion intégré -UMOJA-(A/76/607)
Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/73/389) et du Comité des commissaires aux comptes sur la mise en place du progiciel de gestion intégré des Nations Unies (A/73/169) qui a réalisé un audit entre le 29 janvier et le 16 mars 2018. Le CCQAB compte que les recommandations du Comité des commissaires aux comptes seront intégralement appliquées dans les meilleurs délais.
Quant au Secrétaire général, les principales questions qu’il aborde sont la gestion, la gouvernance et le contrôle du projet; l’état d’avancement du projet; les projets liés à Umoja-Extension 2; la gestion du changement; l’analyse de la rentabilisation d’Umoja; la réorganisation des fonctions; et les ressources nécessaires pour l’exercice biennal 2018-2019. Le CCQAB se félicite des progrès accomplis mais note que la durée actuelle du projet, dont la mise en œuvre initialement prévue devait s’étaler sur une période de quatre ans un quart, du troisième trimestre de 2008 à la fin de 2012, devrait couvrir désormais plus de 11 ans. Il dit redouter que le calendrier du projet ne continue d’être prorogé et que les coûts ne continuent d’augmenter. Le CCQAB note d’ailleurs que le coût complet du projet a été révisé à la hausse, passant de 1 402 145 273 dollars en 2017 à 1 414 225 429 dollars en 2018.
Il compte que le Secrétaire général fournira à l’Assemblée générale des informations complètes sur le plan des activités de déploiement de l’ensemble de chacun des projets d’Umoja-Extension 2, y compris le projet de gestion de la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’une mise à jour détaillée des risques encourus par le calendrier et le cahier des charges du projet et les mesures d’atténuation des risques correspondantes envisagées. Il recommande que l’Assemblée prie le Secrétaire général de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’ensemble du projet soit complètement achevé avant la fin de 2019.
Le Comité consultatif réaffirme qu’il faut rassembler en toute transparence des informations sur les avantages quantitatifs et qualitatifs qu’Umoja a permis d’obtenir, y compris en ce qui concerne les incidences sur les effectifs et les prévisions de dépenses des différents bureaux et départements. Il réaffirme également que l’étude de viabilité d’Umoja devrait rendre compte des gains d’efficience et des avantages effectifs obtenus grâce à la mise en service du progiciel plutôt que des objectifs artificiels portant sur les économies budgétaires. Il recommande que l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de veiller à ce qu’un plan de valorisation des avantages soit élaboré et à ce que les avantages présentés aux États Membres soient documentés avec précision, notamment les hypothèses et les processus sur lesquels repose la valorisation des avantages.
Le Comité consultatif recommande également que l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de veiller à ce qu’un plan de valorisation des avantages soit établi à l’avance et de manière détaillée pour les ressources affectées aux postes et aux autres objets de dépense concernant tous les domaines d’activité, y compris les processus de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des technologies de l’information et des communications.
Étant donné que le projet touche à sa fin, le Comité estime qu’il convient de donner à l’Assemblée générale des informations plus détaillées sur les besoins relatifs à la maintenance après le déploiement complet des modules composant Umoja-Extension 2 à la fin de 2019. Comme le Secrétaire général ne propose pas de réduire les effectifs de l’équipe en 2019, le CCQAB recommande que l’Assemblée générale prie le Secrétaire général d’exposer de façon détaillée la manière dont l’équipe Umoja sera intégrée aux services du Secrétariat.
Le Comité consultatif est conscient de la diversité des risques auxquels le projet est exposé et du fait qu’il faut procéder avec prudence et veiller à ce que l’Organisation soit bien préparée. Il faut mettre en place une stratégie de gestion des risques bien conçue qui prévoit un examen et une analyse continus des risques et une évaluation de l’adéquation des mesures d’atténuation ainsi que l’adaptation des stratégies existantes si le besoin s’en fait sentir. Le Comité souligne également qu’il faut bien planifier le projet et prendre des mesures dynamiques pour faire face aux problèmes et aux risques de façon à éviter tout nouveau retard, la mise en service des modules d’Umoja-Extension 2 devant se terminer avant la fin de 2019, insiste-t-il.
Les ressources nécessaires pour l’exercice 2018-2019 s’élèvent à 104 764 800 dollars pour 2018-2019, à savoir 49 628 400 dollars pour 2018 et 55 136 400 dollars pour 2019. Compte tenu du fait que le montant des ressources approuvées pour 2018-2019 s’élève à 62 062 600 dollars et que le solde inutilisé des ressources approuvées s’établissait à 27 186 600 dollars à la fin de 2017, le montant des ressources supplémentaires demandées pour 2019 se chiffre à 15 515 600 dollars.
Le CCQAB recommande donc à l’Assemblée générale d’approuver un montant de 2 138 800 dollars pour le Bureau du Secrétaire général adjoint aux stratégies et politiques de gestion et de la conformité, correspondant à la part supplémentaire imputée au budget ordinaire du coût du projet Umoja jusqu’au 31 décembre 2019. L’Assemblée devrait aussi prendre note du fait qu’un montant de 9 757 200 dollars sera demandé dans le projet de budget du compte d’appui aux opérations de maintien de la paix pour l’exercice allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020; et du fait qu’un montant de 3 619 600 dollars sera financé au moyen de ressources extrabudgétaires pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. MOHAMED FOUAD AHMED (Égypte) a estimé que la mise en place d’une structure de supervision adaptée était cruciale pour un projet de l’ampleur d’Umoja. On nous a promis que le progiciel permettrait une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des mandats. On nous a également dit qu’Umoja rendrait possible une plus grande transparence et une responsabilité accrue du système des Nations Unies à l’égard des États Membres. Le représentant a donc salué l’augmentation du nombre d’utilisateurs du progiciel, passé à 46 500 employés répartis dans 420 sites onusiens. Il s’est également félicité de la réduction du nombre d’incidents liés à Umoja. Dans ce contexte, M. Ahmed a noté que la phase Umoja-Extension 2 était en cours de développement et de déploiement. Cette phase, a-t-il précisé, permettra notamment de gérer à l’intérieur du progiciel les collectes de fonds et relations avec les donateurs, les remboursements aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police et l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement.
Le représentant a exhorté le Secrétaire général à tirer les leçons de la mise en service d’Umoja-Démarrage et d’Umoja-Extension 1 pendant le déploiement de la phase 2. Le Secrétariat devrait également veiller à la facilité d’utilisation du système et à sa stabilité. Il est « impératif » que chaque unité s’approprie pleinement Umoja, a-t-il insisté, avant d’appeler également à ce que chaque utilisateur bénéficie d’une formation adaptée, efficace et rentable.
Toutefois, eu égard à l’ampleur des ressources financières allouées au projet, M. Ahmed s’est dit préoccupé par les insuffisances en matière de valorisation des avantages. Il faut, a-t-il dit, une étude de viabilité solide pour ce projet, qui demeure l’une des initiatives de transformation les plus importantes et les plus chères jamais entreprises par l’Organisation. L’étude doit montrer des « gains d’efficience réels », plutôt que des « cibles artificielles de réduction des budgets », a paraphrasé M. Ahmed, avant de souligner le besoin urgent d’élaborer un plan de valorisation des avantages pour montrer « clairement et de manière transparente » les gains qualitatifs et quantitatifs du projet. C’est la seule façon d’éviter que la réduction des postes et autres objets de dépense justifiée par les avantages d’Umoja ne porte atteinte à l’exécution des mandats.
En outre, M. Ahmed s’est dit très préoccupé par la persistance des retards et des débordements de coûts dans la mise en œuvre de ce projet, qui, a-t-il précisé, aurait dû être finalisé au bout de quatre ans, en 2012. « On s’attend maintenant à de nouveaux retards », a déploré le représentant, ajoutant que si le projet était bien finalisé à la date révisée du 31 décembre 2019, après 11 ans d’existence, il aurait pris trois fois plus de temps que le calendrier initial.
Outre les « retards à répétition », M. Ahmed a également pointé du doigt « l’explosion des coûts ». À l’origine, a-t-il rappelé, les dépenses prévues pour Umoja s’élevaient à 248 millions de dollars. « Ce montant a désormais plus que doublé pour atteindre 544 millions de dollars », a-t-il constaté, ajoutant que le coût complet du projet entre 2008 et 2030, en prenant en compte l’acquisition de nouvelles licences, était désormais estimé à 1,4 milliard.
Il est clairement urgent de prendre des mesures correctives », a poursuivi le représentant, appelant le Secrétaire général à tout faire pour finaliser le projet d’ici à la fin de 2019, à fournir un plan détaillé de mise en service d’Umoja-Extension 2 et à mettre à jour les risques encourus par le calendrier et le cahier des charges, ainsi que les mesures d’atténuation correspondantes. En ces temps d’austérité fiscale et d’incertitude, M. Ahmed a insisté sur une stricte discipline financière.
M. TAULANT ZEQUIRI, de l’Union européenne, a déclaré que l’UE a toujours été et continue d’être le fervent défenseur d’une gestion transparente et efficace de l’ONU. L’Union, a-t-il rappelé, a, avec constance, appuyé la mise en œuvre d’Umoja et la modernisation du fonctionnement et des systèmes « cruciaux » pour l’Organisation. Le représentant a pris note des progrès et insisté sur la pleine mise en œuvre d’Umoja-Extension 2, qui comprend certaines des fonctionnalités les plus importantes et les plus prometteuses. La qualité des données de toutes les activités du Secrétariat qui sera disponible détient l’énorme potentiel d’aider le Secrétariat et les États Membres à prendre des décisions informées, a-t-il ajouté. L’UE, a-t-il conclu, a hâte de discuter plus en détail de ce point important de l’agenda, dans les négociations informelles à venir.
En dépit des problèmes de mise en service et des difficultés de formation à l’utilisation d’Umoja, la base des utilisateurs du progiciel s’est élargie à 420 sites et l’Organisation a progressivement démontré sa capacité d’adaptation à de nouvelles méthodes de travail, a salué M. CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis). Selon elle, Umoja a permis d’améliorer de manière substantielle la gestion administrative, de remplacer plus de 400 systèmes d’information, de rationaliser des processus fragmentés et de donner davantage de visibilité aux données globales. Les États-Unis considèrent Umoja comme un élément clef des initiatives de réforme du Secrétaire général, a poursuivi la représentante, tout en espérant tirer encore davantage parti des bénéfices du progiciel dans le cadre de son déploiement complet. Notant que la phase Umoja-Extension 2 devrait se poursuivre jusqu’en 2019, la représentante a insisté sur la nécessité de mettre en place une gouvernance et une gestion des risques « solide », afin de finaliser le projet le plus vite possible, dans le cadre des ressources proposées pour 2019. Elle a également appelé l’Organisation à améliorer la valorisation quantitative et qualitative des avantages liés à Umoja afin de faciliter la gestion des ressources et la prise de décisions. Mme Norman-Chalet a, par conséquent, demandé des informations supplémentaires sur les avantages liés à Umoja, réalisés et futurs.
M. LUCIEN HONG (Singapour) a rappelé que son pays a appuyé la mise en œuvre d’Umoja depuis sa création. Il s’est réjoui que la base des utilisateurs ait atteint le nombre de 46 500 personnes réparties sur 420 sites, et qu’une majorité d’entre eux y voient de l’intérêt. Le représentant a retenu qu’Umoja doit jouer un rôle dans les réformes du Secrétaire général, notamment dans la chaîne des responsabilités, le flux du travail et la rationalisation des processus et des politiques. Il est donc important qu’Umoja lui-même soit plus comptable de ses actes et plus efficace, a-t-il taclé. Il s’est en effet dit préoccupé par les retards répétés et l’escalade « substantielle » des coûts. Il a jugé « stupéfiant » qu’un projet qui promet « économies et rapidité » soit trois fois plus long et deux fois plus cher que prévu. Avec un coût total de 1,4 milliard de dollars, on peut se demander, a avoué le représentant, si l’Assemblée générale a intérêt à s’engager une nouvelle fois dans de tels projets. Il a donc appelé le Secrétaire général à prendre d’urgence des mesures correctives pour qu’Umoja soit finalisé sans retard ni coût supplémentaire d’ici à la fin de 2019. Il a promis d’examiner avec soin la justification des ressources additionnelles que le Secrétaire général demande. Nous verrons comment l’efficacité promise par Umoja peut s’appliquer à lui-même et à son équipe.
À la lecture du rapport du Comité des Commissaires aux comptes, le représentant a ajouté que, compte tenu du caractère « sensible » des informations contenues dans cette « solution unique et mondiale » et de l’élargissement de la base des utilisateurs, il est crucial que l’Organisation veille à une bonne gestion des identités numériques et contrôle strictement l’accès au progiciel pour empêcher toute visite non autorisée. Il faut, a-t-il précisé, plus de coordination entre les Bureaux de la gestion des ressources humaines, des technologies de l’information et des communications et d’Umoja. À la lumière de la nature « invasive » d’Umoja et de la dépendance accrue vis-à-vis de lui, il est important, a poursuivi le représentant, que le Secrétaire général fasse en sorte que le système soit capable de résister aux chocs et aux catastrophes. Des exercices réguliers permettraient de voir si le dispositif de réhabilitation est réellement opérationnel et de minimiser précisément le temps de cette réhabilitation. Ce sont là, a conclu le représentant, deux domaines qui exigent une action rapide sans ressources supplémentaires.