Cinquième Commission: la bonne gestion de l’ONU dépend de fonctionnaires véritablement comptables de leurs actes
Le lien entre la réforme de la gestion du Secrétariat de l’ONU et des fonctionnaires véritablement comptables de leurs actes est incontournable, ont déclaré les États-Unis, en se félicitant de la version actualisée du « dispositif d’application du principe de responsabilité au Secrétariat » soumise aujourd’hui à l’examen de la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires.
« Le statu quo n’est plus viable. La nature fragmentée de l’ONU et l’inefficacité du dispositif actuel ne sont tout simplement plus tenables », se sont impatientés les États-Unis, alors même, a rappelé le Japon, que le dispositif a été lancé après l’expérience du Programme « Pétrole contre nourriture » dont le rapport final décrivait, en 2005, la Division des achats comme le vecteur d’une corruption facilitée par une mauvaise division du travail.
Les États-Unis et le Japon mais aussi la Chine, le Liechtenstein et la Suisse se sont donc dits satisfaits de la nouvelle version proposée par le Secrétaire général qui suppose l’élaboration de directives claires concernant le principe de responsabilité; le renforcement de la gestion axée sur les résultats; et l’amélioration de la gestion des risques grâce au modèle des trois lignes de maîtrise des risques. Selon ce modèle, les acteurs de la première ligne de maîtrise, à savoir les responsables opérationnels, auront pour fonctions de gérer les risques et d’appliquer des mesures correctives.
La deuxième ligne de maîtrise regroupe les fonctions relevant de l’administration dont le suivi des risques et les contrôles internes, ainsi que l’appui et le conseil aux responsables opérationnels. Ces responsabilités seront confiées aux deux nouveaux départements dont le Secrétaire général demande la création, à savoir le Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité et le Département de l’appui opérationnel.
La troisième ligne de maîtrise comprend quant à elle les fonctions d’assurance indépendante, telles que celles assurées par le Bureau des services de contrôle interne, et ce, pour aider le Secrétaire général à protéger les ressources de l’ONU, en évitant fraudes, gaspillages, abus, malversations et irrégularités. La Chine s’est particulièrement réjouie de ces « trois lignes de maîtrise des risques ».
La version actualisée du dispositif d’application du principe de responsabilité suppose aussi le renforcement du système des contrats de mission des hauts fonctionnaires; la signature, par eux, d’une déclaration relative au contrôle interne; la mise en place d’un système de délégation de pouvoirs présentant clairement les pouvoirs et les attributions correspondantes sous forme de tableau; et l’élaboration d’un nouvel ensemble de fonctions de suivi et de conformité.
Le Liechtenstein et la Suisse ont salué ce dispositif « plus rigoureux et plus efficace ». Avec eux, les États-Unis ont demandé au Secrétaire général d’inclure dans ses prochains rapports « des repères et des données » pour expliquer l’impact des initiatives prises. Qu’en est-il des activités menées par des entités autres que le Secrétariat de l’ONU? Ce dernier doit-il être responsable des activités qu’il n’a pas menées? Oui, a répondu le Japon, parce que ces activités sont financées par « nos investissements collectifs ». Il a donc conseillé au Secrétariat de créer un « cadre de responsabilité adéquat » pour tenir chacun des secrétariats des fonds et programmes comptables de leurs actes quand il a financé leurs activités. En cas de mauvaise gestion, il est tout à fait normal, a prévenu le Japon, que ceux qui, au Secrétariat, ont transféré les fonds soient tenus pour responsables.
La Suisse et le Liechtenstein ont aussi souligné que, pour être « plus responsables, plus efficaces et plus efficientes », les Nations Unies doivent disposer d’un système de gestion de la performance solide et transparent. À l’heure actuelle, la performance d’environ 98% du personnel est considérée comme excellente ou bonne, « ce qui ne donne pas une image fidèle de la situation », relève le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).
La prochaine réunion de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal de l’ONU.
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le septième rapport du Secrétaire général relatif au dispositif d’application du principe de responsabilité au Secrétariat de l’ONU (A/72/885)
Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/72/773) qui rend compte des mesures prises au cours de l’année écoulée pour renforcer le dispositif d’application du principe de responsabilité au Secrétariat de l’ONU et expose comment le Secrétaire général entend renforcer le dispositif de façon à appuyer le nouveau modèle de gestion qu’il propose. L’annexe I du rapport du Secrétaire général propose une synthèse de la version actualisée du dispositif, qui comprend des éléments ajoutés au fil des ans, ainsi que ceux qui ont été proposés dans le cadre du projet de réforme de la gestion.
Le Comité consultatif se réjouit que des définitions des concepts de « fraude » et de « présomption de fraude » aient été adoptées pour l’ensemble du système des Nations Unies. La fraude est définie comme « tout acte ou omission par lequel une personne ou entité déforme ou dissimule sciemment un fait en vue de procurer à elle-même ou à autrui quelque bénéfice ou avantage injustifié, ou de se soustraire ou soustraire autrui à une obligation, de façon à inciter une autre personne ou entité à agir, ou à s’abstenir d’agir, à ses dépens ». La présomption de fraude concerne les « allégations considérées comme justifiant une enquête, qui, si elles sont fondées, prouveraient l’existence d’actes frauduleux entraînant des pertes de ressources pour l’Organisation ».
Le Comité consultatif se dit impatient d’examiner les conclusions du Comité des commissaires aux comptes (CCC) sur l’état de la mise en œuvre du dispositif de lutte contre la fraude et la corruption. Il recommande que l’Assemblée générale demande au Secrétaire général d’inclure systématiquement des comptes rendus sur la mise en œuvre dudit dispositif dans ses futurs rapports.
Le Comité note qu’ont été recensés six domaines dans lesquels les risques de fraude et de corruption sont particulièrement élevés: la culture institutionnelle et l’application du principe de responsabilité; la gouvernance des technologies de l’information et des communications et la cybersécurité; l’environnement du contrôle d’Umoja; les partenaires d’exécution; la gestion des carburants, des rations et des stocks (vols); et les achats. Le Comité recommande que le Secrétaire général inclue des détails sur les mesures de suivi et d’atténuation des risques.
En ce qui concerne l’actualisation des instruments juridiques utilisés dans le cadre des relations avec des tiers tels que fournisseurs et partenaires d’exécution, le Comité consultatif a été informé qu’elle ne faisait que débuter et que l’élaboration d’une politique supposerait de réviser le Règlement financier et les règles de gestion financière. Le Comité consultatif recommande que le Secrétaire général inclue des dispositions types de lutte contre la fraude et la corruption dans les instruments juridiques nouveaux ou existants. Il recommande aussi que le Secrétaire général mette en œuvre sans plus attendre une politique relative à la gestion des partenaires d’exécution à l’échelle de l’Organisation. Le Comité note par ailleurs que la communication d’informations détaillées sur la mise en application de la politique de protection contre les représailles n’est pas satisfaisante et recommande que le Secrétaire général donne des statistiques.
En général, le Comité estime que le suivi et l’application des résolutions sur le dispositif d’application du principe de responsabilité manquent de cohérence et compte que les futurs rapports comprendront régulièrement une synthèse des mesures adoptées et des progrès accomplis.
S’agissant de la gestion de la performance, le Comité consultatif rappelle qu’en moyenne, la performance d’environ 98% des membres du personnel était considérée comme excellente ou bonne, ce qui ne donne pas une image fidèle de la situation. Le Comité compte donc que des mesures seront prises pour garantir des évaluations plus crédibles. Il compte aussi que toutes les mesures d’incitation à la bonne performance seront conformes aux orientations de la Commission de la fonction publique internationale (CFPI). Le Comité consultatif recommande également que le Secrétaire général inclue des données agrégées sur les conséquences disciplinaires et les mesures correctives.
Commentant la version actualisée du dispositif d’application du principe de responsabilité au Secrétariat, y compris les nouveaux éléments relatifs au projet de réforme de la gestion, le Comité consultatif note que le Secrétaire général se propose d’élaborer des directives à l’intention des fonctionnaires à tous les niveaux, de mettre en place des tableaux de bord et de communiquer des informations afin de faciliter la prise de décisions et le suivi des résultats.
Le Comité consultatif se félicite de l’intention du Secrétaire général d’ajouter la gestion des risques aux responsabilités des différentes entités du Secrétariat dans le cadre de la gestion au quotidien de leurs activités opérationnelles, assortie d’un suivi du respect des dispositions et des résultats. Il compte également que le Secrétaire général expliquera comment appliquer effectivement le modèle des trois lignes de maîtrise des risques.
En ce qui concerne la délégation de pouvoirs sur une base fonctionnelle et non personnelle, le Comité est d’avis que des informations supplémentaires devraient être fournies sur les procédures envisagées pour déterminer que les administrateurs et les fonctionnaires auxquels des pouvoirs doivent être délégués ont la capacité d’en faire bon usage, dans le respect du principe de responsabilité. Le Comité recommande à l’Assemblée générale de prier le Secrétaire général de poursuivre ses efforts pour améliorer l’efficacité des contrats de mission des hauts fonctionnaires en tant qu’instruments de responsabilisation.
Déclarations
Également au nom du Liechtenstein, M. ALEXANDRA ELENA BAUMANN(Suisse) a apporté son soutien à la proposition du Secrétaire général pour un nouveau modèle de gestion de l’ONU et donc à celle visant à mettre en place un dispositif d’application du principe de responsabilité « plus rigoureux et plus efficace », incluant la communication d’informations complètes et transparentes à l’Assemblée générale. La Suisse et le Liechtenstein, a ajouté la représentante, jugent essentiels que les responsabilités, le pouvoir et les fonctions qui y sont liées soient harmonisés et que les rôles et les responsabilités soient clarifiés.
Davantage de pouvoirs devraient être délégués aux responsables de l’exécution des mandats de l’Organisation qui devront répondre de leurs décisions, de leurs résultats et de leur conduite. Il est en outre indispensable de soutenir les responsables et les membres du personnel auxquels des pouvoirs sont délégués afin de s’assurer qu’ils disposent des outils et des compétences nécessaires pour exercer ces pouvoirs de manière responsable. « Nous partageons l’avis du CCQAB selon lequel de plus amples informations sur les procédures envisagées à cet effet devraient être fournies dans le prochain rapport », a indiqué la représentante.
Par ailleurs, de nouvelles fonctions -suivies de la performance et conformité- devraient permettre d’évaluer le fonctionnement de l’Organisation à l’aune du dispositif de contrôle interne et des meilleures pratiques applicables à la gestion du Secrétariat. Grâce à ces nouvelles fonctions, les principes de transparence et de responsabilité seront mieux appliqués. Pour être plus responsables, plus efficaces et plus efficientes, les Nations Unies doivent disposer d’un système de gestion de la performance solide et transparent. La gestion des risques est un autre élément clef d’un dispositif efficace d’application du principe de responsabilité. Dans ses prochains rapports à l’Assemblée générale, le Secrétaire général devrait présenter en détail les mesures prises pour surveiller et atténuer les risques qui ont été inscrits dans le registre des risques récemment créé.
Mme ANCA S. DIGIACOMO (États-Unis) a estimé que le rapport présenté cette année est d’autant plus important qu’il a un lien direct avec la réforme de la gestion de l’ONU. Le lien entre cette réforme et le dispositif d’application du principe de responsabilité, dont la délégation des pouvoirs, est « essentiel », a insisté la représentante. Le statu quo, s’est-elle impatientée, n’est plus viable. La nature fragmentée de l’ONU et l’inefficacité du dispositif actuel ne sont tout simplement plus tenables. Un dispositif efficace d’application du principe de responsabilité est « la clef » d’une gestion réussie du Secrétariat, a-t-elle ajouté, appelant ce dernier à continuer de renforcer la responsabilité institutionnelle, quelle que soit la décision qui sera prise sur la réforme de la gestion.
La représentante a noté que le dispositif d’application du principe de responsabilité touche plusieurs aspects des responsabilités managériales de l’ONU, dont le Pacte des hauts responsables ou la gestion axée sur les résultats. Elle a donc appuyé l’idée du CCQAB selon laquelle les futurs rapports du Secrétaire général devraient en dire plus sur la mise en œuvre du dispositif, arguant que la meilleure façon de procéder serait d’inclure des repères et des données pour expliquer l’impact des initiatives prises en matière de responsabilité.
M. KATSUHIKO IMADA (Japon) a rappelé que le système actuel de responsabilité au sein du Secrétariat a été lancé après l’expérience du Programme pétrole contre nourriture dont le rapport final avait été publié en 2005. La Division des achats y était décrite comme vecteur d’une corruption facilitée par une mauvaise division du travail. Que dire alors du principe de responsabilité pour les activités menées par des entités autres que le Secrétariat de l’ONU? On peut en effet se demander: doit-on demander au Secrétariat d’être responsable des activités qu’il n’a pas menées? Oui, a répondu le représentant, parce que ces activités sont financées par les contributions des États. Le travail du Secrétariat, a-t-il insisté, est financé par « nos investissements collectifs ». En conséquence, dans les cas où le Secrétariat fournit des fonds pour financer des activités menées par d’autres, dont les fonds, les programmes et les ONG, les États Membres sont en droit de pointer sa responsabilité. Il serait donc utile, a suggéré, M. Imada, que le Secrétariat envisage la création d’un cadre de responsabilité adéquat pour tenir chacun des secrétariats des fonds et programmes comptables de leurs actes, quand il a financé leurs activités. En cas de mauvaise gestion, il est tout à fait normal, a prévenu le représentant, que ceux, au Secrétariat, qui ont transféré les fonds soient tenus pour responsables.
M. GAO HUIJUN (Chine) a rappelé que la Charte des Nations Unies avait déjà créé des mesures censées favoriser l’application du principe de responsabilité pour la bonne marche de l’Organisation. Dans le contexte actuel, le dispositif doit être amélioré, a-t-il reconnu, précisant qu’un tel dispositif est la clef de la réforme de la gestion. Le Secrétariat devrait donc, grâce aux réformes, se sentir plus comptable de ses actes vis-à-vis des États Membres. Le représentant a salué le modèle dit des « trois lignes de maîtrise des risques » proposé par le Secrétariat et exigé des critères clairs pour la délégation des pouvoirs et un système plus crédible d’évaluation des performances. Il a dit compter sur des rapports plus substantiels, à l’avenir.