En cours au Siège de l'ONU

8134e séance – matin
CS/13118

Tensions sociales, répression politique et violences contre les civils persistent en Afrique centrale, selon le Chef du Bureau régional de l’ONU

La situation globale en Afrique centrale demeure marquée par des tensions sociopolitiques, des difficultés économiques et des attaques et « abus horribles » perpétrés par des groupes armés contre les civils, a expliqué ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), M. François Louncény Fall.

M. Fall, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la question, a plaidé pour une approche nationale, régionale et internationale « concertée » afin d’éviter toute dégradation de la situation et a insisté sur l’engagement de son bureau en vue de faciliter le règlement politique des conflits et crises qui émaillent la région. 

« Au Tchad, j’ai encouragé le Gouvernement et les chefs d’opposition à discuter les modalités d’un dialogue inclusif et d’un calendrier en vue de parvenir à des propositions de solutions aux défis économiques et de gouvernance que connaît ce pays et de s’accorder sur les réformes qui créeront les conditions favorables à la tenue des élections législatives », a-t-il affirmé. 

S’agissant de la République du Congo, M. Fall a indiqué que des figures bien connues de l’opposition étaient toujours emprisonnées sans avoir été jugées, tandis que la situation sécuritaire dans la région du Pool demeurait précaire.  « Lors de mes visites dans ce pays, j’ai souligné l’importance de stabiliser la région du Pool et d’opérationnaliser les plateformes du dialogue politique et social. »

Au Cameroun, le Représentant spécial a indiqué que la moitié de la population était affectée soit par les activités de Boko Haram dans le nord du pays, soit par la crise en République centrafricaine, dans l’est, soit par le mouvement séparatiste anglophone, dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest.  « Nous devons redoubler nos efforts de prévention afin d’éviter une aggravation des tensions », a-t-il dit, en rappelant que des élections sont prévues en 2018.

M. Fall a indiqué que les griefs exprimés par les populations dans les régions anglophones du Cameroun étaient une source de vive préoccupation.  S’il a salué les mesures de réforme des secteurs éducatif et judiciaire prises par le Gouvernement, ainsi que la libération d’un certain nombre de dirigeants anglophones, il a souligné le besoin d’un dialogue plus fondamental sur la question de la gouvernance afin de remédier au sentiment de marginalisation ressenti par la population. 

« Au Gabon, le contexte national est caractérisé par la persistance du ralentissement économique et des mouvements de grève, les scandales de corruption, ainsi que le débat sur un projet controversé de réforme constitutionnelle », a continué M. Fall.  Il a expliqué que l’opposition et une partie de la société civile critiquaient la méthode utilisée, considérée comme non inclusive et illégitime, ainsi que la substance de la réforme constitutionnelle qui représente, selon elles, un « recul démocratique ». 

Le Représentant spécial a indiqué que la réforme devrait être adoptée par le Parlement, où le parti au pouvoir détient une majorité des deux tiers, et que la voie référendaire ne semblait pas envisagée.  Le candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, M. Jean Ping, continue à contester la réélection, en 2016, du Président Ali Bongo Ondimba et à refuser de participer à un dialogue avec ce dernier, a-t-il insisté. 

Préoccupé par la situation en République centrafricaine, marquée par des attaques et des abus graves perpétrés par des groupes armés, M. Fall a jugé urgent que le processus de paix progresse, dans le cadre de l’Initiative africaine. 

Le Chef du BRENUAC a salué le lancement des activités du groupe des médiateurs de l’Initiative africaine en République centrafricaine à la fin du mois de novembre dernier, suivi de ses premiers contacts avec des groupes armés actifs dans le pays. 

« Il est maintenant important de ne pas perdre cet élan pendant la période cruciale à venir », a-t-il poursuivi, en soulignant la nécessité d’un engagement entier de la région dans le processus de paix.  Cet engagement est essentiel, pas seulement pour soutenir politiquement l’Initiative africaine, mais aussi en vue d’apporter des réponses collectives aux dynamiques transfrontalières qui ont un impact sur le conflit centrafricain, notamment la transhumance et les trafics, a affirmé le Chef du BRENUAC. 

Le Représentant spécial a ensuite appelé à un redoublement des efforts pour régler de « manière holistique » la crise causée par Boko Haram, qui a toujours la capacité de mener des attaques et de commettre des « abus horribles ».  Les conclusions de la récente conférence régionale pour la stabilisation du bassin du lac Tchad, organisée par la Commission de l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad, doivent être mises en œuvre, a continué M. Fall. 

S’agissant de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), le Chef du BRENUAC a rappelé que les zones dans lesquelles ce groupe opère faisaient face à une myriade de défis sécuritaires, notamment la transhumance, une autorité étatique défaillante et des activités de contrebande.  « Il est important pour l’Union africaine et les pays contributeurs à la Force régionale d’intervention de l’Union africaine de s’accorder rapidement sur la reconfiguration de ladite force et à appuyer davantage la formation des forces armées centrafricaines. » 

M. Fall a salué les avancées de l’intégration régionale, la liberté de circulation étant désormais devenue la réalité au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).  « Mon bureau a continué d’appuyer ce processus d’intégration, y compris en plaidant pour une réforme institutionnelle du Secrétariat de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et pour une rationalisation de cette organisation ainsi que de la CEMAC », a-t-il affirmé. 

En conclusion, le Représentant spécial a assuré que son bureau continuerait de mettre l’accent sur la cohérence et la coordination des activités de l’ONU dans la région.  Cela comprend une bonne coopération avec les coordonnateurs résidents de l’ONU et les équipes de pays en vue d’engager les autorités nationales sur des questions politiques sensibles et les efforts de long terme de consolidation de la paix, a conclu M. Fall. 

Le représentant de l’Uruguay a attiré l’attention sur la gravité de la crise humanitaire et de celle des droits de l’homme qui prévalent en Afrique centrale.  S’il s’est inquiété des agissements de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, où 2,4 millions de personnes sont déplacées et plus de sept millions ont besoin d’une aide alimentaire, il a également insisté sur la répression politique, la hausse des détentions arbitraires et l’usage disproportionné de la force. 

Son homologue de la Bolivie a suggéré que l’initiative de la Force conjointe du G5 Sahel soit « imitée » en Afrique centrale pour lutter contre Boko Haram.  Une autre avancée majeure en faveur des processus de paix dans la région serait, pour sa délégation, de renforcer la participation des femmes, un point de vue également défendu par l’Uruguay. 

* S/2017/995

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