En cours au Siège de l'ONU

8103e séance - matin
CS/13069

Darfour: le Document de Doha est « à l’arrêt », constate, devant le Conseil de sécurité, la Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix

Au Soudan, au moment où l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) poursuit la réduction de ses effectifs, le processus politique en vue de négocier le règlement du conflit avec les groupes non signataires du Document de Doha pour la paix demeure à l’arrêt, a constaté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, Mme Bintou Keita. 

« Simultanément, les affrontements armés entre le Gouvernement et ces groupes ont décliné, aucun incident n’ayant été à déplorer au cours de la période à l’examen », a expliqué Mme Keita. 

Ceci étant, le début de la campagne de collecte d’armes lancée au Darfour par les autorités, avec le déploiement de 10 000 soldats des Forces d’appui rapide, a mis en évidence des tensions impliquant des milices tribales précédemment alliées au Gouvernement et entraîné des renversements d’alliances, souligne le rapport* du Secrétaire général dont était saisi le Conseil de sécurité. 

Des affrontements entre Forces d’appui rapide et milices locales ont été ainsi signalés au Darfour méridional et au Darfour septentrional les 21 et 23 octobre, respectivement, tandis que le 10 novembre dernier, des combats ont éclaté avec des milices à Musat Hilal, dans le Darfour septentrional, faisant un nombre indéterminé de victimes des deux côtés.

Par ailleurs, à Zalingei, au Darfour central, les forces gouvernementales, dans le cadre de fouilles de caches d’armes, ont tenté de pénétrer dans les locaux du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) le 5 novembre dernier.  Et au Darfour méridional, à la suite de manifestations et d’affrontements dans le camp de personnes déplacées de Kalma, qui ont fait cinq morts le 22 septembre, les Forces d’appui rapide ont bloqué les routes à l’intérieur du site et brièvement détenu une des personnes déplacées.

« En dépit des efforts déployés par le Gouvernement soudanais pour lutter contre la criminalité, la conduite de cette campagne de collecte des armes, conjointement au déploiement des Forces d’appui rapide, devra se faire avec la plus grande prudence, afin de minimiser les risques sécuritaires », a préconisé la Sous-Secrétaire générale. 

« Une nouvelle escalade des tensions pourrait affecter les dynamiques entre les milices, les communautés dont elles sont issues, et d’autres groupes en proie à des rivalités sur le terrain. »

Par ailleurs, a poursuivi Mme Keita, les violences intercommunautaires persistent, principalement vis-à-vis des nomades arabes, en dépit d’une baisse notable des incidents.  Le nombre total de victimes faites par de telles violences jusqu’à présent en 2017 est de 234, alors que ce chiffre était de près de 2 000 en 2014, a-t-elle rappelé. 

De plus, à Sortony, dans le Darfour méridional, les tensions persistent entre les personnes déplacées, la communauté arabe et l’Armée de libération du Soudan-Défense populaire (ALS/DP), a relevé la haute fonctionnaire, en citant un incident en date du 7 novembre, au cours duquel des éléments arabes armés auraient été empêchés de pénétrer à l’intérieur d’un camp de déplacés pour y reprendre leur bétail prétendument volé.

S’il paraît évident que la situation au Darfour aujourd’hui diffère de celle qui prévalait au moment du déploiement initial de la MINUAD, en 2007, reste que la défaite de la plupart des groupes armés ne s’est pas traduite par le retour volontaire et durable des personnes déplacées, a affirmé la Sous-Secrétaire générale. 

« Près d’un tiers de la population du Darfour est toujours déplacée », a-t-elle précisé.  « Une situation qui reflète son appréhension et l’incertitude quant à l’occupation des terres et le manque de confiance dans leurs perspectives présentes et futures. »

Mme Keita a estimé que le Gouvernement soudanais s’était montré moins « proactif » dans la mise en œuvre des dispositions du Document de Doha relatives aux terres et à la gestion des ressources limitées, à l’établissement des responsabilités et à la réforme du secteur de la sécurité.

La mise en œuvre du Document de Doha, a-t-elle soutenu, est la « porte d’entrée » pour une paix durable, dans la mesure où cet instrument tient compte des vecteurs d’un conflit qui dure depuis plusieurs décennies, à commencer par les problématiques des terres, des personnes déplacées et des éleveurs nomades.

Le délégué du Soudan a jugé pour sa part « insuffisante » l’attention que le Conseil de sécurité accorde au processus de paix au Darfour, en comparaison notamment du processus de paix en cours en Colombie.  Il s’est enorgueilli des « transformations majeures » opérées par le Darfour au cours des dernières années, affirmant qu’il n’y a plus d’affrontements avec les groupes armés depuis presque deux ans.  Le représentant a également indiqué que la campagne de collecte d’armes et de munitions initiée par son gouvernement portait ses fruits.

Il a en outre contesté l’exactitude du rapport du Secrétaire général, invitant l’ONU à recourir à ses « propres sources d’information ».  Le représentant a enfin demandé une révision du régime des sanctions frappant son pays, ainsi qu’une réduction des forces de la mission en vue de « son retrait du Soudan le plus rapidement possible ». 

En effet, la MINUAD est engagée dans sa première phase de restructuration, laquelle consiste notamment à fermer 11 bases d’opérations et à réduire l’effectif autorisé à 11 395 militaires et 2 888 policiers. 

Tout en saluant les progrès réalisés dans le processus de reconfiguration de la MINUAD, le représentant de la Bolivie a souligné l’importance de consolider les capacités de l’équipe de pays des Nations Unies pour garantir un retrait réussi de l’Opération hybride. 

C’est aussi le sens de l’appel lancé par la Sous-Secrétaire générale, qui a plaidé pour un renforcement de l’équipe de pays, afin de soutenir les activités de long terme orientées vers la consolidation de la paix.  « Le Secrétariat coopère avec la MINUAD et l’équipe de pays pour mettre au point un financement conjoint du Cadre stratégique intégré pour 2017-2019, axé sur l’état de droit et les droits de l’homme, les solutions durables aux situations de déplacement et le renforcement des capacités en matière de sécurité humaine », a-t-elle ajouté.

Préoccupé par les difficultés logistiques auxquelles la MINUAD reste confrontée, l’Uruguay a jugé indispensable la coopération du Gouvernement soudanais avec le Conseil de sécurité et la MINUAD.  Sur ce point, la Sous-Secrétaire générale a regretté que le terrain où doit être créé le Groupement tactique du Jebel Marra n’ait toujours pas été approuvé par Khartoum. 

* S/2017/907

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