8091e séance – matin
CS/13061

Libye: la Procureure de la CPI souligne devant le Conseil de sécurité les difficultés auxquelles elle se heurte dans l’exécution des mandats d’arrêt

La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a, ce matin, présenté devant le Conseil de sécurité, son exposé semestriel sur les activités menées par la Cour dans le cadre des affaires relatives à la situation en Libye, soulignant en particulier les difficultés auxquelles elle se heurte dans l’exécution des mandats d’arrêt.

Au cours des huit derniers mois, deux nouveaux mandats d’arrêt ont été délivrés, l’un pour des faits commis en 2011, l’autre pour des crimes plus récents, a expliqué Mme Bensouda.

La Procureure et son bureau sont non seulement chargés par le Conseil, depuis le 15 février 2011, d’enquêter en Libye sur les crimes graves commis pendant le renversement du régime Qadhafi, mais aussi sur ceux perpétrés depuis et relevant de la compétence de la Cour.

C’est dans ce contexte qu’un mandat d’arrêt a été émis, le 15 août dernier, par la CPI contre le commandant de la brigade Al-Saiqa, Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli, pour sa « participation directe » à sept exécutions, qui auraient été filmées et publiées sur les réseaux sociaux. 

Au total, 33 personnes auraient trouvé la mort entre le 3 juin 2016 et le 17 juillet 2017, précise le rapport que Mme Bensouda a présenté au Conseil. 

Or, les informations les plus contradictoires au sujet de l’intéressé ont été portées à l’attention de la CPI, a expliqué la Procureure, qui d’un côté a été informée de l’arrestation de Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli par l’Armée nationale libyenne, de l’autre s’est vu signifier que celui-ci serait « toujours en liberté et continuerait d’agir en qualité de commandant de la brigade Al-Saiqa ».

Mme Bensouda a tenu à rappeler qu’« indépendamment de toute enquête qui pourrait être menée à l’échelon national », la Libye demeure « légalement tenue de procéder à l’arrestation de cet individu et de le remettre à la Cour sans tarder ». 

Le second mandat d’arrêt émis par la Cour remonte au 14 avril 2017 et concerne Mohamed Khaled Al-Tuhamy, l’ancien chef de l’Agence de sécurité interne libyenne, qui n’a pas encore été exécuté malgré les efforts importants déployés par le Bureau de la Procureure pour trouver l’intéressé et s’assurer qu’il soit immédiatement arrêté et remis à la Cour, a précisé Mme Bensouda.

De même, Saïf Al-Islam Qadhafi, le fils de l’ancien dirigeant libyen, n’a toujours pas été remis à la Cour, ce que le Bureau de la Procureure s’efforce d’obtenir dans le cadre du dialogue avec le Gouvernement d’entente nationale. 

Aussi, Mme Bensouda a-t-elle exhorté tous les États et toute autre entité pertinente possédant des informations sur l’endroit où se trouverait Saïf Al-Islam Qadhafi à les lui communiquer « dans les plus brefs délais ». 

Les membres du Conseil ont pris acte de ces difficultés, de même que de celles rencontrées par Mme Bensouda et son équipe pour enquêter dans un climat d’insécurité que le représentant de la Libye lui-même a identifié comme une des raisons pour lesquelles l’appareil judiciaire national ne serait pas en mesure de mener ses propres enquêtes.  

La France a demandé à l’Armée nationale libyenne de transférer « au plus vite » Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli aux autorités libyennes « pour qu’elles puissent le remettre ensuite à la CPI », demandant également la coopération de la Libye avec la CPI en ce qui concerne Saïf Al-Islam Qadhafi et Mohamed Khaled Al-Tuhamy.  Des appels repris à leur compte par l’Uruguay, le Japon, le Sénégal ou encore l’Ukraine.

Dans son rapport, la Procureure mentionne des crimes présumés contre des migrants en Libye, « victimes de sévices et détenus dans des conditions inhumaines ».  Des allégations sur lesquelles elle a ordonné à son bureau d’enquêter. 

S’agissant des migrants, le délégué libyen a souhaité que les futurs rapports continuent de mentionner les efforts déployés par les autorités pour démanteler les réseaux de criminalité organisée qui sévissent dans le pays.

Mme Bensouda a par ailleurs fait état de meurtres, notamment ceux de 36 hommes dont les corps ont été découverts dans la localité d’al-Abyar, à 50 kilomètres de Benghazi.  « Ils étaient menottés, présentaient des signes de torture et semblaient avoir été abattus d’une balle dans la tête », a précisé Mme Bensouda.

« Je serai claire: si des crimes graves relevant de la compétence du Statut de Rome continuent d’être commis en Libye, je n’hésiterai pas à demander la délivrance de nouveaux mandats d’arrêt.  Ces crimes doivent cesser », a-t-elle dit.

Pour la délégation russe, cependant, la CPI continuerait d’agir de façon « sélective », en n’engageant aucune poursuite judiciaire à l’encontre des rebelles dans le pays, ni au sujet des frappes aériennes commises par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pendant le soulèvement de 2011, ni au sujet des agissements de Daech. 

D’après elle, le rapport prendrait simplement note de l’attaque-suicide revendiquée par ce groupe terroriste contre un tribunal de Misrata, le 4 octobre dernier.

Évoquant pour sa part la « situation en Afghanistan », la représentante des États-Unis a considéré toute enquête de la CPI contre les forces américaines comme « totalement injustifiée », dans la mesure où son pays dispose d’un « solide système national d’enquête, de responsabilisation et de transparence qui compte parmi les meilleurs au monde ».

Elle a rappelé l’« objection de principe de longue date » des États-Unis à l’encontre de toute affirmation selon laquelle la Cour aurait compétence pour poursuivre des ressortissants américains.

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a jugé très préoccupante la situation en Libye, un pays où le rétablissement de l’état de droit, la protection des droits de l’homme, et la lutte contre l’impunité doivent faire partie intégrante de la recherche d’un règlement politique durable.  « La justice est une composante essentielle d’une paix durable », a-t-elle rappelé à cet égard. 

Évoquant les affaires sur lesquelles enquête son bureau, la Procureure a indiqué qu’un mandat d’arrêt avait été émis, le 15 août dernier, par la CPI contre le commandant de la brigade Al-Saiqa, Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli, pour sa participation directe à sept exécutions, qui auraient été filmées et publiées sur les réseaux sociaux.  Au total, 33 personnes auraient été tuées dans ces circonstances entre le 3 juin 2016 et le 17 juillet 2017 environ, précise le rapport que Mme Bensouda a présenté aux membres du Conseil.  Après la délivrance du mandat d’arrêt, le commandement général de l’Armée nationale libyenne (ANL) a publié une déclaration officielle par laquelle il annonçait, le 2 août 2017, que Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli avait été arrêté et faisait l’objet d’une enquête menée par le procureur militaire.  Mais le Bureau de la Procureure de la CPI a également reçu des informations selon lesquelles, « contrairement à ce qui avait été annoncé par l’ANL », Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli serait toujours en liberté et continuerait d’agir en qualité de commandant de la brigade Al-Saiqa.  Mme Bensouda a donc tenu à rappeler que, « indépendamment de toute enquête qui pourrait être menée à l’échelon national », la Libye demeurait légalement tenue de procéder à l’arrestation de cet individu et de le remettre à la Cour sans tarder, et ce, tant que celle-ci n’aura pas délivré une ordonnance qui suspendrait cette obligation.

Par ailleurs, le 14 avril 2017, a poursuivi la Procureure, la Cour avait émis un mandat d’arrêt contre Mohamed Khaled Al-Tuhamy, l’ancien chef de l’Agence de sécurité interne libyenne, qui n’a pas encore été exécuté malgré les efforts importants déployés par le Bureau pour trouver l’intéressé et s’assurer qu’il soit immédiatement arrêté et remis à la Cour.  S’agissant de Saïf Al-Islam Qadhafi, Mme Bensouda a remercié le Conseil de sécurité pour le soutien apporté à son bureau en vue d’obtenir que cet individu soit remis à la Cour, dans le cadre du dialogue avec le Gouvernement d’entente nationale.  Elle a exhorté tous les États et toute autre entité pertinente possédant des informations sur l’endroit où se trouverait Saïf Al-Islam Qadhafi à les lui communiquer dans les plus brefs délais. 

La Procureure a ensuite exprimé sa préoccupation devant la situation générale en Libye, où de graves violations des droits de l’homme ont été commises au cours de la période considérée.  Elle s’est notamment attardée sur la découverte récente des corps de 36 hommes dans la localité d’al-Abyar, à 50 kilomètres de Benghazi.  Les corps étaient menottés, présentaient des signes de torture et semblaient avoir été abattus d’une balle dans la tête, a-t-elle précisé, en rappelant aux commandants militaires qu’ils sont comptables de leurs actes en vertu du Statut de Rome de la CPI.  « Je serai claire: si des crimes graves relevant de la compétence du Statut de Rome continuent d’être commis en Libye, je n’hésiterai pas à demander la délivrance de nouveaux mandats d’arrêt.  Ces crimes doivent cesser », a déclaré Mme Bensouda.  Elle a d’ailleurs dit avoir donné des instructions à son bureau pour enquêter sur les allégations de crimes commis contre des migrants transitant par la Libye.  Selon les circonstances précises dans lesquelles ces crimes ont été commis, ceux-ci peuvent tomber sous la juridiction de la CPI, a-t-elle expliquée. 

Pour finir, Mme Bensouda a évoqué les défis auxquels son bureau est confronté, à commencer par l’insécurité régnant dans le pays, qui entrave le bon déroulement des enquêtes.  La Procureure a également mis en cause les ressources limitées dont dispose son bureau et l’échec des États Membres à exécuter des mandats d’arrêt délivrés par la Cour.  En dépit de ces difficultés, l’émission de deux mandats d’arrêt au cours des huit derniers mois, l’un pour des crimes commis en 2011 et l’autre pour des crimes plus récents, démontre clairement, selon elle, l’engagement de son bureau auprès de la Libye.  « L’inaction », a-t-elle conclu, « cela, nous ne pouvons pas nous le permettre ».

Mme DICKSON (Royaume-Uni) a souligné la gravité de la situation en Libye.  Les donneurs d’ordres d’exécutions sommaires doivent être traduits en justice, a-t-elle affirmé.  Elle a jugé indispensable de progresser vers la recherche d’une solution politique en Libye et de renforcer le système judiciaire dans ce pays. 

La déléguée a ensuite salué l’intention du Bureau de la Procureure d’enquêter sur le terrain en Libye.  Elle a ensuite pris note des efforts de coopération en vue de la remise à la Cour de Saïf Al-Islam Qadhafi.  Le Bureau a continué d’enquêter sur des actes criminels qui auraient été commis en Libye contre des migrants, a-t-elle poursuivi. 

Elle a jugé indispensable que les auteurs de tels crimes rendent compte de leurs actes, avant de réaffirmer son appui au Gouvernement d’entente nationale. 

Enfin, la déléguée britannique a souligné la nécessité que la Cour bénéficie de ressources adéquates et salué les mesures adoptées par cette dernière en vue d’une plus grande efficacité. 

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a souligné l’importance, s’agissant de l’affaire portée contre Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli, de se conformer à l’article 1 du Statut de Rome, qui dispose que la Cour est complémentaire des juridictions nationales.  La Cour doit par ailleurs respecter les règles de recevabilité prévues à l’article 17, a-t-il dit. 

Il a affirmé que Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli devait être jugé par les juridictions libyennes à moins qu’il ne soit établi que la Libye n’a pas les moyens ou la volonté de le faire.  Le délégué égyptien a accueilli favorablement l’aide du Procureur libyen au Bureau de la Procureure de la CPI.  Il a ensuite prié le Bureau de vérifier les informations sur les allégations de crimes commis en Libye.  Ces informations doivent provenir de sources sûres, a-t-il insisté.  

Il a invité aussi la Cour à se pencher sur les informations fournies par tous les acteurs en Libye, et pas seulement l’un d’entre eux.  La communauté internationale doit aider le Gouvernement d’entente nationale pour rétablir la justice en Libye, a-t-il déclaré.  Il doit pour cela recevoir l’armement nécessaire, a conclu M. Aboulatta. 

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a rappelé qu’il y a six ans, le Conseil de sécurité avait renvoyé la situation en Libye devant la CPI, en raison des violations massives des droits de l’homme commises lors du renversement du régime Qadhafi.  Tous les responsables de crimes commis pendant la révolution de 2011 doivent être tenus comptables de leurs actes, a-t-elle insisté.  La réconciliation nationale et politique est essentielle pour parvenir à une paix durable dans le pays, a poursuivi la représentante, en encourageant toutes les parties libyennes à œuvrer dans un esprit de compromis à l’avènement de cette stabilité.  Les exécutions et autres crimes du même ordre doivent faire l’objet d’enquêtes sur le terrain, a-t-elle ajouté, en faisant référence à la mort de 33 personnes imputable au commandant de brigade al-Werfalli.

Évoquant ensuite la « situation en Afghanistan », Mme Sison a déclaré que son pays était persuadé que toute enquête contre les forces américaines était injustifiée, dans la mesure où « nous disposons d’un système d’enquête interne parmi les meilleurs au monde ».  Elle a rappelé l’« objection de principe » des États-Unis à l’encontre de toute enquête de la CPI visant ses forces, arguant que cela ne servirait ni la paix ni la stabilité. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) a noté avec satisfaction les efforts continus du Bureau de la Procureure afin de mener à bien ses enquêtes dans un contexte difficile et d’insécurité en Libye.  Face à l’ampleur des défis, Mme Gueguen a estimé que le soutien du Conseil de sécurité à l’action de la Cour ainsi qu’aux efforts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) était indispensable. 

Elle a salué au passage l’engagement personnel du Secrétaire général en ce sens ainsi que la contribution « précieuse » de son Représentant spécial, M. Ghassan Salamé, à la lutte contre l’impunité en Libye.

La France appelle à soutenir la médiation des Nations Unies, en vue de parvenir à la révision concertée de l’Accord politique de Skhirat.  Dans le cadre de cette médiation conduite par M. Salamé, il est important, de l’avis de la représentante, de soutenir concrètement les autorités libyennes, en particulier dans le domaine de la justice et de la reconstruction de l’état de droit.

Plus spécifiquement, Mme Gueguen a insisté sur la coopération pleine et entière de toutes les parties prenantes dont doivent bénéficier les enquêtes de la CPI.  Il est primordial de consolider la collaboration à l’ensemble des États concernés, qu’ils soient parties ou non au Statut de Rome, afin d’apporter le soutien dont le Bureau de la Procureure a besoin pour remplir sa mission, a-t-elle dit.

S’agissant des éléments du rapport relatifs aux enquêtes en cours, la France prend note du mandat d’arrêt délivré à l’encontre de Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli par la Cour, le 15 août 2017.  Elle appelle l’Armée nationale libyenne à transférer au plus vite Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli aux autorités libyennes pour qu’elles puissent le remettre ensuite à la CPI. 

C’est un signal important pour la lutte contre l’impunité et pour une justice impartiale en Libye, a estimé Mme Gueguen avant de réitérer l’appel de la France à la coopération avec la CPI pour que Saïf Al-Islam Qadhafi et Mohamed Khaled Al-Tuhamy soient également remis à la Cour sans délai.

La France salue le souhait du Bureau de la Procureure de mener des enquêtes sur la situation préoccupante des crimes liés à la traite et au trafic des migrants en Libye, et s’engage elle-même à agir, avec ses partenaires, contre les réseaux de passeurs et leur modèle économique en Libye et dans la région, dans le cadre de la déclaration conjointe du 28 août 2017, intitulée « Relever le défi de la migration et de l’asile ». 

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay), qui a longuement réitéré l’appui de son pays aux travaux de la CPI, a appelé à renforcer le rôle de celle-ci, à savoir juger les crimes les plus graves définis à l’article 5 du Statut de Rome et rendre justice quand les tribunaux nationaux sont incapables de le faire.  En ce qui concerne la Libye, le représentant a regretté le manque de progrès depuis le dernier rapport de la Procureure, notant que, après six ans de guerre civile, le Gouvernement d’entente nationale continuait de voir son autorité contestée au niveau national.  De plus, le blocage imposé par la Chambre des représentants de Tobrouk a empêché l’application complète des dispositions de l’Accord politique libyen.  Or, a-t-il rappelé, les nouvelles autorités libyennes doivent gérer les problèmes tels que la menace du terrorisme islamique, la crise des migrants, une urgence humanitaire et une situation économique difficile. 

M. Bermúdez a souhaité que les autorités libyennes avancent vers l’objectif d’une véritable transition démocratique et vers la paix et la stabilité, ce qui permettrait d’enquêter plus efficacement sur les atrocités commises et d’enrayer la situation actuelle de violence et d’impunité.  Il s’est dit confiant qu’elles sauront consolider leur pouvoir et qu’elles coopéreront à l’avenir avec Mme Bensouda.  À cet égard, il a exhorté le Gouvernement d’entente nationale à déférer Saïf Al-Islam Qadhafi à la CPI et à assurer un procès équitable à Abdullah al-Senussi et aux autres individus soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, avant et pendant la guerre civile.  Enfin, M. Bermúdez s’est inquiété des abus commis contre les réfugiés et les migrants en Libye, y compris des actes de violence sexuelle et les crimes contre des enfants pendant leur détention « dans des conditions inhumaines ».

M. FODÉ SECK (Sénégal) a assuré la Procureure de la CPI du « soutien indéfectible du Sénégal, en tant qu’État partie au Statut de Rome, au mandat de la Cour qui est de lutter contre l’impunité, en Libye et partout dans le monde ».

Il a dit espérer que le Conseil de sécurité apportera un appui résolu à la Procureure dans ses enquêtes en ce qui concerne la Libye.  Le Sénégal est préoccupé en outre par les allégations de crimes perpétrés contre des migrants en Libye et la poursuite des hostilités entre les parties au conflit. 

Le délégué a ensuite salué les efforts du Bureau de la Procureure pour obtenir l’exécution des mandats d’arrêts lancés dans le cadre de la procédure contre Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli, bien que la situation sécuritaire instable limite le champ d’action en matière d’enquête à certaines parties du territoire libyen. 

Le Sénégal remercie par ailleurs INTERPOL pour sa contribution dans la conduite des enquêtes, notamment en matière de recherche de suspects. 

Pour le Sénégal, la paix et la sécurité en Libye vont de pair avec l’impératif de responsabilité et de justice pour les victimes.  C’est pour cette raison que la communauté internationale, le Conseil de sécurité et toutes les parties prenantes doivent conjuguer leurs efforts pour mettre en place un environnement sécuritaire stable, garantissant la liberté, la justice et le respect des droits de chacun en Libye. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a insisté sur l’instabilité de la situation en Libye et s’est dit préoccupé par les nombreuses violations des droits de l’homme dans ce pays.  Le représentant a plaidé pour une solution politique à la crise en Libye, en appelant les Libyens à assumer leurs responsabilités à cet effet.  Le délégué du Kazakhstan a néanmoins jugé indispensable un appui de la communauté internationale, en particulier de l’ONU. 

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a déclaré que le rétablissement d’une paix durable par les Libyens eux-mêmes était la seule solution à la situation actuelle en Libye. 

Il a ensuite considéré que la CPI continue d’agir de façon « sélective », en n’engageant par exemple aucune poursuite judiciaire à l’encontre des rebelles dans le pays, ni au sujet des frappes aériennes commises par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pendant le soulèvement de 2011 contre le régime Qadhafi, ni des agissements de Daech, puisque d’après lui, le rapport prendrait simplement note des attaques commises contre le tribunal de Misrata. 

Le représentant a également demandé des informations supplémentaires au sujet des liens entre le problème des migrants et la criminalité transnationale organisée en Libye. 

Pour sa délégation, le seul moyen de passer de la crise à l’unité reste le dialogue intralibyen le plus large possible, sous les auspices des Nations Unies, et avec la participation et le soutien des acteurs régionaux.

M. JUN HASEBE (Japon) a rappelé que le Japon est le plus grand contributeur financier de la CPI, ce qui témoigne de son soutien continu aux travaux de la Cour pour lui permettre de fonctionner efficacement et de promouvoir l’état de droit.  Dans la mesure où la Cour ne dispose pas de ses propres autorités policières, la coopération avec les États est essentielle pour le succès de sa mission, a précisé M. Hasebe. 

Dans ce contexte, il a salué la relation qui s’est mise en place entre le Bureau de la Procureure de la CPI et celui du Procureur général de la Libye.  Sa délégation espère que cette tendance positive se traduira par des résultats dans un proche avenir.

Le Japon suit de près les développements dans la suite donnée au mandat d’arrêt contre le Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli par la CPI.  Il regrette que Saïf Al-Islam Qadhafi ne soit pas encore remis à la Cour, en dépit des efforts en ce sens du Bureau de la Procureure.  Il encourage les autorités libyennes et la communauté internationale à pleinement coopérer avec la CPI, conformément aux résolutions 1970 (2011) et 2259 (2015).

Le Japon s’engage à soutenir la mise en œuvre du Plan d’action de M. Ghassan Salamé, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye.

Dans le même temps, il reste profondément préoccupé par la violence et l’insécurité en Libye, y compris par les violations graves des droits de l’homme commises par toutes les parties.

Se disant « vivement préoccupée » par la situation sécuritaire et humanitaire en Libye, Mme IRINA SCHOULGIN-NYONI (Suède) a salué les efforts du Bureau visant à demander de nouveaux mandats d’arrêt contre les responsables de violations et d’abus. 

Alors que la « volatilité et l’insécurité » persistent dans le pays, l’impunité ne peut être tolérée, a-t-elle ajouté.  Afin d’être en mesure de remplir son mandat, le Bureau de la Procureure doit pouvoir compter sur l’appui des autorités libyennes, des États parties et des États Membres des Nations Unies, a poursuivi la représentante, pour qui il est essentiel que le Conseil de sécurité agisse suite au renvoi de la situation en Libye devant la CPI. 

Rappelant la décision du Conseil de 2011 relative au renvoi de la situation Libyenne, elle s’est jointe à la Cour pour demander l’arrestation immédiate, par les autorités du pays, de Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli. 

Face aux abus et à la violence sexuels auxquels font face les migrants transitant par la Libye, elle a jugé important de rétablir la présence des Nations Unies dans ce pays. 

À cet égard, elle a dit partager le point de vue de la Procureure de la CPI voulant que les crimes commis contre les réfugiés et les migrants, tels que la traite des personnes, relèvent de la compétence de la Cour. 

M. CHENG LIE (Chine) a invité la communauté internationale à respecter la souveraineté et l’intégrité de la Libye.  Le délégué a ensuite appuyé le plan d’action du Représentant spécial, M. Ghassan Salamé, en vue de ramener la stabilité dans le pays.  Il faut œuvrer à la réconciliation en Libye, qui est une condition essentielle pour que justice soit rendue, a-t-il déclaré.  Le représentant de la Chine a ensuite plaidé pour un appui international à la Libye, avant d’indiquer, en conclusion, que la position de son pays s’agissant de la CPI était inchangée. 

M. LEULESEGED TADESE ABEBE (Éthiopie) s’est déclaré préoccupé par la violation continue des droits de l’homme par toutes les parties au conflit en Libye.  « La souffrance de tous les Libyens, y compris les groupes les plus vulnérables comme les femmes, les enfants, les migrants et les réfugiés, doit cesser », a-t-il martelé. 

À cet égard, l’Éthiopie appuie la position de l’Union africaine, à savoir qu’il faut combattre l’impunité tout en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale des États Membres.

Le représentant a souligné l’importance de protéger les civils et les infrastructures civiles, et de renforcer les institutions judiciaires et les forces de l’ordre libyennes en vue d’assurer l’état de droit. 

Il a appuyé les efforts diplomatiques du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Ghassan Salamé, et encouragé tous les Libyens à s’engager dans le processus politique sans exclusive défini dans le plan d’action des Nations Unies, récemment approuvé par le Conseil de sécurité. 

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a déploré le regain de combats dans certaines zones de la Libye comme Tripoli et Derma, avec de nombreuses victimes, y compris parmi les civils.  L’Ukraine appelle à une enquête complète et immédiate sur la découverte de 36 corps à al-Abyar, à quelque 70 kilomètres de Benghazi. 

L’Ukraine fait sien l’appel de la Procureure qui a invité toutes les parties au conflit à assurer le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en droite ligne des dispositions du Statut de Rome relatives à la responsabilité des commandants et de la hiérarchie de prévenir ou réprimer les crimes commis par leurs troupes. 

Le délégué a déploré les allégations de détention, torture, viols et mauvais traitements de migrants en Libye.  L’Ukraine est d’avis que la collecte d’information sur ces cas, par le Bureau de la Procureure, pourrait avoir un effet de prévention de ces crimes et sur la traite des êtres humains en Libye. 

De manière générale, l’Ukraine estime que les conditions sécuritaires et politiques difficiles ne doivent en aucun cas servir de prétexte permanent par des États pour justifier leur non-coopération avec la CPI.  Surtout pas en ce qui concerne des dossiers qui ont été transmis à la Cour par le Conseil de sécurité. 

Prenant exemple sur son pays, dont la situation fait l’objet d’un examen préliminaire à la CPI, le délégué a plaidé pour la pleine coopération de tous les États parties au Statut de Rome, et ceux qui ne le sont pas, dont des membres du Conseil de sécurité, ainsi que d’organisations régionales et internationales concernées. 

En ce qui concerne la Libye, le représentant a déploré le fait que les parties libyennes ayant autorité et contrôle sur les suspects ne semblent pas vouloir les transférer à la CPI.  L’Ukraine a dit attendre des autorités libyennes qu’elles respectent leurs obligations légales en facilitant le transfert des suspects à la Cour.

L’application efficace de la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité dépend de la collaboration de tous les acteurs qui se trouvent sur le territoire libyen, a déclaré M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie). 

Il a donc appelé le Gouvernement d’entente nationale, les parties concernées et les pays de la région à collaborer pour permettre à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) de mener à bien ses enquêtes.  Il incombe au premier chef aux États, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome, d’agir et de faciliter les travaux de la Procureure. 

Après avoir pris note du dernier rapport de Mme Bensouda, le représentant s’est dit préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires, d’assassinats et de détentions arbitraires.  Il a rappelé que tous les actes contraires au droit international peuvent faire l’objet d’une enquête en vue d’identifier leurs auteurs. 

S’agissant du cas al-Werfalli, il a demandé au Gouvernement d’entente nationale et aux parties concernées d’œuvrer avec le Bureau de la Procureure.  Il s’est en outre inquiété du recours à la violence sexuelle et aux brimades comme tactique de guerre entre les parties et contre des civils innocents, ainsi que de la violation des droits des migrants aux mains de trafiquants. 

Enfin, M. Llorentty Solíz a estimé qu’il fallait rapidement faire la lumière sur les allégations d’ingérence dans les enquêtes en cours en Libye liées à l’ancien Procureur de la CPI Luis Moreno Ocampo.  « L’intégrité de la Cour est essentielle pour garantir sa crédibilité et son efficacité face à la communauté internationale », a-t-il conclu.    

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) s’est dit conscient de la tâche délicate qui est celle du Bureau de la Procureure en Libye.  Il lui a apporté son plein appui et s’est félicité de la priorité qu’il accorde aux crimes commis en Libye. 

« Nous ne pouvons tolérer l’impunité pour ces crimes », a-t-il déclaré, avant de demander l’exécution des mandats d’arrêt délivrés par la Cour.  Il a ensuite rappelé le rôle complémentaire de la Cour aux juridictions nationales.  Mais ces dernières doivent lancer des enquêtes et les mener, a-t-il dit. 

M. Cardi a souligné l’importance de prendre en compte la position de la Cour lorsque celle-ci détermine qu’une affaire ne peut être traitée au niveau national. 

M. Cardi a ensuite noté la bonne coopération du Bureau du Procureur et de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). 

Le délégué s’est dit préoccupé par les conditions de détention des migrants en Libye, avant d’appeler de ses vœux l’établissement de conditions propices à la venue de la Procureure en Libye. 

Enfin, M. Cardi a invité le Conseil à adopter une approche plus structurée s’agissant des questions de justice internationale. 

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a assuré que les autorités de son pays étaient conscientes de la nécessité de rendre la justice pour les crimes graves qui ont été commis en Libye.  À cet égard, « la CPI est un partenaire important dans le cadre de la complémentarité de nos deux juridictions », a-t-il dit, en citant l’adoption de certaines mesures importantes pour promouvoir la coopération.  Il a blâmé l’insécurité qui règne dans le pays pour expliquer les retards pris dans les enquêtes sur les suspects.  Pour que le système de justice nationale fonctionne, la Cour doit nous aider, a-t-il plaidé.  Se disant conscient des allégations de crimes commis contre des migrants, le représentant les a mises sur le compte du « chaos sécuritaire », de la hausse du nombre d’armes en circulation et des agissements des milices.  Alors que le rapport examiné met l’accent sur les crimes contre les migrants, le représentant a espéré que les futurs rapports continueront de mentionner les efforts déployés par les autorités libyennes pour venir à about des réseaux de criminalité organisée qui sévissent dans le pays.  En conclusion, M. Elmajerbi a insisté sur le fait que les enquêtes en Libye permettraient de promouvoir la justice et la lutte contre l’impunité, dans la mesure « où c’est là que les crimes ont été commis ».  Il a rejeté les déclarations d’un membre du Conseil, selon lequel il existerait un lien dans son pays entre islam et terrorisme. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.