Conseil de sécurité: selon le Chef du Mécanisme d’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques, la Syrie est responsable de l’attaque de Khan Cheïkhoun
Le Chef du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU), M. Edmond Mulet, a indiqué, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que son Mécanisme avait pu reconstituer le « puzzle complexe » de l’attaque à l’arme chimique qui avait frappé la localité syrienne de Khan Cheïkhoun le 4 avril 2017.
Même si « certaines pièces sont manquantes », le Mécanisme est convaincu que la Syrie est responsable de l’utilisation de sarin à Khan Cheïkhoun, a-t-il affirmé, appuyé par les délégués de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Le représentant de la Russie a, lui, démonté point par point les conclusions de ce rapport très technique qui, selon lui, « ne tient pas la route ».
M. Mulet présentait le septième rapport* du Mécanisme d’enquête conjoint. Créé par le Conseil le 7 août 2015, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU est « chargé d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou d’autres produits toxiques ».
M. Mulet a insisté sur les principes d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance qui ont guidé son travail. Le Mécanisme, qui repose sur la coopération volontaire des témoins, a croisé les témoignages afin de s’assurer de la crédibilité des informations, a-t-il dit. M. Mulet a néanmoins admis que le Mécanisme n’avait pas pu se rendre sur les sites des deux attaques examinées par le rapport, Khan Cheïkhoun et Oum Haouch.
« Daech est responsable de l’utilisation d’ypérite à Oum Haouch, les 15 et 16 septembre 2016 », a déclaré M. Mulet. Il s’agit de la deuxième attaque à l’arme chimique attribuée par le Mécanisme à Daech. Le Chef du Mécanisme a ensuite détaillé les éléments de preuve avancés par le Mécanisme pour déterminer la responsabilité de la Syrie dans l’attaque de Khan Cheïkhoun.
Un aéronef de la Syrie était dans le voisinage immédiat de Khan Cheïkhoun entre 6 h 30 heures et 7 heures, le 4 avril 2017, comme l’ont montré les informations fournies par la Syrie elle-même, a-t-il affirmé. M. Mulet a précisé que le cratère d’où le sarin s’est dégagé s’était formé le matin du 4 avril 2017 et qu’il était « le résultat de l’impact au sol d’une bombe aérienne arrivée à grande vitesse ».
M. Mulet a, en outre, déclaré que le sarin relevé dans les échantillons prélevés à Khan Cheïkhoun avait été, « selon toute probabilité », fabriqué à l’aide d’un précurseur chimique du stock initial de la Syrie. Parmi les pièces manquantes, M. Mulet a mentionné que le Mécanisme n’avait pas pu déterminer le type d’aéronef utilisé, ni établir avec certitude que l’avion ayant largué la bombe avait décollé de la base de Chaaeïrat. M. Mulet a néanmoins tenu à souligner la solidité des conclusions du Mécanisme et exclu que l’attaque de Khan Cheïkhoun ait pu être mise en scène.
De son côté, Mme Izumi Nakamitsu, Secrétaire générale adjointe et Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, a fait le point sur la mise en œuvre** de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité sur l’élimination du programme d’armes chimiques en Syrie. « Il est enfin possible d’accéder aux deux dernières installations de fabrication d’armes chimiques sur les 27 déclarées par le Gouvernement syrien, dont 25 ont été détruites », a-t-elle dit, avant d’appeler à traduire en justice les auteurs de l’utilisation d’armes chimiques.
Si le rapport du Mécanisme a été salué par les délégations des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France pour son impartialité et son professionnalisme, il a été vigoureusement dénoncé par leur homologue de la Fédération de Russie pour son grand nombre de formules hypothétiques telles que « sans doute », « probablement » ou encore « on peut supposer ».
« M. Mulet, pensez-vous que cette terminologie est acceptable pour une question aussi grave? N’auriez-vous pas pu simplement dire que le Mécanisme n’était pas en mesure de mener une enquête? » a lancé le délégué russe, appuyé par son homologue de la Syrie. Il a notamment avancé que le cratère avait été bétonné afin de « brouiller les pistes », avant de contester que les marqueurs chimiques permettent de retracer l’origine du sarin dans les stocks syriens.
Ces substances chimiques peuvent être fabriquées par qui que ce soit dans le but de compromettre la Syrie, a-t-il noté. Le délégué russe a retracé le scénario de cette attaque. « Il y a eu une explosion de munition au sol, les Casques blancs ont commencé de tourner leurs vidéos, avant de mettre du sarin dans le cratère », a-t-il décrit. Les Casques blancs, qui ont des accointances avec les groupes terroristes, ont parlé d’une attaque chimique avant même qu’un avion n’ait décollé de la base, a-t-il argumenté.
Le délégué syrien a, lui, dénoncé que certains éléments de preuve et témoignages ont été fournis au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU par le groupe terroriste d’El-Nosra, dont la localité de Khan Cheïkhoun était aux mains. « Comment le Mécanisme peut-il être convaincu que ces preuves n’ont pas été manipulées », a-t-il demandé, accusant le Mécanisme de considérer ce groupe terroriste comme étant plus crédible que le régime syrien.
Les délégations ont enfin été nombreuses à demander le renouvellement du mandat du Mécanisme, qui expire le 17 novembre prochain. Le délégué de la Fédération de Russie, pays qui s’était opposé à ce renouvellement le 24 octobre dernier, s’est également dit en faveur d’une telle prorogation pour autant que l’efficacité du Mécanisme soit renforcée. « La Russie a fait circuler un projet de résolution allant en ce sens. »
Évoquant ce projet russe, le délégué du Royaume-Uni a accusé la Russie de « chercher à tirer sur le messager » pour protéger les crimes syriens. « Un jour, vous serez tenu pour responsable de vos actes devant le droit international », a-t-il averti. De son côté, le représentant de l’Italie a estimé que le projet de résolution que la délégation des États-Unis a fait circuler constituait une bonne base de départ.
* S/2017/904
** S/2017/916
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Lettre datée du 26 octobre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/904)
Lettre datée du 25 octobre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/905)
Lettre datée du 30 octobre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/916)
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, a fait le point sur la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité sur l’élimination du programme d’armes chimiques en République arabe syrienne. Elle a précisé qu’elle était restée en contact permanent avec le Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et qu’elle avait reçu une mise à jour écrite de la Mission permanente de la Syrie.
Concernant les progrès dans l’application de la résolution 2118, elle a salué un développement nouveau: il est enfin possible d’accéder aux deux dernières installations de fabrication d’armes chimiques sur les 27 déclarées par le Gouvernement syrien, dont 25 ont été détruites. L’OIAC est en train de visiter ces deux installations fixes pour pouvoir confirmer leurs conditions. Il s’agit de la première étape du processus de vérification de l’OIAC en vue de leur destruction, a précisé la Haut-Représentante.
Toutefois, les autres questions en souffrance n’ont pas disparu et cela en dépit de la quatrième série de consultations de haut niveau qui a eu lieu à La Haye en septembre, a-t-elle constaté. Comme l’a dit le Directeur général de l’OIAC, ni les informations reçues lors de ces consultations, ni celles transmises depuis par le Gouvernement syrien n’ont permis de combler les lacunes ou de dissiper les incohérences dans la déclaration faite par la Syrie et les amendements qui ont suivi.
Les efforts entrepris pour répondre à ces questions ont également échoué à cause d’un manque d’accès et de dialogue avec les hauts responsables qui connaissent le dossier des armes chimiques en Syrie, a poursuivi Mme Nakamitsu. Même si le fait que le Gouvernement syrien ait déclaré des laboratoires supplémentaires représente un pas dans la bonne direction, la déclaration reste incomplète selon l’OIAC, a-t-elle expliqué.
La Haut-Représentante a rappelé que le 2 novembre, la Mission d’établissement des faits de l’OIAC a soumis un rapport sur l’incident d’utilisation d’armes chimiques qui aurait eu lieu le 20 mars 2017 à Latamné. Le mois dernier, le responsable de cette mission a informé que les échantillons environnementaux qui lui avaient été fournis, et qui seraient connectés à cet incident, montraient la présence de sarin. Si la Mission n’a pas pu confirmer l’utilisation d’armes chimiques dans ce cas, elle a pu confirmer la présence de sarin sur le site où l’incident aurait eu lieu. Elle poursuit ses travaux en se penchant sur d’autres allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie.
Les dernières découvertes de la Mission d’établissement des faits sont alarmantes, a estimé Mme Nakamitsu, qui a également rappelé que le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU prend fin le 16 novembre. Alors que les allégations faisant état d’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’ont pas cessé, il est essentiel, à son avis, de pouvoir identifier les responsables de l’utilisation de ces armes chimiques et de les traduire en justice. Par conséquent, elle a espéré pouvoir compter sur l’unité du Conseil de sécurité pour éviter que l’impunité ne prévale dans l’utilisation de « ces armes épouvantables ».
M. EDMOND MULET, Chef du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations Unies, a rappelé que le Mécanisme n’était pas un organe judiciaire mais un mécanisme d’enquête. Il a rappelé les deux conclusions du rapport: Daech est responsable de l’utilisation d’ypérite à Oum Haouch les 15 et 16 septembre 2016, tandis que la Syrie est responsable de l’utilisation de sarin à Khan Cheïkhoun le 4 avril 2017.
M. Mulet a indiqué que le Mécanisme s’acquittait de son mandat en respectant les principes d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance. Il conserve les méthodes de travail présentées dans ses précédents rapports, a-t-il noté. Il a précisé que pour l’incident de Khan Cheïkhoun, le Mécanisme avait étudié huit scenarii possibles, et quatre pour l’incident d’Oum Haouch. Douze États Membres ont fourni des informations, y compris la Syrie, a-t-il noté, ajoutant que le Mécanisme avait entendu plus de 30 témoins et visionné 1 284 vidéos et 2 247 photographies.
M. Mulet a souligné l’engagement constructif de la Syrie avec le Mécanisme, avant de mentionner les objectifs de la visite du Mécanisme sur la base de Chaaeïrat. Le Mécanisme a notamment souhaité vérifier l’authenticité des plans de vols d’aéronef le 4 avril 2017 et photographier les types de bombes utilisées et la manière dont elles sont fixées aux aéronefs. Il a rappelé que le Mécanisme n’avait pas pu se rendre sur les deux sites. Il était trop dangereux de se rendre à Khan Cheïkhoun qui est aux mains de l’organisation terroriste El-Nosra, a-t-il déclaré. Malgré cela, le Mécanisme a amassé suffisamment d’informations crédibles pour parvenir à une conclusion solide dans les deux cas, a poursuivi M. Mulet.
Pour l’attaque d’Oum Haouch, le Mécanisme a entendu des victimes, des journalistes présents après l’attaque, les médecins ayant porté secours aux victimes, tandis que pour l’incident de Khan Cheïkhoun, le Mécanisme a entendu des résidents, le personnel de la base de Chaaeïrat, les médecins ayant porté les premiers secours et les commandants de groupes armés non étatiques. M. Mulet a précisé que le Mécanisme avait reçu les analyses d’experts reconnus et bénéficié de l’appui de laboratoires de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont il a souligné l’indépendance.
Pour Khan Cheïkhoun, le Mécanisme a conduit une analyse approfondie en laboratoire de la composition chimique du sarin afin de déterminer s’il pouvait être lié aux stocks de la Syrie, a déclaré M. Mulet. Selon cette étude, cela est le cas, a-t-il poursuivi, en ajoutant que le précurseur chimique du sarin était appelé « DF ». Il a rappelé que le Mécanisme n’avait pas de pouvoirs coercitifs et reposait sur la coopération volontaire des témoins. Le Mécanisme a croisé les témoignages afin de s’assurer de la crédibilité des informations et attentivement examiné s’il existait des facteurs susceptibles d’affecter cette crédibilité, à savoir si ces informations découlaient de témoignages de première main ou de rumeurs, a-t-il noté.
Il a ensuite livré les résultats du Mécanisme pour l’incident Oum Haouch, au cours duquel deux femmes avaient été exposées à l’ypérite. Les dégâts observés sur la maison d’une des victimes indiquent que l’obus de mortier qui les a causés a été tiré depuis un lieu situé au sud-est du village, tandis que Daech s’opposait aux Forces démocratiques syriennes dans des combats aux abords d’Oum Haouch. Au vu de ce qui suit, le Mécanisme est convaincu que Daech est responsable de cette attaque, a affirmé M. Mulet.
En ce qui concerne l’attaque de Khan Cheïkhoun, M. Mulet a indiqué que le Mécanisme avait examiné rigoureusement les scenarii possibles. Si le Mécanisme ne peut écarter le fait que le cratère aurait pu être causé par autre chose que par une bombe larguée par voie aérienne, le Mécanisme n’a trouvé aucun élément permettant de penser que l’attaque ait pu être fabriquée, a-t-il déclaré. Il a mentionné le soin avec lequel le Mécanisme avait reconstitué le « puzzle complexe » de cette attaque, certaines pièces étant manquantes. Par exemple, il n’a pas pu établir avec certitude que l’avion ayant largué la bombe ait décollé de la base de Chaaeïrat, pas plus qu’il n’a pas pu déterminer le type d’aéronef utilisé. Les éléments suivants ont néanmoins pu être identifiés:
a) Un aéronef a largué une bombe au-dessus de Khan Cheïkhoun entre 6 h 30 et 7 heures le 4 avril 2017;
b) Un aéronef de la Syrie était dans le voisinage immédiat de Khan Cheïkhoun entre 6 h 30 et 7 heures le 4 avril 2017, comme l’ont montré les informations fournies par la Syrie elle-même;
c) Le cratère d’où le sarin s’est dégagé s’est formé le matin du 4 avril 2017;
d) Le cratère est le résultat de l’impact au sol d’une bombe aérienne arrivée à grande vitesse;
f) Compte tenu du nombre de personnes touchées par l’utilisation de sarin le 4 avril 2017 et du fait que 10 jours après les faits, des traces de sarin étaient encore présentes sur le site du cratère, il y a tout lieu de penser qu’une grande quantité de sarin a été utilisée, ce qui cadre avec la théorie selon laquelle il a été diffusé à l’aide d’une bombe chimique aérolarguée.
L’étude précitée a révélé que, selon toute probabilité, le sarin relevé dans les échantillons prélevés à Khan Cheïkhoun avait été fabriqué à l’aide du précurseur DF du stock initial de la Syrie, a ajouté M. Mulet.
Au vu de ce qui précède, le Mécanisme est convaincu que la Syrie est responsable de l’utilisation de sarin à Khan Cheïkhoun le 4 avril 2017. Le Chef du Mécanisme a rappelé qu’un avion était dans les airs à ce moment-là, qu’un cratère avait été causé, que celui-ci était le résultat de l’impact au sol d’une bombe aérienne et que le sarin utilisé avait des marqueurs uniques correspondant à ceux des stocks syriens.
Estimant que le Mécanisme s’était acquitté de son mandat, son Chef a déclaré que le Conseil devait maintenant envisager la prochaine étape, en ayant à l’esprit les victimes de ces odieuses attaques. Le Conseil a un rôle unique à jouer pour débarrasser le monde des armes chimiques, a-t-il assuré. L’impunité ne peut l’emporter, a-t-il dit, ajoutant néanmoins qu’il comprenait les enjeux politiques autour de la situation en Syrie. Enfin, M. Mulet a affirmé qu’il avait reçu aujourd’hui l’identification par l’OIAC d’une utilisation du gaz sarin à Latamné en Syrie.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a complimenté M. Edmond Mulet, le Chef du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU créé par le Conseil de sécurité, qui, selon elle, « est à l’image de ce mécanisme, à savoir expérimenté, professionnel et indépendant ». Rappelant que la délégation russe avait demandé que l’on reporte la prorogation du mandat du Mécanisme après la publication de son rapport, elle a souligné que ce rapport est désormais paru et qu’il établit à la fois la responsabilité du régime de Bashar Al-Assad à Khan Cheïkhoun et celle de l’État islamique à Oum Haouch. Elle a insisté sur le professionnalisme et l’impartialité de ce rapport dont elle salue la transparence.
La représentante a expliqué qu’elle avait travaillé avec son homologue russe pour essayer de prendre en compte les préoccupations de la Russie en vue de trouver un terrain d’entente. « Il est possible d’y arriver en toute bonne foi », a-t-elle affirmé. Toutefois, on ne peut pas empêcher que le Gouvernement syrien fasse l’objet d’enquêtes et « la Russie doit l’accepter ». À ce stade, sa délégation a l’intention de soumettre un projet de résolution et regrette que la délégation russe insiste sur un libellé inacceptable à ses yeux.
« L’équipe d’enquêteurs a fait son travail. À présent, c’est à notre tour de le faire », a déclaré la représentante, ajoutant qu’il s’agissait de protéger la population syrienne. Le Conseil de sécurité a mis en place des outils à cette fin, notamment le Mécanisme d’enquête conjoint dont il faut proroger le mandat pour garantir la continuité des opérations, a-t-elle poursuivi. On ne peut se permettre aucune perte de temps, selon elle, alors qu’il existe de nouvelles preuves de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, comme l’indique la Mission d’établissement des faits de l’OIAC.
Le Mécanisme d’enquête conjoint est la meilleure garantie pour qu’aucune partie ne puisse utiliser les armes chimiques sans être tenue pour responsable de tels actes, a conclu Mme Haley avant d’appeler le Conseil de sécurité à agir immédiatement pour proroger son mandat.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a accueilli avec bienveillance le dernier rapport du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, qui a présenté des conclusions claires à propos des auteurs de deux attaques chimiques en Syrie. « Nous sommes conscients des grandes difficultés rencontrées par le Mécanisme lors de son travail de recherche, eu égard aux questions politiques sensibles et aux efforts de certains pour défendre ceux qui sont responsables d’avoir organisé ces horribles crimes », a-t-il déclaré.
Vingt ans après son entrée en vigueur, la Convention sur les armes chimiques a grandement participé au renforcement de la paix et de la sécurité internationales, a rappelé le représentant. Il y a eu par le passé un large consensus international sur l’utilisation des armes chimiques, qui voulait qu’elles ne puissent être tolérées quelles que soient les circonstances. Las, ce n’est plus le cas, a-t-il déploré. Selon lui, l’impunité en la matière sape la crédibilité du Conseil de sécurité, qui a pourtant à sa disposition les instruments nécessaires pour répondre de façon décisive à de tels crimes. Les risques d’une inaction du Conseil sont très élevés et peuvent avoir des conséquences qui iront au-delà de la Syrie, a-t-il averti.
Les défenseurs des auteurs de ces crimes utilisent la manipulation de faits clairement établis et tentent de discréditer des structures indépendantes internationales, en créant des obstacles purement artificiels, a poursuivi M. Yelchenko. Pire, l’incapacité du Conseil à répondre à l’utilisation d’armes chimiques aggrave la situation sur le terrain, qui reste périlleuse. La possession d’armes chimiques par l’État islamique a été reconnue et a déjà servi à de nombreuses occasions.
Ensuite, le Gouvernement syrien n’a jusqu’à présent fourni aucune explication crédible sur son programme d’armes chimiques, a regretté le représentant, ce qui est une violation de la Convention ainsi que des résolutions 2118 et 2235 du Conseil de sécurité. Enfin, il y a de nombreuses allégations de possession illégale et d’utilisation de substances chimiques en Syrie. La question de la responsabilité de ceux qui sont les auteurs avérés de l’utilisation d’armes chimiques étant d’une importance vitale pour la communauté internationale, il a soutenu le projet de résolution pertinent du Conseil de sécurité, « un document de compromis et équilibré ».
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) est revenu sur le rapport du Mécanisme d’enquête conjoint en Syrie remis, il y a quelques jours, au Conseil de sécurité et dont les conclusions pointent « la responsabilité du régime syrien dans les attaques chimiques à Khan Cheïkhoun, en avril 2017, et de Daech à Oum Haouch, en septembre 2016 ». Selon lui, « les faits sont clairs et sans ambiguïté » et concordent avec l’évaluation de la France, publiée en avril dernier, sur l’incident de Khan Cheïkhoun.
Qualifiant les faits d’extrêmement graves, le délégué a tenu à saluer le travail sérieux mené par le Mécanisme ainsi que son rapport de grande qualité. Balayant les interrogations, il a rappelé que « cela fait quatre ans que des mécanismes d’enquête indépendants convergent vers les mêmes conclusions » et que la Syrie et l’État islamique ont déjà été impliqués par le Mécanisme dans des attaques par le passé. Au vu des informations provenant de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), le délégué n’a pu que constater que le régime de Damas ne s’est pas conformé à ses obligations internationales. Estimant que le Gouvernement syrien a, dans le meilleur des cas, menti sur la nature de ses stocks, et, dans le pire des cas, continué son programme chimique, il a souligné son « cynisme » et sa « duplicité ».
S’il a appelé à punir les coupables de ces actes, M. Delattre a cependant précisé que l’enjeu dépasse le cadre syrien. « L’usage d’armes chimiques en Syrie n’est pas seulement une abomination morale, a-t-il déploré. Leur emploi resté impuni et quasi ignoré n’est, ni plus ni moins, qu’un blanc-seing à la réémergence, à la multiplication et à l’emploi de ces armes ailleurs. » Il a vu un risque de fragilisation du régime de non-prolifération et « le terreau potentiel du terrorisme chimique ». C’est pour cette raison qu’il a insisté pour que le Mécanisme demeure indépendant et qu’il ne devienne pas « l’otage des querelles politiques ».
Résolu à lutter contre l’impunité et à démanteler intégralement le programme chimique syrien, le représentant français a exhorté ses collègues du Conseil de sécurité à appuyer la résolution des États-Unis pour renouveler le mandat du Mécanisme et lui permettre de poursuivre ses activités sans préconditions ni ingérence. « L’heure ne doit pas être aux contingences politiques, aux calculs tactiques et aux intérêts particuliers », a-t-il conclu.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a déploré le chaos en Syrie et condamné l’emploi d’armes chimiques dans ce pays. La menace la plus urgente est la prolifération d’armes chimiques au Moyen-Orient et leur utilisation par des entités non étatiques, a-t-il dit. Il a pris note du rapport du Mécanisme d’enquête conjoint et des multiples scenarii envisagés par le Mécanisme.
Le délégué a noté que le Mécanisme n’avait pas pu se rendre sur les sites des attaques, notamment à Khan Cheïkhoun, en raison du danger d’une telle visite. Au vu de ces conditions, il a loué le travail du Mécanisme. Enfin, il a exhorté le Conseil à renouer avec le consensus sur le dossier syrien.
Pour M. KORO BESSHO (Japon), l’usage d’armes chimiques est inacceptable quelles que soient les circonstances. Il a rappelé que 25 des 27 sites de production d’armes chimiques ont été détruits dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2118, appelant à la poursuite du processus de destruction et de vérification pour les deux sites restants. Il a noté les conclusions de la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement quant à « la coopération insuffisante » du Gouvernement syrien. Rappelant ses obligations comme État partie à la Convention sur les armes chimiques et la nécessité de renforcer le régime de non-prolifération des armes de destruction massive, le représentant a appelé le Gouvernement syrien à collaborer « de manière constructive » avec l’OIAC.
Rappelant ensuite la création du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU en 2015, M. Bessho a souligné que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC n’avait pas pour mandat d’attribuer la responsabilité de l’usage d’armes chimiques. S’alignant sur le septième rapport du Mécanisme présenté par M. Edmond Mulet qui a identifié dans toute la mesure du possible la Syrie et Daech comme les responsables, il a réitéré sa confiance « dans l’expertise, l’impartialité et le professionnalisme du Mécanisme ».
Trois tâches attendent le Conseil de sécurité, a résumé le représentant: continuer de confirmer la destruction et la vérification des sites d’armes chimiques; prévenir un nouvel usage de ces armes; combattre l’impunité en s’assurant de la détermination des responsabilités. Le Mécanisme est selon lui d’une importance vitale pour accomplir ces tâches, en particulier les deux dernières. « La triste réalité de l’usage des armes chimiques en Syrie continue, comme le montre le rapport de la Mission d’établissement des faits sur l’usage de sarin à Latamné, en mars. Jusqu’à ce que tous les responsables soient identifiés, le travail du Mécanisme doit se poursuivre », a-t-il conclu.
Pour M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan), la question de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie reste l’une des questions les plus pressantes à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. La position de sa délégation reste inchangée: elle est opposée à l’utilisation de toute arme de destruction massive quelles que soient les circonstances et quels qu’en soient les auteurs. Toute confrontation sur le dossier des armes chimiques en Syrie entrave la paix dans le pays et dans la région. Il faut, par conséquent, que la communauté internationale condamne les utilisations d’armes chimiques comme le gaz sarin et autres substances qui ont été prouvées à la fois par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et par la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, a-t-il ajouté.
Jusque-là, la communauté internationale n’a pas été capable de prendre des mesures de prévention efficaces, a déploré le représentant qui estime qu’il faut renforcer le potentiel du Mécanisme d’enquête conjoint à travers une méthodologie solide et de bonnes procédures. Si le Kazakhstan appuie le renouvellement de son mandat, il demande néanmoins des précisions sur certains éléments présentés dans le rapport du Mécanisme, tout en saluant le fait que ce dernier ne cherche pas à voiler les incohérences qui existent.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a réitéré sa condamnation des attaques à l’arme chimique dans le conflit syrien et réaffirmé que les responsables de ces crimes aberrants doivent être traduits en justice. C’est pourquoi il a exhorté les autorités syriennes à coopérer avec l’OIAC en vue d’éclaircir, une fois pour toutes, les omissions et les contradictions de la déclaration initiale de la Syrie. Il a confiance qu’il sera possible, dans les prochains jours, de trouver un accord satisfaisant pour tous, afin de renouveler pour au moins un an le mandat du Mécanisme, sachant qu’il y a des dizaines de cas sur lesquels il faut encore enquêter.
Relevant en outre que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC avait mis en lumière un nouveau cas confirmé d’usage d’armes chimiques (gaz sarin) à Latamné, datant du 30 mars 2017, il a conclu qu’il y aurait au moins un cas sur lequel le Mécanisme devrait enquêter au cours des prochains mois. M. Rosselli a saisi cette occasion pour souligner combien le Mécanisme était un outil efficace.
Concernant le septième rapport du Mécanisme, le délégué a appelé les membres du Conseil de sécurité à prendre des mesures qui devront se traduire en sanctions pour les responsables identifiés par ce rapport, que ce soit les autorités syriennes comme le groupe terroriste de l’État islamique. Il faut éviter que se répète l’échec du Conseil qui, après les troisième et quatrième rapports parus en 2016, fut incapable d’atteindre un consensus, un grave manquement envers le peuple syrien et le droit international humanitaire, selon lui.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a condamné l’emploi d’armes chimiques, « où que ce soit, par qui que ce soit ». Il a dénoncé les lacunes systématiques entachant le travail des entités internationales chargées d’enquêter sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. La Mission d’établissement des faits de l’OIAC n’a pas collecté d’éléments de preuve directement sur les lieux des faits et a travaillé à distance, a-t-il dit, en soulignant la piètre qualité de son travail. Les échantillons ont pu être prélevés par des États tiers et il n’est pas sûr qu’ils aient été prélevés à Khan Cheïkhoun, a-t-il dit. Évoquant la dangerosité d’une visite à Khan Cheïkhoun, le délégué a indiqué que plusieurs experts avaient pu se rendre sur place sans difficultés au lendemain de l’attaque. Les experts de l’OIAC ne s’y sont pas rendus pour des raisons inconnues, a-t-il dénoncé. « Imaginez la situation suivante: une affaire est examinée par la justice mais les enquêteurs ne se sont pas rendus sur les lieux du crime, cela n’a aucun sens. »
Le représentant a indiqué que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC n’avait pas collecté des éléments de preuve irréfragables et s’était basée sur les témoignages de membres de l’opposition syrienne et des Casques blancs, lesquels ont des accointances avec les terroristes. « Cela est de mauvais goût. » Il s’est aussi étonné qu’une visite de la Mission n’ait pas eu lieu sur la base de Chaaeïrat, malgré les garanties fournies par Damas, avant de dénoncer l’acte d’agression commis contre la Syrie le 7 avril.
Le Mécanisme ne s’est pas rendu à Khan Cheïkhoun, or, une telle visite aurait été indispensable pour identifier s’il y avait bien du sarin, a-t-il affirmé. « Le rapport du Mécanisme ne tient pas la route et regorge de termes comme « probablement », « on peut supposer », « sans doute », a continué le délégué. « M. Mulet, pensez-vous que cette terminologie est acceptable pour une question aussi grave? N’auriez-vous pas pu simplement dire que le Mécanisme n’était pas en mesure de mener une enquête? »
M. Safronkov a ensuite mentionné l’enquête russe menée sur l’attaque à Khan Cheïkhoun. Il a affirmé que les preuves manquaient pour prouver qu’il y avait eu largage d’une bombe par voie aérienne et pour identifier le vecteur du sarin. Il a également discuté de la trajectoire de l’avion mentionnée par le rapport, trajectoire qui ne correspond pas à celle que l’avion aurait dû épouser s’il avait bien largué une bombe. Aucun témoin n’a vu un tel avion de combat au-dessus de la ville ce jour-là, a-t-il affirmé. Il s’est étonné que la Russie n’ait pas été consultée, alors que l’avion en question a été fabriqué dans ce pays. Le Mécanisme avait sa version et a décidé que c’était la bonne, a-t-il dénoncé. Le délégué a ensuite avancé des arguments techniques pour démonter point par point le rapport du Mécanisme. « M. Mulet, pourquoi n’y avait-il pas de double canal dans le cratère alors que cela est inévitable pour une bombe? » Il a avancé que le cratère avait également été bétonné afin de « brouiller les pistes ». Il a également contesté que les marqueurs chimiques permettent de retracer l’origine du sarin dans les stocks syriens. Ces substances chimiques peuvent être fabriquées par qui que ce soit dans le but de compromettre la Syrie, a-t-il noté, en regrettant qu’une fabrication artisanale du sarin n’ait pas été envisagée.
Le délégué a retracé le scénario de cette attaque. « Il y a eu une explosion de munition au sol, les Casques blancs ont commencé de tourner leurs vidéos, avant de mettre du sarin dans le cratère », a-t-il décrit. « Les Casques blancs ont parlé d’une attaque chimique avant même qu’un avion n’ait décollé de la base. » Évoquant les photos d’enfants aux pupilles rétractées brandies au Conseil par la déléguée américaine en avril dernier, il a indiqué que 57 victimes étaient arrivées dans les hôpitaux avant que l’incident n’ait eu lieu. Le Mécanisme a ignoré cela en prenant la seule version d’une bombe larguée par voie aérienne, a-t-il dit. Il a ajouté que son pays ne remettait pas en cause l’autorité du Mécanisme et souhaitait renouveler son mandat. « Nous voulons néanmoins renforcer son efficacité, c’est pourquoi la Russie a fait circuler un projet de résolution allant en ce sens », a-t-il affirmé, en invitant le Conseil à le considérer favorablement. Tel qu’il est, ce mécanisme est un grand pas en arrière, a conclu le délégué russe.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a remercié le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU pour son travail impartial et objectif avant de soutenir ses conclusions, à savoir que la Syrie a utilisé des armes chimiques contre sa propre population. Le Royaume-Uni condamne l’utilisation de ce type d’armes à la fois par le Gouvernement syrien et par Daech. Ce nouveau rapport d’un groupe d’experts mandatés par le Conseil de sécurité établit ces faits, a-t-il martelé. Pour sa délégation, le Mécanisme a fait scrupuleusement le travail qui lui a été confié et aujourd’hui le Conseil de sécurité doit parler d’une seule voix pour condamner ces actes.
Reprochant à la Fédération de Russie de continuer de nier ce qui s’est produit en avançant une série d’hypothèses et d’affirmations « contradictoires », le représentant l’a accusée d’empêcher le Conseil d’exiger des comptes du régime de Bashar Al-Assad. Pour sa délégation, les conclusions auxquelles est parvenu le Mécanisme dans le cas de l’attaque de Khan Cheïkhoun sont claires.
M. Allen a appelé les membres du Conseil à appuyer le Mécanisme d’enquête conjoint. Il a encore accusé la Russie de « chercher à tirer sur le messager » pour protéger les crimes syriens. « Un jour, vous serez tenu pour responsable de vos actes devant le droit international et vos victimes obtiendront enfin justice », a-t-il lancé à la délégation syrienne.
M. WU HAITAO (Chine) a réaffirmé la position de la Chine à savoir qu’elle s’oppose à l’utilisation d’armes chimiques en toutes circonstances. Il a condamné l’emploi de ces armes en Syrie et a réitéré son appui à l’OIAC et au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU tout en estimant que leurs enquêtes doivent reposer sur des preuves claires et irréfutables. À cet égard, il a noté le temps qui s’est écoulé entre les attaques de Khan Cheïkhoun et d’Oum Haouch et le début des enquêtes ainsi que le fait que le Mécanisme avait décidé de ne pas se rendre sur les lieux.
Le représentant a invité « certains » membres du Conseil de sécurité à continuer à négocier le mandat du Mécanisme parce qu’il faut, à son avis, envoyer un message d’unité sur le dossier des armes chimiques en Syrie. Pour la délégation chinoise, une solution politique est le seul moyen de régler la question syrienne. Le règlement de cette crise est entré dans une nouvelle phase, et il faut permettre aux parties de trouver des solutions objectives et impartiales, a conclu M. Wu.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a souligné la nécessité de préserver l’unité du Conseil de sécurité sur la question des armes chimiques. La Mission d’établissement des faits de l’OIAC doit s’acquitter de son mandat en toute objectivité, a-t-il dit. Il a plaidé pour le renouvellement du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, avant d’inviter ce dernier à se montrer impartial et à se rendre sur les sites d’attaques, pour autant que les conditions de sécurité le permettent.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a reconnu que le Mécanisme d’enquête conjoint a travaillé dans des conditions extrêmement difficiles en raison d’un environnement politique sensible et de considérations sécuritaires complexes. Il serait par conséquent injuste d’attendre de lui des conclusions absolument irréprochables à propos desquelles le Conseil n’aurait rien à demander. Il a noté la prudence des formulations employées par les auteurs du rapport, qui ont estimé que « le cratère avait très probablement été causé par un objet lourd se déplaçant à grande vitesse, comme une bombe aérienne », même s’ils n’ont pu totalement exclure que le cratère ait été causé par d’autres moyens.
De même, un appareil de la République arabe syrienne était dans le voisinage immédiat de Khan Cheïkhoun entre 6 h 30 et 7 heures, le 4 avril 2017, indique le rapport sur la foi d’un enregistrement vidéo. Mais le même document affirme plus loin que le Mécanisme n’a pas obtenu d’informations précises permettant d’établir « si, oui ou non, un aéronef Su-22 des forces aériennes arabes syriennes ayant décollé de la base de Chaaeïrat avait mené une attaque aérienne contre Khan Cheïkhoun ». Alors que le rapport parle d’« irrégularités potentiellement graves », le représentant s’est demandé comment le Mécanisme pouvait être confiant dans le fait qu’il a mené à bien ses travaux. C’est la raison pour laquelle il s’est dit convaincu qu’il faut renouveler le mandat du Mécanisme, en surmontant les divergences au sein de ce Conseil à ce sujet.
M. CARL SKAU (Suède) a condamné l’usage d’armes chimiques en Syrie. La Suède soutient le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, notamment son mandat qui est de poursuivre ses investigations de manière objective, impartiale et indépendante. La Suède a, du reste, apporté un soutien financier et technique au Mécanisme. Il a salué son travail portant sur les attaques chimiques à Khan Cheïkhoun et à Oum Haouch, des attaques « inacceptables » qui viennent s’ajouter à la liste des crimes internationaux commis par Daech et le régime syrien.
M. Skau a souligné que le Mécanisme a établi que le seul scénario plausible sur les huit scenarii présentés dans l’attaque de Khan Cheïkhoun laisse penser à une attaque aérienne par des forces armées syriennes. Il a par ailleurs estimé que le Mécanisme a besoin de stabilité et de prévisibilité pour continuer son travail essentiel. Ainsi faut-il éviter les coûts qui pourraient découler d’une rupture du mandat du Mécanisme. Assurant que la Suède allait œuvrer en faveur d’un renouvellement du mandat du Mécanisme, il a estimé que le peuple syrien ne mérite pas moins que cela.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a fermement condamné les attaques aux armes chimiques à Oum Haouch et à Khan Cheïkhoun. État partie à la Convention sur les armes chimiques, le Sénégal réitère sa conviction que rien ne peut justifier une atrocité comme le recours aux produits chimiques comme armes contre des civils, y compris en période de conflits. En outre, le risque de détention d’armes de destruction massive par les acteurs non étatiques, tels que les groupes terroristes, constitue une source particulière de préoccupation pour le Sénégal.
Pour le délégué, « quelles que soient nos vues sur le rapport sous examen, il existe toujours, entre les membres du Conseil, des passerelles qui devraient permettre de procéder au renouvellement du Mécanisme d’enquête conjoint dont le mandat arrive à terme dans 10 jours ». Il a formé le vœu que le Conseil de sécurité retrouve l’esprit de compromis et de consensus qui fut le sien sur ce dossier, comme lors de l’adoption des résolutions 2118 (2013), 2235 (2015) et 2319 (2016), lesquelles ont valu des progrès tangibles dans la prise en charge de la problématique des armes chimiques en Syrie. Il a enfin réitéré l’impératif d’une solution politique négociée au différend syrien, sur la base du Communiqué de Genève et de la résolution 2254 (2015).
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a loué le travail du Mécanisme d’enquête conjoint effectué dans des conditions difficiles. Le Mécanisme a attribué quatre attaques à l’arme chimique aux forces gouvernementales syriennes et deux à Daech, a-t-il souligné. Il a déploré que le régime de non-prolifération continue d’être foulé aux pieds en Syrie, avant de souligner la nécessité de lutter contre l’impunité.
Le représentant s’est dit en faveur du renouvellement du mandat du Mécanisme. Ce mécanisme est un outil capital et son indépendance doit être préservée, a-t-il déclaré. Enfin, il a remercié la délégation américaine pour ses efforts constructifs sur ce dossier. Le projet de résolution qu’elle a fait circuler est une bonne base de départ, a-t-il conclu.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a remercié les « collègues » qui ont montré clairement les lacunes et les défauts des conclusions présentées par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU dans son dernier rapport. Il est revenu sur la remarque de M. Mulet qui aurait dit ici que le mandat du Mécanisme n’est pas politique mais strictement technique alors même qu’il a déclaré que l’utilisation de gaz sarin en Syrie est une question de « terrorisme chimique ». « Comment peut-on parler de terrorisme chimique sans que ce soit politique », a demandé le représentant syrien. Rappelant que 130 lettres ont été soumises au Conseil de sécurité sur les armes chimiques en Syrie et leur trafic vers les pays voisins par des groupes terroristes, il a encore demandé en quoi cela est d’ordre technique.
Pour M. Ja’afari, le travail de l’ONU est censé être neutre alors même que le rapport du Mécanisme d’enquête conjoint prouve que certains de ses organes sont biaisés. Pour la Syrie, les rapports du Mécanisme et de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC se basent sur des faits « fabriqués de toutes pièces ». Il leur a reproché leurs phrases ambiguës inacceptables, illustrant son propos par le fait que, dans le rapport du Mécanisme, les termes « probable » ou « peu probable » sont utilisés à 32 reprises, ce qui ne l’empêche pas de se dire « confiant » dans ses conclusions.
Le représentant syrien a ensuite demandé à M. Mulet quels étaient les documents que lui-même lui avait fournis lors de leur réunion du 16 août, citant une copie du rapport du Comité national syrien sur l’incident de Khan Cheïkhoun. Il a également dénoncé le fait que certains éléments de preuve et témoignages ont été communiqués aux forces de sécurité françaises et au Mécanisme par le groupe terroriste El-Nosra. Comment le Mécanisme peut-il être convaincu que ces preuves n’ont pas été manipulées, a demandé M. Ja’afari, accusant le Mécanisme de considérer ce groupe terroriste comme plus crédible que le régime syrien.
Si l’armée syrienne était aux portes de Khan Cheïkhoun la veille de l’incident, alors pourquoi aurait-elle utilisé de telles armes, a encore demandé M. Ja’afari qui y voit plutôt un moyen pour le Front el-Nosra, qui contrôlait cette ville, d’empêcher les forces gouvernementales d’avancer. Il a également reproché au Mécanisme de ne pas s’être rendu sur les lieux de l’incident. « Peut-on vraiment juger d’un crime à distance ? » a-t-il lancé à M. Mulet.
Soulevant d’autres points du rapport qui prouvent, selon lui, la manipulation d’informations, le représentant syrien a considéré que le Mécanisme avait tiré des conclusions hâtives. S’agissant des échantillons de gaz sarin qui auraient un précurseur chimique, le DF, dont il est question dans le rapport, il s’est indigné de l’accusation faite par le Mécanisme selon laquelle seul le régime syrien pouvait le fabriquer.
M. Ja’afari a invité les membres du Conseil à se pencher sur les questions qu’il a soulevées avant de réitérer que la Syrie respecte la Convention sur les armes chimiques et qu’elle ne dispose plus de ce type d’armes. Sa délégation voit clairement quels sont les parrains du terrorisme, a-t-il ajouté, avant de se demander « combien de temps encore les Syriens devront souffrir du terrorisme parrainé par des gouvernements occidentaux ». En conclusion, il a rejeté le rapport du Mécanisme d’enquête conjoint et ses accusations par rapport à l’incident de Khan Cheïkhoun.