En cours au Siège de l'ONU

8078e séance – après-midi
CS/13043

Conseil de sécurité: deux hauts responsables de l’ONU exhortent le Soudan et le Soudan du Sud à progresser vers un accord definitif sur la question d’Abyei

Le Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité du Département des opérations de maintien de la paix, M. Alexandre Zouev, et l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Soudan et le Soudan du Sud,  M. Nicholas Haysom, ont exhorté, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, ces deux pays à progresser dans la mise en œuvre des accords qu’ils ont signés sur la région frontalière contestée d’Abyei, afin d’ouvrir la voie à un accord définitif et à une normalisation de leurs relations. 

Présentant le dernier rapport* du Secrétaire général sur la situation à Abyei, le Sous-Secrétaire général à l’état de droit a détaillé les tendances qui continuent de marquer ce conflit.  « Le différend entre les Misseriya et les Ngok Dinka sur la question de l’accès aux pâturages et à l’eau lors de la migration annuelle des Misseriya reste une source récurrente de conflit », a-t-il dit. 

Il a néanmoins souligné l’efficacité de la stratégie de prévention et d’atténuation du conflit de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), qui a notamment permis le retour de 15 000 réfugiés ngok dinka.  Par son engagement proactif, la mission a également permis une diminution de la violence autour du marché commun d’Amiet. 

Le Sous-Secrétaire général a également pointé la situation économique difficile de la zone d’Abyei, ainsi que la présence de groupes armés qui risque à tout moment d’attiser les tensions entre les deux populations.  « Alors que la mission a permis de préserver la paix et la stabilité dans la zone, les tensions intercommunautaires persistent en l’absence de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord du 20 juin 2011 », a-t-il déclaré.  Les divergences de vues entravent la mise en place des institutions mixtes prévues par cet accord.  Comme l’explique le Secrétaire général dans son rapport, le Soudan et le Soudan du Sud ont en effet des « positions diamétralement opposées » sur la manière de régler la question d’Abyei. 

Le Gouvernement soudanais et les Misseriya insistent sur une représentation égale à leurs homologues ngok dinka dans la zone d’Abyei, tandis que le Gouvernement sud-soudanais et les responsables de la communauté ngok dinka y sont opposés, écrit le Secrétaire général. 

Par ailleurs, le Soudan continue d’affirmer que l’établissement des institutions mixtes prévu par l’Accord du 20 juin 2011 est la seule voie à suivre alors que le Soudan du Sud conteste leur utilité, invoquant que les délais fixés pour leur mise en place sont dépassés. 

Le Sous-Secrétaire général à l’état de droit a ainsi expliqué que, six ans après sa création, la capacité opérationnelle du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière n’avait pas évolué.  L’Accord du 30 juillet 2011 portait en effet création d’une mission de vérification et de surveillance de la frontière qui, après la signature de l’Accord sur les dispositions de sécurité le 27 septembre 2012, est devenue opérationnelle sous le nom de Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière. 

Malgré l’absence d’évolution, les deux pays comme l’Union africaine estiment néanmoins que le Mécanisme est un élément indispensable pour assurer la sécurité des frontières et faciliter leur abornement, a poursuivi le Sous-Secrétaire général.  Il en a voulu pour preuve la lettre conjointe du 23 septembre 2017 adressée par le Soudan et le Soudan du Sud au Conseil de sécurité pour demander que l’ONU continue d’apporter son concours au Mécanisme. 

La présence sur le terrain du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière permettrait, selon le Secrétaire général, d’abord de renforcer la confiance dans le processus de marquage des points de passage et, dans un deuxième temps, de mettre en place des postes d’immigration à des endroits convenus en vue de normaliser les relations entre les deux pays.

Le Sous-Secrétaire général à l’état de droit a rappelé les conditions fixées par le Conseil en vue d’une pleine capacité opérationnelle dudit mécanisme, à savoir le règlement du différend concernant la zone frontalière démilitarisée et sécurisée, la reprise des discussions au sujet de la démarcation de la frontière, la tenue régulière de réunions du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité, et l’assurance d’une complète liberté de circulation pour les opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.

Les discussions sur la démarcation de la frontière n’ont toujours pas repris et l’Union africaine n’a pas reçu les documents nécessaires pour achever d’élaborer son avis contraignant sur les zones contestées et revendiquées de la frontière, a regretté le Sous-Secrétaire général.  « Fait positif, les deux parties ont accepté de participer à une opération de marquage de quatre sites temporaires d’observation dans la zone frontalière démilitarisée et sécurisé », a-t-il relevé. 

Il a en revanche souligné les « progrès extraordinaires » en vue d’assurer une complète liberté de circulation dans le cadre des opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.  « L’héliport de Gok Machar est maintenant pleinement opérationnel et des procédures accélérées ont été mises en place pour les autorisations de vol des patrouilles aériennes menées par le Mécanisme », a-t-il dit. 

Enfin, le Sous-Secrétaire général a rappelé que l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de surveillance et de la frontière dépendait de la bonne volonté des deux parties et de la satisfaction des critères précités.  Ce mécanisme est crucial pour restaurer la confiance, a-t-il conclu.  Même son de cloche du côté de l’Envoyé spécial, pour qui « ce mécanisme, s’il est correctement mis en œuvre, peut aider à prévenir les violations et les incursions de part et d’autre de la frontière ». 

Les conflits internes au Soudan et au Soudan du Sud, associés au manque de confiance entre les deux pays, ont continué d’entraver cette mise en œuvre et la normalisation de leurs relations bilatérales, a-t-il analysé.  Selon le haut fonctionnaire, la surveillance de la frontière demeure cruciale pour les efforts de paix dans la mesure où cette frontière a le potentiel de cristalliser les tensions militaires entre Khartoum et Djouba.  Il a déploré que la réunion entre les Présidents soudanais et sud-soudanais sur la mise en œuvre des Accords de coopération de 2012 n’ait pas eu lieu. 

En dépit de progrès limités sur le plan sécuritaire, les deux gouvernements ont manifesté de plus en plus d’intérêt pour une coopération bilatérale dans le secteur pétrolier, comme en témoigne l’accord conclu en septembre pour reprendre la production dans l’État sud-soudanais d’Unité, interrompue par les hostilités depuis 2013. 

S’exprimant à son tour, le délégué du Soudan, M. Omer Dahab Fadl Mohamed, a confirmé l’engagement de son pays en faveur de la mise en œuvre des accords signés avec le Soudan du Sud.  Les Accords de 2012 ont jeté des bases solides pour les relations de nos deux pays, a-t-il dit.  « Cependant, l’absence d’enthousiasme du Soudan du Sud dans la mise en œuvre de tous les aspects de cette coopération, à l’exception du pétrole, n’a pas permis de progrès. »

Le représentant a estimé que la résolution des questions sécuritaires devait précéder celle des questions économiques, avant de souligner l’importance de la pleine opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière en vue de normaliser les relations avec le Soudan du Sud, « pays frère ».  La poursuite du plein appui de la FISNUA à cette fin est cruciale, a-t-il conclu. 

« Soyons réalistes », a dit le représentant du Soudan du Sud, M. Akuei Bona Malwal.  Il nous faut reconnaître qu’il existe de sérieuses divergences de vues entre les deux pays.  Il a néanmoins réitéré la volonté de son pays à s’engager avec le Soudan dans des efforts renouvelés pour trouver une solution agréée à la question d’Abyei.  Le délégué a également appelé la communauté internationale à continuer de fournir certains services sociaux et humanitaires, afin de consolider les acquis obtenus grâces aux Casques bleus éthiopiens de la FISNUA. 

L’avenir de la mission a été abondamment évoqué lors de ce débat: le Sous-Secrétaire général s’est dit favorable à une prorogation de son mandat pour une période de six mois, tandis que l’Envoyé spécial du Secrétaire général, qui a jugé « peu élevé » le risque de voir les deux pays retomber dans un conflit, a plaidé pour son renforcement. 

Le délégué de l’Uruguay, M. Luis Bermúdez, a affirmé que l’avenir de cette mission était entre les seules mains des gouvernements des deux pays et dépendait de la mise en œuvre des accords signés.  Son homologue bolivien, M. Sacha Sergio Llorentty Solíz, a souhaité que le sommet entre les présidents de ces deux pays se tienne dans les meilleurs délais. 

* S/2017/870

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