Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires lance un nouvel appel au Conseil de sécurité pour qu’il mette fin aux souffrances de millions de Syriens
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, a, ce matin, de nouveau exhorté le Conseil de sécurité, l’« organe le plus important dans le monde chargé d’empêcher les guerres » et « les morts et les souffrances humaines qui y sont directement liées », à tout tenter pour que la population syrienne cesse de « payer le prix d’un échec politique et diplomatique ».
De son côté, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a appelé le Gouvernement syrien et les groupes de l’opposition à s’engager dans des négociations sérieuses. « Il est temps de passer de la logique de la guerre à celle de véritables négociations », a-t-il plaidé.
S’exprimant pour la dernière fois devant le Conseil de sécurité en sa qualité de Secrétaire général adjoint, M. O’Brien, qui est également Coordonnateur des secours d’urgence, a regretté qu’on n’ait toujours pas trouvé le moyen de mettre fin aux souffrances de millions de personnes subissant une situation humanitaire précaire au Moyen-Orient.
M. O’Brien a en particulier fait état de la situation humanitaire catastrophique que vivent 21 millions de Yéménites, ainsi de celle en Somalie, au Soudan du Sud et dans le nord-est du Nigéria, où 20 millions de personnes sont exposées aux risques de famine, sans compter les 142 millions de personnes de 40 pays qui ont besoin d’aide. « On doit pouvoir faire mieux », a-t-il déclaré.
M. O’Brien a dénombré 27 rapports du Secrétaire général soumis au Conseil de sécurité depuis sa prise de fonctions en juin 2015, ainsi que 55 exposés qu’il a présentés devant le Conseil, dont 30 rien que sur la Syrie. « Le Conseil de sécurité connaît tous les détails des conséquences meurtrières du conflit syrien », a-t-il ajouté.
« Séance après séance, nous avons décrit les destructions dans le détail », a rappelé M. O’Brien, en regrettant cependant qu’aucune responsabilité n’ait été dégagée concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. « Personne ne peut échapper à sa part de honte », a-t-il dit, en soulignant que 500 000 Syriens avaient été tués dans ce conflit, sans parler des millions de blessés et de déplacés.
Le Secrétaire général adjoint a lancé un « dernier appel » aux membres du Conseil pour qu’ils renvoient la situation « de toute urgence » devant la Cour pénale internationale (CPI), les invitant aussi à apporter leur plein soutien au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie.
M. O’Brien a en outre plaidé à nouveau auprès des autorités syriennes pour qu’elles fournissent un accès sans entrave à la Commission d’enquête indépendante.
Alors que les parties au conflit prennent conscience du besoin de faire des compromis, le défi est maintenant d’amener cet esprit dans la sphère politique, a affirmé pour sa part, M. de Mistura, qui s’exprimait de Genève en visioconférence.
À cet égard, les groupes de l’opposition ont, a-t-il dit, un besoin urgent de développer des positions de négociation communes et de renforcer leur unité. Il a remercié à cet égard l’Arabie saoudite pour l’organisation de Riyad 2, un nouveau forum de l’opposition plus inclusif.
Le Gouvernement syrien a indiqué qu’il était prêt à poursuivre les négociations avec une opposition unie, à partir de principes clairs, a noté l’Envoyé spécial. Cependant, a-t-il poursuivi, des signaux publics forts pointent toujours vers une approche strictement militaire, ce qui augure mal de la suite des négociations. Il a donc enjoint l’opposition et le Gouvernement à s’engager dans des négociations sérieuses.
M. de Mistura a également exhorté la Fédération de Russie, la République islamique d’Iran, la Turquie, les États-Unis, l’Égypte, la Jordanie et d’autres à poursuivre leurs efforts vers une désescalade, question qui sera discutée à la prochaine réunion d’Astana, au Kazakhstan, les 14 et 15 septembre.
Selon lui, l’Arabie saoudite et d’autres acteurs devront user de leur influence sur les groupes de l’opposition afin de renforcer leur cohésion. Le Gouvernement syrien devra, quant à lui, montrer une véritable volonté de négocier de bonne foi.
Par ailleurs, l’Envoyé spécial a exprimé son intention de tenir des discussions intersyriennes à Genève, en octobre, avec, a-t-il souhaité, la participation du Gouvernement syrien et des groupes de l’opposition.
S’il a constaté que les crimes atroces s’étaient poursuivis en Syrie en juillet et en août, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires s’est néanmoins félicité de la réduction de la violence dans certaines régions du pays grâce à la mise en œuvre du processus d’Astana.
Depuis novembre 2016, plus de 271 000 personnes ont été déplacées dans la province de Raqqa, a-t-il indiqué, faisant état d’un nombre croissant de morts parmi les civils alors que les opérations militaires et notamment les frappes aériennes se poursuivent. L’ONU estime que 27 personnes sont tuées chaque jour à Raqqa.
M. de Mistura a également salué la tendance à la désescalade des combats en Syrie, notamment dans le sud-ouest du pays. Il s’est dit encouragé par l’ouverture d’un centre de surveillance tripartite par la Russie, les États-Unis et la Jordanie.
En outre, une série d’accords entre les groupes armés a permis une réduction significative de la violence dans certaines parties de la zone de désescalade de la Ghouta. Il a noté les efforts de la Russie visant à parvenir à un accord de cessez-le-feu à Homs.
L’Envoyé spécial s’est toutefois inquiété de rapports faisant état de frappes aériennes au nord de la ville et a invité les garants d’Astana à se pencher sur cette question.
Dans le nord de la Syrie, à Edleb, la situation des personnes déplacées est également un motif de préoccupation, a déclaré M. O’Brien, citant le chiffre d’un million de personnes actuellement déplacées dans cette province.
Il a salué les efforts des organisations non gouvernementales qui permettent de sauver des vies, mais a averti que ces efforts étaient mis en péril par les actions du Front el-Nosra qui tente notamment de contrôler les conseils locaux et a récemment saisi des territoires d’autres groupes armés.
Il a exprimé la nécessité de collecter les preuves en vue de les transmettre à la justice. Il est très important, a souligné M. de Mistura, que les garants d’Astana, avec le Gouvernement et les groupes de l’opposition, en viennent à un accord rapide afin de protéger les civils et de rendre opérationnelles les zones de désescalade dans ce secteur.
Plus au sud, à Hadalat et à Rukban, le Coordonnateur des secours d’urgence a prévenu que la population était prise au piège le long du mur de sable qui sépare le pays de la Jordanie: elle fait face à une insécurité croissante, tandis que la distribution de fournitures humanitaires est interrompue depuis le 15 juin.
Les civils qui fuient doivent pouvoir le faire en toute sécurité, a-t-il exigé en invoquant le droit international. Outre les parties au conflit, la communauté internationale doit faire tout son possible pour assurer leur protection.
Le Secrétaire général adjoint a ensuite détaillé l’assistance humanitaire fournie à Douma et Barzeh où 55 000 personnes ont pu recevoir une assistance.
S’agissant des zones difficiles à atteindre, M. O’Brien a rappelé que, le 19 juillet, l’ONU avait présenté aux autorités syriennes un plan interagences pour porter secours à 1 231 000 personnes réparties sur 36 sites. Dans leur réponse, le 3 août, les autorités syriennes ont affirmé que l’ONU et ses partenaires pourraient fournir une aide multisectorielle à 1 638 114 personnes.
Saluant les efforts résolus visant à faire baisser les tensions, dans le cadre du processus d’Astana, il a exhorté toutes les parties à coopérer pour consolider et élargir la portée du cessez-le-feu, voulant des résultats concrets pour garantir la liberté de mouvement et un accès humanitaire conforme au droit international humanitaire.
M. O’Brien a assuré que l’ONU et ses partenaires humanitaires avaient travaillé activement à la fourniture de l’aide aux personnes se trouvant dans les zones de désescalade. Lorsqu’il y a suffisamment de volonté politique et l’engagement de la Russie par exemple, l’accès aux zones difficiles à atteindre est possible, a-t-il souligné.
Selon lui, la seule solution pour assurer le succès de l’initiative russe est d’éliminer les retards dans les procédures d’autorisation. Les groupes armés non étatiques doivent également établir les conditions de sécurité nécessaires, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, les territoires sous contrôle de Daech ne cessent de diminuer, s’est réjoui l’Envoyé spécial pour la Syrie, ajoutant que le Gouvernement syrien poursuivait son avance en direction de Deïr el-Zor et que l’armée libanaise reprenait le contrôle des zones occupées sur son territoire.
De son côté, le représentant de l’Uruguay a dénoncé les « accusations sans fondement » prononcées par la délégation syrienne à l’encontre du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) au cours de la réunion de juillet. Pour lui, ce bureau a une « attitude complètement professionnelle, impartiale et dépolitisée » et il serait opportun que Damas invite son nouveau directeur à se rendre sur le terrain.
Constatant la baisse de la violence en Syrie ces derniers mois grâce au processus d’Astana, il a souhaité que ces zones soient dotées d’un statut transitoire pour préserver à l’avenir l’intégrité territoriale de la Syrie.
Il a aussi plaidé en faveur d’un accès sans entrave de l’aide humanitaire et pour le respect de la liberté de mouvement, regrettant que toutes les parties au conflit aient violé ces principes du droit international. Le représentant a également appuyé la demande du Secrétaire général pour que la CPI soit saisie de la situation en Syrie.