En cours au Siège de l'ONU

7982e séance – après-midi
CS/12884

Soudan du Sud: « seuls un processus politique ouvert et une réelle volonté des acteurs clefs peuvent mettre fin au conflit », selon M. Jean-Pierre Lacroix

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a affirmé, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que « seuls un processus politique ouvert et une réelle volonté politique des acteurs clefs à mettre fin au conflit, et la mise en œuvre de l’Accord de paix, pourraient apporter la paix au Soudan du Sud ».

M. Lacroix présentait le rapport* du Secrétaire général sur le Soudan du Sud pour la période allant du 2 mars au 1er juin 2017, soulignant pour l’occasion que ni la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), ni la Force de protection régionale « ne sont une panacée à la crise » que vit le pays. 

Il a aussi indiqué qu’en l’absence d’une quelconque amélioration de la situation sur le terrain, il n’est pas possible de proposer une éventuelle modification du mandat de la MINUSS.

M. Lacroix a rappelé qu’en vertu de l’Accord de paix signé en 2015, des élections devraient se tenir dans le pays à la fin de la période de transition, soit à la fin de l’année 2018.  Mais si la situation actuelle persiste -la poursuite du conflit armé, la paralysie politique, les déplacements massifs de population, les besoins humanitaires et de protection accrus-, il ne sera pas possible de tenir des élections au Soudan du Sud, a-t-il prévenu.

Le conflit s’est en effet poursuivi dans diverses régions du pays, en dépit du cessez-le-feu proclamé par le Président du pays, M. Salva Kiir, le 22 mai dernier, le jour du lancement du dialogue national. 

Le représentant du Soudan du Sud, M. Joseph Moum Majak Ngor Malok, qui prenait part à la réunion, a accusé le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS dans l’opposition), allié de l’ancien Premier Vice-Président Riek Machar, d’avoir mené des attaques avec l’intention de causer une instabilité et attirer l’attention de la communauté internationale.  Il a condamné en particulier une récente attaque commise par un groupe de l’ancien Vice-Président à l’encontre d’un bus de civils sur la route entre Nimule et Djouba. 

De son côté, M. Nicholas Haysom, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Soudan et le Soudan du Sud, intervenant par visioconférence depuis Genève, n’a aperçu « à l’heure actuelle, aucun signe d’un processus politique ouvert ».  Il a relevé que l’exclusion de M. Riek Machar, un signataire clef de l’Accord de paix de 2015, et son remplacement par M. Taban Deng, rendaient encore plus difficile l’avènement d’un processus politique ouvert. 

De l’avis de l’Envoyé spécial, un dialogue national ouvert et crédible doit être précédé d’un processus politique qui crée l’environnement sécuritaire et politique nécessaire.  Or, la demande faite à l’opposition de déposer les armes avant de prendre part au dialogue est interprétée comme un appel à la capitulation sans assurance que les causes du conflit seront examinées.

« Un dialogue raisonnable n’est pas possible dans le climat de terreur actuel », a estimé également la représentante de l’Uruguay, exhortant la MINUSS, dans ce contexte, à mettre l’accent sur la protection des civils et des droits de l’homme.  Le représentant de la Bolivie a également regretté la poursuite des combats avant d’exhorter le M/APLS dans l’opposition à respecter le cessez-le-feu et renoncer à la violence.     

« Nous devons nous assurer que le dialogue national lancé par le Président Salva Kiir soit sincère », a renchéri le représentant du Kazakhstan avant de regretter la persistance de restrictions imposées aux opérations de la MINUSS.  Il a notamment souligné l’urgence de faire cesser les attaques contre les acteurs humanitaires.

Face à ces accusations, le représentant du Soudan du Sud a assuré que le Gouvernement ne souhaitait pas entraver les activités de la MINUSS ni celles des acteurs humanitaires.  Il a déclaré que le dialogue national ne devait pas être perçu comme une alternative à l’Accord de paix, mais comme un mécanisme viable permettant de résoudre les problèmes politiques et mettre fin à la guerre.  Son gouvernement, a-t-il assuré, respectera les conclusions et décisions du dialogue national.  Le représentant s’est aussi félicité que plusieurs groupes armés aient décidé de déposer les armes pour s’associer à ce dialogue. 

Dans son exposé, M. Jean-Pierre Lacroix a décrit une situation également marquée par les espoirs de la population « qui aspire désespérément à la paix », alors que plus de la moitié a besoin d’assistance alimentaire, et que le tiers est constitué de déplacés dont la moitié sont des réfugiés.

« Cette tragédie est d’origine humaine », a-t-il rappelé en pointant du doigt les décisions délibérées de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) pour ce qui est du Gouvernement, de l’APLS dans l’opposition, et d’autres entités, d’utiliser les conflits armés à des fins politiques.

Le Secrétaire général adjoint a relevé que malgré la promesse de libérer des prisonniers politiques, un membre du personnel de l’ONU avait été récemment libéré contre deux qui restent détenus depuis deux ans, et un autre qui vient d’être incarcéré à Rumbek.  Il a, dans ce contexte, invité le Conseil de sécurité à « juger le Président Kiir à l’aune de ses actes, et non pas en fonction de ses paroles ». 

M. Lacroix a également jugé crucial que les membres du Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité aient un accès illimité à tous les sites, afin de documenter et vérifier les violations du cessez-le-feu.  Pour l’instant, la MINUSS et le Mécanisme de surveillance font face à plusieurs obstacles qui restreignent leurs mouvements, ce qui rend leur travail extrêmement difficile, et parfois même impossible. 

Dans cet environnement hostile, la MINUSS s’évertue à protéger les civils du mieux qu’elle peut, essuyant même parfois des tirs hostiles.  Le Secrétaire général adjoint a donc plaidé pour le déploiement de la Force de protection régionale dont les premiers éléments continuent d’arriver dans le pays.  Il a précisé que les premiers contingents éthiopiens seraient déployés en juillet, tandis que le déploiement du contingent kényan est tributaire du transfert de matériels déjà utilisés par les forces du même pays.  Un second site d’accueil de la Force de protection régionale a été choisi par le Gouvernement et les modalités de déploiement sont en cours d’élaboration.

Le représentant du Soudan du Sud a, de son côté, affirmé que son gouvernement appuyait le déploiement de la Force de protection régionale.  Rappelant que la MINUSS est présente au Soudan du Sud à la demande de son pays, il a exhorté la Mission à informer le Gouvernement le plus rapidement possible des incidents dont elle est le témoin afin que les auteurs puissent être poursuivis. 

M. Lacroix s’est par ailleurs dit encouragé par le communiqué de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) du 13 juin dernier par lequel l’institution propose un certain nombre d’étapes pour ressusciter le processus de paix au Soudan du Sud.

L’Envoyé spécial a été plus circonspect en faisant observer qu’il n’y avait pas de feuille de route claire pour la mise en œuvre des propositions de l’IGAD.  Il a invité la communauté internationale à « envoyer un message clair pour exprimer son soutien à un processus ouvert qui inclut tous les groupes armés et partis politiques ayant une quelconque influence dans les combats actuels » au Soudan du Sud.

La communauté internationale, a-t-il encore demandé, doit rappeler que des élections nationales crédibles ne peuvent avoir lieu qu’au terme d’une période de transition marquée par l’ouverture politique et la stabilité, et non dans des circonstances d’insécurité et de déplacements généralisés de population.

* S/2017/505

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