Aggravation de la situation humanitaire en Syrie, en particulier dans les zones assiégées, selon le Coordonnateur des secours d’urgence
Alors que les combats s’intensifient sur plusieurs fronts en Syrie, la communauté humanitaire se heurte à de nombreuses difficultés pour prêter assistance aux populations en détresse, notamment dans les zones assiégées par les parties au conflit, a constaté le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien.
Venu, devant le Conseil de sécurité, faire état de la situation humanitaire dans ce pays en guerre depuis plus de six ans, M. O’Brien a rappelé que le mois d’avril avait été marqué par l’attaque présumée à l’arme chimique perpétrée à Khan Cheikhoun le 4, puis par l’attentat à la voiture piégée qui a fait 125 victimes, dont 67 enfants lors d’une évacuation d’Alep le 15.
« Pourtant, si je mentionne ce dernier incident, a dit le haut fonctionnaire, ce n’est pas seulement en raison de sa nature épouvantable, mais aussi parce que la réponse de la communauté humanitaire aurait dû faire les grands titres. » Nombreux ont été les membres du Conseil à rendre hommage aux personnels déployés sur le terrain, qui prêtent assistance aux populations civiles dans des conditions extrêmement difficiles et frustrantes.
Frustrantes, parce que les restrictions administratives et les obstacles bureaucratiques dressés sur leur route sont en « hausse », a dénoncé M. O’Brien –qui est également le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU–, en fustigeant toutes les parties, en particulier le Gouvernement syrien. Il s’est élevé contre les manœuvres « dilatoires » de Damas, dont l’intention serait d’entraver l’acheminement des convois, quatre à peine ayant pu parvenir à destination jusqu’à présent dans le cadre du plan interagences prévu pour avril et mai.
Aucun toutefois n’a pu atteindre les zones assiégées du pays, comme la Ghouta, aux abords de la capitale, où 400 000 personnes sont privées d’aide depuis octobre 2016, a déploré le Secrétaire général adjoint, faute d’autorisations nécessaires. Et ce, alors que six hôpitaux ont été mis hors d’état de dispenser des soins par des frappes aériennes rien qu’au cours du mois écoulé.
Si d’une manière générale, le nombre des populations prises au piège a décliné, c’est en raison du recours à la tactique, principalement employée par les autorités syriennes, consistant à « affamer pour forcer à se rendre ». Voilà pourquoi ce type d’« évacuation » peut difficilement être interprété comme un « développement positif », a résumé M. O’Brien.
La représentante des États-Unis a vigoureusement condamné cette stratégie obsidionale, son homologue de la France rappelant que « les évacuations de civils doivent se faire sur une base volontaire et que les déplacements forcés de populations peuvent être constitutifs de crimes de guerre ».
La déléguée américaine a également insisté sur un point soulevé par M. O’Brien, à savoir la saisie systématique, à bord des convois, des fournitures médicales –« antibiotiques, trousses pédiatriques ou matériel de dialyse »– qui seraient ensuite « vendues à prix d’or sur des marchés secondaires ».
Prenant lui aussi acte de ces entraves, le représentant du Japon a plaidé en faveur de la délivrance d’une lettre de facilitation par Damas, document dont sa délégation, avec celles de la Suède et de l’Égypte, vient de discuter avec la représentation diplomatique syrienne à New York.
« Nous exhortons la Syrie à redoubler d’efforts pour rédiger immédiatement une telle lettre, conformément à la demande des Nations Unies de la délivrer d’ici deux ou trois jours », a ajouté le délégué nippon.
Pour le Secrétaire général adjoint, mettre fin à la détérioration de la situation humanitaire passe par la « consolidation », à travers tout le pays, du cessez-le-feu.
Facilité en décembre dernier par la Fédération de Russie, la Turquie et la République islamique d’Iran, celui-ci est en effet sérieusement remis en question par les pertes civiles élevées et l’ampleur des destructions d’infrastructures, a estimé le Sénégal, cependant que la France et l’Éthiopie appelaient la troïka « garante » de la cessation des hostilités à la faire respecter.
Des appels jugés « pathétiques » et « contreproductifs » par la Fédération de Russie, qui a rétorqué que Moscou, Ankara et Téhéran assument leurs responsabilités. Rejetant les « cris d’orfraie » et les « déclarations à l’emporte-pièce », la délégation s’est étonnée de n’avoir entendu aujourd’hui « aucun mot sur ce que font les pays occidentaux pour que la situation s’améliore en Syrie ».
Contestant l’analyse du Secrétaire général adjoint, le représentant russe a fait pour sa part état de « progrès évidents » dans l’accès humanitaire, assurant que les « paramètres » des opérations d’évacuation dans la Ghouta orientale étaient en train d’être « élaborés », « même si les résultats ne pourront pas être immédiats ».
Selon lui, les provocations imputables aux insurgés sont l’une des principales causes des entraves aux efforts humanitaires, a-t-il justifié, tout en reprochant à certaines organisations humanitaires, comme les Casques blancs, de « colporter » des mensonges.
Identifiant le régime syrien et ses alliés comme les « principaux responsables » des violations du droit international humanitaire en Syrie, la Suède a toutefois demandé à la coalition internationale contre Daech de mieux protéger les civils, suite aux dégâts et victimes faits par les récentes frappes aériennes à Raqqa.
La prochaine réunion du processus d’Astana, prévue le 3 mai, devra aboutir à des progrès sur la voie du cessez-le-feu, « faute de quoi les pourparlers de Genève seront aussi menacés », a mis en garde le représentant suédois.
Alors que le représentant russe a considéré qu’« Astana et Genève sont deux enceintes vivantes et complémentaires », la Chine, le Sénégal, l’Uruguay et la Bolivie ont placé beaucoup d’espoirs dans la reprise d’un cycle de négociations.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015) et 2332 (2016) du Conseil de sécurité (S/2017/339)
Déclarations
M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a commencé son intervention par rappeler que le 15 avril dernier, le peuple syrien déjà accablé de souffrances, avait enduré une autre attaque « horrible ». Cent-vingt-cinq personnes, dont 67 enfants, ont trouvé la mort dans un attentat à la voiture piégée au point de passage de Rachidin, près des localités de Fouaa et Kafraya. « Pourtant, si je mentionne cet incident, a dit le haut fonctionnaire, ce n’est pas seulement en raison de sa nature épouvantable, mais aussi en raison de la réponse de la communauté humanitaire, dont l’unité aurait dû également faire les grands titres. »
Ces derniers mois ont été marqués par une intensification des combats sur plusieurs fronts, a constaté M. O’Brien, en condamnant l’attaque à l’arme chimique perpétrée à Khan Cheikhoun. Et il y a à peine deux jours, des frappes aériennes présumées ont mis hors d’état de dispenser des soins deux hôpitaux, portant à six le nombre d’établissements de santé et à trois celui des écoles à avoir été endommagés ou détruits rien qu’au cours du mois écoulé.
Le Secrétaire général adjoint s’est ensuite dit gravement préoccupé par la situation dans la ville assiégée de la Ghouta, aux abords de Damas, où des civils restent piégés par des tirs d’artillerie répétés, des frappes aériennes et des combats au sol. Les dernières voies routières praticables auraient été fermées, limitant encore davantage les mouvements d’environ 400 000 habitants, auxquels l’ONU n’a pas été en mesure de prêter assistance depuis octobre 2016, a-t-il expliqué.
Par ailleurs, un regain d’hostilités dans le nord de Hama y a provoqué le déplacement de près de 20 000 personnes au cours des derniers jours, a relevé M. O’Brien. À Edleb, les frappes aériennes et les tirs d’artilleries se multiplient, prenant pour cible civils et infrastructures, tandis qu’à Khan Cheikhoun, théâtre de l’attaque précitée, le marché a été détruit par un bombardement aérien, faisant sept morts, dont un enfant, et une trentaine de blessés.
À Raqqa, a ajouté le Secrétaire général adjoint, les affrontements en cours ont également occasionné davantage de pertes civiles, de blessés et de déplacements de populations. Près de 39 000 personnes de plus viennent de grossir les rangs du camp situé à l’extérieur de la ville, où les conditions de vie sont devenues « extrêmement difficiles », avec quatre enfants sur cinq privés d’un abri adéquat, a précisé le haut fonctionnaire.
M. O’Brien a ensuite fustigé la « hausse » des restrictions administratives et des obstacles bureaucratiques de la part de toutes les parties au conflit, s’élevant en particulier contre les tentatives de canaliser l’assistance vers des destinations précises, ce qui est contraire aux principes régissant l’aide humanitaire. Ces tentatives se sont par exemple traduites par une suspension des opérations des Nations Unies dans la province d’Hassaké, pénalisant 100 000 personnes au total.
Il a particulièrement critiqué les mesures dilatoires prises par le Gouvernement syrien pour entraver l’acheminement des convois, à peine quatre ayant pu parvenir à destination jusqu’à présent dans le cadre du plan prévu pour avril et mai. Et aucun de ces convois n’a pu entrer dans les zones assiégées, en raison de l’absence des autorisations nécessaires, a déploré le Secrétaire général adjoint.
Toutefois, le nombre des personnes vivant dans ces zones a diminué, même si cette baisse est le résultat d’une tactique, principalement employée par les autorités syriennes, consistant à « affamer pour forcer à se rendre », a-t-il observé. C’est pourquoi ce type d’évacuation peut difficilement être interprété comme un « développement positif », a résumé M. O’Brien.
Il a rappelé en conclusion les éléments permettant de mettre fin à la détérioration humanitaire, à commencer par la consolidation, à travers tout le pays, du cessez-le-feu, en particulier à la Ghouta pour y permettre la livraison de l’aide humanitaire. Ensuite, la garantie, par toutes les parties au conflit, que les civils et les infrastructures civiles, seront protégés.
De plus, a ajouté le Secrétaire général adjoint, il faut lever les obstacles bureaucratiques à l’acheminement des convois humanitaires et la fin de la saisie des articles médicaux.
Enfin, une solution politique est nécessaire, sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève.
M. KORO BESSHO (Japon) a salué les progrès accomplis, depuis l’accord du 12 février entre la Syrie et les Nations Unies, pour accéder aux zones du pays qui sont difficiles d’atteinte, tout en soulignant que la situation dans les zones assiégées est toujours désastreuse. Il a rappelé que les victimes de la tragédie syrienne ne sont pas seulement les civils mais aussi les personnes qui essaient de les aider. Notant les efforts acharnés du Groupe de travail sur l’accès humanitaire pour atteindre rapidement des zones de toute la Syrie, il a fait remarquer que ces progrès étaient durement gagnés.
M. Bessho a abordé la question des obstacles bureaucratiques à l’acheminement de l’aide humanitaire en regrettant qu’il faille se concentrer sur des détails techniques pour chaque convoi. C’est pourquoi il a plaidé en faveur de la délivrance d’une lettre de facilitation par le Gouvernement syrien, document dont sa délégation, avec celles de la Suède et de l’Égypte, a discuté avec la représentation diplomatique syrienne à New York. « Ces délégations exhortent la Syrie à faire plus d’efforts pour établir immédiatement une telle lettre, conformément à la demande des Nations Unies de la délivrer d’ici deux ou trois jours. »
Le représentant japonais a exprimé sa grande préoccupation à l’égard de la situation dans la Ghouta orientale et appuyé l’appel lancé par M. O’Brien pour une cessation immédiate des hostilités, tout en prévenant que le cessez-le-feu ne devait pas se cantonner à cette région. Il a aussi placé de l’espoir dans le processus d’Astana dont la prochaine réunion aura lieu en mai.
M. Bessho a rappelé qu’il fallait garder une vision large de la situation qui ne se résoudra pas par une solution militaire. Le second point à garder à l’esprit, a-t-il ajouté, est le besoin de vérité et de responsabilité. Il a donc invité l’ONU et les autres intervenants humanitaires à utiliser les outils à leur disposition pour établir la preuve de ce qui se passe sur le terrain.
M. CARL SKAU (Suède) a constaté que les lois de la guerre et l’obligation de protéger les civils n’étaient pas respectées en Syrie, dénonçant des « tactiques militaires cyniques » qui prennent pour cible les civils et violent ainsi de manière flagrante le droit humanitaire international, le fait en particulier des forces gouvernementales. Il a souhaité que la prochaine réunion prévue à Astana le 3 mai aboutisse à des progrès sur la voie du cessez-le-feu, faute de quoi les pourparlers de Genève seront aussi menacés.
Tout en soulignant que le régime syrien et ses alliés sont les principaux responsables des violations de droit international humanitaire en Syrie, il a noté les dégâts et victimes faits par les récentes frappes aériennes sur Raqqa. Il a dès lors appelé la coalition internationale contre Daech à mieux protéger les civils.
Il a aussi attiré l’attention sur les accords signés au niveau local après avoir assiégé une zone et avoir affamé et bombardé sa population, conduisant aussi à des déplacements forcés. Cette tactique doit cesser, a-t-il exigé en rappelant que les déplacements forcés peuvent constituer des crimes de guerre.
Il a exhorté les parties à faire en sorte que les accords locaux soient conformes au droit international humanitaire. « Nous comprenons le problème que posent ces accords locaux pour les Nations Unies et les autres agences humanitaires », a dit le représentant, en notant que les termes de l’accord ne sont pas connus et qu’il n’y a pas d’accès ni de sécurité dans ces zones. « Nous devons toutefois faire notre possible pour éviter un autre Rashidin », a-t-il lancé. Pour améliorer la sécurité des civils, il a proposé par exemple d’utiliser des appareils photos.
Le représentant suédois s’est aussi inquiété de la situation des personnes déplacées à Edleb et a demandé à ceux qui ont une influence sur les groupes armés d’Edleb, comme la Turquie, à en faire usage pour que les agences humanitaires ne soient pas empêchées de faire leur travail. Il a invité les Nations Unies à donner des informations, dans leur prochain rapport, sur la situation à Jarablus.
Exprimant son soutien aux travailleurs humanitaires, le délégué a réitéré son appel au régime syrien pour qu’il leur offre un accès sans entrave. Il a aussi soutenu l’appel lancé aux autorités syriennes pour qu’elles mettent en œuvre un processus simplifié d’approbation des demandes d’autorisation.
Enfin, il a exprimé sa grande préoccupation en ce qui concerne la situation dans la Ghouta orientale, appelant au cessez-le-feu pour pouvoir accéder aux personnes dans le besoin.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a salué le courage des acteurs humanitaires, y compris les Casques blancs. « Je demande ce que fait la Russie pour enjoindre le régime syrien à cesser ses attaques contre les hôpitaux et les écoles », a-t-il déclaré. Il a rappelé que cinq millions de Syriens vivent dans des zones assiégées, avant de dénoncer les tactiques du régime syrien pour affamer la population, comme dans la Ghouta orientale. Environ 400 000 personnes dans la Ghouta orientale manquent de vivres, a-t-il déclaré.
Il a une nouvelle fois demandé une pause dans les combats afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire. Notant que l’accès humanitaire n’avait pas été amélioré, il a exhorté le régime syrien à y remédier. Si la Russie ne peut pas faire pression sur Damas à cette fin, alors le Conseil doit agir, a-t-il poursuivi.
Enfin, estimant que le régime syrien ne pouvait échapper à ses « responsabilités implacables », M. Rycroft a exhorté le Conseil à rester uni sur le dossier syrien.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a indiqué que les membres du Conseil s’étaient habitués à répéter les mêmes propos sur la tragédie en Syrie. Il a fait le bilan des actions du Conseil ces derniers mois, rappelant qu’elles n’avaient pas permis d’aboutir à un cessez-le-feu et à des pourparlers directs. Le Conseil ne peut pas se contenter de formuler des déclarations, a-t-il dit, avant de demander une intensification des efforts afin de sortir de l’impasse en Syrie. Il s’est dit prêt à soutenir tous les efforts visant à alléger les souffrances des civils et a demandé aux parties de lever tout obstacle à l’acheminement de l’aide.
Le délégué a estimé que la crise perdurera tant que les membres du Conseil continueront d’afficher des positions divergentes. Il a ensuite appelé les parties à lutter résolument contre le terrorisme et le financement « systématique » du terrorisme. Une aide est apportée à ces groupes terroriste, « cela est fait », a-t-il insisté, en demandant la fin de cette politique de l’autruche.
Enfin, M. Aboulatta a dénoncé ceux qui sabotent les efforts de paix et cherchent à « court-circuiter » le Conseil, attisant, ce faisant, les tensions sur le terrain.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a réitéré sa condamnation de l’attentat terroriste survenu à Rachidin le 15 avril 2017. Il y a vu une raison supplémentaire d’accorder la priorité au combat contre le terrorisme et l’extrémisme violent, en particulier contre Daech et l’ex-Front el-Nosra, suivant une stratégie globale soucieuse du respect du droit international humanitaire et des résolutions du Conseil de sécurité.
Le représentant a relayé l’appel lancé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies en faveur d’une investigation des crimes dont sont victimes les enfants. Dans la même veine, il a salué les efforts menés par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), via notamment la Mission d’établissement des faits, pour faire toute la lumière sur l’attaque aux armes chimiques de Khan Cheikhoun et en traduire en justice les auteurs.
Le représentant a noté que la cessation des hostilités facilitée par la Fédération de Russie, la Turquie et la République islamique d’Iran est sérieusement remise en question, du fait des violences dans le pays. Il s’est inquiété du nombre de victimes civiles et de l’ampleur des destructions d’infrastructures publiques, et en particulier de la situation dans la Ghouta orientale.
Il a, en même temps, souligné que l’ONU et ses partenaires ont continué, dans des conditions très difficiles, de fournir un appui aux populations dans le besoin. Avec l’approbation, par les autorités syriennes, de 71,7% des requêtes présentées par les Nations Unies, il a espéré que d’autres progrès seraient réalisés.
Enfin, il a fondé l’espoir que la réunion technique du processus d’Astana tenue à Téhéran et celle prévue à Astana même au début du mois de mai 2017 contribueraient à consolider le cessez-le-feu. Il a aussi salué l’action du Groupe de travail sur l’accès humanitaire, coprésidé par les États-Unis et la Fédération de Russie.
« Que dire qui n’a pas déjà été dit au sujet du conflit syrien? » s’est demandé M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) en répondant qu’il n’y avait malheureusement « pas grand-chose à ajouter ». « Évitons les doubles discours », a-t-il poursuivi, en accusant les acteurs de la région et d’ailleurs de plaider en faveur d’une solution négociée d’un côté, tout en continuant de soutenir les parties au conflit de l’autre.
Selon lui, les processus de Genève et d’Astana doivent pouvoir permettre de relancer les efforts en faveur de la paix. Pour le représentant, les trois éléments fondamentaux d’un retour à la paix et à la stabilité en Syrie sont la transition politique, la cessation des hostilités et l’élargissement de l’accès humanitaire à toutes les zones touchées par les combats.
Selon l’Uruguay, il est « immoral » de s’en prendre aux civils, le délégué condamnant les violations répétées des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui se poursuivront tant que l’impunité prévaudra, a prévenu M. Bermúdez. S’agissant de l’attaque à l’arme chimique présumée de Khan Cheikhoun, il a souhaité que l’enquête « approfondie » de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) permette de déterminer les circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée.
Se désolant que des dizaines de milliers de personnes continuent de vivre dans des zones assiégées, le représentant a rappelé que toute évacuation doit garantir la sûreté des civils. Il faut renforcer le cessez-le-feu dans l’ensemble du territoire syrien et obtenir des autorités syriennes qu’elles minimisent les obstacles administratifs, et que soit agréée dans l’immédiat une pause humanitaire à la Ghouta, a ajouté en conclusion l’Uruguay.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a indiqué que le droit international continuait d’être bafoué en Syrie et qu’un cran avait été franchi dans l’horreur après l’attaque chimique du 4 avril. « Nous devons concentrer nos efforts pour alléger les souffrances dans les zones assiégées, comme dans la Ghouta orientale », a-t-il dit. Il a déploré que, malgré les pressions de la Fédération de Russie, le régime syrien refuse d’autoriser l’acheminement de l’aide dans la Ghouta orientale. « La Ghouta orientale ne peut devenir le prochain Alep. » Il a demandé à l’ONU de surveiller les évacuations dans les quatre localités afin qu’elles se déroulent dans le respect du droit international.
Le délégué a indiqué que l’instabilité allait bien au-delà de la Syrie, l’une des conséquences de la crise étant l’afflux de migrants et de réfugiés. Il a mentionné une opération de son pays visant à garantir une entrée sûre et légale en Italie pour les personnes ayant fui les combats, avant de souligner l’engagement pris par son gouvernement pour l’avenir de la Syrie lors de la récente Conférence de Bruxelles.
« Nous ne pouvons pas permettre que les négociations, qui se déroulent sous l’égide de l’Envoyé spécial, échouent », a-t-il dit, estimant que seul un règlement politique permettra de régler la grave crise humanitaire en Syrie.
Enfin, M. Cardi a souligné l’importance d’une reddition des comptes pour les crimes commis en Syrie et indiqué que son pays œuvrerait en ce sens au sein du Conseil.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré qu’un pas de plus avait été franchi dans l’horreur en se référant à l’attaque à l’arme chimique perpétrée à Khan Cheikhoun le 4 avril. Il a dit attendre du prochain rapport du Secrétaire Général des éclaircissements sur les conséquences humanitaires de cette tragédie. « Les informations dont la France dispose apportent la preuve de l’utilisation de gaz sarin et de la responsabilité du régime », a-t-il dit, en prévenant que celui-ci aurait à répondre de ces crimes. Il a rappelé que la Syrie s’était engagée, en 2013, à ne plus jamais utiliser d’armes chimiques et à détruire l’intégralité de ses capacités.
Déplorant que, quelques jours plus tard, la population syrienne soit directement prise pour cible à Rachidin, il a souligné que ce drame avait eu lieu dans le contexte bien particulier du déplacement croisé de populations. Il a rappelé que les évacuations de civils doivent se faire sur une base volontaire et que les déplacements forcés de populations peuvent être constitutifs de crimes de guerre.
Il a donc appelé les soutiens du régime syrien à exercer sur lui toute la pression nécessaire, afin que le régime se conforme à ses obligations internationales et autorise un accès complet, sûr, inconditionnel et sans entraves des Nations unies et de leurs partenaires humanitaires aux personnes dans le besoin, et cela sur l’ensemble du territoire syrien.
Le représentant français a aussi rappelé que l’utilisation de la faim comme arme de guerre ainsi que l’entrave aux secours sont constitutives de crimes de guerre, avant de réitérer son appel à la levée immédiate de tous les sièges. Il s’est inquiété des refus opposés par le Gouvernement aux demandes d’accès aux zones contrôlées par le régime.
Il s’est aussi grandement inquiété de la situation humanitaire dans la Ghouta orientale, notant que les lettres de facilitation pour le chargement du convoi n’ont pas encore été délivrées. « Nous demandons donc aux parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux acteurs humanitaires de procéder sans délai aux livraisons de l’aide en toute sécurité », a-t-il dit.
M. Delattre a également jugé inadmissible le refus des autorités syriennes d’autoriser des médicaments et fournitures médicales dans les convois humanitaires. Il a également condamné les attaques contre les hôpitaux et les écoles.
Enfin, il a noté que la situation n’a plus rien d’une cessation des hostilités, avec les violations méthodiques et systématiques de ses engagements par le régime syrien « alors qu’il prétend mener des actions de lutte contre Daech ».
Il a lancé un appel aux États garants du processus d’Astana, et en particulier la Russie et l’Iran, pour qu’ils imposent effectivement au régime syrien l’arrêt complet des hostilités. Il a plaidé à cet égard pour la mise en place d’un mécanisme de surveillance international efficace du cessez-le-feu, rappelant les propositions concrètes de la France à ce sujet.
De l’avis de la France, « toute relance crédible des négociations politiques suppose des pressions beaucoup plus fortes de la Russie sur le régime de Damas ainsi que, dans le prolongement des récentes frappes américaines, un vrai réengagement politique des États-Unis en Syrie, en parallèle aux efforts des Européens et des autres acteurs concernés ».
M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a plaidé lui aussi en faveur d’un accord de cessez-le-feu pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, rendant hommage aux personnels qui prêtent assistance aux populations civiles dans des conditions difficiles. Il a également demandé à la communauté internationale de se lancer dans une « action unie » contre le terrorisme. Le représentant a également préconisé d’apporter un soutien aux efforts du Groupe international de soutien pour la Syrie.
Si elle s’est félicitée du plan de réponse humanitaire de l’ONU pour la Syrie, la délégation a souhaité toutefois que les bailleurs de fonds y répondent généreusement, pour que l’ONU puisse maintenir le niveau de ses opérations sur le terrain.
Préoccupé par les attaques aveugles meurtrières perpétrées ces dernières semaines dans le pays, le Kazakhstan a enfin rappelé que la sécurité et la sûreté des civils doivent être respectées.
M. ZHANG DIANBIN (Chine) a exhorté les parties en Syrie à s’accorder sur une solution par le biais du dialogue. Il a salué les efforts consentis à Astana en vue de consolider le cessez-le-feu en Syrie, même si celui-ci est menacé dans certaines parties du territoire syrien. Il a souhaité que le prochain cycle de négociations à Astana s’appuie sur l’élan actuel en vue de consolider le cessez-le-feu, avant d’appeler les parties à le respecter.
Le délégué chinois s’est félicité de la récente Conférence de Bruxelles sur l’avenir de la Syrie et a demandé une concrétisation rapide des résultats de ladite Conférence. « Nous devons trouver une solution politique », a-t-il poursuivi, rappelant que l’ONU était la première médiatrice en Syrie.
Enfin, il a plaidé pour une intensification des efforts contre les organisations terroristes inscrites sur les listes de sanctions du Conseil.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a demandé à toutes les parties au conflit en Syrie que les opérations humanitaires prévues par le plan d’assistance humanitaire interagences pour la période d’avril-mai puissent être menées sans entraves. Il a demandé que les convois cessent d’être considérés comme des cibles militaires. Le représentant a constaté à regret qu’au mois de mars dernier, plus de 450 personnes ont perdu la vie en Syrie, en raison des attentats commis par Daech, des affrontements entre les parties, et des opérations militaires lancées pour combattre les terroristes.
La Bolivie a ensuite condamné l’attaque meurtrière commise le 15 avril dernier, lors d’une évacuation d’Alep. La délégation a par ailleurs salué les efforts considérables déployés par le Gouvernement et le peuple syriens « dans sa lutte contre » Daech.
Elle s’est félicitée des avancées obtenues dans le cadre des réunions relatives aux processus d’Astana et de Genève, qui se poursuivront en mai, et dans lesquelles la Bolivie place beaucoup d’attentes.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est dite extrêmement préoccupée par la situation humanitaire en Syrie. Elle a condamné les récentes attaques meurtrières commises par les groupes terroristes. Les civils paient le prix le plus élevé de la crise syrienne et leur protection est une nécessité vitale, a-t-elle dit, en demandant une amélioration de l’accès humanitaire.
Elle a rappelé que 13 millions de Syriens avaient besoin d’une aide humanitaire quotidienne. Seule une solution politique, sur la base du Communiqué de Genève, permettra de restaurer la stabilité dans le pays, a-t-elle dit.
La déléguée éthiopienne a également appelé à un renforcement du cessez-le-feu, garanti par la Turquie, la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie. La situation sur le terrain rend d’autant plus urgente la recherche d’une solution politique en Syrie, a conclu Mme Guadey.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a relevé que les progrès réalisés au mois de mars en termes d’accès humanitaire ne bénéficiaient que de manière limitée aux 600 000 personnes vivant dans les zones assiégées. Malgré les discussions récurrentes au Conseil de sécurité sur la nécessité de lever les sièges et de donner un accès humanitaire durable, on ne voit pratiquement aucun progrès, a-t-il noté.
Il a expliqué que le maintien des sièges était en fait une tactique délibérée du régime d’Assad et de ses alliés, une tactique qui vise à affamer la population ou à l’obliger à se rendre. Et quand la population se rend, a-t-il remarqué, on la conduit par bus à Edleb où on continue à la bombarder encore et encore.
Il a dénoncé à cette occasion les frappes aériennes syriennes ou russes du 25 avril sur les hôpitaux, dans la province d’Edleb, et les récents attentats terroristes qui ont frappé des villes assiégées. Il s’est aussi préoccupé de la situation dans la Ghouta orientale où, notamment, on a recensé 19 attaques de centres médicaux rien qu’au mois de mars.
Pour le représentant ukrainien, il est certain que le régime du Président syrien Bashar Al-Assad, après six années de guerre, n’est pas en passe de s’engager sérieusement dans des pourparlers politiques. Dans le même temps, Al-Qaida et Daech continuent à mener des campagnes de recrutement en Syrie, établissant des zones de sécurité pour les terroristes dans la région. Il a donc estimé qu’il ne fallait plus perdre de temps pour arriver à un engagement politique responsable à Genève et des efforts humanitaires immédiats.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a dénoncé les « cris d’orfraie » émis contre le régime syrien et les « appels pathétiques » lancés à son pays, à la Turquie et à la République islamique d’Iran dans le cadre du cessez-le-feu, qu’il a jugés contreproductifs. « Nous assumons nos responsabilités en Syrie », a-t-il dit, relevant que cela était loin d’être le cas pour certains acteurs du conflit.
Il a insisté sur l’importance de procéder à une dissociation rigoureuse entre l’opposition et les groupes terroristes en Syrie. Des progrès dans l’accès humanitaire sont évidents, a estimé le représentant. Il a ajouté que les paramètres d’opérations d’évacuation dans la Ghouta orientale étaient en train d’être élaborés, même si les résultats ne pourront pas être immédiats. Les déclarations à l’emporte-pièce ne favorisent pas ces efforts, a-t-il dit, ajoutant que la situation était loin d’être aussi simple que certains peuvent le laisser entendre. Le délégué a affirmé que les provocations des insurgés étaient l’une ces causes principales des entraves aux efforts humanitaires.
Il a rappelé les risques inhérents à l’envoi de convois humanitaires, « contrairement à ce que peuvent penser certains théoriciens de l’aide humanitaire », avant de souligner l’importance des trêves locales. Il a rejeté les critiques formulées contre les trêves locales, estimant que celles-ci, même si elles ne sont pas la panacée, sont un instrument de stabilisation sur le terrain.
Il s’est étonné des déclarations des délégués de la France et du Royaume-Uni sur les trêves locales, rappelant que ces trêves étaient le fruit des efforts des groupes d’opposition et du Gouvernement. Dénonçant l’approche du deux poids, deux meures dans ce domaine, il a rappelé les opérations de réinstallation de la population musulmane de Bangui dans le nord-est de la République centrafricaine. Les résultats sont connus, la population musulmane de Bangui a diminué de 80% tandis que les menaces de déstabilisation émanent du nord-est du pays, a-t-il dit.
Préoccupé par la situation dans le nord de la Syrie, le représentant a estimé que les frappes menées contre les Kurdes luttant contre les groupes terroristes contredisaient la ligne de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme. Il a déploré que les faits soient retouchés dans les rapports sur la situation humanitaire en Syrie, avant de dénoncer les provocations relatives à ce sujet, « alors que la coopération avec Damas pourrait être améliorée ».
Le délégué a insisté sur les « efforts colossaux » des autorités syriennes pour améliorer la situation, malgré les critiques formulées contre ces dernières. Le délégué a accusé certaines organisations humanitaires d’agir de manière partisane en Syrie, comme les Casques blancs qui colportent des mensonges.
Enfin, il a réitéré l’appui de son pays pour une solution politique en Syrie, avant de rappeler qu’Astana et Genève étaient deux enceintes de négociation « vivantes et complémentaires ».
Cela fait trois semaines que les images « inoubliables » des « enfants empoisonnés » de Khan Cheikhoun sont venues nous hanter, a déclaré Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis), et pourtant une « mort plus lente » est à l’œuvre en Syrie, où le Gouvernement affame les populations assiégées pour les contraindre à la reddition. Ce n’est pas une nouveauté, a-t-elle reconnu, mais cette situation « empire ». « C’est ce que veut dire Assad lorsqu’il affirme que la seule solution, c’est la victoire », a-t-elle ajouté.
Tous les itinéraires commerciaux sont bloqués, a-t-elle accusé, en s’élevant contre le pillage des fournitures médicales des convois humanitaires, destiné, selon elle, à faire s’« agenouiller » les populations assiégées devant le régime: des antibiotiques, des trousses pédiatriques, du matériel de dialyse sont saisis, a-t-elle souligné, en affirmant que ces articles étaient ensuite vendus « à prix d’or » sur des « marchés secondaires ».
Pour Mme Haley, la Fédération de Russie ne s’oppose pas à cette situation, qui a été marquée par la saisie de 36 000 traitements et médicaments, « rien qu’au mois de mars », alors que 400 000 personnes sont prises au piège dans les banlieues de Damas.
Devant une telle situation, Moscou doit tenir ses promesses et absolument encourager les pourparlers de paix. C’est le seul État Membre qui protège le régime et empêche l’aide d’être acheminée, a poursuivi la représentante, en estimant qu’il faut faire pression sur la Russie, « qui continue de laisser les dirigeants syriens utiliser des armes chimiques ».
« Ce pays peut arrêter les choses s’il le souhaite », a martelé la déléguée. « N’écoutez pas la Russie lorsqu’elle affirme que les informations présentées au Conseil de sécurité sont “erronées”, comme aujourd’hui celles du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires », a lancé Mme Haley. « Les images ne mentent pas », a-t-elle tranché.
Reprenant la parole, le délégué de la Fédération de Russie a affirmé que la Turquie, la République islamique d’Iran et son pays faisaient leur part pour faire respecter le cessez-le-feu. « Nous n’avons en revanche entendu aucun mot sur ce que font les pays occidentaux pour que la situation s’améliore en Syrie. »